16 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. leur de la religion a chargé ses apôtres et leurs successeurs d’aller et d’enseigner ; il leur a laissé le soin d’établir des chaires de la loi dans tel ou tel lieu, par conséquent de contribuer à établir les chaires... {On murmure...) Lorsque l’histoire de tous les temps et de tous les lieux... (Les murmures redoublent.) On veut l’exécution des décrets de l’Assemblée... Je sais très bien qu’il doit vous paraître simple que l’Assemblée ait le droit d’envoyer des pasteurs dans tel ou tel lieu; mais si elle croit qu’elle a ce droit et que ses décrets s’exécutent, pourquoi répandre la discordre dans tout le royaume?... O11 me dit, dans mon voisinage, que si la sanction du pape, passez-moi ce mot, n’est pas arrivée, c’est la faute des évêques qui s’y sontoppo-sés. Si la discussion ne tient qu’à cela, la discussion est lime; l’Assemblée n’a qu’à prier le roi d’écrire au pape. {La très grande majorité de V Assemblée s'agite et murmure.) Je sais que vous avez tous les moyens de coaction ; mais, d’un côté, si l'Eglise vous montre le texte précis, de l’autre vous serez bien aise de répondre d’une manière terrible et déconcertante. Celui qui montre une difficulté qui tient à son devoir doit indiquer aussi le moyen de la lever; si l’on adopte ce qui vous est proposé, vous mortifierez des gens de bonne foi, et c’est un supplice d’appesantir son bras sur l’homme vertueux. {Une partie de la droite applaudit). Deux moyens se présentent pour lever la difficulté; l’un, sévère et quelquefois injuste, établit et interprète ce principe. {Nouveaux murmures.) Je ne puis répéter à tout moment, et je vous prie, M. le président, de m’ubtenir du silence. Le premier concile œcuménique, celui de Nicée, vous le dit en termes précis; et quel évêque peut aller contre le concile de Nicée, dent tous les jours nous répétons le symbole? Vous prétendez que tout prêtre, tout évêque reçoit, par sa seule consécration, une mission générale sur tous les chrétiens. Le concile de Trente a défini le contraire; au delà de l’ordre, il faut la mission pour tel endroit. Et quand les évêques disent qu’il faut cette mission, ils ne disent pas que le peuple ne peut pas élire. Si les évêques disent la vérité, il faut s’humilier et se taire devant elle; s’ils se trompent, il faut ouvrir les livres saints, et montrer aux évêques qu’ils réclament une autorité que le Maître ne leur a pas donnée. Pourquoi ue pas s’entendre, lorsqu’on devrait tous être d’accord? {On murmure.) Que veut l’Assemblée? discuter une question presque métaphysique, cela n'en vaut pas la peine. {Les murmures redoublent. — Plusieurs voix : La paix I la paix!) Je veux la paix, et, si mon opinion est un moyen de discorde, je descends de la tribune. L’autre, doux, légal, honnête et religieux. Choisirez-vous le premier? J’en doute. Vous avez vu réunir des diocèses, des abbayes; depuis cent ans aucune contestation ne s’est élevée àcetégard : il n’y a pas eu d’obstacles pour les rois, et vous voulez que ces obstacles ne s’abaissent pas devant l’Assemblée nationale, et vous voulez que le pape ne soit pas effrayé par la crainte du schisme!... On me dit que je suis maladroit d’avoir nommé le pape. {La partie gauche murmure.) Je serais bien plus maladroit à sa place; car je déclare que je ferais tout ce que vous me demanderiez. Je conclus à ce que M. le président se retire par-devers le roi pour le prier de prendre les formes légales pour faire exécuter les décrets relatifs à la constitution civile du clergé. Je ne sais si ma proposition sera adoptée; mais je dé-[26 novembre 1790.) sire, si vous la rejetez, que ce refus ne vous laisse aucuns regrets. M. Camus. Je demande la parole. M. Pétlon monte à la tribune. Divers membres , à gauche, demandent le renvoi à demain. Le renvoi à la séance de demain au soir est prononcé. La séance est levée à 10 heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 NOVEMBRE 1790. Considérations sur les limites de la puissance spirituelle et de la puissance civile, par M. de Fontanges, archevêque de Toulouse , député à l’Assemblée nationale. Ce n’est point par l’autorité des siècles précédents, que j’enlreprends de fixer les limites qui doivent régir les hommes dans l’ordre delà religion. Nous vivons dans un temps, où ce qui s’est fait avant nous en impose peu a nos lumières vraies ou prétendues. C’est par la raison, et d’après les notions des droits des hommes en société, que nous voulons juger les questions du droit public, et non par les pensées et par les exemples des hommes qui nous ont précédés. Quoique éloigné de croire que cette route mène plus sûrement à la vérité, je ne crains pas d’examiner, par les seules lumières de la raison, l’influence que doit avoir le pouvoir legislatif sur la religion. Toute nation, réunie en société, doit avoir une religion; c’est le bien nécessaire de toute association politique. Il est, en effet, de toute évidence que les lois et la morale, sans lesquelles nulle société ne peut exister, trouvent dans la religion un appui et une force que rien ne peut suppléer; et qui s’unit parfaitement à tous les motifs qui attachent les hommes à l’observation de leurs devoirs. La religion, sous le point de vue de son utilité, ne peut donc échapper à l’intérêt du Corps législatif. Cette vérité est encore plus certaine, s’il s’agit de donner des lois à une nation, qui a déjà une religion qu’elle croit bonne, sainte, et la seule qui lui soit permis de suivre. Le législateur serait insensé s’il entreprenait de la changer dans des points importants, et au moins imprudent, si sa conduite, ou ses lois, prouvaient son indifférence pour elle. L’opinion des peuples, en matière de religion, mérite toujours le respect de ceux qu’ils chargent de leur donner des lois, ou de réformer celle qui les ont régis. La nation française suit et professe Ja religion catholique depuis quatoi ze siècles. Quelque effort qu’on ait fait, dans les derniers temps, pour affaiblir son attachement pour elle, et même pour la rendre indifférente à toute religion, c’est une vérité de fait, que la très grande partie des individus qui la composent, a, sinon le même zèle et la même piété que nos pères, du moins une égale opposition à tout changement en matière de religion, et un respect, non moins grand pour