SÉNÉCHAUSSÉE DÉ CHATELLEHAULT. PROCÈS*- VERBAL fies commissaires de Vordre du clergé de la séné - chaussée de Chatellerault , du 18 mars 1789 (1). Aujourd’hui 18 mars 1789» en vertu de l’ordonnance de M. le sénéchal, rendue en rassemblée des trois ordres, le clergé de cette sénéchaussée, assemblé dans l’église des Frères Mineurs de cette ville, a procédé à la nomination des commissaires nécessaires à la rédaction de tous les cahiers qui ont été présentés par les différents ecclésiastiques de cette assemblée, et ont été nommés députés pour ce travail les personnes de MlW. Gabriel Pa-lougier, prieur des Seuillé ; de Pierre-Louis-François Joyeux, curé de Saint-Jean-Baptiste de cette ville; Vincent Poirier, curé de Seigné-sur-Ùsseau et archi prêtre deFaye; Gilles Gauvin, curé de Bonneuil-Matours ; Jean-Joseph Rolland, chanoine de l’église collégiale de cette ville; du K. P. Antoine de Lugens des Valions, ancien custode et ex-définiteur de l’ordre des Frères Mineurs conventuels, et Jean Laillaud, curé de Fressineau, qui a bien voulu accepter aussi la commission de secrétaire de notre ordre; lesquels» après avoir accepté leur commission, se sont assemblés le mêmejour dans le couvent desdits religieux conventuels, pour travailler selon le vœu de leurs commettants, se sont retirés sur le soir et ajournés au lendemain matin dix-neuf du présent mois* Avenant ledit jour, lesdits commissaires se sont assemblés au même lieu sur les huit heures du matin pour continuer leur travail, et se sont uniquement occupés à la lecture et examen des cahiers qui leur avaient été mis en mains pour les réunir en un seul. Avenant l’heure de deux, lesdits commissaires ont continué l’examen desdits cahiers, quoi fait, ils ont divisé en plusieurs articles l’ouvrage relativement auxdits cahiers. Avenant le vingt du présent, lesdits commissaires se sont occupés de leur travail, et comme ils ont désiré de se retirer chez eux pour y réfléchir et vaquer à leurs affaires, ils se sont ajournés au jeudi vingt-six du présent, sur les neuf heures du matin. Et avenant ledit jour et heure, ils ont commencé la rédaction desdits cahiers ainsi qu’il suit : CAHIER Des représentations, plaintes et vœux rédigés par les commissaires nommés par le clergé de la sénéchaussée de Châtellerault, pour être présentés aux Etats généraux. L’ordre du clergé de la sénéchaussée de Châtellerault, sensible à l’heureuse liberté de porter aux-pieds du trône son respect le plus profond et son attachement le plus inviolable pour la personne sacrée du Roi, et jaloux de concourir dans (1) Nous publions ce procès-verbal et le cahier qui suit d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. toutes ses propriétés» avec les deux autres ordres de l’Etat, aux besoins publics, charge son député aux Etats généraux d’y présenter les réflexions qui suivent. L’oubli du principe forme le préjugé et la source de la diversité d’opinions, la diversité d’opinions sème la discorde, la discorde met le désordre, le désordre ouvre le précipice au bord duquel la France a le malheur d’être assise. Pour n’y pas tomber il lui importe de se souvenir du précepte qui renferme la plénitude de la loi : L’amour de Dieu et du prochain ; de s’assembler en Etats, bien résolue de le suivre; autrement les députés réunis seraient comme des pilotes embarqués sans la boussole, seraient, pour le dire après notre digne métropolitain, semblables aux insensés que le ciel frappa de la confusion des langues, La solidité de l’édifice qu’ils sont chargés d’élever dépend de l’assistance divine, et l’éclat qu’ils pourraient recevoir de la main des hommes isolés passerait comme ces feux qui ne font qu’éblouir, parce qu’ils s’éteignent en s’allumant. Par Dieu, les rois régnent ; par Dieu, les auteurs des lois les font justes. Religion. Pourquoi demander aux Etats généraux qu’ils fassent reconnaître le domaine de Dieu sur l’homme, en assurant à la religion catholique» apostolique et romaine le culte public exclusif? Qu’ils