002 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] totalité delà vente seporteàla somme d’un milliard. « Art. 2. La partie des biens qui se trouve maintenant aux économats, ainsi que celle des maisons et abbayes supprimées par le nouvel ordre de choses, formeront d’abord le premier objet de la vente, et les départements désigneront les autres biens qu’il sera nécessaire d’y joindre pour compléter ladite somme. « Art. 3. Il sera créé des assignats hypothéqués sur ces biens, jusqu’à la concurrence d’un million. Ces assignats ne pourront être au-dessous de 1,000 livres; et, pour ne pas trop les multiplier, on pourra en faire delQ,000 livres etau-dessous. « Art. 4. Ces assignats, à commencer du 1er mai 1790, seront délivrés eu paiement et liquidation de toutes les anticipations et de toutes les dettes portant les plus gros intérêts. « Art. 5. Il sera nommé dans le comité des finances huit commissaires pour désigner les effets les plus onéreux, s’assurer du complément de la somme et veiller à l’exécution de la confection et de la distribution des assignats. « Art. 6. Ces assignats seront le signe représentatif des biens du domaine et du clergé. Il seront seuls reçus en paiements. L’argent comptant même n’y sera pas admis. « Art, 7. Ces assignats ne porteront point d’intérêt, et ne pourront pas être mis en circulation forcée. « Art. 8. Aussitôt la vente faite, les municipalités feront brûler devant elles ces assignats, et les départements s’assureront de l’exacte exécution. Les municipalités ne pourront consommer la vente sans l’autorisation des départements, qui vérifieront si ces biens ne sont pas donnés au-dessous de leur valeur, auquel cas ils arrêteraient la vente. « Art. 9. Les départements jugeront des cas où il serait plus avantageux de morceler les biens, et les vendre en détail pour en tirer un meilleur parti. «Art. 10. Il sera dressé parles municipalités un compte exact des biens vendus et du moulant des assignats brûlés, lequel sera remis aux départements pour en tenir état, et le faire parvenir tout de suite à l’Assemblée nationale. » M. Martineau. Je ferai remarquer à l’Assemblée qu’il y a connexité entre le projet de décret proposé par M. de La Rochefoucauld, au nom du comité des douze, et les rapports que le comité des finances et le comité des dîmes vont nous présenter ; en conséquence, je demande que, préa-iablement à toute délibération, nous entendions d’abord le rapport sur les assignats, ensuite le rapport sur la dîme. M. Fréteau. J’appuie la motion de M. Martineau et je pense que l'Assemblée voudra voir clair en cette affaire avant de se décider. Gela est d’autant plus nécessaire que la caisse d’escompte a des plaintes à formuler contre les assignats. M. le duc de La Rochefoucauld. J’ai vu des administrateurs de la Caisse d’escompte qui ne m’ont lait aucune plainte sur l’émission prochaine des assignats, et je ne crois pas qu’il y ait lieu d’attendre d’autres rapports pour prononcer sur le projet de décret qui vous est soumis par votre comité d’aliénation. M. de Bouthillier. Le retard qu’entraînerait l’adoption do la motion de M. Martineau ne serait pas long et il y aurait grand avantage à connaître les trois projets afin d’en apprécier l’économie et la concordance, M. Boutteville-Dumet*. Si nous différons de prononcer sur le projet de décret du comité des douze, nous empêchons l’exécution du décret qui ordonne la vente de 400,000,000 de biens ecclésiastiques. Je propose de délibérer sur-le-champ. M. de Castellane. J’observe que le décret proposé par le coinilé des douze n’a d’autre objet que de faire assurer par la municipalité de Paris la perception prochaine d’une somme de 70,000,000 qui seront fournis, sans attendre les ventes qui seront faites dans la suite et qu’il serait dangereux de précipiter. (Ou demande une nouvelle lecture du projet de décret.) M. le Président, après cette lecture, consulte l’Assemblée et le décret est rendu ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, considérant qu’il est important d’assurer le paiement à époques fixes, des obligations municipales qui doivent être un des gages des assignats, décrète : « Que toutes les municipalités qui voudront, en vertu des précédents décrets, acquérir des biens domaniaux et ecclésiasiiques, devront, préalablement au traité de vente, soumettre au comité chargé par l’Assemblée de l’aliénation de ces biens, les moyens qu’elles auront pour garantir l’acquittement de leurs obligations aux termes qui seront convenus. « Bu conséquence, que la commune de Paris sera tenue de fournir une soumission de capitalistes solvables et accrédités qui s’engageront à faire les fonds dont elle aurait besoin pour acquitter ses premières obligations, jusqu à concurrence de 70 millions, et qu’elJe est autorisée à traiter des conditions de cette soumission, à la charge d’obtenir l’approbation de l’Assemblée nationale. » M. Anson, au nom du comité des finances, fait le rapport suivant sur les assignats-monnaie (1). Par votre décret du 26 février dernier, vous avez demandé au premier ministre des finances l'état des besoins de l’année présente, et des moyens d’y pourvoir. Le premier ministre des finances s’est conformé à ce décret; il vous a adressé un mémoire très détaillé, qui vous a été lu le 6 du mois dernier; il présente le tableau de la situation des revenus en 1790, et des ressources que le ministre vous propose pour suppléer à leur déficit. Votre comité des finances, chargé de l’examen de ce mémoire, vous en a rendu compte le 12; et après vous avoir exposé ses vues, uu peu différentes de celles du premier ministre des finances, il vous a soumis un projet de décret. Quelques articles de ce projet avaient rapport aux assignats sur les biens domaniaux et ecclésiastiques, ainsi qu’à la vente de ces biens. Votre décret postérieur du 17 ayant décidé que cette vente serait faite aux municipalités du royaume, et celle de Paris ayant présenté un plan qui avait paru mériter votre attention, il était naturel (1) Le rapport de M. Anson est incomplet au Moniteur. [9 avril 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 603 de l’examiner avant de se décider définitivement sur la forme et sur la nature des assignats donnés en paiement à la caisse d’escompte, qui, par ces ventes, éprouve nécessairement une altération. D’un autre côté, les anticipations sur les revenus ordinaires, qui forment encore, dans ce moment, une partie considérable de vos ressources journalières, et dont la continuation vous paraît contrarier l’ordre que vous voulez établir dans les finances, ne pouvant être subitement abandonnées, sans y substituer aussitôt des assignations équivalentes sur des rentrées extraordinaires, vous avez sagement pensé qu’il y avait également lieu de suspendre encore votre décision sur la partie du décret qui en prononçait la cessation. Vous nous avez charges de conférer de tous ces objets, tant avec le premier ministre des finances, qu’avec les députés du commerce : nous avons rempli vos intentions. Voilà les deux objets dont votre comité des finances vient vous rendre compte aujourd’hui. Ges a signais doivent tout à la fois suppléer à la rareté du numéraire et prendre la place des anticipations; c’est donc principalement sur leur valeur, leur activité, leur forme et leur quotité, que je viens vous proposer aujourd’hui, au nom de votre comité, de prendre une délibération définitive. Vous voyez, Messieurs, que de cette délibération importante dépend le sort de l’année 1790, et par conséquent le succès de tous vos efforts pour assurer les ba-es de la Constitution sur des fondements inébranlables. Votre comité a cru devoir, Messieurs, présenter avec cette précision l’état de la question qui doit vous occulter aujourd'hui, afin d’écarter pour le moment toutes les idées générales sur la dette publique, et sur un plan vaste et universel de finances, que quelques membres éoquents de cette Assemblée vous offrent de temps en temps: elles sont prématurées; elles vous détourneraient de l’objet unique de votre délibération. 