249 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1790.] M. le duc de La Rochefoucauld. La société est obligée de procurer aux propriétaires les moyens de défendre leurs propriétés sans nuire à autrui. Tel est l’esprit de vos décrets, telle en sera toujours la base : vous ne vous en écarterez point en autorisant les propriétaires à proposer à la municipalité trois sujets parmi lesquels un seul serait choisi; il serait payé aux frais du propriétaire. Le garde particulier ne pourrait nuire à autrui, parce que la municipalité aurait toujours le droit de destituer ce garde institué par elle. M. Gourdan. Ou l’individu sera considéré comme fonctionnaire public, ce qui est impossible, ou il pourra déposer pour celui par lequel il sera salarié, ce qui est immoral. Je propose pour amendement que le propriétaire d’un grand terrain pourra demander à la municipalité le nombre de gardes dont il aura besoin, et il déposera la somme nécessaire pour le payement de ces gardes . M. JHaot de Gonconrt. Je suis propriétaire dans une commune où tout le territoire est possédé par une autre personne et par moi. La commune, qui n’a rien, nous gardera-t-elle ? M. de Foucault. Je demande que l’Assemblée autorise les municipalités à nommer des gardes au lieu de les obliger. M. le duc de Levis. Je crois que les propriétaires doivent se réunir pour nommer un garde général dont les honoraires seront payés au marc la livre de la taille; ce garde sera assermenté et sera cru sur son rapport, sans avoir besoin de témoins pour tout ce qui concerne la surveillance des bois. M. Grangier. Il faut ajouter à l’article que lorsque les rapports des gardes seront argués de faux, les contestations seront portées aux juges ordinaires. M. Relley-d’Agier. Je demande qu’il soit fait défense de se servir de chiens courants pour chasser dans les forêts pendant le temps où la chasse est prohibée sur les terres ensemencées. Un membre propose de permettre à toute personne de tuer des bêtes fauves à l’affût. M. Males. La chasse à l’affût est la chasse au voleur. Je demande la question préalable. (La question préalable est adoptée.) M. Refermai». Plus la discussion se prolonge et plus nous nous écartons de notre objet. tNous voulons en ce moment protéger la récolte prochaine : il faut se borner à adopter la première partie de la dernière rédaction; je demande donc la division de cet article. M. Goupil de Préfeln. J’adopte la division; mais je propose en amendement : « sans préjudice dé la garde des bois et forêts, laquelle continuera, comme ci-devant, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. » La division est décrétée. La première partie est d’abord mise aux voix et adoptée; l’amendement de M. Goupil de Préfeln est ensuite pareillement adopté et l’article 9 décrété ainsi qu’il suit ; « Art. 9. A cet effet, le conseil de chaque commune est autorisé à établir un ou plusieurs gardes messiers, bangards ou gardes champêtres, qui seront reçus et assermentés par la municipalité, sans préjudice de la garde des bois, qui continuera d’être faite, comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. » Les articles 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 sont adoptés après de légers débats. M. Eaborde-E scur et demande qu’il ne soit rien innové aux anciens usages et règlements dans le pays des Basques. L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer. M. Merlin donne lecture de l’article 10 du projet de décret primitif : Les règlements sur la pèche continueront provisoirement à être exécutés, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné : en conséquence, il est défendu à toute personne de pêcher sans droit; et quant à ceux qui ont droit de pêche, de se servir de filets et engins prohibés, le tout sous les peines portées par lesdits règlements. » Plusieurs membres demandent l’ajournement de cet article. L’ajournement est prononcé. M. Merlin , rapporteur , donne lecture du préambule qu’il propose de mettre en tête du décret concernant la chasse : il est adopté et le décret suivant est rendu. DÉCRET CONCERNANT LÀ CHASSE. « L’Assemblée nationale, considérant que, par ses décrets des 4, 6, 7, & et 11 août 1789, elle a aboli le droit exclusif de la chasse, et rendu à tout propriétaire le droit de détruire ou faire détruire, sur ses possessions seulement, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police, qui pourraient être faites relativement à la sûreté publique; mais que, par un abus répréhensible de cette disposition, ia chasse est devenue une source de désordres qui, s’ils se prolongeaient davantage, pourraient devenir funestes aux récoltes dont il est instant d’assurer la conservation ; en attendant que l’ordre de ses travaux lui permette de plus grands développements sur cette matière a décrété et décrète ce qui suit : An. 1er. — Il est défendu à toute personne de chasser en quelque temps, et de quelque manière que ce soit, sur le terrain d’autrui, sans son consentement, à peine de 20 livres d’amende envers la commune du lieu, et d’une indemnité de 10 livres envers le propriétaire des fruits, sans préjudice de plus grands dommages-intérêts s’il y échoit. Défenses sont pareillement faites, sous ladite peine de 10 livres d’amende, aux propriétaires ou possesseurs, de chasser dans leurs terres non closes, même en jachères, à compter du jour delà publication du présent décret jusqu’au 10 septembre, pour les terres qui seront alors dépouillées, et pour les autres terres jusqu’après la dépouille entière des fruits; sauf à chaque département à fixer pour l'avenir les temps dans lesquels la chasse sera libre dans son arrondissement, aux propriétaires, ou possesseurs, sur les terres non closes. Art. 2. — L’amende et l’indemnité ci-dessus §30 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1790.] statuées contre celui qui âüra chassé sur le terrain d'autrui* seront portées respectivement a 30 livres* et à 15 livres quand le terrain sera clos de murs ou de