statuent que les archevêques et évêques conviennent entre eux de régler que la manière de célébrer les saints mystères, de prier, de chanter l’office divin, d’administrer les sacrements et . de catéchiser, soit une, tant dans les paroles que dans le sens, dans tout le royaume , afin d’éviter les frais d’une multitude de planches qui coûtent beaucoup aux sujets de l’Etat sans accroître leur édification. Que la sainte quarantaine du carême et les jeûnes des Quatre-Temps soient partout les mêmes et aux mêmes jours, la seule fête patronale de chaque diocèse exceptée. Cette discipline ecclésiastique une fois établie, il ne sera loisible à aucun archevêque et évêque d’y rien changer, augmenter ou retrancher sans le concours unanime et entier des évêques de la nation. Que les règlements de police concernant' la sanctification des dimanches et fêtes soient confirmés et exécutés; qu’il en soit ainsi de ceux contre les blasphémateurs publics du saint nom de Dieu, de ses saints et de la religion. Ministres de la religion. Après avoir mis les droits sacrés et les saints usages de la religion sous la sauvegarde des Etats généraux, il est juste de leur recommander ses ministres nécessaires, dont la plupart depuis longtemps sont privés de leur légitime patrimoine qui a été converti en prieurés simples auxquels on a attaché le titre frivole de curés primitifs [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussèé de Châtèllerault.] CR7 avec l’honneur de l’office dans les jours les plus sôlennels ; ne laissant an vrai curé que le poids dû jour et de la nuit, et un impuissant chagrin, n’ayant à offrir que des paroles pour toute consolation aux malheureux dénués de tout, chez qui son état l’appelle chaque jour. Pour réparer une détresse aussi importune et une dignité aussi lésée, demander aux Etats que ces mômes biens retournent à leur ancienne destination, et que le titre de curé primitif, aussi pompeux qu’inutile, soit généralement supprimé, en quelques mains qu’il se trouve, les uns et les autres réservant à chaque titulaire la jouissance pendant sa vie avec défeüse de résigner, Que toutes les compagnies séculières établies dans les campagnes et dans les villes du dernier ordre, ainsi que le surplus de deux dans les villes capitales et d’üne dans les villes du second ordre soient éteintes etleürs biens employés aux mêmes fins : si mieux n’aiment les Etats ordonner que chaque Curé à portion congrue et au-dessous, soit dans les villes, soit dans les Campagnes, serait doté de 2,000 livres et de 1,000 livres les vicaires des paroisses qui seraient multipliés suivant le nombre des habitants. L’immensité des revenus de tous les bénéfices simples éteints et des manses capitulaires supprimées , non-seulement suffirait dans chaque diocèse aux dotations proposées , mais encore fournirait aux fabriques des paroisses de quoi entretenir et réparer au besoin les églises et les presbytères. Ces pauvres ministres pourvus d’une telle dotation et déchargés des réparations qui n’auraient dû les regarder en rien, puisque la propriété de leur demeure appartient à la communauté que là loi a toujours obligé de fournir, même à défaut de presbytère, ne seraient plus exposés à l’infamie de faire acheter leurs fonctions saintes par un casuel forcé, n’aüraient plus la douleur de renvoyer la main vide un nombre d’indigents confiés à leurs soins , jouiraient pendant leur vie du gracieux sentiment de sauver du pillage leurs dépouilles, et n’emporteraient plus au tombeau la honte d’être méconnus des leurs. De même leurs collègues n’auraient plus l’humiliation de tendre la main à celui de qui ils désireraient la remplir, Qu’il serait formé dans chaque diocèse des maisons de retraite où ces anciens ecelésistiques seraient honnêtement et honorablement traités, ou une pension proportionnée à leur état et à leur choix, Colleges. L’avântage qu’on retire des collèges royaux nouvellement établis ne peut donner le nombre des sujets capables de