SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (1er AOÛT 1794) - Nos 12-13 35 12 [Le tribunal criminel du département de l’Eure à la Conv.; 11 therm. Il] (1). Représentants du peuple, Une conspiration sacrilège s’armait contre la liberté publique. Les traîtres ! Ils parlaient de ciel, d’humanité, de vertus, et le poignard du crime était dans leurs mains sanguinaires. Un jour de plus, et peut-être le peuple perdait le fruit de ses nombreux sacrifices. Un jour de plus, et peut-être les tyrans auraient osé !... Mais non. Vous avez vu le danger, représentants magnanimes. Vous avez dit un mot, et la massue nationale s’est levée, et les conspirateurs ont roulé sur la poussière. Ainsi, tandis qu’aux frontières nos braves défenseurs entraînent la victoire à l’étendard républicain, sentinelles avancées du peuple, votre prévoyance active s’élance au-devant de ses dangers. Votre sagesse dirige ses efforts, et, vous identifiant en quelque sorte avec la patrie, vous existez en elle, comme elle ne peut exister sans vous. Veillez sans cesse, représentants, au salut de la République : l’arche sacrée de nos loix repose dans vos mains augustes; la Convention est dépositaire de touttes nos espérances. Que tous les conspirateurs disparraissent. Leurs noms appartiennent aux annalles du crime. Les vôtres appartiennent à l’immortalité. Les président, juges, accusateur public et greffier du tribunal criminel du département de l’Eure, C. Hébert, Castel, L.M. Lejeune ( présid .), Lefebvre ( accusateur public), Lemaistre {greffier). Mention honorable, insertion au bulletin (2). 13 • Le Cn Berlioz chargé de pouvoirs par le Cn Jacques Parthenay demande la révision d’un jugement du 4e arrondissement qui authorise le prétendu fils d’alican Savaye à poursuivre la liquidation des 40.000 roupies. A l’apuy de sa demande, il produit un exposé manuscrit, et un imprimé, une lettre signée Viellane du 30 Janvier 1791, un prononcé du Tribunal de Cassation du 16 flor., un certificat délivré par le C. Cheyreux, archiviste du Louvre, le 25 janvier 1793, un idem du 4 octobre 1792, un mémoire pour le Tribunal de Cassation, avec le détail des pièces qu’il a présenté au dit Tnal, un prononcé du 17 frim du Tnal du 4e arrondissement en datte du 28 mai 1793, signification du jugement du 1er arr‘ de Paris faite le 27 aoust 1792. (1) C 312, pl. 1 239, p. 43. Mentionné par Bln, 26 therm. (2e suppl1). (2) Mention marginale du 14 thermidor II. [Le CL Berlioz, chargé de pouvoirs par le CL Jacques Parthenay à la Conv.; s.l.n.d. (1)]. Le Citoyen Jacques Parthenay, ancien commandant d’artillerie dans l’Inde. Expose qu’il passa au service de la Nation dans l’Inde en 1751, et qu’il y rendit des services signalés en différentes occasions, il se trouvoit à Pondicheri en 1760, lors du siège de cette place par les anglais. Le Gouvernement, ou plutôt la Compagnie des Indes, avait alors à sa solde un corps de Cipayes, commandé par Alikan savaye. Ce chef maure demandoit hautement ce qui lui étoit dû par la Compagnie, et menaçoit, si on ne le payoit, de passer à l’en-nemy. Le Sr du Poet, qui commandoit dans la Colonie, et un Sr Moracin, Gouverneur de Mazulipaton, et administrateur de la Compagnie, n’ayant pas de fonds pour satisfaire à ses demandes, eurent recours à la bourse et au crédit de l’Exposant, à leur prierre l’exposant réalisa 40.000 roupies valant 100.000 livres argent de France, qui furent comptées à Alican Savaye, en déduction de ce qui lui était dû. Comme l’exposant connaissait par lui-même les difficultés que les français étoient sujets à éprouver pour le payement de leurs créances sur la Compagnie; difficultés que n’éprouvoient point les naturels du pays, pour lesquels on avait plus de ménagemens, il prit la précaution ordinaire en pareil cas, d’exiger d’alican savaye une reconnaissance de cette somme, comme d’un prêt qui lui était fait, et de faire donner cette reconnaissance au nom de Joannis Macar-tiche, arménien, son homme de confiance, qui ensuite lui en fit le transport. Outre cela, alikan savaye, remit en nantissement à l’exposant 3 billets, ou réscriptions sur la Compagnie, signés des sieurs Du Poet