[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | nivôse an II ' 167 Du côté d’Hendaye, l’ennemi semblait vou¬ loir remuer; on l’attaqua, il fut chassé avec perte de ses postes. Étant revenu en force, il a été battu de nouveau. Quant à ce qui s’est passé du côté de Perpi¬ gnan, une lettre du général Delâtre au général en chef Doppet, datée du 18 frimaire, porte « que l’affaire du 17 a été-malheureuse. L’ennemi attaqua nos avant-postes et les surprit; ils se replièrent avec désordre, abandonnant une partie de leurs effets. Les Espagnols étaient déjà maîtres de Ville-Longue, lorsque nos généraux marchèrent pour soutenir les avant-postes. » , Une lettre postérieure nous apprend que nos troupes ont été ralliées, qu’elles couvrent Col-lioure. Le général rassemble des forces pour por¬ ter un grand coup. Le général Doppet a dénoncé, aux représen¬ tants du peuple qui sont près de l’armée des Pyrénées, les généraux Delâtre et Daoust. C’est à leur négligence qu’il attribue nos revers, et demande leur suspension. Il se plaint que parmi les officiers généraux il y a beaucoup d’intri¬ gants qui, par haine et par vengeance, ne veu¬ lent pas s’entendre et refusent de s’entr’ aider. Depuis longtemps le comité avait aperçu la mauvaise composition de l’état-major de perdu une centaine d’hommes. (Applaudissements.) Il nous est tombé dans les mains un de leurs gui¬ dons. Du côté de Bayonne, nous avons eu une autre affaire le 17. L’attaque n’était pas prévue. Les géné¬ raux de Laage et d’Aoust se sont laissé surprendre; une de nos colonnes s’est mise en déroute et la Ville-Longue a été occupée par les Espagnols. L’Assemblée décrète que les généraux de Laage et d’Aoust seront mis en arrestation. Elle confirme l’arrêté du comité de Salut public qui détermine l’arrestation du général Carteaux. IV. Compte rendu du Mercure universel. . Barère annonce que nous avons eu quelques succès à Bayonne et que nous avons essuyé des revers à Perpignan. Les Espagnols ont été culbutés dans la Bidassoa, plus de cent hommes ont été pris et un de leurs guidons rouges est tombé dans nos mains. Près de Perpignan, au contraire, les Espa¬ gnols se sont présentés sur plusieurs colonnes; l’une des nôtres a été prise en flanc; l’attaque n’avait point été prévue et, malgré la présence des repré¬ sentants, ils n’ont pu arrêter la déroute. L’ennemi s’est emparé de Ville-Longue. Barère ajoute : Le comité s’est déjà occupé de ces objets. L’état-major a été changé. Nous en avons composé un pour Doppet, dans lequel il n’y a que de bons sans-culottes comme lui, que de vrais patriotes; et nous sommes parvenus à opérer cette réforme, en retirant de l’ancien état-major tous les ci-devant et les gens suspects. Nous avons pris encore un parti sur lequel nous insistons, malgré les murmures de quelques représentants, parce qu’il est d’un avantage réel et prompt : c’est celui de donner aux représentants commissaires auprès des armées, un mouvement périodique et régulier. Ils prennent naturellement, dans les lieux où ils séjournent et auprès des généraux, des habitudes qui peuvent être momentanément utiles, mais qui deviennent ensuite préjudiciables à la chose pu¬ blique. Il faut donc les faire voyager. Nous vous proposons, en conséquence, d’envoyer Soubrany et Milhaud à l’armée des Pyrénées-Occidentales; d’en retirer Fabre et Gaston, qui passeront à celle des Alpes, et de rappeler dans le sein de la Convention Gassanyès qui est aussi aux Pyrénées-Occidentales. cette armée; il avait différé de l’épurer, parce qu’elle était en mouvement; mais aujourd’hui tout l’état-major est changé. Le comité a pris aussi des mesures dont la nécessité sera aisément reconnue, malgré les murmures de quelques représentants du peuple ; c’est de ne pas les laisser trop longtemps dans une mission, de les faire voyager, et surtout de tirer le représentant du peuple de son propre pays. Voici le décret que je suis chargé de vous présenter : (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, d’après