haies* et à 40 livres et 20 livres dans le cas où le terrain clos tiendrait immédiatement à üne habitation, sans entendre, par l’Assemblée nationale, rien innover aux dispositions des autres lois qui protègent la sûreté des citoyens et de leurs propriétés, et qui défendent de violer la clôture des lieux qui ferment leur domicile et qui y sont attachés. Art. 3. Chacune de ces différentes peines sera doublée en cas de récidive; elle sera triplée s’il survient une troisième contravention, et la même progression sera suivie pour les contraventions ultérieures* le tout dans le courant de la même année seulement. Art. 4. Le contrevenant qui, huitaine après la signification du jugement, n’aura pas satisfait à l’amende prononcée contre lui, sera contraint par Corps et détenu en prison pendant 24 heures pour la première fois* pendant 8 jours pour la seconde, et pendant trois mois pour la troisième ou ultérieure contravention. Art. 5. Dans tous les cas, les armes avec lesquelles la contravention aura été commise, seront confisquées, sans néanmoins que les gardes puissent désarmer les chasseurs. Art. 6. Les pères et mères répondront des délits de leurs enfants mineurs de 20 ans, non mariés* et domiciliés avec eux, sans pouvoir néanmoins être contraints par corps, Art. 7. Si les délinquants sont déguisés ou masqués, ou s’ils n’ont aucun domicile conuu dans le royaume, ils serontarrêtés sur-le-champ, à la réquisition de la municipalité. Art. 8. Les peines et contraintes ci-dessus seront prononcées sommairement et à l’audience par la municipalité du lieu du délit, d’après le rapport des gardes messiers, ba.ngards et gardes champêtres, sauf l’appel, ainsi qu’il a été réglé par le décret de l’Assemblée nationale du 23 mars dernier ; elles ne pourront l’être que* soit sur la plainte du propriétaire ou autre partie intéressée, soit même dans ie cas où l’on aurait chassé en temps prohibé, sur la seule poursuite du procureur de là commune; Art. & A cet effet, le conseil général de chaque commune est autorisé à établir un ou plusieurs gardes messiers, bangards et gardes champèires, qui seront reçus et assermentés par la municipalité* sans préjudice de la garde des bois, qui continuera d’être faite comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. Art, 10. Lesdits rapports seront ou dressés par écrit, ou faits de vive voix au greffe de la municipalité* ou il en sera tenu registre ; dans l’un et l’autre cas, ils seront affirmés entre les mains d’un officier municipal, dans les vingt-quatre heures du délit qui en sera l’objet, et ils feront foi de leur contenu, sauf la preuve contraire, qui pourra être.admise sans l’inscription de faux. Art. lUi pourra être suppléé auxdits rapports par la déposition de deux témoins. Art. 12. Toute action pour délit de chasse sera prescrite par le laps d’un mois, à compter du jour où le délit aura été commis, Art. 13. Il est libre à tout propriétaire ou possesseur, de chasser et faire chasser en tout temps, et nonobstant l’article 1er du présent décret, dans les lacs et étangs, et dans celles de ses possessions qui sont séparées par des murs ou des haies vives, d’avec les héritages d’autrui. ÂyU 14, Pourra également tout propriétaire ou possesseur, autre que le simple usager, dans les temps prohibés par ledit article 1er, chasser ou faire chasser, sans chiens courants, dans les bois et forêts. Art. 15. Il est pareillement libre, entouttemps, au propriétaire ou possesseur, et même au fermier, de détruire le gibier dans ses récoltes non closes, en se servant de filets ou autres engins qui ne puissent pas nüire aux fruits de la terre, comme aussi de repousser avec des armes à feu les bêtes fauves qui se répandraient dans sesdites récoltes. Art. 16. Il sera pourvu, par une loi particulière, à la conservation des plaisirs du roi; et par provision, en attendant que SaMajesté ait fait connaître les cantons qu’elle veut se réserver exclusivement pour sa chasse, défenses sont faites à toutes personnes de chasser ou de détruire aucune espèce de gibier dans les forêts appartenant ad roi, et dans les parcs attenant aux maisons royales de Versailles, Marly, Rambouillet, Saint-Cloud, Saint-Germain, Fontainebleau, Compïègne, Meudon, Bois de Boulogne, Vincennes et Ville-iieuve-le-Roi. M . le vicomte de Panat demande à s’absenter pour raison de santé. L’Assemblée ie lui permet. M. le président lève la séance à 4 heures, ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LË MARQUIS DE RONNÀY. Séance du jeudi 22 avril 1790, au soir (1). M. La Ponle, secrétaire, ouvre la séance par la lecture de diverses adresses : 1° Adresse de la garde nationale de la ville d’Arras, qui a solennement prêté le serment civique : « Le calme et la sécurité, dit-elle, vont régner parmi nous ; ni les portions égarées du peuple, ni ceux qui Je calomnient, ne confondront plus la liberté avec la licence : tous mettront également leur bonheur dans leur soumission èt leur dévouement aux lois. Ce concours hâtera et garantira notre félicité et votre gloire ». 2° Adresse du même genre de la garde nationale de la ville de Quintin. Elle supplie instamment l’Assemblée de s’occuper de l’organisation des gardes nationales. 3° Adresse du même genre du comité militaire de la ville de Flavigny en Bourgogne. Il annonce que d’après son invitation cette ville fait don patriotique d’un contrat de 2,000 livres et de la moitié du produit de la contribution des ci-de-vaDt privilégiés. A l’égard de l’autre moitié, elle demande qu’elle soit destinée au soulagement des pauvres. Adresses de félicitation, adhésion et dévouement des nouvelles municipalités des communautés de Fleix, près Sainte-Foy sür Dordogne, de Castelneau, de Durban, pays de Foix ; d’Echenans sous Mont-Vandois, de Villematier, de Gras en Bresse, de la ville de Digne; De la communauté de la Serpente, en Languedoc; elle annonce que sa contribution patriotique s’élève à 452 livres ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.