276 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [25 juillet 1789.] nier, Anquetil, N. Arnoys, Guillaume Vasse, Bourdon fils, Etienne Yasse, Bigot, Riolle l’oncle, Ango, Auclair, Auguste de Touen, Houard, président ; Yasse, secrétaire. M. le Président. L’Assemblée nationale voit avec plaisir le zèle des différentes villes. Elle voit avec satisfaction les respects, les félicitations et les remerciements de la ville de Dieppe. l�es députés de la juridiction consulaire de Paris ont demandé à être introduits : étant entrés, l’un deux a dit : Nosseigneurs, la juridiction consulaire de Paris, en se présentant devant cette auguste Assemblée, a pour but de vous offrir les senti-timents dont elle est pénétrée : ce sont ceux de l’admiration, du respect et de la reconnaissance. Puissent, Nosseigneurs, nos félicitations, nos hommages et nos actions de grâces vous être agréables 1 Le commerce, cette branche si importante d’où dépend la prospérité d’un Etat, et dont nous sommes les représentants par nos fonctions, le commerce attend tout de la haute sagesse, de la prudence consommée, du courage magnanime, du dévouement patriotique qui jusqu’à présent ont dirigé vos travaux et vos délibérations. Le seul vœu que nous ayons à former pour le bonheur de la nation, c’est, Nosseigneurs, qu’elle puisse toujours avoir des représentants aussi respectables et qui méritent autant sa confiance. M. le Président répond : L’Assemblée nationale, dont le devoir est de veiller sur tous les intérêts de ce vaste empire, prendra en considération la prospérité et l’extension du commerce français. Elle s’appliquera particulièrement à prévenir, par tous les moyens que sa sagesse saura lui indiquer, les faillites, qui, depuis quelque temps, ont inquiété le commerce, et pourraient compromettre la réputation déloyauté quia toujours si essentiellement et si avantageusement distingué la nation française. L’Assemblée nationale agrée l’hommage de votre respect, et elle me charge, Messieurs, de vous assurer qu’elle en est satisfaite. M. le Président fait faire lecture d’une lettre écrite à l’Assemblée par la municipalité de Vesoui, en date du 22 juillet. Elle est ainsi conçue: « Nosseigneurs, la ville de Vesoui ne veut point affliger l’Assemblée nationale par le récit de tous les désordres portés à l’excès dans son bailliage ; les châteaux brûlés, démolis, pillés au moins ; toutes les archives enfoncées, les registres et les terriers enlevés, les dépôts violés, les plus horribles menaces et des violences extrêmes. « La ville de Vesoui se borne à conjurer l’Assemblée nationale de rendre un décret qui puisse ramener la tranquillité publique parmi les ; gens de la campagne, qui semblent douter de la vérité des derniers imprimés qui ont été envoyés aux commandants des provinces. « Un arreté de l’Assemblée nationale calmera la partie saine du peuple et des campagnes ; mais, comme il s’est formé en même temps des bandes de gens sans aveu, il serait essentiel encore que l’Assemblée nationale, par le même arrêté, auto-risât d’employer la force pour les contenir. « Telle est la demande respectueuse et pressante de la ville de Vesoui, représentée par les membres du comité qu’elle a nommé pour pourvoir à la sûreté publique. « Signé le comte de Schombert de Saladin; Jacques de Fleury, maire. » M. Pinelle, député de Colmar. Je demande la parole pour faire part à l’Assemblée d’une adresse contenant le récit d’un événement affreux qui est arrivé au château de Quincey. — Je voudrais pouvoir dérober à vos yeux le tableau effrayant de la catastrophe sanglante arrivée au château de Quincey; je frisonne d’horreur: j’ai à vous parler d’un forfait enfanté par la noirceur même ; mais, pour vous instruire des détails, je crois devoir vous lire le procès-verbal de la maréchaussée du lieu. « Nous, brigadier de maréchaussée, etc., certifions, etc., que nous nous sommes transporté à Quincey; que nous avons trouvé auprès d’un homme mourant, M. le curé, qui nous a dit que M. de Mesmay, seigneur de Quincey, avait fait annoncer à Vesoui et aux troupes qui: y sont en garnison, qu’à l’occasion de l’événement heureux auquel toute la nation prenait