[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2 juin 1791,] M. Duport, rapporteur , donne lecture de l’article 10, ai!, si conçu : « Il y aura à Paris, auprès du tribunal criminel, 3 huissiers avec un traitement de t,2U0 livres chacun, et 2 dans les tribunaux criminels des autres départements, avec un traitement de 4,000 livres. » (Murmures.) Plusieurs membres : C’est trop J M. Monglns de Roquefort. Vous donnez aux juges de paix 600 livres et vous voulez donner 1,000 livres aux huissiers; cela ne me paraît pas jmte. M. Rcgnaud (de Saint-Jean-d' Angèly) . le crois qu’il faut donner 600 livres à l’huissier du tribunal criminel des départements, à la charge par lui de faire le service auprès du tribunal, et décider que, pour les frais de transport, l’expédition de l’exploit ou du décret qu'il signifiera, il sera payé parle département. M. Loys. Je crois qu’il faut proportionner le traitement aux endroits qu’habite l’huissier. (L’Assemblée ajourne la question du traitement des huissiers des tribunaux criminels des départements.) M. Duport, rapporteur , met en conséquence l’article 10 aux voix dans les termes suivants : Art. 10. « Il y aura à Paris, auprès du tribunal criminel, 3 huissiers avec un traitement de 1,200 livres chacun, et 2 dans les tribunaux criminels des autres départements. » (Adopté.) Art. 11. Le commissaire du roi, dans lus chefs-lieux de département, aura un adjoint pour les matières criminelles, avec le même titre et le même traitement. » (Adopté.) Art. 12. « Toute consignation d’amende en matière criminelle est défendue. » (Adopté.) Art. 13. « Les électeurs actuels du département de Paris se rassembleront pour nommer les fonctionnaires susdits, et nommeront en même temps aux places de juges et de suppléants, vacantes dans les tribunaux de la capitale. » (Adopté.) M. Camus, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle. Messieurs, vous avez chargé vos comités de Constitution et de législation criminelle de vous rendre compte d’une pétition des juges criminels du département de Paris. Les six tribunaux criminels se sont trouvés partagés d’opinions sur le point de savoir s’il fallait recommencer les nombreuses procédures dans le-quelles le Châtelet avait introduit des nullités par la violation de vos décrets. La majorité des juges, touchée de la longueur du temps de la nouvelle instruction qu’il faudrait faire, si les procédures faites par le Châtelet étaient déclarées milles, vous a présenté avant-hier une pétition dans laquelle ils vous exposent les inconvénients qu’il y aurait de laisser languir les prisonniers et vous demandent de valider lesdites procédures. Yos comités ont pensé unanimement que, lorsqu’une loi criminelle a établi des nullités, lors-707 qu’elle a cru certaines formes tellement nécessaires, soit pour l’innocence de l’accusé, soit pour la conservation des droits de la société, lorsqu’elle a déclaré nulle toute procé lurequi ne les contiendrait pas, il est évident que tout jugement qui est rendu d’une manière contraire, dans lequel ces formes ont été violées, n’est pas un jugement légal. C’est même jusqu’à quelque point un assassinat; nul juge ri’a le droit de condamner un homme sans observer les formes que la société a cru indispensables pour sa condamnation. D’un autre côté, rien ne peut empêcher l’Assemblée nationale de suivre inflexiblement les principes de la justice qui veulent qu’aucun effet rétroactif ne soit donné à la loi. Vous avez le droit de changer les lois pour l’avenir ; mais vous n’avez pas le droit de regarder les lois anciennes comme n’ayant pas existé, ni les lois existantes comme n’existant pas. Ainsi, malgré les inconvénients, malgré les lenteurs qu’exigera le renouvellement des procédures, malgré le désir que nous aurions eu de soulager les malheureux prisonniers et d’abréger le temps déjà trop long de leur détention, vos comités se sont déterminés, par les considérations que je viens de vous exposer, à vous proposer de décréter qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’adresse des juges