[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 mai 1790]. 523 Un membre du comité de vérification rend compte à l’Assemblée des difficultés qui se sont élevées relativement à M. de Gouy d’Arsy, et de la réclamation respective de deux des suppléants de la députation de Saint-Domingue, qui prétendent mutuellement remplacer un des députés de cette colonie qui a donné sa démission ; il propose le décret suivant : «L’Assemblée nationale, d’après le rapport de son comité de vérification, a décrété et décrète queM. de Gouy d’Arsy restera membre de l’Assemblée, comme député par la province de l’ouest de Saint-Domingue, et que M. de Villeblanche sera reçu au lieu et place de M. de Thébaudière, député par celle du nord, qui a donné sa démission. » (Ce projet est mis aux voix et adopté par l’Assemblée dans les termes ci-dessus.) M. le duc d’Afguillon. Dans un moment où le bruit court que le parlement de Paris proteste contre vos décrets, ce que je ne crois pas, il est bon que vous connaissiez les sentiments d’une partie du parlement, la basoche, et je demande qu’elle soit admise à la barre. M. le vicomte de Mirabeau. J’appuie la motion du préopinant avec d’autant plus de sécurité, qu’un pair de France doit savoir comment est composé le parlement. M. le duc d’Aiguillon. C’est parce que j’ai été pair de France que je sais que la basoche était la meilleure troupe auxiliaire du parlement de Paris. M. le vicomte de Mirabeau veut reprendre la parole, mais l’Assemblée décide que la basoche sera admise sans qu’il soit permis de discuter plus longtemps. La basoche, admise, proteste de son parfait dévouement pour les décrets de l’Assemblée na-nionale, et jure d’être fidèle à la Constitution. M. le Président répond à la députation de la basoche : « Messieurs, l’Assemblée nationale n’a jamais douté des sentiments de jeunes citoyens dévoués à l’étude des lois. C’est dans la jeunesse que le patriotisme a toute son énergie et c’estàceux qui, par leur âge, doivent avoir l’espérance de retirer tous les avantages de la Constitution nouvelle, à l’aimer et à la soutenir; enfin c’est à ceux qui, par l’étude qu’ils font des lois, connaissent le respect qui leur est dû, à en donner l’exemple. » L’Assemblée nationale voit en vous des hommes sur lesquels l’Etat fonde ses espérances; elle se plait à y trouver une milice citoyenne, prête à soutenir la liberté publique. » L’Assemblée vous autorise à assister à la séance. » La députation du Châtelet de Paris, ajournée à ce soir , dans une précédente séance, est admise à la barre. M. Talon, lieutenant civil , portant la parole, prononce le discours suivant: «Messieurs, vous nous avez institués juges des délits les plus opposés à l’ordre public et les plus contraires à la liberté naissante ; des fonctions aussi importantes ne pouvaient être exercées dans des circonstances plus difficiles « Placés tout à coup au milieu de tant d’intérêts opposés, de tant de passions contraires mutuellement irritées, exposés au choc de toutes les haines, livrés aux attaques de tous les partis, il ne nous était pas permis de calculer les périls du poste auquel vous nous avez appelés, nous n’en avons étudié que les devoirs. » Dans ce moment de crise où tous les ressorts de l’organisation sociale se trouvent suspendus pour recevoir une combinaison nouvelle, les ministres de la loi sont sûrs de ne point s’égarer en prenant pour guides ces principes inaltérables de raison et de justice qui survivent à tous les troubles et dont les autres lois ne peuvent jamais être que des conséquences. » Nous nous croirions bien peu dignes du redoutable dépôt que vous nous avez confié, si nous avions pu songer à nous en servir pour semer des alarmes parmi ceux qui ont contribué au succès d’une révolution à laquelle tous les Français, à la voix de leur monarque, viennent de se lier par un serment solennel et à laquelle est désormais attachée la prospérité de cet empire ; » Mais parmi tant de généreux citoyens armés pour la liberté et qui ont réuni tous les efforts de leur