SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - Nos 25-26 203 25 Douzième décret La Convention nationale confirme la promotion faite par Cavaignac, Garrau, Pinet aîné, représentans du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales, du citoyen Renaud, capitaine, actuellement aide-de-camp du général Fregeville, au grade d’adjudant général, chef de bataillon; et du citoyen Cardenot, lieutenant dans la 148e demi-brigade, au grade d’adjudant-général, chef de bataillon (1). La séance est levée à 4 heures (2). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 26 BARERE, au nom du comité de salut public : Citoyens, de la mer aux Pyrénées la victoire vient d’applaudir à la révolution heureuse que vous venez de faire pour le salut de la République et pour la dignité de la représentation nationale; les signes de la liberté sont arborés sur une partie du territoire espagnol. (On applaudit). L’armée des Pyrénées-Occidentales compte une bataille honorable et signalée. (Nouveaux applaudissements). Elle avait des défilés à passer, des montagnes à gravir, des rivières à traverser, des précipices à franchir et des redoutes inexpugnables à emporter; tout ce que j’ai dit, elle l’a fait le 6 thermidor. (Vifs applaudissements). Imaginez une montagne très élevée et escarpée, hérissée de redoutes, couverte' de retranchements, et défendue par huit cents Espagnols; les républicains l’ont attaquée au pas de charge, et l’ont emporté après trois heures de combat. Pas un Espagnol n’est échappé. (On applaudit). Des fers ou la mort ont été leur partage. Il en a été de même des autres redoutes. Nous avons fait trois cent vingt prisonniers; nous avons pris des forts très importants, la vallée de Bastan, le camp de Bera, et bombardé Fontarabie. Ainsi, tandis que les troupes républicaines poursuivent les Espagnols du côté des Pyrénées-Occidentales, elles obtiennent encore des succès du côté de l’Océan, et forceront bientôt cette nation superstitieuse et ce gouvernement capétien à respecter le territoire français et à laisser en paix la République. [Ce rapport est très vivement applaudi]. (1) P.-V., XLIII, 63. B m, 22 therm. Décret n° 10 253. Rapporteur : Barère. (2) Signé [a posteriori] Derazey, Mollevaut, Poisson, Delecloy, Delaunay. Voir Arch. pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor, p. 372. Voici les lettres officielles. Le général commandant en chef l’armée des Pyrénées-Occidentales aux citoyens représentants, membres du comité de salut public. [A Lesaca, vallée de Lerin, ci-devant Espagne, le 11 therm. II, ] Nous venons d’acquitter, citoyens représentants, une partie de la lettre de change que l’armée des Pyrénées-Orientales a tirée sur nous. Dix mille républicains, commandés par le général de division Moncey, se sont portés dans la vallée de Bastan, le 9 thermidor. A leur approche, les esclaves espagnols ont fui comme un troupeau de moutons, et un seul jour nous a rendus maîtres de cette belle vallée et de sa riche récolte. Le lendemain, les baïonnettes républicaines ont joué avec leur succès ordinaire. Six mille hommes conduits par le général de division Delaborde, ont emporté en un instant des redoutes pour la construction desquelles il a fallu aux esclaves une année entière. Ces redoutes, placées sur la cime des hautes montagnes qui bordent la rive droite de la Bidassoa, étaient imprenables pour tous autres que des hommes libres; mais rien n’a résisté à leur valeur, et les esclaves ont tous mordu la poussière ou été faits prisonniers. Leur artillerie est entre les mains des républicains, et dirigée sur ceux mêmes qui, par un travail incroyable, l’avaient portée jusqu’aux nues. Pendant que le général Delaborde escaladait les redoutes espagnoles avec les braves troupes à ses ordres, le général de division Frégeville chauffait les esclaves d’une autre manière; Fontarabie est presque entièrement détruite, et ce qui en reste deviendra dans peu également la proie des flammes. Outre la vallée de Bastan, les succès nous ont rendus maîtres de Bera, Lesaca, Jancy, Echalar; en un mot, de la vallée de Lerin presque tout entière. Occupé à combiner les moyens de profiter avec rapidité de nos premières victoires pour porter nos troupes sur Irun, et, de là, plus en avant, je n’entrerai aujourd’hui dans aucun détail de nos opérations, me réservant de le faire quand nous aurons complété nos victoires; d’ailleurs les représentants du peuple près cette armée doivent vous transmettre les détails qu’ils ont recueillis par eux-mêmes, ayant partout marché à la tête des colonnes, ce qui n’a pas peu contribué à nos succès. Salut et fraternité. Muller. Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales aux représentants du peuple composant le comité de salut public. A Lesaca, en Espagne, ce 11 thermidor, l’an 2e de la République française, une et indivisible. Citoyens collègues, le drapeau tricolore flotte enfin sur une vaste partie du territoire espagnol. La fertile vallée de Bastan est envahie; le fort Maya est pris; les lignes formidables, les redoutes terribles, les retranchements, en SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - Nos 25-26 203 25 Douzième décret La Convention nationale confirme la promotion faite par Cavaignac, Garrau, Pinet aîné, représentans du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales, du citoyen Renaud, capitaine, actuellement aide-de-camp du général Fregeville, au grade d’adjudant général, chef de bataillon; et du citoyen Cardenot, lieutenant dans la 148e demi-brigade, au grade d’adjudant-général, chef de bataillon (1). La séance est levée à 4 heures (2). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 26 BARERE, au nom du comité de salut public : Citoyens, de la mer aux Pyrénées la victoire vient d’applaudir à la révolution heureuse que vous venez de faire pour le salut de la République et pour la dignité de la représentation nationale; les signes de la liberté sont arborés sur une partie du territoire espagnol. (On applaudit). L’armée des Pyrénées-Occidentales compte une bataille honorable et signalée. (Nouveaux applaudissements). Elle avait des défilés à passer, des montagnes à gravir, des rivières à traverser, des précipices à franchir et des redoutes inexpugnables à emporter; tout ce que j’ai dit, elle l’a fait le 6 thermidor. (Vifs applaudissements). Imaginez une montagne très élevée et escarpée, hérissée de redoutes, couverte' de retranchements, et défendue par huit cents Espagnols; les républicains l’ont attaquée au pas de charge, et l’ont emporté après trois heures de combat. Pas un Espagnol n’est échappé. (On applaudit). Des fers ou la mort ont été leur partage. Il en a été de même des autres redoutes. Nous avons fait trois cent vingt prisonniers; nous avons pris des forts très importants, la vallée de Bastan, le camp de Bera, et bombardé Fontarabie. Ainsi, tandis que les troupes républicaines poursuivent les Espagnols du côté des Pyrénées-Occidentales, elles obtiennent encore des succès du côté de l’Océan, et forceront bientôt cette nation superstitieuse et ce gouvernement capétien à respecter le territoire français et à laisser en paix la République. [Ce rapport est très vivement applaudi]. (1) P.-V., XLIII, 63. B m, 22 therm. Décret n° 10 253. Rapporteur : Barère. (2) Signé [a posteriori] Derazey, Mollevaut, Poisson, Delecloy, Delaunay. Voir Arch. pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor, p. 372. Voici les lettres officielles. Le général commandant en chef l’armée des Pyrénées-Occidentales aux citoyens représentants, membres du comité de salut public. [A Lesaca, vallée de Lerin, ci-devant Espagne, le 11 therm. II, ] Nous venons d’acquitter, citoyens représentants, une partie de la lettre de change que l’armée des Pyrénées-Orientales a tirée sur nous. Dix mille républicains, commandés par le général de division Moncey, se sont portés dans la vallée de Bastan, le 9 thermidor. A leur approche, les esclaves espagnols ont fui comme un troupeau de moutons, et un seul jour nous a rendus maîtres de cette belle vallée et de sa riche récolte. Le lendemain, les baïonnettes républicaines ont joué avec leur succès ordinaire. Six mille hommes conduits par le général de division Delaborde, ont emporté en un instant des redoutes pour la construction desquelles il a fallu aux esclaves une année entière. Ces redoutes, placées sur la cime des hautes montagnes qui bordent la rive droite de la Bidassoa, étaient imprenables pour tous autres que des hommes libres; mais rien n’a résisté à leur valeur, et les esclaves ont tous mordu la poussière ou été faits prisonniers. Leur artillerie est entre les mains des républicains, et dirigée sur ceux mêmes qui, par un travail incroyable, l’avaient portée jusqu’aux nues. Pendant que le général Delaborde escaladait les redoutes espagnoles avec les braves troupes à ses ordres, le général de division Frégeville chauffait les esclaves d’une autre manière; Fontarabie est presque entièrement détruite, et ce qui en reste deviendra dans peu également la proie des flammes. Outre la vallée de Bastan, les succès nous ont rendus maîtres de Bera, Lesaca, Jancy, Echalar; en un mot, de la vallée de Lerin presque tout entière. Occupé à combiner les moyens de profiter avec rapidité de nos premières victoires pour porter nos troupes sur Irun, et, de là, plus en avant, je n’entrerai aujourd’hui dans aucun détail de nos opérations, me réservant de le faire quand nous aurons complété nos victoires; d’ailleurs les représentants du peuple près cette armée doivent vous transmettre les détails qu’ils ont recueillis par eux-mêmes, ayant partout marché à la tête des colonnes, ce qui n’a pas peu contribué à nos succès. Salut et fraternité. Muller. Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales aux représentants du peuple composant le comité de salut public. A Lesaca, en Espagne, ce 11 thermidor, l’an 2e de la République française, une et indivisible. Citoyens collègues, le drapeau tricolore flotte enfin sur une vaste partie du territoire espagnol. La fertile vallée de Bastan est envahie; le fort Maya est pris; les lignes formidables, les redoutes terribles, les retranchements, en 204 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE apparence inexpugnables, de la montagne de Commissari, de Marie-Louise, du camp de Bera, de celui de Saint-Jean-de-Luz, du fort Sainte-Barbe, tout a cédé à l’audace et aux baïonnettes des républicains; défilés à passer, montagnes à gravir, rivières à traverser, précipices à franchir, mauvais temps à supporter, bivouacs continuels, la soif, la faim, l’insomnie, voilà, citoyens collègues, les obstacles contre lesquels les braves soldats de l’armée des Pyrénées-Occidentales ont eu à lutter avant de joindre leur ennemi et après l’avoir battu. Mais, pour les défenseurs de la patrie, des obstacles à vaincre sont bientôt des obstacles vaincus; leur courage s’enflamme à mesure que les difficultés se multiplient, et tout cède à leur bouillante ardeur. Tel est le tableau qu’a offert la brave armée auprès de laquelle nous sommes; elle est la digne émule des armées du Nord et du Midi, et comme elle[s], elle vient d’acquérir des droits à la reconnaissance de la patrie. La prise extrêmement importante et presque miraculeuse des Aldudes, du col de Berdaritz, de ceux d’Expigny et de Maya, avait étendu nos moyens et préparé nos succès pour l’invasion de la fertile vallée de Bastan. Le plan concerté entre les généraux et nous avait pour objet tout à la fois l’envahissement de cette vallée, de tous les retranchements et redoutes ennemies, et le bombardement de Fontarabie. Ce plan une fois arrêté, Pinet et Cavaignac se rendirent à la division de l’armée qui devait envahir la vallée : cette division était commandée par le général Moncey; Garrau resta à celle qui devait attaquer le Commissari et les autres redoutes. L’invasion de la vallée de Bastan devait précéder de 24 heures l’attaque du Commissari et le bombardement de Fontarabie. Cette riche vallée, objet de l’affection du tyran espagnol, était défendue par dix ou douze mille hommes de troupes réglées ou de paysans armés. Le 5 de ce mois, veille de l’attaque, il y eut, entre l’Espagnol et nous une affaire très chaude. Nous voulûmes nous emparer d’un poste ennemi qui découvrait nos travailleurs occupés à terminer le chemin par où devait passer l’artillerie. Les grenadiers qui couvraient les travailleurs furent commandés. Les Espagnols leur dressèrent une embuscade. L’affaire devint vive; l’ennemi fit soutenir son poste; il déploya dans le vallon, autour du fort, 4 à 5 mille hommes, dont les tirailleurs se postèrent presque sur la hauteur où nous étions. Pendant ce temps-là nos travailleurs, que les balles qui pleuvaient de toutes parts sur eux n’avaient pas dérangés un seul instant, rendirent le chemin assez bon pour qu’il fût conduit à portée d’une pièce de 8 et un obusier. Le canon ronfla, le pas de charge fut battu, et l’ennemi repoussé disparut; le poste fut emporté. Le lendemain 6 thermidor, l’attaque générale de la vallée eut lieu; elle avait été divisée sur trois points. Une colonne, commandée par le général de brigade Digonet, entre par le col d’Expigny; une autre, sous les ordres des chefs de brigade Lefranc et Harispe, par Berdaritz; une troisième, ayant à sa tête le général de brigade Castelverd, dont l’infanterie légère était commandée par le brave Latour-d’ Auvergne, par le col de Maya. Cette dernière devait attaquer le fort de Maya, défendu par sa position, par 4 pièces de canon et par une garnison de sept cents hommes. Toutes ces colonnes, qui avaient passé au bivouac la nuit la plus fâcheuse, à raison d’une pluie abondante et continue, ont montré le courage et l’ardeur qui caractérisent le soldat de la liberté : partout l’ennemi a opposé une vive résistance, partout il a été vaincu. La vallée a offert le magnifique spectacle de plusieurs combats se livrant à la fois sur des points différents. Nos colonnes, aussi promptes que la foudre, ont écrasé l’ennemi, et lui ont imprimé une si forte terreur qu’il a jeté ses armes pour mieux fuir : les chemins en sont couverts. Ces valeureux Castillans nous ont donné dans cette occasion une nouvelle preuve de leur légèreté à la course. Nous n’avons pu en faire que très peu de prisonniers. Le premier jour, cette petite armée se porta rapidement jusqu’à Elizondo. Le lendemain, comme il avait été convenu, les colonnes du centre et de la droite, commandées par les généraux de division Delaborde et Frégeville, eurent leur tour; Delaborde commandait l’expédition de l’enlèvement de la redoute du Commissari et des autres en dépendant. Frégeville était chargé du bombardement de Fontarabie. A 3 heures du matin, toutes les troupes étaient en marche. Les redoutes et les retranchements de la montagne du Commissari sont peut-être un des ouvrages les mieux faits et les plus forts qui existent : une montagne escarpée et extrêmement élevée, ayant presque jusqu’à sa base des retranchements qui se défendent mutuellement; sur sa sommité 2 redoutes terribles, au milieu d’une desquelles s’élevait un cavalier fraisé, entouré de 6 rangs de puits profonds, remplis de pieux; le pourtour d’un très large fossé garni de chevaux de frise et de planches hérissées de clous; 7 pièces de canon, 2 obusiers et huit cents hommes : tels étaient les moyens de défense de 2 redoutes inexpugnables pour tous autres que pour des soldats républicains, et devant l’une desquelles 20.000 hommes devaient trouver une défaite certaine et la mort. Mais tous ces obstacles agglomérés, servant de véhicule à nos troupes, n’ont fait qu’assurer davantage la victoire. Cette terrible montagne a été cernée de toutes parts; nos soldats, dont chacun était un héros, montant tête baissée et au pas de charge, ont enlevé successivement tous les retranchements, et, après 3 heures et demie de combat, ils sont entrés dans la redoute. Pas un de ceux qui la défendaient ne s’est échappé : ils ont tous été tués ou faits prisonniers. Toutes les autres redoutes ont eu le même sort; et l’ennemi, dont l’épouvante est au comble, a abandonné de lui-même son fameux fort de Sainte-Barbe. Pendant ce temps-là, Fontarabie brûlait des deux bouts; et cette ville, à la réserve des fortifications, n’est bientôt plus qu’un monceau de ruines. Tous les habitants l’ont évacuée. Tels ont été, citoyens collègues, les succès de l’armée des Pyrénées-Occidentales, dans les belles journées des 5,6 et 7 de ce mois. Les actes 205 SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - N° 26 de valeur, d’héroïsme, de dévouement à la République sont innombrables. Pour rendre à chaque soldat de cette armée la justice qui lui appartient, il faudrait parler de tous en particulier. Peignez-vous les blessés, les mourants, entonnant des chants d’allégresse du triomphe de la République, oubliant leur état, l’heure de la mort qui avait sonné pour eux, et demandant pour toute satisfaction de mourir dans les bras et sous les yeux des représentants du peuple, témoins de leur gloire et de leur valeur. Peignez-vous des bataillons exposés des heures entières au feu le plus terrible de mousqueterie et d’artillerie, l’arme au bras et dans une immobilité parfaite. Peignez-vous tout ce qu’on peut réunir de bravoure, de courage et d’intrépidité, d’amour de la patrie; et vous n’aurez encore peut-être qu’une bien faible idée du tableau qu’ont offert nos courageux soldats. Les généraux fidèles et braves ont droit aussi à la reconnaissance nationale. Les généraux Moncey, Delaborde, Deheim, Castelverd, Digonet, Cambray frères; les chefs de brigade Lefranc, et Harispe, La-tour-d’ Auvergne, ont donné des preuves de cette intelligence, de ce sang-froid, de ce courage, de cette audace républicaine, de cet amour pour la patrie, qui assurent nos succès. Les différents chefs de bataillon et officiers ont fait comme les soldats, et nous dirons d’eux aussi que chacun mériterait un éloge particulier. Il était de la plus grande importance, citoyens collègues, pour le succès de nos opérations ultérieures, que les deux divisions commandées par Moncey et Delaborde opérassent leur jonction. Le point de réunion devait être au-delà de la Bidassoa, dont l’ennemi avait rompu les ponts. Moncey, à la tête de sa division, s’est porté avec rapidité sur cette rivière; et le soldat, après une marche de 14 heures, l’a passée dans un gué très profond, aux cris de vive la République ! C’est sur ces bords que nous avons eu tous