11 ne faut pas perdre de vue que tous les plans de cette nature ne sont applicables qu’à l’année 1791 ; que vous avez ordonné posili veinent par plusieurs de vos décrets, que vos regards nese porieraientque sur l’année prochaine seulement, pour la régénération des d i fférentes branches de l’administration des finances; que vous avez établi un comité particulier pour s’occuper des formes constitutionnelles à donner à l’impôt, à commencer de 1791 ; qu’un autre est chargé spécialement de la liquidation de la dette arriérée, non liquidée, dont le travail et les résultats entreront nécessairement dans l’ensemble du plan général de recette et de dépense à compter de 1791 ; enfin, que votre comité des finances, qui, dans lecourantde ce mois, vous présentera le tableau de la dette constituée, a dû, dans les circonstances présentes, et d’après vos derniers décrets, chercher préaiab ement les moyens de pourvoir au service de 1790. Voilà l’objet pressant qui doit aujourd’hui vous occuper exclusivement. Je ne vous retracerai point le tableau de nos embarras : c'est en même temps la plus facile et la plus triste partie de notre ouvrage; il suftit de vous rappeler que 300 millious manquent cette année à vos revenus, si vous vous déterminez à renoncer sur-le-champ à la ressource d�s anticipations, qui en forment environ 130; que de quelque manière que votre comité ait combiné les ressources de l’année présente, un vide de 130 millions se trouve toujours ouvert devant vous; que la Caisse d’escompte, à laquelle vous en devez 170, ne peut plus supporter le fardeau des secours que vous avez exüés d’elle ; qu’il devient urgent de remplacer ce numéraire insuffisant, par un autre; que Paris ne peut faire de plus longs sacrifices sur un papier dont le cours est à peu prés renfermé dans l’enceinte de ses murailles; qu’une portion des intérêts arriérés représente l’aliment nécessaire aux malheureux rentiers, dont la patience et le patriotisme ont tant contribué aux succès de vos travaux. Vous n’oublierez sûrement jamais les avantages que vous retirez tous les jours de ce courage, caché dans l’ombre de la douleur, plus recommandable peut-être, que celui qui est embelli par l'éclat de la publicité. C’est à ces maux, Messieurs, qu’il devient indispensable de porter remède; et il est bien important de choisir celui qui nous tirera enfin de cet état d'inquiétude habituelle, si contraire au calme qui convient à des législateurs. On vous a présenté, on vous présentera sans doute encore, des moyens moins tranchants que l’émission d’une certaine quantité d’assignats en circulation; on vous parlera de donner un intérêt à ceux de la Caisse d’escompte, en les faisant circuler dans les provinces; on vous offrira de faire négocier, à un gros intérêt, des assignats vis-à-vis d’une partie de vos créanciers; on vous reparlera de rétablissement d’une banque nationale à la place de la Caisse d’escompte; on vous engagera même à user encore quelque temps du secours intermédiaire des anticipations. Mais d’abord, Messieurs, il faudrait, dans les circonstances présentes, employer presque tous ces moyens à la fois, pour obvier aux diverses difficultés qui nous assiègent; et alors, de cette complication même naîtrait plus d’incertitude encore pour le succès. En second lieu, tous ces moyens nous ont paru aussi ruineux qu’impraticables; toutes ces idées sont tellement contraires au vœu presque unanime que vous avez annoncé sur les différentes ressources de l’ancienne administration, que votre comité ne croit pas devoir employer à discuter ces différents objets, un temps devenu si précieux pour apporter à nos maux le remède que vous avez lieu d’attendre plutôt d’une opération hardie, mais simple, que d’une multiplicité inextricable de mesures incertaines et de palliatifs discrédités. Je ne vous parlerai pas longtemps du sort des anticipations, délivrées jusqu’à présent sur les revenus ordinaires; vous avez fait connaître sur elles votre improbation d’une manière si marquée, qu’il en résulte un découragement et une résistance absolue delà part de ceux qui s’étaient prêtés jusqu'à lors à leur renouvellement. Le Trésor public vient d’être obligé d’en acquitter pour environ 12 millions dans le mois dernier, à leur échéance; il est donc devenu indispensable de ne pas laisser plus longtemps votre décision en suspens à cet égard, puisque vos comités des finances et des impositions l’attendent l’un et l’autre pour marcher avec assurance dans la route qu’ils se sont tracée. Votre comité des finances croit cependant devoir donner sur cet objet une marque particulière de déférence à l’opinion toujours imposante d’un administrateur aussi éclairé que le premier ministre des finances, en vous représentant, d’après ces réflexions, qu’en renonçant à celte ressource, on s’expose à augmenter en pro-* portion les effets circulants qu’ou Sera obligé de lui substituer; que cette manière d’emprunter, usitée habituellement chez un peuple voisin de 604 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] nous, n’est point dispendieuse : si l’on s’en était privé plus tôt, on eût été obligé d’accroître dans la même proportion les billets de la Caisse d’escompte; et, sous ce dernier rapport, on ne peut sedissimuler que les anticipations ont retardé, de quelques instants, le discrédit de ces billets; tant il est vrai qu’en administration, ce n’est pas toujours sur le principe général que doivent porter rigoureusement les opérations; que son application demande une longue expérience, et que de cette application dépend souvent le bonheurd’une nation entière. Mais dans les circonstances présentes, vous pensez, Messieurs, que les ressources mêmes dont vous devez faire usage pour passer tranquillement l’année présente, doivent être combinées de manière qu’elles ne puissent pas contredire d’avance les principes que vous allez poser pour les années et les générations suivantes, et votre comité, soumis à suivre votre marche, ne peut plus se dispenser de vous observer qu’il faut, d’après ce principe, renoncer à une ressource qui consommerait insensiblement les produits de 1791, par une imprévoyance aussi fâcheuse qu’inconstitutionnelle. L’anéantissement des anticipations sur les revenus ordinaires, formera donc l’un des articles du projet de décret qui va vous être proposé. Mais, ce point si important une fois déterminé, nous n’avons plus le choix des moyens pour arriver au terme : nous sommes entraînés irrésistiblement vers la circulation d’un papier national; car assurément, Messieurs, votre comité ne vous parlera jamais qu avec l’improbation la plus marquée de la suspension des paiements : cette proposition avilissante est indigne de vous, et déjà depuis trop longtemps les paiements sont arriérés. On va, sans doute, accumuler autour de vous la multiplicité imposante des objections, celle des inconvénients inséparables d’une opération de cette nature; on vous offrira des théories brillantes, ou une réunion de prétendues ressources dont la complication seule indique la plus évidente impossibilité : mais, Messieurs, vous êtes bien convaincus que la méditation la plus profonde, sur les unes et les autres, a précédé la résolution qu’a prise enfin votre comité général des finances. Tout ce qui a été dit si souvent, et qui sera répété, sans doute, avec plus ou moins d’impartialité sur le papier-monnaie, ne peut