et Moracin. Cette créance, si légitime, si ancienne, l’exposant est encore à en obtenir le payement, il a consumé une partie de sa vie à lutter contre la mauvaise foi qui voudrait l’en frustrer, il serait trop long de raconter toutes les difficultés, toutes les tracasseries qu’on lui fit éprouver. L’administration de Pondichéry le ren-voyoit à la Compagnie de Paris, et la compagnie le renvoyoit ensuite à l’administration, on lui a fait faire ainsi, et toujours en vain, des voyages de plusieurs milliers de lieues, de Pondichéry à Paris, et de Paris à Pondichéry, et cependant la Compagnie, tout en déniant à l’exposant le payement de sa créance, portait, et sous son nom même, cette créance dans ses comptes, et se la faisait alouer en payement par le gouvernement : ainsi, il n’y avait pas de doute sur sa légitimité. Mais la Compagnie ne s’en tint pas là... Pour se débarasser de ses poursuittes fatiguantes, elle abusa de l’empire qu’elle avait sur le conseil Supérieur de Pondichéry; et cette cour, confondant 2 fonctions essentiellement distinctes, celle de Conseil de Justice, et celle de Conseil d’ad-(1) D III 257, doss. 5 (4e arr1), p. 34. SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (1er AOÛT 1794) - Nos 12-13 35 12 [Le tribunal criminel du département de l’Eure à la Conv.; 11 therm. Il] (1). Représentants du peuple, Une conspiration sacrilège s’armait contre la liberté publique. Les traîtres ! Ils parlaient de ciel, d’humanité, de vertus, et le poignard du crime était dans leurs mains sanguinaires. Un jour de plus, et peut-être le peuple perdait le fruit de ses nombreux sacrifices. Un jour de plus, et peut-être les tyrans auraient osé !... Mais non. Vous avez vu le danger, représentants magnanimes. Vous avez dit un mot, et la massue nationale s’est levée, et les conspirateurs ont roulé sur la poussière. Ainsi, tandis qu’aux frontières nos braves défenseurs entraînent la victoire à l’étendard républicain, sentinelles avancées du peuple, votre prévoyance active s’élance au-devant de ses dangers. Votre sagesse dirige ses efforts, et, vous identifiant en quelque sorte avec la patrie, vous existez en elle, comme elle ne peut exister sans vous. Veillez sans cesse, représentants, au salut de la République : l’arche sacrée de nos loix repose dans vos mains augustes; la Convention est dépositaire de touttes nos espérances. Que tous les conspirateurs disparraissent. Leurs noms appartiennent aux annalles du crime. Les vôtres appartiennent à l’immortalité. Les président, juges, accusateur public et greffier du tribunal criminel du département de l’Eure, C. Hébert, Castel, L.M. Lejeune ( présid .), Lefebvre ( accusateur public), Lemaistre {greffier). Mention honorable, insertion au bulletin (2). 13 • Le Cn Berlioz chargé de pouvoirs par le Cn Jacques Parthenay demande la révision d’un jugement du 4e arrondissement qui authorise le prétendu fils d’alican Savaye à poursuivre la liquidation des 40.000 roupies. A l’apuy de sa demande, il produit un exposé manuscrit, et un imprimé, une lettre signée Viellane du 30 Janvier 1791, un prononcé du Tribunal de Cassation du 16 flor., un certificat délivré par le C. Cheyreux, archiviste du Louvre, le 25 janvier 1793, un idem du 4 octobre 1792, un mémoire pour le Tribunal de Cassation, avec le détail des pièces qu’il a présenté au dit Tnal, un prononcé du 17 frim du Tnal du 4e arrondissement en datte du 28 mai 1793, signification du jugement du 1er arr‘ de Paris faite le 27 aoust 1792. (1) C 312, pl. 1 239, p. 43. Mentionné par Bln, 26 therm. (2e suppl1). (2) Mention marginale du 14 thermidor II. [Le CL Berlioz, chargé de pouvoirs par le CL Jacques Parthenay à la Conv.; s.l.n.d. (1)]. Le Citoyen Jacques Parthenay, ancien commandant d’artillerie dans l’Inde. Expose qu’il passa au service de la Nation dans l’Inde en 1751, et qu’il y rendit des services signalés en différentes occasions, il se trouvoit à Pondicheri en 1760, lors du siège de cette place par les anglais. Le Gouvernement, ou plutôt la Compagnie des Indes, avait alors à sa solde un corps de Cipayes, commandé par Alikan savaye. Ce chef maure demandoit hautement ce qui lui