trois la douce satisfaction de nous embrasser. Aujourd’hui ces 2 divisions sont réunies ici à Lesaca. Hier il fut tenu un conseil de guerre, et il a été arrêté que nous allions marcher par la montagne d’Haya, pour tourner les batteries d’Irun et de Fontarabie. Une division de la droite, ayant à sa tête Frégeville, passera la Bidassoa à gué pour attaquer en même temps que nous la redoute de Saint-Martial, qui commande toutes les autres. Nous partons demain matin; nous avons 2 jours de marche; nous espérons que nous aurons bientôt de nouveaux succès à vous apprendre. Nous avons perdu très peu de monde dans ces brillantes journées; à peine comptons-nous 100 morts et 400 blessés; mais au nombre de ces premiers sont plusieurs bons officiers, entre autres, l’adjudant-général Frère, tué au pied de la redoute, officier intelligent et brave, et qui, quoique jeune, annonçait déjà les talents et toutes les qualités nécessaires pour commander une armée de soldats républicains. L’apparition d’une flotte que nous avons montrée aux Espagnols, à l’embouchure de la Bidassoa, n’a pas peu contribué à les frapper de terreur. Privés des 3 frégates et des 3 corvettes que notre collègue Prieur nous avait promises, nous avons formé notre flotte avec la frégate la Bayonnaise, que nous avons retenue ici, quelques cutters, chaloupes canonnières, et une vingtaine de pinasses armées; tout cela, de loin, avait l’air formidable, surtout pour des Espagnols, et la crainte d’une descente au-dessous de Fontarabie les a tenus dans une alarme inconcevable. Les habitants du pays que nous venons d’envahir, auprès desquels les prêtres espagnols et les émigrés nous avaient peints comme des anthropophages, avaient abandonné presque partout leur domicile, craignant d’être égorgés par nous. Quelques vieillards seulement avaient eu le courage de rester. La manière dont nous avons traité ces vieillards, les proclamations que nous avons répandues, ont dissipé les craintes de ces habitants; ils voient qu’on les avait trompés sur notre compte et beaucoup reviennent. Nous croyons devoir citer un trait à ce sujet, qui fait juger des véritables motifs qui ont armé les paysans de ces cantons contre nous, et qui les ont fait fuir. Le général Castelverd, chargé de s’emparer d’Eschalar, rencontra sur les hauteurs beaucoup de paysans qui fusillèrent vivement sa troupe. Il leur envoya quelques sous-officiers pour leur parler, qu’il fit précéder d’une femme du pays, portant un exemplaire de notre proclamation. Les paysans entourèrent cette femme, lurent la proclamation; après cette lecture, ils baissèrent leurs armes, brûlèrent leurs cartouches après les avoir brisées, et se retirèrent chez eux. Nous ne pouvons, citoyens collègues, vous donner encore un état des prises que nous avons faites : tous les jours il s’en fait de nouvelles; elles sont immenses en fusils, cartouches, effets militaires et subsistances. La récolte est très belle dans tout le pays que nous avons envahi. Nous vous faisons passer, citoyens collègues, la proclamation que nous avons cru devoir faire, et l’arrêté que nous avons pris en entrant sur le territoire ennemi : l’un et l’autre nous ont été commandés par l’intérêt de la chose publique, et nous espérons que vous les approuverez. Tout nous promet des succès brillants contre l’Espagnol; mais, pour les rendre plus prompts, plus certains, et pour frapper des coups terribles, nous aurions besoin des quinze cadres de la Vendée que vous nous avez promis. Veuillez donner les ordres les plus précis pour qu’ils nous soient envoyés sans délai; les moments sont précieux, l’occasion est favorable, il faut en profiter. La mort du brave Frère, adjudant-général, la nécessité de former plusieurs corps d’armée, nous ont fait sentir que, pour assurer le succès de nos opérations, nous avions trop peu d’adjudants-généraux; en conséquence, nous venons de nommer Renaud, capitaine, actuellement aide-de-camp du général Frégeville, et Carde-not, lieutenant dans la 148e demi-brigade, adjudants généraux chefs de bataillon. Ces deux officiers sont remplis de zèle, de courage et d’intelligence; ils ont rendu dans leurs postes 205 SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - N° 26 de valeur, d’héroïsme, de dévouement à la République sont innombrables. Pour rendre à chaque soldat de cette armée la justice qui lui appartient, il faudrait parler de tous en particulier. Peignez-vous les blessés, les mourants, entonnant des chants d’allégresse du triomphe de la République, oubliant leur état, l’heure de la mort qui avait sonné pour eux, et demandant pour toute satisfaction de mourir dans les bras et sous les yeux des représentants du peuple, témoins de leur gloire et de leur valeur. Peignez-vous des bataillons exposés des heures entières au feu le plus terrible de mousqueterie et d’artillerie, l’arme au bras et dans une immobilité parfaite. Peignez-vous tout ce qu’on peut réunir de bravoure, de courage et d’intrépidité, d’amour de la patrie; et vous n’aurez encore peut-être qu’une bien faible idée du tableau qu’ont offert nos courageux soldats. Les généraux fidèles et braves ont droit aussi à la reconnaissance nationale. Les généraux Moncey, Delaborde, Deheim, Castelverd, Digonet, Cambray frères; les chefs de brigade Lefranc, et Harispe, La-tour-d’ Auvergne, ont donné des preuves de cette intelligence, de ce sang-froid, de ce courage, de cette audace républicaine, de cet amour pour la patrie, qui assurent nos succès. Les différents chefs de bataillon et officiers ont fait comme les soldats, et nous dirons d’eux aussi que chacun mériterait un éloge particulier. Il était de la plus grande importance, citoyens collègues, pour le succès de nos opérations ultérieures, que les deux divisions commandées par Moncey et Delaborde opérassent leur jonction. Le point de réunion devait être au-delà de la Bidassoa, dont l’ennemi avait rompu les ponts. Moncey, à la tête de sa division, s’est porté avec rapidité sur cette rivière; et le soldat, après une marche de 14 heures, l’a passée dans un gué très profond, aux cris de vive la République ! C’est sur ces bords que nous avons eu tous trois la douce satisfaction de nous embrasser. Aujourd’hui ces 2 divisions sont réunies ici à Lesaca. Hier il fut tenu un conseil de guerre, et il a été arrêté que nous allions marcher par la montagne d’Haya, pour tourner les batteries d’Irun et de Fontarabie. Une division de la droite, ayant à sa tête Frégeville, passera la Bidassoa à gué pour attaquer en même temps que nous la redoute de Saint-Martial, qui commande toutes les autres. Nous partons demain matin; nous avons 2 jours de marche; nous espérons que nous aurons bientôt de nouveaux succès à vous apprendre. Nous avons perdu très peu de monde dans ces brillantes journées; à peine comptons-nous 100 morts et 400 blessés; mais au nombre de ces premiers sont plusieurs bons officiers, entre autres, l’adjudant-général Frère, tué au pied de la redoute, officier intelligent et brave, et qui, quoique jeune, annonçait déjà les talents et toutes les qualités nécessaires pour commander une armée de soldats républicains. L’apparition d’une flotte que nous avons montrée aux Espagnols, à l’embouchure de la Bidassoa, n’a pas peu contribué à les frapper de terreur. Privés des 3 frégates et des 3 corvettes que notre collègue Prieur nous avait promises, nous avons formé notre flotte avec la frégate la Bayonnaise, que nous avons retenue ici, quelques cutters, chaloupes canonnières, et une vingtaine de pinasses armées; tout cela, de loin, avait l’air formidable, surtout pour des Espagnols, et la crainte d’une descente au-dessous de Fontarabie les a tenus dans une alarme inconcevable. Les habitants du pays que nous venons d’envahir, auprès desquels les prêtres espagnols et les émigrés nous avaient peints comme des anthropophages, avaient abandonné presque partout leur domicile, craignant d’être égorgés par nous. Quelques vieillards seulement avaient eu le courage de rester. La manière dont nous avons traité ces vieillards, les proclamations que nous avons répandues, ont dissipé les craintes de ces habitants; ils voient qu’on les avait trompés sur notre compte et beaucoup reviennent. Nous croyons devoir citer un trait à ce sujet, qui fait juger des véritables motifs qui ont armé les paysans de ces cantons contre nous, et qui les ont fait fuir. Le général Castelverd, chargé de s’emparer d’Eschalar, rencontra sur les hauteurs beaucoup de paysans qui fusillèrent vivement sa troupe. Il leur envoya quelques sous-officiers pour leur parler, qu’il fit précéder d’une femme du pays, portant un exemplaire de notre proclamation. Les paysans entourèrent cette femme, lurent la proclamation; après cette lecture, ils baissèrent leurs armes, brûlèrent leurs cartouches après les avoir brisées, et se retirèrent chez eux. Nous ne pouvons, citoyens collègues, vous donner encore un état des prises que nous avons faites : tous les jours il s’en fait de nouvelles; elles sont immenses en fusils, cartouches, effets militaires et subsistances. La récolte est très belle dans tout le pays que nous avons envahi. Nous vous faisons passer, citoyens collègues, la proclamation que nous avons cru devoir faire, et l’arrêté que