remplir les différentes places de la société , parce que la plupart des pères de famille, dans l’impuissance de faire les frais qui sont attachés à ces collèges, renoncent à y placer leurs enfants. La foule est donc obligée de recourir à des collèges gratuits. Qu’il nous soit permis de mettre sous les yeux des Etats que la dépravation des mœurs et la trop grande dissipation de la jeunesse laissent apercevoir depuis plusieurs années, dans presque tous ces collèges, un vide qui présage la perte des vraies sciences et des beaux-arts et l’extinction des sujets propres au besoin de l’Eglise et de l’Etat. Les régents, la plupart beaucoup trop jeunes, n’étant guère plus amateurs du travail et de la retraite, précipitent la besogne et ne font que l’ébaucher * dé tes écoles énervées ne sorteût que des ineptes, qui, guidés par la seule cupidité, ne craignent pas d’embrasser jusqu’aux états les plus difficiles. Il est donc de la dernière importance de remédier au plus tôt à ce grand abus. La masse de tous les réguliers, tout engourdie qu’elle paraisse, offre encore cette ressource et est l’unique qui puisse le plus tôt et le mieux concourir à cettê régénération si désirable ; pour cet effet il conviendrait de diviser les religieux de tous les ordres en quatre congrégations oti instituts distincts et permanents, portant tous l’habit ecclésiastique avec une légère marque qui les distingue; qui, ainsi renouvelés et réunissant leur doctrine, leur science et leur vertus, reprendraient bien vite l’esprit du travail et le zèle qui les a si longtemps distingués et rendus précieux à l’Eglise et à l’Etat. Deux de ces congrégations, dont la première serait destinée à l’enseignement des humanités, l’autre professerait la philosophie et la théologie dogmatique avec la plus saine morale; une troisième remplirait les stations de la chaire pour le carême et les avents ; la quatrième enfin serait divisée pour la conduite des séminaires et le soin des hôpitaux. Ges quatre associations auraient chacune des pépinières d’élèves , qui y seraient principalement formés pour l’occupation particulière à l’ordre. Hôpitaux. S’il est utile de destiner aux religieux une tâche aussi laborieuse qu’elle est noble, il est humain et juste de leur fixer un traitement proportionné à leurs services ; et comme l’ouvrier usé par le long travail mérite le repos, il faut aussi à chacune de ces congrégations des maisons de retraite, où leurs vieillards et leurs infirmes puissent finir leurs jours dans une tranquille méditation de choses saintes. Tous les biens des jésuites en économats depuis leur destruction, tous ceux des réguliers supprimés, unis au clergé, et ceux de toutes les manses des réguliers et religieux qui existent encore, offrent abondamment les moyens d’entretenir chacune de ces nouvelles congrégations et les ressources de procurer aux hôpitaux un local commode qui manque aux uns ; les fonds proportionnés aux charges et à la position des autres ; enfin ces soins si nécessaires et si consolants doht la plupart sont privés, qu’une profession d’état peut seule faire sep tir et donner. Les religieuses hospitalières et les religieux déjà consacrés à cette œuvre pie Sont donc si propres à les gouverner, qu’on ne peut trop multiplier ces courageux gardiens de l’humanité souffrante, de qui la religion réclame pour chaque hôpital un aumônier sédentaire qui puisse à heure et à temps y administrer les malades, instruire et consoler les pauvres que ces hospices peuvent consoler. Mendicité. Malheureusement le nombre de cês asiles de charité ne suffit pas aujourd’hui pour loger les mendiants qui se sont accrus à l’infini, tant à la campagne que dans lès villes; parce que les propriétaires accablés d’impôts ne peuvent à peine se soutenir qu’en soumettant leurs Colons aüX conditions les plus onéreuses, que ces derniers sont contraints d’accepter pour jouir d’une chau-* mine. Ces maîtres s’attribuent sur le monceau commun des préférences considérables qui, @88 [États gén: 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault.] réunies aux frais de récolte et à la levée des semences pour l’année suivante, ne laissent aux pauvres colons, de leur labeur, que des larmes en partage. Pour manger et procurer à leur famille le pain que des chiens affamés dédaignent, ils sont forcés de recourir à quelques journées et à des charrois qui énervent et tuent souvent leurs bêtes de labour ; cette perte les réduit nécessairement à mendier. En ville, la condamnation dénaturée d’acheter chèrement la permission de travailler, cause infailliblement la ruine de l’artisan : presque tous les garçons sortis d’apprentissage, attachés à leurs métiers, ayant épuisé le gain de leur jeunesse pour l’achat d’une maîtrise, n’ont plus que la ressource d’un emprunt souvent usur.aire pour meubler leur boutique d’outils nécessaires. Ils sont écrasés du poids de ce contrat, qui, subsistant quelquefois plus qu’eux, répand sur leur travail une amertume qui les en dégoûte jusqu’à oublier le lien conjugal et le sentiment de la nature pour leurs enfants, que cet abandon met aux portes. Le remède le plus naturel et le plus prompt de ces accidents affligeants pour l’humanité, peut s’apercevoir et se trouver dans une retenue annuelle sur les abbayes, d’autant plus légitime qu’elle est conforme à l’esprit des fondateurs, qui ont tous entendu qu’une portion de leurs dons serait appliquée au soulagement des pauvres. On peut y joindre les revenus de la vacance des évêchés "et desdites abbayes, qui ne servent aujourd’hui qu’à faire la fortune de plusieurs personnes inutiles. Ces sommes, dans chaque diocèse seraient confiées aux commissions intermédiaires des Etats provinciaux qu’il convient de solliciter pour toutes les provinces, dans les différents districts, pour être par eux distribuées aux municipalités des paroisses qui entretiendraient les ateliers de charité pour occuper utilement les bras des mendiants ; le journalier même, content de puiser sa richesse dans ses sueurs, y trouvant place à propos , n’éprouverait plus l’indigent ennui qu’une saison rigoureuse lui occasionne. Agriculture. Tout le monde sait que l’agriculture est l’objet le plus intéressant, étant la base de toutes les richesses. C’est par les productions de la terre qu’elles arrivent et s’accumulent; cette mère féconde nous procure la nourriture, les vêtements avec tout l’argent nécessaire pour payer les impôts ; c’est par elle que le commerce et l’industrie sont animés ; c’est d’elle non-seulement que nous tirons nos vrais besoins, mais encore tous ceux de fantaisie et de luxe que la vanité des grands et des riches invente ; c’est elle qui fournit à la splendeur des trônes. Il est juste qu’elle y joigne le salaire de l’ouvrier qui en arrache tous ces trésors. Les grands avantages qui résultent de l’agriculture indiquent donc tous les égards qu’elle mérite; les Etats ne manqueront sûrement pas de *’en occuper. Outre le soulagement personnel que la justice désire pour le bon laboureur, elle veut d’abord qu’on délivre les fruits de son travail de tout ce qui peut les détruire ou les altérer. Rien de plus nuisible aux productions de la terre que les bêtes fauves, les lapins, les pigeons; la sauvegarde accordée à ces animaux ne peut devoir son origine qu’à un temps d’oppression. Un temps de liberté et de raison doit l’abolir, ainsi que les privilèges, enfants de l’ambition ou de l’erreur, qui ont accoutumé les uns à prendre pour droit incontestable l’usurpation, de soustraire à une contribution mesurée l’opulence de la mitre et de l’épée, condamné les autres à s’avouer tenus de sacrifier de plus en plus une triste suffisance au besoin public. A notre avis, on ne peut être citoyen sans convenir que l’universalité des propriétés, quelles que soient les dénominations pieuses ou pompeuses que les différents temps ont attaché à certains biens, a, dès son principe, l’obligation inhérente et conserve, à moins d’une injuste interruption, une