s’appliquer qu’à ceux des numéraires fictifs, qui n’ont de ressemblance que le nom avec celui qui va vous être présenté. Ce que l’on appelle ordinairement un papier-monnaie, ou même billet d’Etat, repose simplement sur une hypothèque générale: les assignats, au contraire, seront le signe représentatif d’une créance déléguée avec hypothèque spéciale sur des immeubles. Au reste, ne nous flattons pas, Messieurs, de réunir toutes les opinions; il faudrait, | our y parvenir, avoir trouvé l’art de satisfaire tous les intérêts, et cet art est encore inconnu sur la terre. Entrons dans l’examen denotre position actuelle, relativement au numéraire. Quelles que soient les causes diverses de la rareté de celui qui est en possession d’être dénommé le numéraire réel, soit qu’elle soit absolue ou relative, que ce numéraire se soit écoulé loin de nous, ou qu’il soit enfoui, que ce soit enfin la malveillance ou la crainte qui le.dispersent, il nous manque; il faut y suppléer : le papier de la Caisse d’escompte ne peut plus en tenir lieu ; il faut le remplacer sans délai, plus d’incertitude à cet égard, plus d’hésitation ; elle deviendrait funeste. Il en est de la machine politique comme de celles qui concourent aux travaux de l’industrie : quand le secours des fleuves ou des ruisseaux lui est refusé par la nature, le fluide vient au secours de l’homme ingénieux qui fait soumettre l’air et le feu aux besoins des arts. Employons, à son exemple, la ressource d'une circulation nouvelle, au lieu de ces métaux enfouis, qui refusent de couler dans le Trésor public ; et bientôt la grande machine de l’Etat, dont la stagnation nous effraie, va reprendre son activité. Déjà votre comité des finances, au mois de décembre dernier, vous avait fait sentir les inconvénients de la disette du numéraire ; il vous avait proposé d’autoriser provisoirement la circulation des billets de la Caisse d’escompte, pour suppléer à la rareté de l’argent pendant les six premiers mois de l’année, et d’essayer si ce papier, auquel on paraissait habitué, pourrait en tenir lieu ; il espérait que sou remboursement n’étant pas éloigné, il serait préférable à des billets d’Etat, qui ne pourraient pas peut-être offrir cet avantage. L’échange volontaire de ces billets d’une compagnie de négociants, contre des assignats sur des biens du domaine et du clergé, avait paru suffisante pour retirer insensiblement les billets de la caisse. Votre comité avait pensé que, sans secousse et même sans efforts, cet échange rappellerait l’argent dans la circulation. Dans des temps plus heureux, cet espoir n’eût point été trompé; mais il en est arrivé autrement : les efforts des actionnaires ont vainement retiré près de 30 ou 40 millions de billets de caisse, par les demi-actions qu’ils se sont empressés de prendre ; les assignats n’ont point concouru à ces efforts. La caisse d’escompte n’en a pu négocier que pour 1,300,000 livres; nous n’avons pu en placer, parce que ç’auraitété manquer aux engagements pris avec elle, et nuire à la diminution de la masse de ses billets. Bientôt les craintes sur cette caisse se sont renouvelées, les murmures se sont accrus, et avec eux la défiance. Je n’examinerai point ici jusqu’à quel point ces plaintes peuvent être exagérées; il suffit qu’elles existent, pour devenir dignes d’attention. Le paiement à bureau ouvert ail 1er juillet devient incertain ; la caisse d’escompte est dans une position aussi critique que contraire au but de son établissement ; il faut céder aux circonstances; c’est une intempérie à laquelle il faut se soumettre. Elle fait baisser trop sensiblement le thermomètre du crédit, nour ne pas obéir à cet indicateur fidèle, dans l’atmosphère orageux au milieu duquel nous vivons depuis quelque temps ; mais puisons dans cette nécessité même de nouvelles ressources. Il en eût été autrement, Messieurs, il est permis de le croire, si les frais du culte eussent été définitivement réglés aussitôt après votre décret du 19 décembre; si le remplacement des dîmes eût été prononcé; peut-être alors les assignats circulant librement, eussent remplacé très heureusement la disette des espèces, ou plutôt les eussent fait revenir dans la capitale. Nous ne cesserons de vous conjurer de fixer bientôt les idées sur tout ce qui a rapport à la hiérarchie ecclésiastique. Nous sommes informés par l’un de vos comités, qu’il a un travail complet à vous soumettre sur cet important objet. Dans le moment actuel, il est au moins indispensable de dégager la portion des biens ecclésiastiques qui va être mise en vente de toute hypothèque et privilège ; de la présenter parfaitement libre à ceux qui vont les recevoir, et c’est [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] 605 une des précautions prises par le projet de décret I des citoyens qui la composent concourra au sue-qui vous sera soumis. Nous ne dirons rien de la I cès infaillible de cette détermination. forme des venies. de l’estimation , et même de la 11 en est du numéraire comme des contribu-désignation des biens ; vous avez nommé des commissaires pour procéder à toutes ces opérations : ils s’en occupent. Ces opérations sont certaines; mais, en accélérant ces ventes, il ne faut pas les précipiter, et rien à cet égard ne s’oppose à ce que vous décrétiez dès à présent la nature des assignats. Cette décision est d’autant plus urgente, que leur fabrication exigera un temps assez considérable, et que nous ne pouvons plus en perdre. C’est ici le lieu d’écarter une idée qui a paru se propager dans le public à l’occasion du plan proposé par la municipalité de Paris, mais qui n’a pas même pénétré jusqu’à votre comité. On a parlé un moment de billets municipaux ; on a dit que le crédit des municipalités pourrait offrir un nouveau numéraire : dispensez votre comité de discuter une aussi légère affection. 11 a paru sans doute très convenable, et j’ose dire très politique, de transmettre la propriété des biens ecclésiastiques, dès à présent, aux municipalités, d’ exproprier ces biens, pour me servir de l’expression d’un de nos orateurs; et déjà on en éprouve les heureux effets. La commune de Paris applaudit unanimement aux propositions faites par la municipalité à l’Assemblée nationale; de nombreuses soumissions sont offertes ; de très grandes municipalités annoncent leur adhésion à ce genre d’acquisition, les unes pour 12 millions, les autres pour 10, d’autres pour de moindres sommes. Bientôt, nous n’en pouvons plus douter, les valeurs qui représentent les 400 millions, se placeront tout naturellement dans les diverses parties du royaume, et l’organisation prochaine des assemblées de département concourra à accélérer les adjudications: il est donc temps, Messieurs, de poser sur la base d’un crédit vraiment national, le type du remboursement successif de la dette publique. Laissons à l’ancienne administration l’erreur des crédits intermédiaires ; montrons enfin à l’Europe entière que nous apercevons l’étendue de nos ressources, et bientôt nous prendrons avec assurance la vaste route de notre libération, au lieu de nous traîner dans les sentiers étroits et tortueux des emprunts morcelés et des négociations onéreuses. Pourquoi nous asservirions-nous plus longtemps à cette fatale habitude -contractée dans le labyrinthe de l’ancienne administration? Pourquoi cette crainte puérile de marcher sans appui? Est-ce à une grande nation qui se régénère, à douter de ses forces ? Un débiteur ordinaire, qui ne peut donner à ses créanciers qu’un papier auquel il ne peut apposer le sceau du numéraire, se débat avec découragement dans les liens d’une créance aussi pénible pour ses créanciers que pour lui-même; mais une nation qui peut donner à son papier le mouvement de la