nous avons pris en entrant sur le territoire ennemi : l’un et l’autre nous ont été commandés par l’intérêt de la chose publique, et nous espérons que vous les approuverez. Tout nous promet des succès brillants contre l’Espagnol; mais, pour les rendre plus prompts, plus certains, et pour frapper des coups terribles, nous aurions besoin des quinze cadres de la Vendée que vous nous avez promis. Veuillez donner les ordres les plus précis pour qu’ils nous soient envoyés sans délai; les moments sont précieux, l’occasion est favorable, il faut en profiter. La mort du brave Frère, adjudant-général, la nécessité de former plusieurs corps d’armée, nous ont fait sentir que, pour assurer le succès de nos opérations, nous avions trop peu d’adjudants-généraux; en conséquence, nous venons de nommer Renaud, capitaine, actuellement aide-de-camp du général Frégeville, et Carde-not, lieutenant dans la 148e demi-brigade, adjudants généraux chefs de bataillon. Ces deux officiers sont remplis de zèle, de courage et d’intelligence; ils ont rendu dans leurs postes 206 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE respectifs les plus grands services à cette armée, et nous ne doutons pas qu’une récompense qu’ils ont si bien méritée ne soit pour eux un véhicule puissant pour rendre encore de plus grands services à la patrie. Nous vous prions de confirmer leur nomination, et de vouloir faire expédier leur brevet. Salut et fraternité. Cavaignac, Garrau, Pinet aîné. Rapport de l’invasion de la vallée de Bastan. La victoire, général, est toujours fixée sous les drapeaux de la liberté. Nous attaquâmes hier soir la fertile vallée de Bastan; des colonnes parties du col de Maya, et commandées par le général de brigade Castelverd, tombèrent sur les flancs de l’ennemi, tandis qu’une colonne venant d’Expigny sous les ordres du général de brigade Digonet, et deux parties de Berdaritz, sous le commandement des chefs de brigade Lefranc et Harispe, l’attaquaient de front. Les grenadiers, ayant à leur tête le capitaine La-tour-d’Auvergne, furent chargés d’enlever le fort de Maya, que l’Espagnol évacua à leur approche, forcé de se retirer par une fusillade des plus vives et des plus meurtrières, et par le signal du pas de charge, que tout le feu de leurs batteries ne ralentissait pas. La garnison, que nous n’avions pu cerner entièrement, s’échappa, à notre grand regret, par les hauteurs en avant de la montagne d’Etchialla. Les colonnes d’Expigny et de Berdaritz forcèrent l’ennemi dans son centre et dans sa droite, et l’obligèrent de se retirer à l’extrémité de la vallée. Après ce premier succès, le général Digonet se porte rapidement à Elizondo. L’avant-garde y est placée; le quartier-général est à Avescoa. Nous attendons des nouvelles du centre et de la droite pour faire un mouvement en avant, et chasser l’ennemi de la petite portion de la vallée qu’il occupe encore. Tu ne saurais te faire une idée, général, de la valeur, du sang-froid, du courage héroïque de nos troupes, du zèle et de l’intelligence des officiers généraux et officiers particuliers; tous se sont comportés de la manière la plus distinguée; tous méritent des éloges qu’on ne pourrait donner nominativement à quelqu’un sans faire injustice à ceux qu’on ne nommerait pas. Les représentants du peuple Pinet et Cavaignac, qui toujours ont été à la tête des colonnes, et les ont animées de leur exemple, en ont été les témoins; ils s’empresseront, j’en suis sûr, d’en rendre compte à la Convention. Nous n’avons pu juger de la perte de l’ennemi en hommes; il a pour coutume d’emporter ses morts et ses blessés; la nôtre est peu considérable. Les Espagnols ne sont jamais plus maladroits que quand nous les approchons de bien près. Dès que les chefs des corps m’auront fait passer l’état de nos morts et de nos blessés, je te l’enverrai. Nous leur avons fait 200 et quelques prisonniers; le nombre augmentera; je vais faire fouiller les bois, où nous en trouverons sûrement. L’ennemi, en évacuant le fort, nous a laissé une grande quantité de munitions nécessaires à sa défense; entre autres objets, 4 pièces de canon qu’on espère désenclouer, 6 000 grenades, 100 000 cartouches à balles, et quantité d’autres objets; dans les villages de la vallée, des établissements en hôpitaux et boulangerie très biens pourvus, des magasins de subsistances très bien garnis, et une armurerie où nous trouverons de quoi armer nos invincibles républicains. Les colonnes parties de Berdaritz, et commandées, comme je te l’ai déjà dit, par les chefs de brigade Harispe et Lefranc, ont emporté tous les camps retranchés qui étaient devant eux avec la plus grande vivacité; ils y ont fait un grand nombre de prisonniers, dont deux officiers supérieurs. Nous y avons pris aussi environ 300 tentes, 1 200 fusils, quantité de munitions et d’effets d’équipement. J’estime le nombre de fusils pris dans cette invasion à 6 000. Le général Digonet a eu un combat des plus vifs à soutenir au village d’ Avescoa, après la prise du fort. L’ennemi, qui se couvrait des maisons, a fait une résistance vive; mais il a été obligé de céder à l’impétuosité de nos troupes. La cavalerie a montré la plus grande ardeur à se mesurer avec l’ennemi. J’ai bien du regret qu’il n’ait pas voulu en essayer. Vive la République, général ! Je pense que l’ennemi a été frappé d’une stupeur que les mouvements du centre et de la droite ne serviront pas peu à augmenter, et dont il faudra profiter. Signé Moncey, général de division (1). Bera, 9 thermidor an II, Le général de division Delaborde, aux représentants du peuple Cavaignac, Pinet et Garrau. Trop occupé depuis l’instant où la victoire a couronné nos efforts dans la journée d’avant-hier, je n’ai pu vous donner jusqu’à ce moment les détails de cette action, qui aura fait connoître aux soldats de la tyrannie que l’énergie républicaine ne fait que s’accroître en proportion des obstacles qu’elle trouve sous ses pas. Enlever toutes les lignes et retranchemens de la montagne Commissari, redoute Marie-Louise, camp retranché appelé Saint-Jean-de-Luz, et tous les postes successifs jusqu’au village de Bera, étoit le but de notre expédition. Après avoir disposé nos troupes sur trois colonnes, pour attaquer en même temps les deux ailes de l’ennemi, et percer sa ligne dans son centre, nous nous mîmes en mouvement le 6 à neuf heures du soir; et ce n’est qu’après une marche très pénible, à travers les bois, la bruyère la plus épaisse, les ravines et les rochers les plus escarpés, que nous sommes parvenus, à 3 heures du matin, aux postes de l’ennemi. Les attaquer et les enlever fut l’affaire du même instant; mais ils nous attendent avec sécurité dans leurs retranchemens qu’ils croient inexpugnables. La colonne de droite dirige son (1) Bm, 18 therm. et 18 therm. (suppl1); Moniteur (réimpr.), XXI, 403 et 406-408. SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - N° 26 207 attaque sur la ligne qui lie la redoute étoilée du Commissari à celle du Rocher; le feu terrible et croisé de cette ligne et des deux redoutes se dirige sur elle : mais, loin de l’intimider, elle franchit le premier retranchement, court à la redoute du Rocher, l’enlève, et se porte ensuite vers la grande redoute Commissari. Pendant ce temps, la colonne du centre, dont une partie, dans l’obscurité de la nuit, s’étoit égarée dans les bois, ne sent plus la fatigue de sa marche; pour regagner le temps perdu, elle gravit avec précipitation, et par la ligne la plus courte, la montagne Commissari, passant entre la redoute et le camp des grenadiers et chasseurs ennemis qui fuient sans l’attendre, et marche ensuite avec célérité droit au sommet de la montagne pour réunir ses efforts à celle de droite dans l’attaque de la redoute étoilée. Là, des obstacles invincibles pour d’autres que pour des républicains se présentent à eux... Un cavalier fraisé a été élevé dans le milieu de la redoute; 6 rangs de puits avec des planches hérissées de clous l’entourent, des chevaux de frise garnissent le pourtour du fossé; enfin tout ce que l’art a pu inventer se trouve réuni à la nature pour la défense de cet ouvrage; mais tous ces obstacles ne font qu’enflammer le courage des républicains. C’est l’arme au bras, et aux cris de vive la République, qu’ils reçoivent le feu de l’ennemi. Le pas de charge se fait entendre... Dès lors rien ne les arrête. A travers une grêle de balles, de mitraille et de boulets, les fascines, les planches, les échelles sont portées; les uns s’en servent pour passer les puits; les autres, dans leur impétuosité, les traversent, marchent sur les pointes de clous : les chevaux de frise sont arrachés, on saute dans le fossé, on donne l’assaut, et la redoute est enlevée par la force de la baïonnette. Aussi le représentant du peuple Garrau, présent à l’enlèvement, lui donna dans la redoute, et au même moment, le nom de Redoute de la Baïonnette. L’ennemi épouvanté ne tient plus dans aucun retranchement, il fuit de toutes parts. La colonne de gauche s’empare successivement de la redoute de Marie-Louise, du camp de Saint-Jean-de-Luz, et gagne les hauteurs de Bera. L’ennemi, dans sa terreur, abandonne le village, traverse la Bidassoa, et fait sauter le pont. Il ne restoit plus que le fort de