étoit dû par la Compagnie, et menaçoit, si on ne le payoit, de passer à l’en-nemy. Le Sr du Poet, qui commandoit dans la Colonie, et un Sr Moracin, Gouverneur de Mazulipaton, et administrateur de la Compagnie, n’ayant pas de fonds pour satisfaire à ses demandes, eurent recours à la bourse et au crédit de l’Exposant, à leur prierre l’exposant réalisa 40.000 roupies valant 100.000 livres argent de France, qui furent comptées à Alican Savaye, en déduction de ce qui lui était dû. Comme l’exposant connaissait par lui-même les difficultés que les français étoient sujets à éprouver pour le payement de leurs créances sur la Compagnie; difficultés que n’éprouvoient point les naturels du pays, pour lesquels on avait plus de ménagemens, il prit la précaution ordinaire en pareil cas, d’exiger d’alican savaye une reconnaissance de cette somme, comme d’un prêt qui lui était fait, et de faire donner cette reconnaissance au nom de Joannis Macar-tiche, arménien, son homme de confiance, qui ensuite lui en fit le transport. Outre cela, alikan savaye, remit en nantissement à l’exposant 3 billets, ou réscriptions sur la Compagnie, signés des sieurs Du Poet et Moracin. Cette créance, si légitime, si ancienne, l’exposant est encore à en obtenir le payement, il a consumé une partie de sa vie à lutter contre la mauvaise foi qui voudrait l’en frustrer, il serait trop long de raconter toutes les difficultés, toutes les tracasseries qu’on lui fit éprouver. L’administration de Pondichéry le ren-voyoit à la Compagnie de Paris, et la compagnie le renvoyoit ensuite à l’administration, on lui a fait faire ainsi, et toujours en vain, des voyages de plusieurs milliers de lieues, de Pondichéry à Paris, et de Paris à Pondichéry, et cependant la Compagnie, tout en déniant à l’exposant le payement de sa créance, portait, et sous son nom même, cette créance dans ses comptes, et se la faisait alouer en payement par le gouvernement : ainsi, il n’y avait pas de doute sur sa légitimité. Mais la Compagnie ne s’en tint pas là... Pour se débarasser de ses poursuittes fatiguantes, elle abusa de l’empire qu’elle avait sur le conseil Supérieur de Pondichéry; et cette cour, confondant 2 fonctions essentiellement distinctes, celle de Conseil de Justice, et celle de Conseil d’ad-(1) D III 257, doss. 5 (4e arr1), p. 34. 36 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ministration, qu’elle réunissait en elle-même, mais sous des rapports très différens, rendit un arrêt, le 25 avril 1772, en violant toutes les formes judiciaires, sans citation, sans demandes préalables, sans que l’exposant eut été appellé pour se déffendre; par lequel arrêst elle déclara nul son titre de créance et le débouta de sa réclamation de 40.000 roupies, on prétend qu’elle en a rendu un second, confirmatif du premier, le 31 aoust 1775, lors qu’il étoit encore en france; mais il n’en a jamais eu aucune connaissance légale, il ne lui a jamais été notifié. De retour définitif en france, l’exposant se pourvut au ci-devant conseil, contre l’arrêst du 25 avril 1772 et en fit prononcer la cassation le 17 février 1781. Les parties étoient renvoyées devant de nouveaux juges, et il sembloit qu’en-fin l’exposant alloit obtenir la justice qui lui étoit due; Mais la Compagnie, portant l’astuce et l’audace à un point inoui jusqu’alors, supposant un arrêt qui n’a jamais eu d’existence, ainsi que cela est prouvé. Un prétendu arrêst du 5 may 1778, par lequel l’exposant auroit été débouté d’une demande en cassation contre ce même arrêst du 25 avril 1772 fit révoquer celui du 17 février 1781 qui le cassoit, par un autre de propre mouvement du 19 Juillet 1782. aisi la fraude triomphe de la bonne foy et du bon droit de l’exposant. Tel étoit encore l’état des choses, lorsque la révolution est venue changer la face de la france. L’exposant a cru que le moment était favorable pour réclamer contre une surprise et un abus d’authorité. L’assemblée constituante, à laquelle il s’adressa, regardant sa réclamation comme litigieuse, puisqu’elle avait déjà fait le sujet d’un procès, le renvoya à se pourvoir en justice réglée; mais il avait à plaider devant des tribunaux