circulation, qui, par cette circulation nouvelle, peut répandre des bienfaits sur ceux qui, créanciers de l’Etat, sont débiteurs à leur tour vis-à-vis de leurs concitoyens; qui, par elle, peut rétablir dans l’Empire le courage de l'industrie engourdie par l’effet de la stagnation des espèces; qui, par elle enfin, peut rendre aux manufactures leurs travaux, aux ouvriers leurs salaires, au commerce son activité : cotte nation, dis-je, ne doit pas rester plus longtemps dans l’incertitude sur le grand parti qui lui reste à prendre ; et l’opinion tions : elles sont volontaires au moment de leur création, parce qu’elles sont consenties librement par les représentants du peuple; et elles le sont en effet vis-à-vis de la nation entière qui les a accordées. Elles n’en sont pas moins obligatoires vis-à-vis de chaque citoyen : il est forcé de se soumettre à l’expression de la volonté générale. Le nouveau numéraire, Messieurs, aura la même origine, et par conséquent la même autorité. Elle résultera de la convention solennelled’une grande famille composée de créanciers et de débiteurs, qui, pour l’intérêt commun, soldent leurs créances avec des contrats hyoothéqués sur des immeubles, jusqu’à la venteprochaine des bien--fonds, qui doit éteindre la dette ; c’e.-t au nom delà grande famille de l’Etat, qui vous a remis ses pouvoirs, que vous allez sceller cet accord, ce pacte très légal; il ne peut être mal accueilli ou mal interprété que par ceux qui, s'aveuglant sur la situation du Trésor public, se fondent sur de chimériques espérances, ou par ceux qui verraient, avec un joie coupable, se multiplier autour de nous les obstacles de la détresse. Vainement, Messieurs, vous objectera-t-on que l’excès d’un tel numéraire, en concurrence avec le numéraire réel, deviendrait très préjudiciable; oui, sans doute, si ces deux numéraires pouvaient longtemps rester en concurrence : mais d’abord le numéraire réel de la France est depuis longtemps au-dessous des besoins de son industrie. En ce moment, l’or et l’argent se cachent; ils s’enfouissent ; la malveillance les resserre ; le papier ne sera donc pendant quelque temps qu’un heureux remplacement. Ce n’est que le papier-monnaie proprement dit, c’est-à-dire celui qui ne porte pas intérêt, qui repousse le numéraire réel, parce qu’il s’agite continuellement, et ne repose jamais dans les portefeuilles, à cause de sa stérilité : mais la nature de celui que votre comité me charge de vous proposer, aura le double avantagede suppléer, dans ce moment, auxespèces qui nous fuient, aux billets d’escompte que l’on repousse, et de disparaître successivement de la circulation. A mesure que reparaîtront les espèces fugitives, il s’éteindra défi uitivement par la vente des immeubles désignés, et celte extinction prochaine ajoute beaucoup à sa valeur. Un si grande nombre d’excellents ouvragés nous ont donné, depuis quelque temps, des connaissances très justes sur la nature des différents numéraires que votre comité se reprocherait de vous en entretenir trop longtemps. Ceux qui , dans l’opinion contraire, ont flétri le papier-monnaie proprement dit, ont parlé d’un numéraire sans valeur, absolument étranger à celui dont il s’agit aujourd’hui : il ne ressemble en aucune manière aux dangereuses illusions de nos pères, dont les funestes effets sont encore gravés dans la mémoire de leurs descendants. L’or et l’argent présentent, à la vérité, pour principal avantage sur les autres numéraires fictifs, leur solidité physique; elle les met sans doute plus longtemps à l’abri de la destruction : ils se détériorent cependant avec le temps. Quant à leur valeur intrinsèque, elle n’est pas inaltérable; elle diminue par l’abondance progressive des métaux dont ils sont composés ; ils varient également dans leur valeur relative; ils peuvent être contrefaits comme les autres numéraires ; enfin ils ne sont point productifs comme peut l’être un papier heureusement combiné : voyons donc 60g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] si le nouveau numéraire leur sera véritablement inférieur. Au moment où une nation, en faisant circuler un métal, lui a donné une valeur supérieure à celle du poids de la matière dont eile est composée, elle a dit à ceux qui se trouvaient obligés d’en faire usage : vous ne pourrez refuser pour 24 livres, ce lingot, quoiqu’il ne vaille que 23; ni celui-ci pour 6 livres, quoiqu’il ne vaille que cent dix sols. Ou ne lui reprocha pas une injustice, parce qu’une convention générale ne peut pas en être une. Lorsque ces métaux circulèrent pour la première fois, on put leur faire, à cet égard, les objections qu’on accumule sur les autres numéraires; mais la réponse fut, sans doute, qu’une nation, en créant un signe représentatif, garantit plutôt le titre que la valeur; elle imprime uniquement le mouvement de la circulation. Les assignats sur les biens du domaine et du clergé, outre l’avantage de la circulation, auront une valeur complète, puisqu’ils sont le signe représentatif d’une valeur qui n’a point d’alliage, celle d’un immeuble cédé par la nation, qui, d’après vos décrets, aura nécessairement une valeur équivalente. Ils ne sont que des subdivisions des obligations que les municipalités déposeront daus la caisse de l’Extraordinaire. Votre comilé ne se lasse point de vous répéter que les assignats seront de véritables délégations, avec privilège, sur des immeubles partagés en petites portions pour la commodité des porteurs; ils auront, de plus, la valeur monétaire, que leur imprimera le sceau de l’État ; ils auront, enfin, une valeur immobilière que n’a jamais eue jusqu’à présent le papier d’aucune nation. Les valeurs mobilières, déposées dans les caves de la banque d’Amsterdam, qui sont représentées parses billets, peuvent être pillées, enlevées ; nos immeubles, au contraire, ne peuvent échapper au dernier possesseur des assignats. Ne perdons jamais de vue que les différents papiers circulants, répandus dans un royaume par la seule autorité d’un monarque, ou de son conseil, après avoir contracté un caractère d’injustice dans leur origine, éprouvent de la résistance dans leur usage, et offrent des abus incalculables dans la facilité de leur multiplication: mais tous ces vices disparaissent quand un papier est une émanation de la volonté générale. Qui d’entre nous osera douter de sa valeur? ce serait douter de nous-mêmes. Les assignats circulants offriront, par-dessus tous les autres avantages qui vous ont été exposés, celui que n’a pas le numéraire métallique, lorsque vous leur aurez attribué un intérêt raisonnable. Vous aviez fixé à 5 pour 100, par votre décret du 19 décembre, l’intérêt des assignats destinés à être donnes en paiement à la Caisse d’escompte, mais les nouveaux assignats seront d’une nature différente. Il ne vous avait pas été proposé, au mois de décembre dernier, de donner aux assignats le mouvement d’une circulation générale; la combinaison ne doit plus être tout à fait la même. Il est par conséquent indispensable d’examiner de nouveau cette question, en répondant à plusieurs objections qui ont été faites, et qui seront renouvelées, peut-être, sur la fixation des intérêts. Quelques personnes recommandables par leurs connaissances en matière de numéraire, tant réel que fictif, soutiennent qu’un papier qui tient de la nation l’avantage de la circulation, ne doit point y réunir celui d’uu intérêt; que c’est lui ôter même une partie de la rapidité de son mouvement; que c’est grever l’Etat d’une charge de plus, et qu’autant vaudrait-il faire un emprunt, s’il était praticable. Mais d’abord aucun emprunt n’est praticable ni proposable aujourd’hui, et il ne faut jamais perdre de vue qu’il s'agit ici, avant tout, du service de 