Sainte-Barbe, point duquel nous ne pensions pas pouvoir nous emparer dans cette journée, croyant que les ennemis s’y seraient retirés; mais, voyant d’un côté une frayeur si grande parmi eux, et, de l’autre, nos troupes qui brûloient du désir d’y marcher, j’ai ordonné au général de Brigade Cambray d’aller la tâtonner avec deux bataillons : c’est ce qu’il a fait, conjointement avec le général de brigade Pinel, qui avoit percé, avec la troupe à ses ordres, par la gorge de Sare à Bera. Par la possession de cette position, nous nous trouvons maîtres de Bera, de divers passages de la Bidassoa, et des débouchés des vallées d’Echalar et de Lerin. Ainsi, ça ira, citoyens représentans; car cette victoire nous achemine vers des succès qui nous rendront maîtres bientôt de la partie principale de la frontière ennemie. Le nombre des morts a été considérable parmi les ennemis, et nous leur avons fait 320 prisonniers, dont un colonel et onze officiers. De notre côté, nous avons eu environ 50 morts et de 2 à 300 blessés. Parmi les premiers, nous avons eu à regretter l’adjudant-général Frère, qui a été tué d’un coup de feu en franchissant le premier retranchement de l’ennemi. Sept pièces de canon, deux obusiers, une très grande quantité de fusils et de munitions, 200 tentes et quantité d’autres effets sont tombés en notre pouvoir. Le village de Bera, dont nous nous sommes emparés, ainsi que celui de Lesaca, que nous avons été reconnoître, sont des greniers d’abondance maintenant à la disposition de la République. Les traits d’héroïsme sont si multipliés dans cette brillante journée, que je n’ai pu encore tous les recueillir. Je m’empresserai de vous les faire connoître aussitôt qu’ils me seront parvenus. D’ailleurs votre collègue Garrau, qui a tout vu par lui-même, pourra vous les citer, surtout ceux de la colonne de droite avec laquelle il a toujours marché; cependant je ne dois pas vous laisser ignorer la conduite du citoyen Puiségur, officier des chasseurs de la 5e demi-brigade, qui, escaladant le premier, à l’aide d’un chasseur du 2e bataillon des Montagnes, le parapet de la redoute Commissari, a bravé les coups des ennemis qui l’entouraient pour sauter sur un drapeau rouge qui flottoit dans la redoute, et dont il s’est emparé. On ne saurait donner trop d’éloges à toutes les troupes de cette expédition : abattis, coupures, tranchées, retranchemens en amphithéâtre, rien n’a ralenti leur courage; chaque volontaire, chaque officier, ont été des héros; et les généraux de brigade Dosseis (?), Cambray, ainsi que l’adjudant-général Garrau, ont donné dans cette occasion des preuves de la plus grande intelligence et de la plus brillante intrépidité. Le chef de bataillon Monroux, à qui j’avois confié le commandement de la colonne de gauche, l’a dirigée avec habileté. Les citoyens Cardenot, officier de la 148e demi-brigade, et Latreille, adjoint à l’état-major, m’ont été du plus grand secours par leur intelligence; ils se sont parfaitement bien comportés, et ont montré autant de zèle que de courage. Salut et fraternité, et victoire. Signé, Delaborde, [ p.c.c .], Garrau, Pinet aîné, Cavaignac. PROCLAMATION [Les représentans du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales, aux braves soldats qui composent cette armée. Braves soldats, Il est donc arrivé ce moment si long-temps désiré, attendu avec une si vive impatience, ce moment où la brave armée des Pyrénées-Occidentales, s’élevant enfin au-dessus de tous les SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - N° 26 207 attaque sur la ligne qui lie la redoute étoilée du Commissari à celle du Rocher; le feu terrible et croisé de cette ligne et des deux redoutes se dirige sur elle : mais, loin de l’intimider, elle franchit le premier retranchement, court à la redoute du Rocher, l’enlève, et se porte ensuite vers la grande redoute Commissari. Pendant ce temps, la colonne du centre, dont une partie, dans l’obscurité de la nuit, s’étoit égarée dans les bois, ne sent plus la fatigue de sa marche; pour regagner le temps perdu, elle gravit avec précipitation, et par la ligne la plus courte, la montagne Commissari, passant entre la redoute et le camp des grenadiers et chasseurs ennemis qui fuient sans l’attendre, et marche ensuite avec célérité droit au sommet de la montagne pour réunir ses efforts à celle de droite dans l’attaque de la redoute étoilée. Là, des obstacles invincibles pour d’autres que pour des républicains se présentent à eux... Un cavalier fraisé a été élevé dans le milieu de la redoute; 6 rangs de puits avec des planches hérissées de clous l’entourent, des chevaux de frise garnissent le pourtour du fossé; enfin tout ce que l’art a pu inventer se trouve réuni à la nature pour la défense de cet ouvrage; mais tous ces obstacles ne font qu’enflammer le courage des républicains. C’est l’arme au bras, et aux cris de vive la République, qu’ils reçoivent le feu de l’ennemi. Le pas de charge se fait entendre... Dès lors rien ne les arrête. A travers une grêle de balles, de mitraille et de boulets, les fascines, les planches, les échelles sont portées; les uns s’en servent pour passer les puits; les autres, dans leur impétuosité, les traversent, marchent sur les pointes de clous : les chevaux de frise sont arrachés, on saute dans le fossé, on donne l’assaut, et la redoute est enlevée par la force de la baïonnette. Aussi le représentant du peuple Garrau, présent à l’enlèvement, lui donna dans la redoute, et au même moment, le nom de Redoute de la Baïonnette. L’ennemi épouvanté ne tient plus dans aucun retranchement, il fuit de toutes parts. La colonne de gauche s’empare successivement de la redoute de Marie-Louise, du camp de Saint-Jean-de-Luz, et gagne les hauteurs de Bera. L’ennemi, dans sa terreur, abandonne le village, traverse la Bidassoa, et fait sauter le pont. Il ne restoit plus que le fort de Sainte-Barbe, point duquel nous ne pensions pas pouvoir nous emparer dans cette journée, croyant que les ennemis s’y seraient retirés; mais, voyant d’un côté une frayeur si grande parmi eux, et, de l’autre, nos troupes qui brûloient du désir d’y marcher, j’ai ordonné au général de Brigade Cambray d’aller la tâtonner avec deux bataillons : c’est ce qu’il a fait, conjointement avec le général de brigade Pinel, qui avoit percé, avec la troupe à ses ordres, par la gorge de Sare à Bera. Par la possession de cette position, nous nous trouvons maîtres de Bera, de divers passages de la Bidassoa, et des débouchés des vallées d’Echalar et de Lerin. Ainsi, ça ira, citoyens représentans; car cette victoire nous achemine vers des succès qui nous rendront maîtres bientôt de la partie principale de la frontière ennemie. Le nombre des morts a été considérable parmi les ennemis, et nous leur avons fait 320 prisonniers, dont un colonel et onze officiers. De notre côté, nous avons eu environ 50 morts et de 2 à 300 blessés. Parmi les premiers, nous avons eu à regretter l’adjudant-général Frère, qui a été tué d’un coup de feu en franchissant le premier retranchement de l’ennemi. Sept pièces de canon, deux obusiers, une très grande quantité de fusils et de munitions, 200 tentes et quantité d’autres effets sont tombés en notre pouvoir. Le village de Bera, dont nous nous sommes emparés, ainsi que celui de Lesaca, que nous avons été reconnoître, sont des greniers d’abondance maintenant à la disposition de la République. Les traits d’héroïsme sont si multipliés dans cette brillante journée, que je n’ai pu encore tous les recueillir. Je m’empresserai de vous les faire connoître aussitôt qu’ils me seront parvenus. D’ailleurs votre collègue Garrau, qui a tout vu par lui-même, pourra vous les citer, surtout ceux de la colonne de droite avec laquelle il a toujours marché; cependant je ne dois pas vous laisser ignorer la conduite du citoyen Puiségur, officier des chasseurs de la 5e demi-brigade, qui, escaladant le premier, à l’aide d’un chasseur du 2e bataillon des Montagnes, le parapet de la redoute Commissari, a bravé les coups des ennemis qui l’entouraient pour sauter sur un drapeau rouge qui flottoit dans la redoute, et dont il s’est emparé. On ne saurait donner trop d’éloges à toutes les troupes de cette expédition : abattis, coupures, tranchées, retranchemens en amphithéâtre, rien n’a ralenti leur courage; chaque volontaire, chaque officier, ont été des héros; et les généraux de brigade Dosseis (?), Cambray, ainsi que l’adjudant-général Garrau, ont donné dans cette occasion des preuves de la plus grande intelligence et de la plus brillante intrépidité. Le chef de bataillon Monroux, à qui j’avois confié le commandement de la colonne de gauche, l’a dirigée avec habileté. Les citoyens Cardenot, officier de la 148e demi-brigade, et Latreille, adjoint à l’état-major, m’ont été du plus grand secours par leur intelligence; ils se sont parfaitement bien comportés, et ont montré autant de zèle que de courage. Salut et fraternité, et victoire. Signé, Delaborde, [ p.c.c .], Garrau, Pinet aîné, Cavaignac. PROCLAMATION [Les représentans du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales, aux braves soldats qui composent cette armée. Braves soldats, Il est donc arrivé ce moment si long-temps désiré, attendu avec une si vive impatience, ce