perpétuelle responsabilité de la dette nationale et du besoin de la patrie. En vain le haut clergé exposera la consécration des biens que la piété des anciens fidèles lui a abondamment donnés ; en vain il lui plaira d’assigner à ces mêmes biens des destinations particulières ; en vain il s’efforcera de conserver la maîtrise arbitraire et secrète d’imposer sur ces mêmes biens ces dons volontaires, tous ces titres et prétentions ne peuvent dispenser ces mêmes biens de leur obligation première, parce que l’intention des justes fondateurs ne pouvait être de vouloir affranchir leurs offrandes du fardeau que l’Etat avait droit d’y imposer pour ses besoins , surtout quand les vraies destinations de ces pieux dons ont cessé; surtout quand la modique portion qui reste encore entre les mains du bas clergé est la seule que ce haut clergé sache sacrifier, non-seulement à ce qu’il appelle liberté de ses présents publics, mais encore à la dépense de ses entreprises privées. Tel sera le sort invariable du bas clergé, tant que l’administration qui le régit continuera le vice de sa composition, laquelle interdit tout espoir d’éviter les vexations les plus criantes, si elle n’est pas détruite par les Etats généraux, seuls capables de supprimer cette chambre ténébreuse, et de délivrer des repentirs les plus amers qu’elle ne craint pas de prédire à la suite de cette solennelle assemblée. N’y aurait-il donc que des droits de prescriptibles, et les infractions seraient-elles inviolables et sacrées? Mais si on a eu la longue industrie de se faire autoriser à exercer des entreprises et des violations de droits immuables, le plus juste et le plus bienveillant des Rois donne aujourd’hui la permission expresse de la réclamation et de l’espoir du redressement. Le peuple ecclésiastique, dans ces circonstances heureuses, n’a rien de mieux à désirer et à demander qu’une imposition commune et proportionnée aux propriétés avec tous les sujets du Roi : régime qui, donnant à tous le même cœur et le même intérêt, bannira toute discorde et établira une paix générale. Il faut cependant ajouter que la pleine paix dépend de la sûreté des fortunes et du respect inviolablement gardé pour la propriété. Mais comment prétendre aujourd’hui s’appuyer des principes que l’excès des impôts et des emprunts a réduits au seul nom ! Gomment pouvoir espérer une garantie de fortune et une illésion de propriétés, tandis qu’au sein de la paix le peuple français n’a plus que le reste de ses sueurs et de son sang pour combler un abîme de dettes que les passions d’un Roi ami de l’ordre et de l’économie n’ont pas creusé ! C’est du cœur paternel de ce vertueux Roi qu’il faut attendre le remède de nos maux ; c’est à sa tendresse que lè retour de l’antique franchise française était réservé. Le Dauphiné a déjà et sans efforts obtenu cette noble faveur. Demandons avec confiance la constitution de pays d’Etats et autres conditions que Sa Majesté a daigné accorder à la province de Dauphiné, pour la ville etdistrict de Châtellerault ; [Etats gén. 1789. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMEN1 AIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault.] 6gO cette sénéchaussée, de tout temps reconnue princi-, pale et d’un arrondissement séparé de toute autre province, est susceptible de cette grâce royale , ce bienfait ne peut nuire à ses voisins, qui peuvent former ce, vœu, croire au même espoir, étant les enfants d’un même père. Par ce nouveau régime nous recouvrerons l’ancienne liberté des Francs, qui était de s’imposer eux-mêmes à volonté. Nous reprendrons notre première dignité. Par ce nouveau régime le commerçant sera tiré des mains avides du financier ; le commerce, ce nerf de la richesse de l’Etat, trouvera la liberté et l’extension que tout individu lui désire comme étant la source de l’abondance publique et le grand ressort qui meut et donne l’activité à toutes les parties de l’Etat. 11 ne sera plus gêné par une multitude d’entraves que lui mettent