part, il traiterait tous ceux qui voudraient se rendre à son château, et leur donnerait une fête; mais que M. de Mesmay s’élait retiré, et avait dit que sa présence pourrait diminuer la gaieté delà fête; et avait prétexté pour ce, qu’il était protestant, noble et parlementaire: l’invitation de M. le parlementaire avait attiré une foule de personnes, tant citoyens que soldats, qu’on avait conduits à quelque distance du château; que pendant qu’on se livrait à la joie et à la gaieté, on avait mis le feu à une mèche qui allait aboutir à une mine creusée'dans l’endroit où le peuple était à se divertir ; qu’au bruit de l’explosion ils s’étaient transportés au château, qu’ils avaient ,vu des hommes flottant dans leur sang, des cadavres épars, et des membres palpitants. » Le procès-verbal est signé par le brigadier et légalisé par le lieutenant général. Cette barbarie, exercée contre le droit des gens, ourdie par l’hypocrisie et la noirceur la plus abominable, a mis tout le pays en combustion. On s’est armé de toutes pièces, on s’est jeté sur les châteaux voisins ; le peuple, qui ne connaît pas de frein lorqu’il croit qu’on mérite sa fureur, s’est orté et se porte encore aux derniers excès, a rûlé, saccagé les chartriers de seigneurs, les a contraints de renoncer à leur droits, a détruit et démoli différents châteaux, incendié une abbaye de l’ordre de Citeaux. Madame la baronne d’An-dlau n’a du son salut qu’à une espèce de miracle. Le corps municipal, présidé par M. le marquis de Joubert, a pris toutes les mesures que pouvait dicter la sagesse pour arrêter les suites funestes d’une telle fermentation. Mais les moyens sont insuffisants dans une province comme la nôtre, où chaque village peut fournir huit à dix hommes au moins qui ont servi, et qui savent conséquemment manier les armes. Je prie donc l’Assemblée de prendre en considération la triste situation où se trouve le pays dont j’ai l’honneur d’être représentant, et d’aviser aux moyens les plus prompts pour apporter remède au mal. Je crois qu’il serait bon et avantageux, pour la sécurité et la tranquillité publique : 1° D’établir une garde bourgeoise ; 2e D’établir un comité permanent, aux fins d’a- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juillet 1789.] 277 viser aux moyens les plus efficaces d’arrêter ce désordre!; 3° Pour apaiser les esprits et faire tout rentrer dans l’ordre, il faut que l’Assemblée nationale fasse une déclaration qui sera rendue publique par la voie de l’impression, et qui sera lue au prône dans toutes les paroisses du bailliage, par laquelle déclaration l’Assemblée assure au peuple que la punition sera proportionnée au crime, et que la tête du coupable n’échappera pas à la vindicte publique. Il conclut par dire qu’il faut ajouter un amendement relatif aux maux actuels. Cette adresse et cette motion ont excité dans l’âme de tous les auditeurs des sentiments d’excé-cration contre l’auteur d’un pareil forfait. On prie M. Pinelle de rédiger sa motion, qui est ajournée. Plusieurs motions sont faites pour demander la punition des coupables. M. le comte «le Sérent fait la motion que M.leprésident soit chargé de se retirer vers le Roi, pour obtenir un ordre de Sa Majesté qui enjoigne à tous les ministres résidant auprès des cours étrangères de faire la recherche du coupable, d’obtenir qu’il soit arrêté, et que le juge royal du lieu où le crime a été commis soit autorisé à informer contre le criminel, quel qu’il soit, à le décréter et juger définitivement. M. de Baumeta observe que le premier président du parlement de Besançon lui a assuré que les poursuites sont commencées, et que cette cour, non moins indignée que les autres citoyens, a déjà envoyé des commissaires. M. Garai l’aîné. Il faut que la poursuite du jugement des coupables soit surveillée par l’Assemblée nationale, puisque le crime lui a été dénoncé. Le parlement de Besançon a déjà fait des diligences; ne lui faisons pas l’injure de penser qu’il ne s’empressera pas de le punir. Le coupable qui vous est désigné sera jugé par son corps; le premier privilège national est d’être jugé par ses pairs. Un député de Franche-Comté représente la nécessité' de saisir le premier juge de la connaissance de cette affaire. Le peuple demande la vengeance des lois ; il faut donc des juges qui aient sa confiance. Mais, ajoute-t-il, la conduite du parlement de Besançon, lors de la convocation des ordres pour la députation aux Etats généraux, a excité dans la province un mécontentement général, et ce mécontentement est en partie cause des troubles qui déchirent cette province. M. Barnave et plusieurs autres membres font des observations sur l’abus jdes justices souveraines. 