moment où la brave armée des Pyrénées-Occidentales, s’élevant enfin au-dessus de tous les 208 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE obstacles que la malveillance avoit fait naître autour d’elle pour la condamner à la nullité, va prouver à l’Europe, qui la contemple, qu’elle est la digne sœur des armées du Nord et du Midi; qu’à leur exemple elle vengera la patrie, terrassera les despotes et immolera leurs satellites; que, comme elles, après avoir purifié la terre de la liberté, souillée par la présence des esclaves, elle ira porter les armes triomphantes de la République sur le territoire ennemi, et y faire flotter l’étendard tricolor. Soldats de la liberté, destructeurs de la tyrannie et du fanatisme, vous devant qui les trônes s’écroulent, vous que le flambeau de la raison précède, vous qui donnez à l’univers, à la postérité, l’exemple étonnant d’un peuple aussi juste que courageux, aussi grand que redoutable, aussi magnanime que terrible, votre destinée est à jamais fixée; par vous la liberté que le fanatisme et le despotisme avoient chassée du milieu des peuples, va voir son empire rétabli; et le bonheur du genre humain sera votre ouvrage. En pénétrant sur le territoire ennemi, braves soldats, ce n’est pas votre courage, votre énergie et votre dévouement à la patrie que nous vous rappellerons : vivant au milieu de vous, partageant vos travaux et vos dangers, vos représen-tans vous connoissent : ils savent que vous n’eûtes jamais besoin d’être stimulés pour voler au combat; mais nous vous répéterons, chers camarades, ce que le peuple français a proclamé partout : « Guerre aux châteaux, paix aux chaumières; guerre aux tyrans et à leurs satellites armés; paix au citoyen paisible, à l’humble toit de l’indigent, à la demeure du laboureur utile et de l’artisan laborieux ! » Les despotes et leurs noirs suppôts ont diffamé le peuple le plus généreux; c’est à notre conduite à faire taire la calomnie; qu’ils apprennent, les tyrans et leurs valets, que la cruauté fut toujours l’apanage des esclaves et de leurs maîtres. Le sol de la liberté, terrible envers les ennemis qui lui résistent, ne tourne jamais ses armes contre l’homme sans défense, contre le citoyen paisible, qu’il regarde plutôt comme un frère à protéger que comme un ennemi à combattre. A ces motifs puissans sur vos cœurs, tirés de la grandeur du peuple français et de la cause sublime que nous défendons, nous en ajouterons un autre d’un grand poids auprès de vous : l’intérêt de la République. Les scélérats couronnés qui, en violant les droits sacrés de l’humanité, ont voulu nous détruire, doivent être l’objet du juste ressentiment d’un peuple irrité; ils doivent nous fournir un dédommagement proportionné à l’outrage qu’ils nous ont fait et au mal qu’ils ont voulu nous faire. Laissons aux peuples tremblans sous la verge du despotisme, des fers qu’ils n’ont pas le courage de briser; laissons-leur des idoles qu’ils caressent encore et devant lesquelles ils veulent encore se prosterner. Que nous importe le sort de ces hommes qui n’ont pas le courage de cesser d’être esclaves ? Mais ce qui nous importe, c’est de fixer avec nos armes triomphantes les limites de la République, c’est de lui assigner des bornes telles que sa splendeur et sa grandeur future en découlent. Le territoire espagnol sur lequel nous allons entrer, doit faire partie de la République; le drapeau tricolor qui va l’ombrager va en faire une propriété française, et nous allons en prendre possession au nom du peuple. Que la dévastation, le pillage, l’incendie, fuient loin de vous; que l’habitant craintif voie son asyle respecté; qu’il trouve à vos côtés sûreté et tranquillité, et qu’il apprenne enfin à chérir un peuple vengeur des droits violés du genre humain, que les rois et les prêtres avoient peint à ses yeux comme un peuple d’anthropophages. S’il étoit parmi vous, courageux guerriers, quelques traîtres qui, voulant déshonorer le nom français et nuire aux intérêts de la République, violassent les devoirs que vos représentants viennent de vous retracer, saisissez-les et appeliez vous-mêmes sur leurs têtes la vengeance nationale; ils sont indignes de combattre à vos côtés. Au reste, soldats de la liberté, n’oubliez jamais que la patrie a les yeux ouverts sur vous; que la reconnoissance nationale viendra vous dédommager des sacrifices que vous aurez faits; et que la seule gloire dont un soldat républicain doive être jaloux, c’est de voir les lauriers qu’il aura cueillis entrelacés de la déclaration précieuse et solemnelle qu’il a bien mérité de la patrie. Et vous, habitans des campagnes et des cités espagnoles, vous, laboureurs utiles, artisans laborieux, ne fuyez pas les légions républicaines. Jettez-vous dans leurs bras, sans armes, sans défense, et vous trouverez en elles protection et sûreté, pour vous, pour vos femmes, vos enfans et vos propriétés. Le soldat français a juré d’exterminer l’homme armé pour les tyrans; mais ce fer, si terrible dans ses mains, respectera toujours celui qui, sans défense, réclamera son appui et son indulgence; il respectera également ses opinions, ses mœurs, ses coutumes et ses usages. Restez donc dans vos paisibles demeures, cultivez vos champs, récoltez vos moissons, travaillez à vos ateliers; et la liberté, planant au milieu de vous, vous fera sentir la distance immense qui existe entre les vengeurs des droits des peuples et les esclaves se mouvant sous la verge du despotisme. Le soldat français veut vous conquérir la liberté, non par la terreur de ses armes, mais en gagnant vos cœurs et en éclairant vos esprits. Signé, Pinet aîné, Garrau, Cavaignac. AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. Les représentons du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales. En conséquence de la proclamation qu’ils viennent de faire, dans laquelle, d’un côté, ils invitent les habitans du territoire espagnol sur lequel l’armée des Pyrénées-Occidentales va se porter, de ne pas abandonner leurs demeures, promettant à ceux qui, sans armes et sans défense, s’abandonnent à la générosité fran- SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - N° 26 209 çaise, protection et sûreté; de l’autre, ils exhortent les soldats de la liberté à rejeter loin d’eux toute idée de pillage, de dévastation et d’incendie, et à conserver soigneusement un territoire précieux qui va devenir une propriété de la République; Considérant que tous les vrais défenseurs de la patrie, entraînés par les puissantes considérations mises sous leurs yeux par les représentai du peuple, ont déjà juré de n’être terribles qu’aux satellites du despotisme, de protéger les habitans paisibles, se livrant sans défense et avec confiance à la générosité française, de respecter leurs domiciles, leurs propriétés, leurs coutumes, leurs mœurs, leurs usages; que ces devoirs, gravés dans les cœurs des soldats républicains, ne pourront être violés que par quelques ennemis de la gloire d’une des plus braves armées de la République qui, en commettant des actes indignes d’elle, voudroient ternir ses lauriers; qu’on doit s’empresser de punir avec la dernière sévérité de pareils hommes, que la perfidie et la trahison seules ont placés dans nos légions républicaines pour y introduire la honte et le déshonneur, et pour compromettre les intérêts de la patrie; Considérant que l’intérêt du soldat, celui de l’armée, se trouve lié aux puissantes considérations déjà tracées; que l’expérience a mis sous nos yeux des exemples fréquens de victoires arrachées à des armées qui, après avoir battu leur ennemi, se sont livrées au désordre en s’abandonnant, sans précaution, au pillage; qu’une telle défaite devient alors, pour l’armée qui la subit, la honte la plus ineffaçable, et qu’elle fait tomber sous le fer d’un ennemi déjà vaincu le soldat victorieux, victime de son imprudence; Considérant que ce danger devient plus grand à mesure qu’une armée avance sur le territoire ennemi; que les conséquences en sont plus terribles, attendu qu’étant environnée d’hommes intéressés à sa perte, non seulement la plus légère imprudence peut lui enlever le fruit d’une longue suite de succès, mais encore la livrer à une destruction entière; qu’on ne saurait mettre en usage des mesures trop sévères pour prévenir ces maux, pour conserver de bons soldats à la patrie, une brave armée à la République, pour éloigner des revers honteux aux armées françaises, et pour ne pas voir changer des jours d’allégresse en des jours de deuil, arrêtent : I. Il est défendu à tout soldat français de quitter son drapeau après une action, pour quelque cause que ce puisse être, à moins qu’il n’en ait obtenu l’ordre de son chef. II. Tout militaire qui, au mépris de cette défense, abandonnera son drapeau, ou ne le rejoindra pas lorsque le rappel sera battu, subira la peine de 3 ans de fers pour le soldat, de 4 pour le sous-officier et de 6 pour l’officier. III. La dévastation, le pillage et l’incendie, commis sans l’ordre des généraux sur le territoire espagnol, seront punis de mort. IV. Seront également punis de mort ceux qui se porteraient à quelques excès ou outrages envers les habitans sans défense, hommes, femmes et enfans; les vieillards, les femmes et les enfans sont