qui n’avaient de la popularité que le nom seulement; ... devant des juges encore imbus des préjugés de l’ancien régime, à leurs yeux, l’arrêst de propre mouvement du 19 juillet 1782 est devenu, non seulement une authorité de chose jugée, mais encore une preuve de l’existence de cet arrêst imaginaire du 5 may 1778, malgré la preuve claire que rapportait l’exposant de son inexistence : en conséquence, sur cet unique motif, 2 jugemens consécutifs, l’un du tribunal du 1er arrondissement du 4 juillet 1792, et l’autre du tribunal du 4e arrondissement du 28 may 1793, l’ont unanimement déclaré non recevable dans ses demandes et répétitions; le dernier a même fait plus, il a accueilli la réclamation faite au nom d’un phantôme d’être, d’un prétendu fils d’alikan savaye, et l’a renvoyé à se faire liquider à la trésorerie nationale, du montant du billet de 40.000 roupies, dont son père étoit débiteur, loin d’en être créancier. Contre ces étranges jugemens, l’exposant a pris la voye qui lui restoit; il s’est pourvû au tribunal de cassation, d’un côté, en invoquant le décret du 20 septembre 1793 qui a annullé tous les arrêts de propre mouvement, et, par conséquent celui du 19 juillet 1782 comme les autres; D’un autre côté, en rapportant des certificats du dépositaire des registres du ci-devant Conseil, qui attestent qu’il n’a jamais existé d’arrêt du 5 may 1778. il a ainsi écarté ces 2 arrêts qu’on lui opposait; il a prouvé que c’était mal à propos qu’on en avait induit que tout étoit jugé à son égard; que c’étoit un abus, une violation du principe de l’authorité de la chose jugée; que l’état des choses étoit toujours le même à son égard que, lors de l’obtention de l’arrest du 17 février 1781 qui a cassé celui de Pondichéry, qu’il (sic) falloit ou attaquer cet arrêst, ou l’exécuter et, en conséquence, plaider et prononcer sur ses demandes et répétitions. Le tribunal de cassation n’a pu se refuser à l’évidence de cette déffense; il a reconnu en même temps, et que l’arrêst de 1782 étoit sans force et sans effet, et que le prétendu arrêst de 1778 n’existait pas; mais, égaré par quelques motifs vagues énoncés dans le jugement du tribunal du 4l'arrondissement, il a pensé que ce tribunal avait eu un autre motif pour déclarer l’exposant non recevable dans ses demandes, et, en conséquence, il a, par cette raison, rejetté définitivement son mémoire en cassation, qui avait été précédemment admis au bureau des mémoires. On ne peut lire qu’avec étonnement un semblable motif dans le jugement du tribunal de cassation, on ne craint pas de dire qu’il est aussi opposé à la raison qu’à la vérité, il est certain, en effet, que le Tribunal du 4e arrondissement s’est décidé par l’authorité de la prétendue chose jugée contre l’exposant, parce qu’il a pensé que tout étoit jugé contre lui par les arrêts du conseil supérieur de Pondicheri, et ceux du ci-devant conseil des années 1778 et 1782; il est écrit en toutes lettres dans son jugement. D’après cela, comment penser que ce même tribunal ait pu juger ensuitte cette même contestation, qu’il regardoit comme jugée, et en en prenant connaissance, déclarer l’exposant non recevable dans ses demandes, par des moyens tirés même du fond ? c’est supposer une absurdité dont ce tribunal n’étoit pas au moins capable. D’ailleurs, s’il falloit s’appesantir ici sur de misérables discussions de forme, il seroit encore facile de prouver que le tribunal de cassation est tombé dans une erreur manifeste, quels sont les motifs énoncés dans le jugement du tribunal du 4e arrondissement qui ont fait illusion au Tribunal de Cassation ? ils sont uniquement tirés de la prétendue nullité du billet et du transport; de ce que, dit-on, le billet n’est pas fait selon les lois du Mogol et de ce que le transport n’est pas signé; mais ce ne sont là que des moyens du fond, et non des fins de non-recevoir. on est mal fondé dans une demande quand on a un titre vicieux; on n’i est non recevable que quand on n’a point de titre. Ce n’est donc pas là un autre motif de fin de non-recevoir contre l’exposant, ce n’est absolument qu’une répétition vague des motifs énoncés dans l’arrêst du