les aides, les traites et les péages, qui lui préjudicient encore moins par les droits excessifs que par le retardement qu’entraînent les visites et mille formalités que la rapacité des traitants a inventée. ftfLa protection qui lui est due exige évidemment le reculement des douanes aux frontières. La simplification claire des droits d’aides, si on ne peut (ce qui serait un très-grand malheur) les ôter en entier; l’extinction de tout péage sur les rivières navigables, à raison du retardement qu’ils causent, infiniment plus onéreux que le droit même. On a vu dans ces bureaux de traites des marchandises laissées pour un plomb détaché qu’on trouvait encore dans l’emballage ; on en a vu sur lesquelles on a exigé le droit arbitraire de deux sous pour livre de leur valeur, sous prétexte que l’espèce de marchandise n’était pas désignée dans le tarif. On voit enfin sur les rivières des voituriers arrêtés, pour la perception des droits de traite et de péage, des quatre et cinq jours, temps précieux qui leur fait perdre un vent favorable qu’ils ne trouvent quelquefois que deux ou trois mois après ; ce retardement cause un dommage infini et souvent irréparable aux négociants et aux voituriers. Enfin les droits d’aides donnent des entraves si gênantes et si rebutantes pour le commerce des vins et eaux-de-vie, qu’il est surprenant qu’on ne l’ait pas abandonné ; pour pouvoir faire le commerce avec quelque sûreté et n’être pas exposé tous les jours à s y ruiner, il faut absolument connaître les tours et détours de la perception de cet impôt comme un directeur même ; sans cette étude on se trouve toujours ou presque toujours, contre son intention, en contravention ; il est donc de la dernière nécessité de réduire ces droits ambigus et multipliés en un seul au premier enlèvement de la marchandise ; il est impossible de les supprimer totalement. Manufactures. Le commerce ne peut pas mieux s’accommoder du traité fait avec i’ Angleterre, quia porté le dérangement et la désolation dans nos manufactures. Les villes de Rouen, de Troyes, d’Amiens, de Lyon, ont vu dans leur sein des milliers d’hommes sans ressource, leur manufacture ne pouvant soutenir la concurrence avec celle d’Angleterre. Les chefs ont été forcés de mettre bas les métiers, et par là ont réduit à la mendicité une foule d’ouvriers ; ce traité ne peut donc subsister sans mettre en danger les ressources de la France. Le vœu général est qu’il soit anéanti, puisqu’il nous est si préjudiciable. Gabelles. Une destruction encore plus intéressante qui, lre Série, T. II. jusqu’ici n’a été que jugée, et qu’il faut aujourd’hui condamner et exécuter, pour procurer aux enfants au-dessous de huit ans, plus malheureux dans les pays de dépôt que dans ceux de gabelles mêmes, le sel qu’ils ne peuvent avoir avec de l’argent, et pour désarmer une vile soldatesque, entretenue pour perpétuer une guerre civile et peupler les villes et bourgs d’hommes inutiles et souvent dangereux. Impôts. Pour tant d’avantages nous offrons volontairement et gracieusement de verser sans frais dans les coffres du Roi, ou à son ordre dans la province, tout l’argent accoutumé lui être payé à la charge de ce district tant que la majesté du trône et le besoin de l’Etat l’exigeront. Nous offrons pareillement notre contingent dans la proportion respective de la somme qui sera consentie par les Etats généraux pour le besoin surabondant du moment, en sollicitant la forme stable d’une administration sage et capable de garantir les finances de toute dissipation ou déprédation quelconque. Nous osons encore espérer que le cœur du Roi, inépuisable en bienfaits, Supprimera les francs-fiefs montés au point d’absorber la propriété des biens qui s’y trouvent sujets; Modérera les droits de contrôle établis pour la sûreté publique, et non pour la ruine qui résulte de l’interprétation arbitraire des préposés, qu’il faut désormais réduire aux seuls contrôleurs sédentaires, qui seront exercés et payés à convenables gages