spécialement mis sous la sauvegarde de la loyauté française. V. Protection, secours et sûreté sont promis aux habitans du territoire espagnol qui ne s’armeront pas pour combattre les soldats de la liberté; ceux qui, dédaignant cette marque d’humanité et de fraternité, tourneront leur fer contre les phalanges républicaines, et seront pris les armes à la main, seront traités comme ennemis. VI. La dilapidation des cartouches devant être regardée comme un délit national, et comme pouvant avoir les conséquences les plus dangereuses, tout militaire, qui, le combat une fois fini, se permettra d’en brûler une seule, de tirer un seul coup de fusil, sera puni, le soldat d’un an de fers, le sous-officier de 2, et l’officier de 3. VIL En défendant le pillage aux soldats républicains, les représentans du peuple renouvellent leur arrêté, par lequel ils déclarent que le tiers de la valeur des prises appartiendra aux preneurs. VIII. Le soldat qui, au mépris de cette déclaration, serait assez peu délicat pour s’approprier la totalité ou partie d’une prise quelconque, et priver par ce moyen la République de la part qui doit lui revenir, et ses camarades de celle qui leur est attribuée, sera condamné à une amende double de la valeur de l’objet soustrait et à 3 ans de fers; ne sont point compris dans le présent article les effets et dépouilles trouvés sur l’ennemi, tué ou fait prisonnier. IX. Tous les délits désignés dans les articles ci-dessus, seront jugés par une commission militaire sur les lieux-mêmes où le délit aura été commis; le jugement sera exécuté sur-le-champ, et ceux qui auront mérité la mort seront fusillés à la tête des colonnes. X. Cette commission sera composée de 5 membres, nommés par le commandant de la troupe; elle jugera sans jurés, et appliquera à l’accusé, d’après sa conviction intime, les différentes peines prononcées dans les articles II, III, IV, V, VI et VIII suivant la nature du délit qu’il aura commis. XI. Tous les individus déportés de France, en vertu des lois de la République, qui se trouvent domiciliés dans l’étendue du territoire conquis, sont tenus d’en sortir dans les 24 heures, à partir de la publication du présent arrêté, sous peine d’être traités comme émigrés français. XII. Les habitans des pays conquis remettront leurs armes entre les mains des comman-dans militaires, dans le délai de 24 heures après la publication du présent arrêté; ceux qui seront convaincus de les avoir soustraites, seront traduits devant la commission militaire et punis de mort. XIII. Les assignats seront reçus dans toutes les caisses publiques et dans les transactions commerciales; ceux qui les refuseront, les décrieront, les falsifieront, et ceux qui en colporteront de faux, seront traduits devant la commission militaire, et punis conformément aux lois de la République sur cet objet. XIV. Pour prévenir l’augmentation que des malveillans pourraient donner aux marchandi-14 SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - N° 26 209 çaise, protection et sûreté; de l’autre, ils exhortent les soldats de la liberté à rejeter loin d’eux toute idée de pillage, de dévastation et d’incendie, et à conserver soigneusement un territoire précieux qui va devenir une propriété de la République; Considérant que tous les vrais défenseurs de la patrie, entraînés par les puissantes considérations mises sous leurs yeux par les représentai du peuple, ont déjà juré de n’être terribles qu’aux satellites du despotisme, de protéger les habitans paisibles, se livrant sans défense et avec confiance à la générosité française, de respecter leurs domiciles, leurs propriétés, leurs coutumes, leurs mœurs, leurs usages; que ces devoirs, gravés dans les cœurs des soldats républicains, ne pourront être violés que par quelques ennemis de la gloire d’une des plus braves armées de la République qui, en commettant des actes indignes d’elle, voudroient ternir ses lauriers; qu’on doit s’empresser de punir avec la dernière sévérité de pareils hommes, que la perfidie et la trahison seules ont placés dans nos légions républicaines pour y introduire la honte et le déshonneur, et pour compromettre les intérêts de la patrie; Considérant que l’intérêt du soldat, celui de l’armée, se trouve lié aux puissantes considérations déjà tracées; que l’expérience a mis sous nos yeux des exemples fréquens de victoires arrachées à des armées qui, après avoir battu leur ennemi, se sont livrées au désordre en s’abandonnant, sans précaution, au pillage; qu’une telle défaite devient alors, pour l’armée qui la subit, la honte la plus ineffaçable, et qu’elle fait tomber sous le fer d’un ennemi déjà vaincu le soldat victorieux, victime de son imprudence; Considérant que ce danger devient plus grand à mesure qu’une armée avance sur le territoire ennemi; que les conséquences en sont plus terribles, attendu qu’étant environnée d’hommes intéressés à sa perte, non seulement la plus légère imprudence peut lui enlever le fruit d’une longue suite de succès, mais encore la livrer à une destruction entière; qu’on ne saurait mettre en usage des mesures trop sévères pour prévenir ces maux, pour conserver de bons soldats à la patrie, une brave armée à la République, pour éloigner des revers honteux aux armées françaises, et pour ne pas voir changer des jours d’allégresse en des jours de deuil, arrêtent : I. Il est défendu à tout soldat français de quitter son drapeau après une action, pour quelque cause que ce puisse être, à moins qu’il n’en ait obtenu l’ordre de son chef. II. Tout militaire qui, au mépris de cette défense, abandonnera son drapeau, ou ne le rejoindra pas lorsque le rappel sera battu, subira la peine de 3 ans de fers pour le soldat, de 4 pour le sous-officier et de 6 pour l’officier. III. La dévastation, le pillage et l’incendie, commis sans l’ordre des généraux sur le territoire espagnol, seront punis de mort. IV. Seront également punis de mort ceux qui se porteraient à quelques excès ou outrages envers les habitans sans défense, hommes, femmes et enfans; les vieillards, les femmes et les enfans sont spécialement mis sous la sauvegarde de la loyauté française. V. Protection, secours et sûreté sont promis aux habitans du territoire espagnol qui ne s’armeront pas pour combattre les soldats de la liberté; ceux qui, dédaignant cette marque d’humanité et de fraternité, tourneront leur fer contre les phalanges républicaines, et seront pris les armes à la main, seront traités comme ennemis. VI. La dilapidation des cartouches devant être regardée comme un délit national, et comme pouvant avoir les conséquences les plus dangereuses, tout militaire, qui, le combat une fois fini, se permettra d’en brûler une seule, de tirer un seul coup de fusil, sera puni, le soldat d’un an de fers, le sous-officier de 2, et l’officier de 3. VIL En défendant le pillage aux soldats républicains, les représentans du peuple renouvellent leur arrêté, par lequel ils déclarent que le tiers de la valeur des prises appartiendra aux preneurs. VIII. Le soldat qui, au mépris de cette déclaration, serait assez peu délicat pour s’approprier la totalité ou partie d’une prise quelconque, et priver par ce moyen la République de la part qui doit lui revenir, et ses camarades de celle qui leur est attribuée, sera condamné à une amende double de la valeur de l’objet soustrait et à 3 ans de fers; ne sont point compris dans le présent article les effets et dépouilles trouvés sur l’ennemi, tué ou fait prisonnier. IX. Tous les délits désignés dans les articles ci-dessus, seront jugés par une commission militaire sur les lieux-mêmes où le délit aura été commis; le jugement sera exécuté sur-le-champ, et ceux qui auront mérité la mort seront fusillés à la tête des colonnes. X. Cette commission sera composée de 5 membres, nommés par le commandant de la troupe; elle jugera sans jurés, et appliquera à l’accusé, d’après sa conviction intime, les différentes peines prononcées dans les articles II, III, IV, V, VI et VIII suivant la nature du délit qu’il aura commis. XI. Tous les individus déportés de France, en vertu des lois de la République, qui se trouvent domiciliés dans l’étendue du territoire conquis, sont tenus d’en sortir dans les 24 heures, à partir de la publication du présent arrêté, sous peine d’être traités comme émigrés français. XII. Les habitans des pays conquis remettront leurs armes entre les mains des comman-dans militaires, dans le délai de 24 heures après la publication du présent arrêté; ceux qui seront convaincus de les avoir soustraites, seront traduits devant la commission militaire et punis de mort. XIII. Les assignats seront reçus dans toutes les caisses publiques et dans les transactions commerciales; ceux qui les refuseront, les décrieront, les falsifieront, et ceux qui en colporteront de faux, seront traduits devant la commission militaire, et punis conformément aux lois de la République sur cet objet. XIV. Pour prévenir l’augmentation que des malveillans pourraient donner aux marchandi-14 210 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ses et denrées du pays, à raison de l’introduction des assignats, le maximum arrêté pour le district d’Ustaritz sera suivi dans tous les pays conquis sur l’Espagnol. XV. Les impositions