1790, qui devrait être assuré depuis longtemps. Il est ensuite bien certain qu’un tel papier* surtout dans les circonstances présentes, s’affaiblirait successivement dans les mains de ceux qui, n’ayant aucun intérêt à le garder, chercheraient continuellement à s’en défaire; alors, par l’effet si connu de la concurrence, la multiplicité des débiteurs qui voudraient s’acquitter, ferait baisser continuellement la valeur conventionnelle, toujours indépendante de la valeur fictive; le vendeur volontaire hausserait, dans une proportion arbitraire, le prix de ses denrées: de là l’avil-lissement du papier national, des désordres dans les prix et des malheurs de détail inévitables, surtout lorsque la craintive défiance est accrue par les efforts d’une malveillance criminelle. De ce désordre, Messieurs, naît une réflexion faite pour frapper des législateurs : c’est que le papier sans intérêt, que le créancier de l’Etat ne pourrait ni garder avec un bénéfice, ni céder qu’avec perte, deviendrait une injustice à son égard; et assurément une opération injuste vous serait inutilement présentée. Abolissez à jamais, Messieurs, cette distinction immorale de la justice privée et de la ju-tice des nations. Descendez un moment du faîte de la législation, pour exami-nercommejuges celte question si simple: lorsqu’un débiteur s’arrange avec son créancier, que celui-ci prend avec lui des termes, en al tem'ant la vented’un immeuble; lequel des deux doitsupporter la privation des intérêts ? Est-ce le créancier? est-ce le débiteur? C’est ce dernier sans doute : autrement ce serait une faillite partielle. Eh bien ! Messieurs, replacez-vous maintenant sur les sièges des législateurs, et aussitôt vous prononcerez unanimement que la nation française, en s’acquittant avec un papier sans intérêt, n’exercerait pas vis-à-vis de son créancier, qui le recevrait malgré lui, une exacte justice. Ceux qui combattent la circulation des assignats objectent, à cet égard, que les assignats non circulants pourraient être donnés en paiement avec un intérêt plus considérable; qu’il faut, en conséquence, donner la préférence à ces assignats qu’ils appellent volontaires. Mais peut-on leur donner ce nom, dans cette supposition? La nation, en effet, offrirait à son créancier J’option entre un assignat, ou rien. N’est-ce pas abuser vis-à-vis de lui d’une autorité Yéritabieraeut tyranuique? Car enfin il a le droit d exiger un numéraire, parce que c’est un numéraire qu’il a donné. Le porteur d’une créance sur l’Etat est rarement celui qui l’a reçue immédiatement du gouvernement. C’est souvent un commerçant qui a des engagements à remplir, un propriétaire qui a des remboursements à faire; l’assignat que vous lui donnez dans ce cas, ou est onéreux pour la nation, si l’intérêt est très considérable, ou n’est pas l’équivalent du sacrifice qu’il est obligé de faire. De quel droit la nation exerce-t-elle ainsi sur lui l’empire de la nécessiié, et lui commande-t-elle souvent une banqueroute totale, par la faillite partielle dont elle ne craint pas d’encourir le reproche ? La circulation donnée aux assignats l’écarte entièrement ; par elle, l’Etat met son créancier à l’abri de tout dommage, parce qu’il peut le don- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] ner en paiement, et que, s’il est obligé de le garder, l’intérêt l’indemnise du retard. En matière d’emprunt, il est vrai, la génération suivante acquitte, par là, une partie des intérêts jusqu’au remboursement; mais d’abord, serait-ce une injustice;'’ N’acquittons-nous pas aujourd’hui les intérêts de la dette contractée avant nous? ne faut-il pas que le fardeau se partage entre les générations ? Celle qui a supporté les maux inséparables de la Révolution, même la plus heureuse, ne pourrait encourir de reproches si elle laissait quelques engagements à payer par ceux quien recueilleront tous les fruits. Mais il ne s’agit pas ici de faire acquitter des intérêts par notre postérité; ceux-ci vont s’éteindre avec la vente des immeubles, et c’est là ce qui rend l’opération qui vous est proposée bien supérieure à un emprunt ordinaire; c’est là ce qui donne à votre numéraire nouveau toutes les qualités qui concourent à le rendre véritablement précieux. Lorsque vous aurez réglé les moyens de pourvoir aux dépenses du culte public, et de toutes celles qui y ont quelque rapport, quelle carrière est ouverte aux législatures suivantes pour opérer avec la vente de tant d’immeubles, notre libération totale, sans surcharger d’intérêts les générations futures, soulagées d’ailleurs continuellement par l’extinction des renies viagères ! Un des grands avantages de l’intérêt qui doit être attaché aux assignats, c’est de rappeler eu circulation le numéraire réel, dans la proportion précisément où le numéraire nouveau séjournera dans le portefeuille du capitaliste, dans le comptoir du négociant, dans la bourse même du fermier et du laboureur, qui, dans ce moment, peut-être, retiennent l’argent sans l’enfouir. Ils le retiennent parce que les impositions se payent plus lentement; ils le retiennent parce qu’ils ont peu d’emplois à en faire : mais, lorsqu’un assignat portant intérêt et garanti par la nation, pourra lui offrir un bénéfice inconnu jusqu’aujourd’hui, il s’habituera insensiblement à ce nouveau numéraire moins volumineux et plus productif que l’autre. Ne peut-il donc pas même se mêler une teinte de patriotisme au désir d’obtenir un accroissement de revenu dans les nouveaux calculs de ces bons habitants des campagnes, qui d’ailleurs attachent encore plus de prix à l’acquisition d’un bien-fonds, que les capitalistes des grandes villes? Le commerçant, de son côté, voyant que le nouveau numéraire aura le double avantage de porter intérêt et de remplacer l’argent dans les paiements, l’adoptera sous ces deux aspects; les étrangers eux-mèines en feront un objet de spéculation, tant que le cours défavorable des changes ne leur permettra pas de réaliser les fonds qu’ils ont en France, et cette dernière observation répond à bien des objections. Votre comité croit apercevoir qu’en vous bornant à une quotité d’assignats égale à celle des immeubles dont vous avez décrété la vente, bientôt vous verrez rechercher l’assiguat qui réunit trois avantages précieux, celui de porter intérêt, celui de servir en paiement, et celui d’être appuyé sur un immeuble qui ne peut échapper au dernier détenteur. Aussi votre comité ne s’arrêtera point à la comparaison d’un papier aussi précieux, sous tous ses rapports, avec celui de cet habile Ecossais, devenu si célèbre, dont l’imagination offrit sous la Régence un numéraire qui, bien ménagé, n 'aurait [iàs eu sans doute les suites funestes qui l’ont décrié, mais lequel, enfin, reposait moins sur des valeurs réelles que sur des espérances. 