par les municipalités, à qui ils seront comptables de leurs recettes, pour être par elles lesdits deniers portés à la commission intermédiaire du district, qui les enverra directement au trésor royal; * Donneraàce sujet une déclaration qui simplifie et constate ces droits invariablement, en attribuant aux juges ordinaires la connaissance des contestations qui pourraient s’élever dans cette perception. Magistrature. Favorisera chaque province d’un tribunal souverain qui facilite aux justiciables la défense de leurs biens et droits, à moindres fatigues et frais; pour quoi seront supprimés tous les présidiaux, ensemble toutes les hautes justices seigneuriales, en sorte qu’il ne se trouve plus que deux degrés de justice pour le plaideur. Cet arrangement paraît demander qu’on donne aux sénéchaussées et bailliages l’attribution dont jouissent les présidiaux à supprimer. Suppose aussi l’extinction de tous les sièges d’exception, sans oublier celui des eaux et forêts, juridictions jadis établies pour la conservation des bois, aujourd’hui conservée pour leur destruction, parce que les particuliers en général, entre autres les ecclésiastiques vexés d’une multitude de visites aussi inutiles que coûteuses, au dieu d’élever des bois préfèrent les voir totalement détruire pour être délivrés d’une propriété qui les expose à en payer jusqu’à la perte et au delà. La connaissance des dommages qui seraient réclamés pour les bois appartiendrait pareillement aux sénéchaussées, et par appel au tribunal souverain de la province ; il est cependant à proposer que les juges du commerce soient conservés. Bourgeoisie. Retirera l’ordonnance qui exclut la bourgeoisie 44 fifiO (États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Châtellerault. de prétendre au commandement dès troupes et de la marine : comme si la conduite qu’elle y avait tenue avant ladite ordonnance l’avait rendue indigne de cet honneur, et devait lui fermer le chemin à acquérir l’honnête noblesse, qui ne devrait à l’avenir se mériter transmissible que par les services les plus signalés rendus à la patrie ; la personne elle-même ne devrait plus l’acquérir pour de l’argent, mais seulement rester attachée au service militaire et aux fonctions de la haute magistrature. Les exemptions qu’elle donne, loin d’humilier le tiers, font son honneur, puisque ceux qui les obtiennent sortent de son sein ; c’est donc pour lui qu’ils deviennent grands et non pour eux ; ainsi le tiers s’oublierait lui-même en contestant les privilèges personnels. Avant de s’occuper de ces justes et louables changements, l’honneur du Roi et le bonheur du peuple, les représentants de la nation aux Etats généraux. Pouvoirs du député. N’accorderont aucun secours pécuniaire, à quelque titre que ce soit , que les droits de la nation ne soient reconnus et constatés. Cette seule marche peut garantir la France du retour de ses malheurs ; feront connaître que la volonté générale étant la loi, le pouvoir législatif, soit en matière d’impôt, d’emprunt ou de toute autre espèce, appartient à la nation, qui seule a le droit de décider et de déclarer ce qui est ou n’est pas de son intérêt ; Feront assurer la liberté individuelle du citoyen par l’anéantissement des lettres closes, fléau qui a désolé et déconcerte la société depuis plusieurs siècles ; Feront établir que tous les jugements à l’avenir serdnt prononcés d’après les lois et par les juges reconnus et établis par la nation, sans que lesdits juges puissent modifier ou interpréter les lois, abus qui règne depuis longtemps, ainsi que les évocations qui sont des plus nuisibles à la sûreté de l’ordre et des fortunes, et encore à l’intérêt des créanciers légitimes ; Feront déclarer que la répartition et la perception des subsides seront entre les mains des représentants nommés dans chaque province de pays d’Etats, et dans les autres dans lesquelles cette constitution sera infailliblement établie par les Etats généraux; Feront arrêter que les ministres seront