courage pour en défendre les droits; parmi ceux qui, dirigés par des motifs purs, se sont livrés à toute l’énergie de leur patriotisme ; parmi ceux enfin dont les erreurs mêmes produites par l’excès d’un sentiment respectable, ont dû par cela même nous paraître hors des atteintes de la loi: il nous faut chercher à démêler ceux qui, calculant froidement les effets de l’alarme universelle, auraient pu fonder de coupables espérances sur les malheurs de leur patrie et dont l’ambition la plus effrénée ou la plus basse cupidité auraient seules dirigé les séditieuses manoeuvres. « Tel a été l’objet de nos recherches lorsque les forfaits qui ont souillé le château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre, nous ont été dénoncés par la commune de Paris, ainsi que les auteurs, fauteurs et complices de ces atten tats, et tous ceux qui, par des promesses et dons d'argent ou par d’autres manœuvres , les ont excités ou provoques; dénonciation qui a servi de base à la seule et unique plainte rendue par le procureur du roi. « L’instruction la plus étendue, un travail aussi persévérant qu’actif, nous ont enfin conduits sur la trace des coupables et à la découverte des corruptions pécuniaires dont les sources sont d’autant plus importantes à rechercher, que les détours ténébreux qu’on a pris pour les faire arriver aux vils instruments de ces coupables manœuvres sembleraient indiquer qu’une partie provient des mains étrangères et que ces secrets versements continuent peut-être encore à fomenter l’agitation dans quelques parties du royaume. « Nous redoublerons de zèle pour compléter une instruction aussi importante et livrer les auteurs de pareils attentats à la juste vengeance des lois. « Nous ne croyons pasque notre conduite exige une justification, et ce n’est pas ce motif qui nous amène auprès de vous. « Nous remplirons avec courage le devoir sacré qui nous est imposé, et aucune considération, aucune acception de personne, ne pourront nous détourner des fonctions rigoureuses dont vous nous avez chargés. « Galomniés publiquement en nous acquittant de nos devoirs, nous n’avons jamais opposé que le silence le plus absolu à des imputations odieuses fondées sur les plus absurdes suppositions ; et nous avons mis ces outrages au nombre de tant d’efforts impuissants qu’emploient journellement 524 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 mai 1790.] des ennemis de l’ordre public pour égarer le peuple et le soulever contre les pouvoirs les plus légitimes. « Impatients de vous faire connaître, Messieurs, les sentiments qui nous animent, nous venons vous apporter l’arrêté pris par notre compagnie sur le plus important de tous les procès dont la connaissance nous est spécialement attribuée. » « Arrêté de la compagnie du Châtelet. « La compagnie assemblée : ouï sur ce le procureur du roi ; considérant que le procureur-syndic de lacommune, d’après l’arrêté du comité des recherches de la municipalité de Paris, a dénoncé le 30 novembre dernier, « les forfaits qui ont souillé le château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre dernier, ainsi que lesauteurs, fauteurs et complices de ces attentats, et tous ceux qui, par des promesses ou dons d’argent, ou par d’autres manœuvres, les ont excités et provoqués » ; que cette dénonciation a servi de base à la seule et unique plainte rendue par le procureur du roi le premier décembre suivant ; que depuis cette plainte, l’instruction commencée le 11 du même mois, a été suivie sans interruption jusqu’à ce moment; que si l’intérêt public exige la fin d’un procès aussi important, et dont les détails sont attendus avec la plus juste impatience ; que si la gravité du délit exige de sa part toute la sévérité de son ministère, qu’aucune considération ne peut ni ne doit arrêter; il est néanmoins de sou devoir, avant de décréter l’information, de ne négliger aucun des moyens que la loi lui commande, pour compléter une instruction dont le but est de venger tout à la fois l’honneur de la nation, celui des citoyens