607 Votre comité n’a pas cru devoir adopter le système des primes, proposé par la municipalité de Paris; il pense que si l’on se permettait de préférer cette chance à un intérêt déterminé, le succès éphémère qu’elle pourrait avoir par le secours de quelques riches calculateurs ne se soutiendrait pas : d’ailleurs, nous ne vous proposerons jamais de favoriser un jeu quelconque, quand il est capable de séduire de trop faciles capitalistes; il serait au-dessous de votre dignité, et contraire à votre justice, de placer des citoyens imprudents sur le bord d’un abîme où les trois quarts d’entre eux seraient précipités tous les mois. Pour épuiser tout ce qui doit être soumis à votre sagesse, relativement à la nécessité de donner un intérêt aux assignats, nous devons vous représenter l’inconvénient habituel qui est sous vos yeux, de n’en avoir pas attaché aux billets de la'Caisse d’escompte; il n’est plus temps de le faire, il faut échanger contre des assignats ces billets: mais c’est reconnaître de plus eu plus la nécessité d’attribuer un intérêt au papier qui va les remplacer. Nous ajouterons enfin, comme un motifde conviction de plus, que nous sommes entièrement d’accord à cet égard avec le premier ministre des finances, dont l’expérience est aussi précieuse qu’utile aux représentants d’une nation qui aime à lui conserver sa confiance. Quant à la mesure de l’intérêt annuel, plus de difficultés se sont présentées à l’exameu attentif qu’a fait votre comité des observations, et des adresses même, ou répandues daus son sein, ou publiées par la voie de l’impression. Il serait trop long de vous rapporter en détail la diversité des opinions à cet égard, elles se réduisent à deux, celle qui insiste pour un modique intérêt, et celle qui en propose un plus considérable. Sans doute, Messieurs, s’il ne s’agissait que de délivrer des assignats en paiement à V03 créanciers, sans leur imprimer le sceau du numéraire national, il serait juste de leur accorder un très grand intérêt ; car vos créanciers, comme nous l’avons déjà observé, obligés de s’en servir pour se liquider de gré à gré avec les leurs, feraient sans cela une perte qui deviendrait une cruelle injustice. Avec ce gros intérêt même, l’assignat qui n’aurait pas l’avautagede la circulation, pourrait, malgré sa valeur intrinsèque, se négocier de plus eu plus à perte, par la concurrence des vendeurs pressés d’acquitter leurs engagements tous à la fois : de là une nouvelle source d’agiotage, et même une route ouverte à la malveillance. Il serait impossible de vous offrir la mesure certaine de l’intérêt à donner à un pareil assignat : vous lui attribueriez 8 et 10 0/U, peut-être sans succès puisque d’autres effets sur la place se négocient et s’achètent à une perte plus grande; et, eu vérité, de pareils calculs sont dignes de vous. Mais du moment où les assignats deviennent un papier circulant dans tout le royaume, il est inutile que l'intérêt soit aussi fort. 11 serait même dangereux qu’il fût trop considérable. La prudence nous conseille, à raison des circonstances présentes, de ne nous livrer à aucun excès, en plus comme en moins. La raison la plus apparente que donnent les partisans d’un intérêt plus fort, est d’indiquer ce moyeu comme produisant le double avantage d’assurer, dans ce moment, le succès d’une opération sur laquelle repose le sort de l’Etat, en déterminant à recevoir avidement les assignats, 608 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] et de diminuer promptement la masse des billets en circulation, par le désir de les conserver. Nous rendons hommage à ces deux considérations, et nous ne les perdons point de vue dans l’avis auquel nous nous sommes fixés. Ceux qui demandent, au contraire, que l’intérêt soit très modique, craignent qu’en en forçant la proportion, on ne nuise à la négociation des effets ae commerce, et même aux placements relatifs aux entreprises de l’agriculture et des arts. On nous a représenté de toutes parts que l’escompte montera en proportion de l’intérêt accordé au billet circulant, et que cet accroissement, qui sera d’un et demi ou deux pour cent, peut être nuisible aux opérations actives du commerce. Nous ne devons point dissimuler que c’est là l’opinion de beaucoup de personnes recommandables par leur expérience dans les affaires de la banque et du commerce, considéré dans ses rapports avec les changes. Il est difficile de faire disparaître tout à fait cette objection qui résulte de l’élévation plus que probable de l’escompte. Il paraît, de plus, incontestable que si les assignats prennent faveur, comme votre comité ne peut en douter, le porteur de l’assignat, qui consentira à 1 échanger contre l’effet d’un particulier, pourra bien y mettre quelque condition à son avantage, qui augmenterait certainement le prix de cet échange. Il est vrai que cette crainte même fait présager le succès des assignats relativement au Trésor public; et cette observation n’est point indifférente : il n’en est pas cependant moins juste de prendre des précautions pour ne point exposer les commerçants à des pertes trop grandes, en introduisant un numéraire dont le cours fût nuisible à celui des lettres de change. Mais il nous paraît aussi démontré que le commerce, tant maritime qu’intérieur, a moiDs de crainte à cet égard que la banque : ce sont les droits de commission qui produisent en partie l’élévation de l’escompte : il n’en est pas de même vis-à-vis du commerce, et surtout vis-à-vis des manufactures. Dans bien des villes, l’argent se prête directement aux commerçants, à 5 U/0; et pourvu que l’intérêt de l’assignat soit un peu inférieur, on nous assure que le commerce n’a rien à craindre, et que s’il était réduit à quelques sacrifices, l’augmentation du numéraire, en encourageant les travaux, lui offrira des bénéfices équivalents. Nous ne devons pas d’ailleurs perdre de vue les différentes destinations de l’assignat ayant cours. L’une est de ramener le numéraire d’argent dans la circulation, par l’avantage qu’il aura sur les espèces stagnantes et non productives; et de l’élévation de l’escompte même naîtra, dans l’esprit des possesseurs de l’argent, le désir de placer en assignats, pour profiter à leur tour du bénéfice de celte élévation : mais il ne faut pas oublier, non plus, que les assignats devant suppléer pendant quelque temps aux espèces qui nous fuient, il serait dangereux de trop diminuer la rapidité de leur circulation par un intérêt trop fort. C’est dans cette combinaison difficile des deux contraires que consiste le succès du nouveau numéraire. L’opinion des députés extraordinaires du commerce, qui ont assisté plusieurs fois à votre comité des finances, a surtout influé sur notre détermination : nous avons leur avis par écrit, et ils insistent pour que l’intérêt des assignats ne soit pas au-dessous de 4 1/2 0/0. Il paraît que cette proposition rapproche les deux extrêmes ; que si elle produit l’effet de faire séjourner le assignats dans les porte-feuilles, il en résultera nécessairement que l’argent reparaîtra, parce qu'il n’y aura pas d’autre numéraire qui le supplée ; qu’elle fera regarder l’assignat comme assez productif pour engager son détenteur à le garder, et le possesseur de l'argent à désirer son échange contre l’assignat, mais pas assez cependant pour nuire à sa circulation. C’est de ce contre-poids que dépend le succès d’une opération neuve à beaucoup d’égards ; c’est sur elle que votre comité médite depuis longtemps. Il a jeté ses regards dans l’avenir, il les a ramenés sur le moment présent; il ne s’est point dissimulé combien de canaux de dérivation se multiplieront autour du nouveau fleuve dont les eaux sont destinées à vivifier le corps politique. Le premier ministre des finances ose à peine tenir le gouvernail dans cette route nouvelle. Votre comité vous propose donc, Messieurs, de donner 4 1/2 0/0 d’intérêt aux nouveaux assignats. Ce taux intermédiaire se place assez heureusement entre les deux opinions opposées, et il nous offre de plus deux avantages, qui, quoique secondaires, ne sont point du tout indifférents pour le succès de l’opération. Le premier est de donner une fraction très nette pour l’intérêt par jour, et l’autre de rendre infiniment facile l’échange des billets de la Caisse d’escompte contre les assignats. Avant d’entrer dans quelques détails à cet égard, votre comité se plaît à rappeler qu’il ne s’agit point ici de calculer les conditions d’un emprunt; il s’agit de balancer des forces contraires, et de trouver le modérateur le plus sûr. Il serait aussi imprudent de mépriser les premiers effets de la nouvelle circulation que de juger d’après eux de la