responsables de leur gestion à la nation, qui aura le pouvoir de les faire juger par ses tribunaux ; Feront enfin convenir d’une époque fixe pour renouveler Rassemblée des Etats, la surveillance la plus assidue étant nécessaire pour empêcher que le pouvoir exécutif ne reprenne le danger d’un exercice arbitraire; Déplus, proposeront un impôt pécuniaire réel, réparti également sur les trois ordres, en raison des biens et facultés de chaque individu ; Voudront aussi conserver aux cathédrales et collégiales exceptées de la suppression proposée tous leurs biens et honneurs qui en dépendent ; Voudront les Etats généraux attribuer aux municipalités des campagnes l’exerciee de la police, et régler que les procès qui s’y élèvent pour des objets de peu de conséquence, ne pourront être ortés en justice réglée qu’après l’avis préalable esdites municipalités; Leur plaira d’ordonner que l’arrondissement des paroisses ait lieu, et que les parties qui se trouvent au delà des rivières en soient séparées et réuniesaux plus voisines, sans préjudice aux titulaires actuels ; Que les dîmes soient aussi arrondies et que leur nature soit invariablement fixée ; Que les petites paroisses soient ‘éteintes et réunies sans frais, sans pouvoir porter préjudice aux droits et revenus des seigneurs et des curés ; . Voudront enfin accorder aux titulaires actuels d’un bénéfice à supprimer le droit de résigner et sans plus ; Approuveront que l’imprimerie, qui a rapproché les hommes aux désirs et à la volonté de tous, qui a rendu tant de services à la société en dévol oppant les lumières et les facultés des âmes, puisse se multiplier, pourvu qu’elle ne sorte pas des bornes que la société lui prescrira, surtout à l’égard de ces productions dangereuses et de ces mauvais livres en tout genre qui perdent les mœurs et échauffent les têtes, jusqu’à détruire la religion et renverser les empires, et qu’il en soit établi une dans la ville de Châtellerault, préro-ative dont elle a longtemps joui et que la jalousie es imprimeurs de Poitiers lui a fait perdre. Fait et arrêté en l’église des Frères Mineurs conventuels, par nous, commissaires nommés, pour être présenté, lu et approuvé à Rassemblée de l’ordre du clergé, renvoyée au 30 du courant, ce 28 mars 1789, et ont signé Palouzier, prieur, curé de Seuillé; Joyeux, curé de Saint-Jean ; Gàu-vain, curé de Bone'uil-Matours; Rolland, chanoine; F. A. Delugens, Deswallons, ancien custode et ex dêfiniteur des Frères Mineurs conventuels ; signé aussi Louis-François Motant, secrétaire. CAHIER Des plaintes et doléances de la noblesse de la sénéchaussée de Châtellerault. Nota. Ce cahier manque aux Archives de l’Empire. On doit nous l’envoyer de Poitiers; mais afin de ne pas arrêter l’impression des Archives parlementaires, nous l’insérerons dans le Supplément qui terminera le recueil des cahiers. CAHIER Des plaintes et réclamations du tiers-état de la sénéchaussée de Châtellerault (1). CHAPITRE PREMIER. Droit public. L'assemblée du tiers-état de la sénéchaussée de Châtellerault demande une constitution précise, fondée sur les lois de la justice et de la raison. Les députés demanderont d’abord la reconnaissance des droits inviolables et imprescriptibles de la nation ; quoique ces droits existent, il est important qu’ils soient reconnus et consacrés par un acte solennel, afin, d’un côté, que tous les citoyens ne puissent être divisés sur l’existence et la nature de ces droits, et, de l’autre, que les ministres ne puissent ni les obscurcir ou les mettre en doute, ni les méconnaître. L’assemblée demande encore, comme des articles préliminaires, la liberté individuelle sous la sauvegarde des lois , l’abolition des lettres de cachet, la liberté de la presse, le secret inviolable et la sûreté des lettres confiées à la poste. Que la nation ne puisse être imposée sans ie consentement de ses représentants légitimement assemblés auxEtats, et que, sans ce consentement, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.