établies dans les pays conquis, sous quelques dénominations qu’elles existent, continueront d’être perçues au profit de la République. XVI. L’exécution du présent arrêté est recommandée à la vigilance du général-en-chef, des différens généraux et officiers de l’armée; il sera mis à l’ordre, imprimé, affiché, distribué aux bataillons, et lu à la tête de chaque compagnie. A l’avant-garde de l’armée, le 30 messidor an IL Signé Pinet aîné, Garrau, Cavaignac (1). BARÈRE : Citoyens, il y a déjà longtemps que le comité ne vous avait parlé des avantages remportés tout les jours par la marine de la République sur ses ennemis. Nos ports continuent d’être approvisionnés par nos frégates, et, cette fois, nous pouvons annoncer à la Convention 52 prises sur les Anglais, les Espagnols et les Hollandais. Cinq [embarcations] ont été coulées bas par la division de la frégate la Tortue. [Applaudissements] . Prises faites depuis le 20 messidor. Un navire anglais, chargé de diverses marchandises pour la traite des Noirs, ayant dix milliers de poudre à canon, pris par la corvette la Fraternité, et entré à Lorient; Un corsaire anglais, coulé bas par la même corvette; Un navire chargé de blé, soufre et sel de nitre, pour Bayonne; Un navire chargé de farine pour l’Espagne, entré à Villefranche, pris par le lougre le Tombeau des tyrans ; Un sloop anglais, chargé de sucre, entré à Dune-Libre, pris par le lougre le Requin-, Un navire chargé de bœuf salé, farine et jambons pour l’Angleterre, entré en rivière de Nantes, pris par la canonnière la Montagne-, Une corvette anglaise de 20 canons, entrée à Brest, prise par la frégate la Seine-, Un bâtiment chargé de blé, allant en Angleterre, entré à Rochefort; Un bâtiment chargé de diverses marchandises, pris par la Tribune-, Un navire anglais, chargé de diverses marchandises pour la traite des Noirs, entré à Lorient, pris par la corvette la Tribune. Courrier du 11 thermidor. Un navire venant d’Espagne, ayant un passager anglais à bord, sur lequel on a trouvé 4 (1) ET, 19 therm. et 19 therm. (suppl1); Débats, n° 686, 341-349; J. univ., n° 1 719. Moniteur (réimpr.), XXI, 443-445. A la suite du rapport de Barère, la Convention décrète que l’armée des Pyrénées-Occidentales a bien mérité de la patrie. Décret n° 10 254. Rapporteur : Lecomte (C* II 20, p. 240). paquets de 50 piastres de 6 livres chacune; 4 idem de 50 pièces de 6 livres chaque; Un idem de 40 pièces de 6 livres; un idem de 16 pièces de 3 livres; un idem de 56 onces d’or; un idem de 50 idem-, Un paquet contenant 3 rouleaux de 100 louis chaque; Un idem contenant 3 rouleaux de 50 doubles louis chaque; Un idem contenant 60 doubles louis; Un paquet contenant 68 doubles louis; Deux idem contenant 100 louis chaque; Un idem contenant 60 louis; Dans un petit sac 49 quadruples, 21 quadruples, 30 demi-quadruples, 18 guinées, 10 piastres, 26 shillings, 8 demi-quarts de quart de quadruples. Un navire anglais chargé d’huile d’olives, entré à Brest, pris par la corvette le Jean-Bart ; Une galiote hollandaise chargée de sel, entrée à Port-Malo, prise par le Jean-Bart ; Un navire portugais, venant des Açores, mouillé à La Rochelle, pris par la corvette la Dédaigneuse-, Un brick chargé de 900 charges d’orge, allant à Barcelone, entré à Villefranche, pris par le chébec le Jacobin. Courrier du 12 thermidor. Deux bricks anglais chargés de sucre, café et coton; Un navire anglais à trois mâts, chargé idem ; une corvette anglaise de 20 canons, entrée à Brest, prise par la corvette la Tamise-, Un paquebot anglais venant de Lisbonne, armé de 16 canons, ayant à son bord 50 000 piastres et un sac de 45 livres pesant d’or en lingot, pris par la frégate l’Unité-, Un navire chargé de coton et d’huile de baleine, entré à Calais, pris par le lougre le Succès ; Un brick chargé de morue, entré à Bayonne, pris par la canonnière l’Etourdie. Courrier du 14 thermidor. Un bâtiment anglais chargé de fer et de chanvre, entré à Dune-Libre, pris par la corvette le Pandour, Un bâtiment anglais chargé de planches et éparres, pris par la corvette le Pandour. Port-la-Montagne. Un brick anglais, coulé par la frégate la Boudeuse-, Un idem espagnol, coulé après avoir sauvé les effets et l’équipage. Courrier du 15 thermidor. Un brick anglais chargé de citrons, entré à Paimpol, pris par la frégate l’Unité-, Un navire chargé d’épiceries, ballottage et étain, entré à Brest, pris par la corvette le Jean-Bart-, Sept bâtiments anglais pris par la corvette l’Espérance, arrivés à l’île d’Aix, savoir : SÉANCE DU 18 THERMIDOR AN II (5 AOÛT 1794) - N° 27 211 Un bâtiment anglais conduit à Saint-Domingue; Un idem coulé; un autre arrivé avec elle à l’île d’Aix; Trois idem, richement chargés, font route pour Rochefort; Un brick ânglais de 90 tonneaux, chargé de 1 200 rolles d’huile d’olives, pris par le lougre le Petit Sans-Culottes, et entré au Port-la-Monta-gne. Courrier du 16 thermidor. Prises faites par la division de la frégate La Tortue. Savoir : un navire dantzigois, allant à Liver-pool, chargé de bois et poix, expédié pour Dunkerque; Un brick anglais, chargé de planches, expédié pour Dunkerque; Deux navires à 3 mâts, chargés d’huile de baleine, expédiés pour Dunkerque; Un brick chargé de lin, expédié pour Dunkerque; Une goélette hollandaise chargée d’indigo, cochenille, peaux de bœuf, etc., venant de Cadix, expédiée pour Dune-Libre; Un brick anglais chargé de sucre, huile, vin et sel; Un navire chargé de diverses marchandises, allant à Amsterdam. Bâtiments coulés par la même division, après avoir sauvé les équipages et marchandises. Une goélette hollandaise, un navire anglais, deux dogres hollandais, un bateau de pêche sous pavillon impérial (1). 27 On admet à la barre une députation de citoyens de Clermont-Ferrand, qui présentent les adresses suivantes (2). a [Les administrateurs du départ1 du Puy-de-Dôme à la Conv.; Clermont-Ferrand, 14 therm. Il] (3) Représentans du Peuple, Parmi les traîtres que vous avez livré au glaive de la loi, Il s’en trouve un du département du Puy-de-Dôme, dont le langage et les actions apparentes en avaient imposé au peuple. A (1) Bm, 18 therm. (suppl1); Moniteur, réimpr., XXI, 408-409; J. univ., nos 1 717, 1 718; Débats, n° 684, 316-318; n° 685, 325-327 et 333-335; J. Paris, nos 583, 584; Mess. Soir, n08 716 et 717; J. Fr., nos 680, 681; M.U., XLII, 304 et 311-317; Rép., n° 229; J. Mont., n° 98; C. Eg., n° 717; C. univ., n° 948; J. Perlet, n° 682; J. univ., n° 1 716; Ann. R.F., n° 147 (247); Audit, nat., n° 681; J. Sablier, n° 1 481 (soir); J. Lois, n° 679; F.S.P., n° 397; Ann. patr., n° DLXXXII; J.S.-Culottes, n° 537. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 409. (3) C 312, pl. 1 243, p. 36; Débats, n° 684, 315; Moniteur (réimpr.), XXI, 409; J. univ., n° 1 718. peine son crime a-t-il été connu que tous les amis de la République n’ont eu pour lui qu’un sentiment d’horreur et d’exécration. Recevés, représentans du peuple, nos félicitations sur le nouveau triomphe que vous venés de remporter sur la tirannie en anéantissant ces infâmes conspirateurs. Recevés aussi le témoignage bien sincère de notre attachement à la Convention nationale et à la République une et indivisible. Abraham jeune ( secrét .-çf1), Aujelon, Lavorie, Limet, Noyer Du Bouy, Paurzet, Cortès. b [Le conseil de la comm. de Clermont-Ferrand à la Conv.; Clermont, s.d] (1) Citoyens, Le conseil gal de la commune de Clermont-Ferrand a à peine eu la connoissance des crimes d’un représentant qui obtenoit sa confiance, qu’il a repousé (sic) sur-le-champ et avec horreur toutte affection à son égard. Ainsv les vertus seules obtiendront notre estime. Ainsy le bonheur du peuple occupera seul nos sentiments. Continués, dignes représantans, d’assurer la liberté publique. La commune de Clermont ne cessera de rester attachée à la représentation nationale comme à son centre. Les membres du conseil général de la commune de Clermont-Ferrand. Dumas (off. mun), Leymenéz fils, Bonasme (maire), Charle (notable), Collang (notable), Montatere, Barthomuy (notable), Degeorge (agent nat.), Blanzat (notable), Rozier (notable), Vors père (notable), Faure, Defournouré (notable), Rans pere (notable), Chelly aîné (notable), Prieur (off. mun.), Grerniette (off. mun.), Habriac (notable), O. Fruchon (off. mun.), B. Dumas (off. mun.), Voilliat, Lavies (notable), Alligier (notable), Verdier Latour (off. mun), Cinque (off. mun.), Abraham (secrét. -gal), autre Barthomuy (notable), Forest (notable), autre Grerniette, Bonnierat F., Monestier, Faucheur aîné (notable). Mention honorable, insertion au bulletin (2). c [ Les sans-culottes de la sté popul. de Clermont-Ferrand à la Conv.; 14 therm. II] (3) Représentans du peuple, La société populaire de Clermont-Ferrand, justement indignée des trames ourdies récemment contre la liberté, s’empresse de vous faire connaître ses sentimens. elle s’empresse de vous déclarer que,- puisque parmi les traîtres que vient de fraper la vengeance nationale, il s’en (1) C 312, pl. 1 243, p. 35; Débats, n° 684, 315; Moniteur (réimpr.), XXI, 409. J. univ., n° 1 718. (2) Mention marginale du 18 thermidor, signée Collom-bel. (3) C 315, pl. 1 261, p. 23; Débats, n° 684, 314-315; Moniteur (réimpr.), XXI, 409; J. univ., n° 1 718.