durée de son succès. Il faut, sans doute, que la première impression soit heureuse; mais jamais des législateurs ne doivent lui sacrifier la réaction de l’avenir. En Espagne, le papier circulant appelé vales reales , perdit dans son début, et cette perte se soutint quelque temps par la faute du gouvernement, qui se détermiua mal à propos à indemniser de la baisse des gens qui avaient intérêt à ce quelle existât, pour avoir de plus en plus des bonifications certaines ; mais il a repris son niveau naturel, et quoiqu’il ne porte que 4 0/0 d’intérêt, il gagne actuellement l 1/2 0/0. Cependant il n’a pas l’avantage de l’hypothèque spéciale qui donnera à nos assignats une valeur plus réelle. Mais nous sommes dans des circonstances difficiles et délicates ; la balance des numéraires ne peut être alors dans son équilibre naturel, parce que la malveillance ajoute au poids de la crainte. Il faut donc être circonspect. Il suffit que l’intérêt des assignats soit au-dessous de l’intérêt légal pour ne point déranger les combinaisons ordinaires et préparer de loin la baisse de cet intérêt légal, en facilitant par la suite le paiement de la dette publique, et sa réduction de gré à gré sans injustice. En n’élevant pas trop l’intérêt de l’assignat, l’Etat trouvera aussi l’avantage puissant de faire face aux sacrifices que le Trésor public sera peut-être obligé de faire pour se procurer, pendant quelques mois, de l’argent, tant pour les appoints que pour la solde des troupes, et pour les autres dépenses de détail indispensables; mais nous lasserons probablement bientôt les thésauriseurs, et nous allons subordonner à la nécessité de con- [9 avril 1790.] 609 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. courir au succès de nos opérations ceux même qui se faisaient un plaisir cruel de les troubler. Je reviens à la facilité précieuse que procurera à la circulation la proportion de 4 1/2 0/0 d'intérêt. Elle offre pour un billet de mille livres un intérêt de trente deniers, ou deux sols six deniers par jour. Trois cents IL res produisent neuf deniers ; cent livres produiraient trois deniers, ou un liard, parce que nous vous proposerons d’adopter la division précise de l’année en douze mois égaux de trente jours chacun, qui est suivie assez généralement et usitée parmi les gens d’affaires. Nous ne vous proposerons point de faire des billets au-dessous de deux cents livres; ce serait, selon nous, une grande faute, parce qu’ils éloigneraient de plus en plus l'argent que nous cherchons à rappeler; il ne faut point que la pénurie de l’argent se fasse sentir dans la classe des citoyens qui vivent du produit journalier de leurs bras. Quant aux fractions simples de l’intérêt journalier, elles seront infiniment commodes pour la facilité des décomptes, surlout lorsque les assignats pénétreront dans les campagnes. 11 eût été impossible de trouver des fractions aussi nettes dans tout autre calcul, sans changer la coupure des billets, ce qui est impossible dans ce moment. C’est faciliter beaucoup la circulation du nouveau numéraire, et remplir par conséquent une de vos intentions, que d’attribuer aux assignats un intérêt journalier qui les suive à chaque pas, pour ainsi dire. Mais un autre objet important de notre opération, est de nous liquider promptement avec la caisse d’escompte, de rompre sans délai les liens qui attachent cette caisse au Trésor public ; et l’échange des billets de caisse contre des assignats ne peut être trop tôt consommé. Dans la combinaison de l’intérêt que nous vous proposons, les coupures des billets se concilieront complètement avec celles des billets actuels de la caisse d’escompte, et par là on évitera, dans leur échange, les difficultés qu’il serait dangereux de faire naître en négligeant cette circonstance, qui n’est nullement minutieuse. On pourrait faire des billets plus forts par la suite, si on le juge à propos, pour faciliter les gros paiements. La différence des couleurs annoncera la quotité du billet, et l’intérêt par jour sera mentionné en marge. L’un des articles du projet de décret de votre comité vous offre le moyen de faire jouir, dès à présent, le public porteur des billets de la caisse d’escompte, d’une partie des avantages qui résulteront des nouveaux assignats, en attribuant sur-le-champ un intérêt équivalent à celui des assignats aux porteurs de ces billets, afin de leur faire attendre, avec plus de patience, la nouvelle fabrication. Aussi, à compter du 15 de ce mois, les actionnaires de cette caisse ne jouiront plus d’aucun intérêt; il appartiendra aux porteurs de billets, leurs véritables créanciers. Aussitôt après la fabrication des nouveaux assignats, la manière de nous acquitter avec ces actionnaires sera bien simple. Le trésorier de l’Ëxtraordinaire retirera des mains du public les billets de la caisse d’escompte, et aussitôt il rendra à cette caisse le papier qu’elle nous avait piété: rien de plus simple que cette opération. Les avis se réunissent pour que les assignats portent un signe de la garantie nationale; ce muet interprète de la volonté publique peut êtrp un motif de confiance de plus auprès de quelques lre SERIE, T. XIL capitalistes d’habitude, ou auprès de ceux qui aiment ce qui frappe les yeux avant d’arriver jusqu’à l’entendement. Enfin, le commère ■. demandait que les as-ignals fussent à ordre, pour la sûreté des transports d’un heu à un autre. La signature qui serait apposée volontairement derrière l’assignat, ne serait point un endossement; elle ne serait que l’indication de la transmission de l’assignat : mais il nous a semblé qu’elle paraîtrait souvent inutile, surtout dans une même ville. Nous pensons qu’il y a lieu de ne pas interdire cette précaution à ceux qui voudront l’employer, quanl l’assignat passera d’une ville dans une autre ; mais nous croyons aussi qu’il ne faut pas en faire une des conditions indispensables de l’assignat ; ce serait une gène de plus : il n’en faut point dans la circulation. Ceux qui feront des envois d’assignats dans les différentes parties du royaume, prendront à cet égard, ou les mêmes soins que pour les envois d’argent, ou la précaution de la signature au dos de l’assignat, à volonté. Mai-� un autre motif, plus important encore, nous a déterminés à ne point prescrire cette formalité; ce serait dénaturer le caractère de monnaie que la nation lui aura donnée. Il s’agit ici d’un numéraire; les assignats ne peuvent trop en réunir toutes les qualités. Quant à la quotité de l’émission des assignats, il existe à cet égard plusieurs opinions différentes. Nous ne nous arrêterons point à celle qui propose hardiment un et même deux milliards de papier pour payer toute la dette arriérée, rembourser les offices, les cautionnements, etc. Cette opération n’est pas proposabie; ce serait étouffer dans sa naissance l’effet du nouveau numéraire, et se jeter volontairement dans un abîme de maux. Nous ne vous proposerons pas même six cents millions, comme le désirent quelques personnes dont l’opinion est plus recommandable. Nous avons pensé que deux motifs irrésistibles devaient réunir définitivement loutes les opinions sur la masse des assignats, et vous décider à ne pas la porter au delà de 401) millions. Le premier est qu’il serait imprudent de ne la pas fixer au-dessous de la quotité des impositions. Il ne faut pas perdre de vue que c’est par le paiement des impositions que circulera le plus rapidement la masse divisée des nouveaux assignais, et que le raisonnement, la prudence, la justice même concourent à ne point excéder cette limite naturelle. Le second motif nous paraît plus puissant encore. Quelle est la nature des nouveaux assignats? c’est c> Ile d'urie délégation sur le prix de la vente prochaine d’un immeuble : voilà cequi rend ce nu-mérairedigriede la plus grande confiance. Pour que cette confiance soit pleinement assurée, pour que rien n’akèrela matière connueetdurabledont il est composé, il est impossible d’excéder la somme des 4U0 millions qui la composent. Il faut que chaque assignat corresponde, pour ainsi dire, aux yeux de tous, avec l’arpent de terre qü’il représentera. Ainsi, nous vous proposerons comme une condition impérieuse, de ne point excéder 4U0 millions. Un règlement particulier indiquera l’époque et la forme de l’extinction des assignats. Le premier ministre des finances, avec lequel nous avons concerté, suivant vos intentions, le projet de décret rédigé dans le comité, lui a donné son assentiment; il a éclairé notre marche, et son zèle s’est réuni au nôire. Lorsque vous aurez pris, sur des assignats, la détermination qu’atteud de vous la France entière, il concourra de tout son pouvoir à en assurer le succès par 39 640 [Assemblée nationale.