le procès-verbal.) Le décret est adopté. Suit la lettre du général Doppet visée dans le rapport de Barère. Le général en chef de l’armée des Pyrénées-Orien¬ tales aux représentants du peuple Fabre, Gas¬ ton et Gassanyès (1). « De Elne, le 18 frimaire. « Citoyens représentants, « En même temps qu’on s’occupe à réparer les malheurs, on doit en ohercher les causes pour les détruire toutes. Il est hien difficile de se pro¬ mettre des succès dans une armée oh l’intrigue, la jalousie régnent entre les officiers généraux, où l’un ne fait pas son devoir, afin de déshonorer l’autre. Quel est le sans-culotte qui a pu voir, sans en être alarmé, autant de ci-devant à la tête de cette armée? Pourquoi, dans l’intervalle du changement de général en chef, n’a-t-on rien fait pour la défense des postes, et pourquoi suis-je le premier qui aie ordonné des fossés autour de la plupart de nos batteries? C’est, sans doute, parce que l’on se fait un jeu d’exposer la chose publique pour perdre un général en chef, qu’on est si indifférent sur les moyens de défense, sur l’approvisionnement des munitions. On a regardé même comme inutile la levée topo¬ graphique du tout. J’ai été obligé, dès mon arri¬ vée, de commander les plans, et maintenant je ne les ai pas tous. Il ne me sera pas difficile, en montrant l’état de l’armée, telle que je l’ai trouvée, de prouver qu’il serait dangereux de se fier plus longtemps à ceux qui ont osé ne pas coopérer à son organisation et à mettre les postes et les batteries en état de défense. « Je vous dénonce donc le général division¬ naire Delattre pour s’être laissé surprendre dans un poste où, militairement, il n’avait rien à craindre. J’ai même des preuves qu’il a attaqué lui-même le premier. Je prouve que l’on savait dans tonte l’armée que l’ennemi devait faire une attaque générale. Pourquoi ne m’a-t-il jamais voulu envoyer le plan de son camp et de tous les postes dépendant de sa division? « D’après cela, je vous prie de peser dans votre sagesse s’il n’est pas prudent de suspendre de ses fonctions le général Delattre et le général Daoust. Ce dernier, qui a provisoirement com¬ mandé en chef, et qui est le plus ancien dans cette armée et le pins au fait des localités, a mis (1) Premier supplément au Bulletin de la Conven¬ tion du 3 nivôse an II (lundi 23 décembre 1793). ARCHIVES PARLEMENTAIRES 2 nivôse an II 22 décembre 1793 168 f Convention nationale.] iine coupable négligence dans la défense de nos lignes. Je propose ces deux suspensions d’abord, et ensuite en repassant dans votre mémoire toute l’bistoire de cette armée, peut-être trou¬ veriez-vous encore plusieurs ci-devant à rendre nuis. Je ferai tous mes efforts, dussé-je y périr, pour réparer la journée d’hier et ne pas laisser couper notre ligne de communication par terre entre Elne, Collioure ou plutôt Argelès. « Signé : Doppet. » « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut public [Barère, rapporteur (1)], décrète : Art. 1er. « Chaque comité révolutionnaire de Paris fera remettre, dans le jour, au ministre de la guerre les dons civiques qui ont été faits, et qui se trouvent en dépôt dans les diverses sections. Art. 2. « Le ministre de la guerre indiquera le dépôt général, donnera les récépissés, et fera partir sur-le-champ les souliers compris dans les dons ci¬ viques pour les armées de la République. Art. 3. « La Commission des subsistances et des appro¬ visionnements de la République exercera, dans le jour, le droit de préhension : en conséquence, elle fera rassembler tous les souliers existant actuellement dans les différents dépôts, maga¬ sins, ateliers et boutiques. Art. 4. « Elle les fera passer sur-le-champ aux armées de la République; elle nommera des commissaires pour éviter les dilapidations et faire certifier le comité de Salut public de la réception et de la distribution desdits souliers dans les armées. Art. 5. « Les Sociétés populaires et les diverses sections des communes sont invitées à