de la capitale, de la garde nationale, et d’assurer la tranquillité de notre auguste monarque : « A arrêté qu’il sera fait une députation à l’Assemblée nationale, à l’effet de la supplier d’autoriser son comité des recherchesà communiquer au procureur du roi les renseignements qu’il peut avoir relativement à cette affaire ; que Je procureur du roi sera chargé de se pourvoir vis-à-vis du comité des recherches de l’Hôte i-de— Ville de Paris, pour se faire remettre les différents renseignements qu’il peut avoir sur un crime dont, lors de la dénonciation par lui faite, « il a annoncé avoir d« jà recherché les auteurs par tous les moyens qui sont en son pouvoir-, » comme aussi les différentes pièces qu’il résulte de l'instruction commencée, être en ses mains. « Fait au Châtelet de Paris, la compagnie assemblée, le 14 mai 1790. « Signé : Talon et Morel, greffiers. » (Après cet exposé, la députation du Châtelet se retire.) M. de Cazalès. Je ne crois pas qu’il soit de l’honneur de l’Assemblée nationale de discuter une pareille question, et je pense que la proposition doit être acceptée sans aucune délibération. L’Assemblée porte le décret suivant à l’unanimité : « L’Assemblée nationale décrète que son comité des recherches est autorisé à communiquer au procureur du roi du Châtelet les renseignements qu’il peut s’être procurés sur l’affaire de Versailles du 6 octobre dernier, dénoncée à cet officier par le comité des recherches de l’Hôtel-de-Yille de Paris. » M. le Président, après avoir fait rentrer la députation du Châtelet, lui donne connaissance du décret qui vient d’être rendu et autorise ses membres à assister à la séance. M. de Pneh de Montbreton, député de Libourne , demande la permission de s'absenter pendant deux mois pour affaires très importantes. Cette permission lui est accotdée. M. le Président. Je dois donner connaissance à l’Assemblée d’une lettre qui m’a été adressée : Elle est des sieurs Bontems, Mallet et Compagnie, banquiers, qui se plaignent qu’on ait arrêté à à Châtiilon 1010 livres trois quarts de piastres qu’ils adressaient par la diligence à leur maison de Genève. Ils demandent la restitution de ces piastres. ' Après une courte discussion cette affaire est renvoyée au comité des recherches qui en fera le rapport mardi prochain. L’Assemblée passe à la suite de son ordre du jour qui est le plan d'organisation de la municipalité de Paris. M. Démeunier, rapporteur, donne lecture des articles 1 et 2 du titre IV du projet de décret présenté par le comité de Constitution. TITRE IV. Des comités des sections. Art. 1er. « Lorsque la majorité des sections demandera la convocation de la totalité de la commune dans ses diverses sections, le corps municipal sera tenu de la convoquer; mais en ce cas, un membre du corps municipal, ou un des notables, assistera à l’Assemblée de chacune des sections. » Art. 2. « La signature de cent citoyens actifs sera nécessaire pour exprimer le vœu d’une section touchant la convocation dont on vient de parler. » M. Rewbell. Ces deux articles ne peuvent être admis dans le fond ni dans la forme. En effet, Userait possible, d’après le texte du comité que 1,600 citoyens, moins 16, demandassent dans 16 sections la convocation sans l’obtenir; si l’on joignait dans chacune des autres sections, 50, 60, 80 citoyens ayant le même vœu, il arriverait que dans Paris vingt ou vingt-cinq mille citoyens ne pourraient obtenir ce qui est accordé ailleurs à cent cinquante citoyens actifs. M. Camus propose une nouvelle rédaction de l’article 1er en réduisant à douze le nombre des sections. M. Duport présente un amendement pour réduire le chiffre à huit sections. Plusieurs membres demandent la priorité pour la rédaction de M. Camus. La priorité est accordée et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée des quarante-huit sections devra être convoquée par le corps municipal, lorsque le vœu de nuit sections, résultant de la majorité des voix recueillies dans une assemblée de chaque section, composée de cent citoyens actifs, au