} cette surveillance des détails intérieurs de laquelle dépend si souvent la réussite des plus grandes entreprises; mais elle dépend surtout, Messieurs, dans les circonstances présentes, d’un v ti table accord de toutes les volontés : réunissons-nous pour procurer promptement, par ce nouveau numéraire, à toutes les parties de l’empire, le soulagement qu’elles réclament, et, pour ainsi dire, la nouvelle existence qu’elles attendent. Celles de nos provinces qui repoussaient les billets de la caisse d’escompte, attendent sans répugnance le papier national; plusieurs grandes villes le demandent ; les négociants qui pouvaient hésiter encore, reconnaissent maintenant que, sans un prompt changement dans l’état actuel des choses, il sera impossible de recevoir plus longtemps du papier sur Paris, parce que sa perte s’accroît tous les jours. Nous avons entre tes mains des adresses revêtues des signatures les plus recommandables des manufacturiers et des commerçants, qui réclament un nouveau numéraire. Vous n’avez point, oublié cette adresse éloquente et patriotique des négociants de Bordeaux, de cette cité si célèbre dans les fastes du commerce ; elle a adopté l’une des premières la circulation des assignats ; son exemple sera suivi de toutes ses rivales, ainsi que de toutes les villes qui ne peuvent prétendre à l’être. Elle a envoyé son adhésion anticipée à celle des opérations de finances qui vous paraîtrait la plus adaptée aux circonstances; ses commerçants réunis l’ont appuyée d’un serment solennel. Bientôt la circulation des assignats deviendra la plus libre des opérations, puisqu’elle sera secondée des efforts et des volontés de tous. La capitale, écrasée par un papier dont elle ne peut se servir habituellement pour acquitter lu prix des consommai ions qui forment tous les jours sa dette vis-à-vis des provinces, recevra surtout avec reconnaissance un numéraire plus actif pour elle, et j’ose ajouter, plus digne de vous. Votre comité des finances vous parlerait peut-être avec moins d’assurance, s’il s’agissait de répandre pour la première fois un numéraire fictif : mais les choses ne sont plus entières à cet égard. Il en existe un, qui est au-dessous d’un numéraire fictif, puisque, si j’ose m’exprimer ainsi, il n’est pas un numéraire effectif, et que rien ne deviendrait plus contradictoire en administration, qu’un papier concentré dans une seule ville; il ne peut alors avoir aucun des avantages du papier circulant, et il n’en conserve que les inconvénients, ün peut encore moins s’arrêter à l’idée d’un papier municipal, qui varierait suivant la situation des immeubles ou des municipalités qui les auraient acquis; ce serait revenir à peu près à cette ancienne et absurde diversité des monnaies des anciens grands vassaux de la couronne. Votre comité ne vous propose donc que de remplacer un numéraire imparfait, par un numéraire doué de tous les caractères qu'aucun papier connu n’a offerts jusqu’à nos jours, puisque maigre son heureuse mobilité, sa base repose sur un immeuble réel, sur une hypothèque spéciale-, et quand il sera bien apprécié comme il doit l’être, il ne tardera pas à remporter sur l’argent même. Enfin, une dernière considération doit être sans cesse présente à votre esprit, au moment de votre délibération : c’est que cette grande et puissante pératiou va lier tous les citoyens à la chose publique. Tous les possesseurs des assignats, quels qu’ils soient, habitants des campagnes ou des villes [9 avril 1790.] auront entre leurs mains le gage de l’aliénation des immeubles domaniaux et ecclésiastiques; ils désireront rapprocher l’époque de cette aliénation. De toutes les cl as -es de citoyens s’élèveront des voix qui accéléreront les ventes; et vous savez, Messieurs, que le désir de tout un peuple laisse à peine entrevoir l’intervalle qui sépare l’acte de sa volonté, de l’effet rapide et surtout infaillible de sou exécution. PROJET DE DÉCRET proposé par le comité des finances. A compter de la présente année, les dettes du clergé sont réputées nationales : le Trésor public sera chargé d’en acquitter les intérêts et les capitaux. La nation déclare qu’elle regarde comme créanciers de l’Etat tous ceux qui justifieront avoir légalement contracté avec le clergé, et qui seront porteurs de contrats de rentes assignées sur lui. Elle leur affecte et hypothèque, en conséquence, toutes les propriétés et revenus dont elle peut disposer, ainsi qu’elle le fait pour toutes ses autres dettes. Les biens ecclésiastiques qui seront vendus et aliénés en vertu des décrets des 19 décembre 1789 et 17 mars dernier, sont affranchis et libérés de toute hypothèque de la dette générale du clergé, dont ils é aient ci-devant grevés, et aucune opposition à la vente de ces biens ne pourra être admise de la part desdits créanciers. Art. 3. 11 sera pourvu très incessamment au remplacement des dîmes, et à toutes les dispositions nécessaires pour assurer, au plus tôt, de la manière la plus juste et laplus solennelle, les frais du culte, l’entretien des ministres, les pensions des religieux ou religieuses, et les droits des titulaires actuels des biens du clergé. Ce sera l’objet de plusieurs décrets particuliers. Art. 4. Les assignats créés par les décrets des 19 et 21 décembre 1789, auront cours de monnaie dans tout le royaume, et seront reçus comme espèces sonnantes dans toutes les caisses publiques et particulières. Art. 5. Au lieu de 5 0/0 d’intérêt par chaque année, qui leur étaient attribués, il ne leur sera plus alloué que 4 1/2 0/0, à compter du 15 avril de l’année présente; et les remboursements, au lieu d’être différés jusqu’aux époques mentionnées dans lesdits décrets, auront lieu successivement par la voie du sort, aussitôt qu’il y aura une somme d’uu million réalisée en argent sur les obligations données par les municipalités pour les biens qu’elles auroilt acquis, et en proportion des rentrées de la contribution patriotique des années 1791 et 1792. Si les paiements avaient été faits en assignats, ces assignats seraient brûlés publique ment, ainsi qu’il sera dit ci-après, et l’on tiendra seulemeut registre de leurs numéros. Art. 6. Les assignats serontdepuis LOOOjusqu’à 20ü livres. L’intérêt se comptera par jour. L’assignat de 1,000 livres vaudra deux sols six deniers par jour; celui de 300 livres, neuf deniers; celui de 200 livres, six deniers. Chaque mois comptera pour trente jours. Art. 7. L’assignat vaudra chaque jour son principal, plus l’intérêt acquis; et on le prendra pour cette somme. Le dernier porteur recevra au bout de l’année le montant de l’intérêt, qui sera payable à jour fixe par la caisse de �Extraordinaire, tant à Paris que dans les différentes villes du royaume. A ROUTES PARLEMENTAIRES.