diriger la généro¬ sité des citoyens vers les dons civiques de sou¬ liers (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Barère. Yous avez connaissance des nouvelles de l’ancienne et de la nouvelle Vendée. Le (1) D'après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 50. (3) Moniteur universel [n° 94 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 379, col. 3]. D’autre part, le Journal des Débals el des Décrets (nivôse an II, n» 460, p. 26) rend compte du rapport do Barère dans les termes suivants : Barère. Vous avez déjà reçu des nouvelles de l’ancienne et de la nouvelle Vendée. Le comité n’a comité a reçu quelques détails; il ne les a pas jugés assez marquants pour qu’ils vous fussent communiqués; mais il vous dira que l’armée de Charette est aux abois. Elle est éparse çà et là; l’autre, sans chefs et sans munitions, est errante et fugitive. Nos troupes sont à ses trousses, et l’anéantiront entièrement. Quoique manquant de souliers, nos soldats n’en sont pas moins ardents; mais vous ne devez pas souffrir que les défenseurs de la patrie aillent ainsi nu-pieds dans la rigueur de l’hiver. Les marches forcées qu’ils font occasionnent une grande consommation. N otre collègue Laplanche, dans une lettre où il dit que la « colonne infer¬ nale », c’est le nom que porte la colonne du Nord, a juré de ne se reposer que lorsque tous les bri¬ gands auront été exterminés, nous annonce que l’armée a un besoin extrême de souliers. Quel¬ ques mesures ont été prises pour lui en procurer. A Rennes, où le patriotisme est froid, les représentants du peuple ont requis les citoyens d’apporter leurs souliers pour chausser les défenseurs de la liberté. Cette mesure a été exécutée, et les citoyens de Rennes portent maintenant des sabots. C’est Paris qui a donné l’exemple de pareils dons civiques. Dans toutes les sections, il y a des dépôts de souliers, chemises, etc., mais il faut rassembler dans un même endroit tous ces objets : la Commission des subsistances doit enfin exercer le droit de préhension qui lui a été délégué. Voici le décret que je suis chargé de vous présenter à ce sujet. (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le procès-verbal.) Le décret est adopté. i*. On lit une lettre du citoyen Montenoise, char¬ bonnier au Val-de-Gouhenam [Val-de-Gouhe-nansI, département de la Haute-Saône, par point de détails plus intéressants à vous offrir. Il résulte de tout ce qu’il a recueilli que l’armée de Charrette est aux abois et que l’autre est fugitive. Ce qu’il y a de plus marquant dans toute la corres¬ pondance, c’est le besoin de souliers qu’éprouvent les défenseurs de la patrie. Nous recevons tous les jours de nouvelles demandes à cet égard. Le rapporteur lit deux lettres : l’une de Francastel, l’autre de Laplanche, qui insistent sur cet objet. (Voy. ci-après ces pièces aux annexes de la séance, p. 178 et 179) Celui-ci ajoute : Westermann, à la tête de sa cavalerie, poursuit vivement les brigands, qui, depuis le Mans, sont en fuite devant lui. S’il est arrêté quelques instants, j’espère le rejoindre avec la colonne infernale (c’est ainsi qu’il nomme les 10,000 hommes du Nord) et elle rendra bon compte des restes de l’armée catholique. Barère. A Rennes, le patriotisme était froid; cependant les représentants ont requis les souliers, et les habitants ont pris des sabots pour donner leurs chaussures aux défenseurs de la République. Paris ne se laissera point devancer en sacrifices pour la liberté. Je viens vous demander de décréter que les comités révolutionnaires feront parvenir aux dépôts de la guerre les dons civiques qui leur ont été faits en souliers; que le ministre les fera partir en poste pour les armées; que la commission ministé¬ rielle des subsistances exercera dans le jour, sur les magasins de souliers de la République, le droit de préhension dont l’exercice lui est délégué; et que les Sociétés populaires dirigeront le zèle des bons citoyens, vers des dons en souliers. (Décrété.)