11 y a des lois générales, disent-ils, qui permettent-aux juges naturels d’informer et de décréter; il faut suivre ces lois, et laisser un libre cours à l’ordre naturel des juridictions. Quelques députés observent que s’il est vrai, comme tout semble l’annoncer, que le coupable est un membre du parlement de Besançon, Je juge royal n’osera faire aucune poursuite qui tendrait à le compromettre vis-à-vis de cette cour. M. Tronche!. Nous devons procurer une justice prompte, une justice qui, par ses formes, puisse assurer la tranquillité publique et mériter la confiance de la province. Sans vouloir faire injure à aucun tribunal, il me semble que tous n’ont pas la confiance publique. Le juge royal a bien, suivant les règles générales, le droit d’informer et de décréter; mais il existe dans quelques parlements des usages ou des règlements qui gênent les fonctions des juges inférieurs dans certaines matières. Dans ces circonstances, l’Assemblée peut demander au Roi des lettres-patentes qui autorisent les premiers juges à prononcer définitivement, nonobstant tous usages, règlements et privilèges qui pourraient exister dans la province, sauf l’appel à telle autre cour du royaume qu’il plaira au Roi d’indiquer. M. le comte de Sérent. 11 n’est pas de la dignité de l’Assemblée d’entrer dans le détail des formes judiciaires. Elle doit demander qu’on poursuive les coupables ; mais le pouvoir exécutif doit seul régler les formes suivant lesquelles la poursuite sera faite. M. l’abbé de Montesquiou et plusieurs autres membres disent que les arrêts de règlement ne sont pas des lois ; que, dans le moment où elles vont reprendre tout leur empire, elles ne peuvent pas plier devant de simples arrêts de règlement, qui ne peuvent pas soustraire les membres des cours souveraines à l’ordre public et à l’exécution des ordonnances du royaume. De toutes parts on demande à aller aux voix. M. de Sérent rappelle sa motion ; on y fait quelques changements. Elle est mise aux voix et adoptée à une grande majorité. Elle est rédigée ainsi qu’il suit: « Lecture faite d’une lettre de la ville de Ve-soul, en date du 22 juillet, adressée à l’Assemblée nationale, et d’un procès-verbal dressé le 20 du même mois, par un brigadier et des cavaliers de maréchaussée, à la résidence de Yesoul, dont l’expédition a été remise sur le bureau : l’Assemblée nationale, délibérant sur les deux pièces, après avoir entendu le récit de l’évdhement arrivé le 19 du même mois au château de Quincey, près de Yesoul, a arrêté que le président se retirera par devers le Roi, pour lui témoigner l’horreur et l’indignation dont tous les membres de l’Assemblée ont été saisis en apprenant un crime aussi horrible, pour supplier Sa Majesté d’ordonner qu’il soit fait incessamment toutes poursuites nécessaires pour rechercher les auteurs et complices de ce forfait, et dans le cas où ils seraient déjà retirés en pays étranger, supplier Sa Majesté d’enjoindre à ses ministres de les réclamer, afin que les coupables soient punis par les supplices qu’ils méritent. » M. Grellet de Beauregard fait un rapport sur la réclamation du bailliage du Quesnoy qui annonce quatre députés des communes, sans égard au règlement qui en accorde deux à la ville de Valenciennes: l’Assemblée nationale décide que les deux derniers députés nommés par les communes du bailliage du Quesnoy, ne seront point admis. Lecture est faite du procès-verbal du jour précédent. 11 est annoncé que le 20 de ce mois MM. du comité des finances ont nommé pour président de ce comité M. le comte de Latour-du-Pin, et pour secrétaires M. le marquis de Gouv d’Arcy, j M. Anson et M. Bérenger.