Conseil de Pondichéry. et d’ailleurs, si jamais il avait pu s’élever une question sur la validité du titre de l’exposant, ce n’aurait pas été au moins dans l’état actuel des choses, on a dit que la créance de l’exposant avait été reconnue par la Compagnie des indes qui l’avait porté dans ses comptes et qui se l’étoit fait allouer par le gouvernement, que 36 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ministration, qu’elle réunissait en elle-même, mais sous des rapports très différens, rendit un arrêt, le 25 avril 1772, en violant toutes les formes judiciaires, sans citation, sans demandes préalables, sans que l’exposant eut été appellé pour se déffendre; par lequel arrêst elle déclara nul son titre de créance et le débouta de sa réclamation de 40.000 roupies, on prétend qu’elle en a rendu un second, confirmatif du premier, le 31 aoust 1775, lors qu’il étoit encore en france; mais il n’en a jamais eu aucune connaissance légale, il ne lui a jamais été notifié. De retour définitif en france, l’exposant se pourvut au ci-devant conseil, contre l’arrêst du 25 avril 1772 et en fit prononcer la cassation le 17 février 1781. Les parties étoient renvoyées devant de nouveaux juges, et il sembloit qu’en-fin l’exposant alloit obtenir la justice qui lui étoit due; Mais la Compagnie, portant l’astuce et l’audace à un point inoui jusqu’alors, supposant un arrêt qui n’a jamais eu d’existence, ainsi que cela est prouvé. Un prétendu arrêst du 5 may 1778, par lequel l’exposant auroit été débouté d’une demande en cassation contre ce même arrêst du 25 avril 1772 fit révoquer celui du 17 février 1781 qui le cassoit, par un autre de propre mouvement du 19 Juillet 1782. aisi la fraude triomphe de la bonne foy et du bon droit de l’exposant. Tel étoit encore l’état des choses, lorsque la révolution est venue changer la face de la france. L’exposant a cru que le moment était favorable pour réclamer contre une surprise et un abus d’authorité. L’assemblée constituante, à laquelle il s’adressa, regardant sa réclamation comme litigieuse, puisqu’elle avait déjà fait le sujet d’un procès, le renvoya à se pourvoir en justice réglée; mais il avait à plaider devant des tribunaux qui n’avaient de la popularité que le nom seulement; ... devant des juges encore imbus des préjugés de l’ancien régime, à leurs yeux, l’arrêst de propre mouvement du 19 juillet 1782 est devenu, non seulement une authorité de chose jugée, mais encore une preuve de l’existence de cet arrêst imaginaire du 5 may 1778, malgré la preuve claire que rapportait l’exposant de son inexistence : en conséquence, sur cet unique motif, 2 jugemens consécutifs, l’un du tribunal du 1er arrondissement du 4 juillet 1792, et l’autre du tribunal du 4e arrondissement du 28 may 1793, l’ont unanimement déclaré non recevable dans ses demandes et répétitions; le dernier a même fait plus, il a accueilli la réclamation faite au nom d’un phantôme d’être, d’un prétendu fils d’alikan savaye, et l’a renvoyé à se faire liquider à la trésorerie nationale, du montant du billet de 40.000 roupies, dont son père étoit débiteur, loin d’en être créancier. Contre ces étranges jugemens, l’exposant a pris la voye qui lui restoit; il s’est pourvû au tribunal de cassation, d’un côté, en invoquant le décret du 20 septembre 1793 qui a annullé tous les arrêts de propre mouvement, et, par conséquent celui du 19 juillet 1782 comme les autres; D’un autre côté, en rapportant des certificats du dépositaire des registres du ci-devant Conseil, qui attestent qu’il n’a jamais existé d’arrêt du 5 may 1778. il a ainsi écarté ces 2 arrêts qu’on lui opposait; il a prouvé que c’était mal à propos qu’on en avait induit que tout étoit jugé à son égard; que c’étoit un abus, une violation du principe de l’authorité de la chose jugée; que l’état des choses étoit toujours le même à son égard que, lors de l’obtention de l’arrest du 17 février 1781 qui a cassé celui de Pondichéry, qu’il (sic) falloit ou attaquer cet arrêst, ou l’exécuter et, en conséquence, plaider et prononcer sur ses demandes et répétitions. Le tribunal de cassation n’a pu se refuser à l’évidence de cette déffense; il a reconnu en même temps, et que l’arrêst de 1782 étoit sans force et sans effet, et que le prétendu arrêst de 1778 n’existait pas; mais, égaré par quelques motifs vagues énoncés dans le jugement du tribunal du 4l'arrondissement, il a pensé que ce tribunal avait eu un autre motif pour déclarer l’exposant non recevable dans ses demandes, et, en conséquence, il a, par cette raison, rejetté définitivement son mémoire en cassation, qui avait été précédemment admis au bureau des mémoires. On ne peut lire qu’avec étonnement un semblable motif dans le jugement du tribunal de cassation, on ne craint pas de dire qu’il est aussi opposé à la raison qu’à la vérité, il est certain, en effet, que le Tribunal du 4e arrondissement s’est décidé par l’authorité de la prétendue chose jugée contre l’exposant, parce qu’il a pensé que tout étoit jugé contre lui par les arrêts du conseil supérieur de Pondicheri, et ceux du ci-devant conseil des années 1778 et 1782; il est écrit en toutes lettres dans son jugement. D’après cela, comment penser que ce même tribunal ait pu juger ensuitte cette même contestation, qu’il regardoit comme jugée, et en en prenant connaissance, déclarer l’exposant non recevable dans ses demandes, par des moyens tirés même du fond ? c’est supposer une absurdité dont ce tribunal n’étoit pas au moins capable. D’ailleurs, s’il falloit s’appesantir ici sur de misérables discussions de forme, il seroit encore facile de prouver que le tribunal de cassation est tombé dans une erreur manifeste, quels sont les motifs énoncés dans le jugement du tribunal du 4e arrondissement qui ont fait illusion au Tribunal de Cassation ? ils sont uniquement tirés de la prétendue nullité du billet et du transport; de ce que, dit-on, le billet n’est pas fait selon les lois du Mogol et de ce que le transport n’est pas signé; mais ce ne sont là que des moyens du fond, et non des fins de non-recevoir. on est mal fondé dans une demande quand on a un titre vicieux; on n’i est non recevable que quand on n’a point de titre. Ce n’est donc pas là un autre motif de fin de non-recevoir contre l’exposant, ce n’est absolument qu’une répétition vague des motifs énoncés dans l’arrêst du Conseil de Pondichéry. et d’ailleurs, si jamais il avait pu s’élever une question sur la validité du titre de l’exposant, ce n’aurait pas été au moins dans l’état actuel des choses, on a dit que la créance de l’exposant avait été reconnue par la Compagnie des indes qui l’avait porté dans ses comptes et qui se l’étoit fait allouer par le gouvernement, que SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN 11 (D' AOÛT 1794) - N° 14 37 falloit-il de plus à l’exposant ? N’étoit-ce pas là un titre, et un titre bien bon, bien authentique ? La Compagnie pouvait-elle se refuser à lui compter une somme dont il lui avait été compté à elle-même, à moins de vouloir retenir une somme qui ne lui appartenait pas ? Telle étoit la question avant la suppression de la Compagnie, et telle elle est encore au-jourdhuy; cet événement n’a pu rien changer aux droits de l’exposant; La Nation, en devenant aux droits et aux obligations de la Compagnie, est devenue sa débitrice, comme l’était la Compagnie. On a cherché à embrouiller cette affaire si simple en y faisant intervenir un prétendu fils d’alican savaye; mais c’est le comble de l’effronterie et du ridicule que d’avoir mis un pareil personnage en scène (1). on lui a fait réclamer le montant du billet de 40.000 roupies, comme si c’avait été une créance de son père; et c’était au contraire sa propre dette, c’était à lui que les 40.000 roupies avoient été comptées; c’étoit à lui que le prêt en avait été fait pour le compte de la Compagnie. Depuis quand donc un débiteur peut-il se faire de sa propre dette un titre de créance, et au lieu de rendre la somme qu’il a empruntée, se la faire compter une seconde fois ? c’est pourtant là ce qui résulte du jugement du tribunal du 4e arrondissement, qui authorise ce prétendu fils D’alican savaye à poursuivre la liquidation des 40.000 roupies, qu’il l’authorisât à poursuivre le payement de ce qui pouvait être dû par l’ancienne Compagnie des indes à la succession de son père, à la bonne heure, cela étoit juste, mais il est évident qu’il ne peut jamais avoir droit aux 40.000 roupies. Au reste, les loix du Mogol, s’il étoit possible de les invoquer ici, loin de prononcer la nullité du billet dont il s’agit, en assureroient au contraire la validité, il est écrit en françois comme il devoit l’être, puisque c’étoit un français qui l’écrivoit; il est scellé de la chappe d’alikan savaye, ainsi que cela se pratique dans le pays (2); en un mot, il est parfaittement conforme aux dispositions du Coran que l’on suit dans l’Empire du Mogol. Quant au transport, que l’on dit n’être pas signé, ce n’est qu’une misérable chicane, parce qu’on sait qu’il étoit d’usage dans l’Inde de faire faire ses reconnois-sances au nom de ses domestiques; c’est une confusion des loix françaises et de celles du pays, de l’ordonnance de 1673 qui exige qu’un transport soit signé, et du Coran qui ne l’exige pas. s’il ne l’a pas été dans l’espèce, c’est que Joannis Macartiche, comme tous les gens de ce pays, ne savait pas signer; Mais il n’en était pas besoin, il suffisait de la simple remise du billet : on ne connoît pas dans l’inde d’autre mode de translation de propriété de cette nature. D’après ces explications, l’exposant se flatte que les représentans du Peuple, prenant en considération, et l’injustice extrême dont il est victime, et la violation des loix qui a consommé cette injustice, et l’extrême besoin où il se (1) En note : ce sont les Monneron qui en sont les acteurs. (2) En note : Locus régit actum. trouve d’une créance aussi légitime, s’empressera d’anéantir tout ce qui a été fait, et de le rétablir dans tous ses droits. BERLIOZ ( chargé de pouvoir). Renvoyé au comité de législation (1). 14 [Le Cn Raguideau, notaire public au départ 1 de Paris, à la Conv.; s.l.n.d.} (2). Citoyens Représentans Je demande mon rétablissement dans les fonctions de notaire public au département de Paris; voici les faits et les motifs de ma demande. Une loi du 1°' novembre 1792 (v.s.), m’a prescrit, pour que je pusse continuer mes fonctions, de rapporter un certificat de civisme vérifié et approuvé par les directoires de district et de département, j’ai rempli ces formalités. Une autre loi a, depuis, exigé que mon certificat de civisme fut visé par le Comité révolutionnaire de la section dans laquelle je me trouve, j’ai en conséquence remis mon certificat de civisme au comité, et j’en ai porté le récépissé au département conformément à son arrêté du... Cet arrêté portoit que les notaires qui, au 20 pluviôse dernier, n’auroient pas fourni leur visa seroient destitués. A cette époque du 20 pluviôse, le Comité de la section n’avoit encore accordé de visa à aucun notaire de la section, quoi qu’il y en eût un grand nombre; depuis il n’en a même accordé qu’un, et c’est le mien. Je dis que le Comité n’en a accordé aucun avant l’époque fatale, parce que ce fait est important, en ce qu’il indique que ce Comité de l’une des sections les plus populeuses de Paris, et, par conséquent, extrêmement occupé, croyoit devoir donner la préférence sur les affaires des notaires à celles d’un intérêt plus général. Je n’avois donc point de visa au 20 pluviôse, et quoique j’eusse été plusieurs fois au Comité, je n’avois pu parvenir a luy parler en assemblée. Je venois de perdre par un décret du 7 du même mois plus de 300 000 liv. sur la liquidation de mon cidevant office de notaire. Père de famille et sans fortune, j’étois dans toute l’agitation d’un homme qui ne sçavoit comment satisfaire à ses engagemens vis à vis d’une foule de bons citoyens qui avoient sacrifié leur bourse à son établissement. Pour comble de malheur, ma femme, malade depuis longtems, étoit à toute extrémité, cette circonstance-là surtout influa sur le choix du parti que j’avois à prendre. Le département m’accorda 24 heures, je retournai 2 fois au Comité, il étoit rempli de monde et je ne pus aborder, j’allois donc être destitué faute de visa. je lus la loi sur les gens suspects; ma conscience (1) Mention marginale datée du 14 therrn. II et signée BAR. (2) D III 378. doss. intitulé Liasse retrouvée dans D III 379.