des 6 tribunaux criminels de Paris. M. Delandine. Messieurs, les prisons regorgent de prisonniers; ces prisonniers sont coupables ou innocents-: s’ils sont coupables, les preuves ont dépéri ou vont dépérir dans la nouvelle instruction qu’on vous propose; s’ils sont innocents, vous allez les laisser gémir dans les prisons pendant des siècles. Gomment voulez-vous recommencer les procédures dans un nombre aussi prodigieux que celui qui existe? D’ailleurs, la pétition des tribunaux criminels m’a paru être parfaitement juste, parce qu’elle a bien distingué entre les nullités qui frappaient décidément sur les peines et sur les confrontations, sur ce qui peut porter la conviction, et entre les simples nullités qui ne portaient que sur les acies de procédure. Or, Messieurs, tuus les actes de procédure ne servent pas éminemment à la conviction des coupables. Ge n’est que le témoign âge des témoins qui peut les convaincre. ( Interruptions .) M. Dclavignc. Je vous demande, Messieurs, qu’en déclarant qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition, on ajoute au décret que toutes espèces de formes prescrites, tant par les anciens règlements non abrogés, que par les nouveaux règlements qui ont été faits, doivent être rigoureusement tenues pour causes de nullité. M. Duport. Je ne crois pas possible de mettre dans un préambule que la loi doit être observée. J’ajouterai, Messieurs, une dernière observation. La sévérité de la décision que nous vous proposons pourra êtie tempérée en décrétant, d’après les notes qui seraient remises par les tribunaux et la municipalité de Paris, les moyens qui paraîtront nécessaires pour accélérer le jugement des prisonniers. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’adresse des membres des six tribunaux criminels de Paris.) M. Verchère de Reffye , secrétaire, fait ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1791 .j 708 [Assemblée nationale.] lecture d’une lettre du ministre de la guerre adressée à M. le Président et ainsi conçue: « Paris, le 29 mai 1791. « Monsieur le Président, « lie roi m’ordonne de vous communiquer quelques observations sur l’article 38 du décret sur l’organisation du pouvoir exécutif. Cet article est ainsi conçu : « Le pouvoir exécutif ne pourra faire passer « ou séjourner aucun corps de troupes de ligne « en deçà de 30,000 toises de distance du lieu des « séances du Corps législatif, si ce n’est sur sa ré-« quisition, ou avec son consentement exprès. » « Il existe aux environs de Paris, à une distance plus rapprochée que celle indiquée dans l’article, plusieurs endroits où les troupes sont dans l’usage de loger, tels que Saint-Denis, Pontoise, Melun, Senlis, Luzarche, etc. L’exécution rigoureuse du décret forcerait de les abandonner, parce que dans le mouvement journalier des troupes, il serait impossible d’interrompre les travaux du Corps législatif pour obtenir son autorisation sur le simple passage donné par forme à un régiment qui change d’emplacement. « Cependant ces gîtes d’étapes sont placés sur des directions très fréquentées, et servent aux mouvements qui font porter les troupes des départements maritimes sur ceux du Nord, de la Moselle et du Rhin ; leur suppression nécessite des détours considérables, qui augmenteraient les routes, ainsi que la dépense, et augmenteraient considérablement les opérations qui demandent une grande célérité. « On pourrait obvier à ces inconvénients, en se bornant à instruire l’Assemblée nationale du passage des troupes en deçà de la distance désignée, lorsqu’elles excéderaient 100 hommes, par une note officielle qui indiquerait le nombre des troupes, la date de leur passage et la route qu’elles suivent; mais comme le décret porte qu’il laudra une autorisation expresse du Corps législatif, et par conséquent antérieure à l’envoi des ordres, cette mesure, que Sa Majesté m’a charge de vous indiquer, ne peut avoir lieu que lorsque l’Assemblée nationale aura prononcé si elle l’adopte. « Je vous prie donc, Monsieur le Président, de vouloir bien lui soumettre cette proposition. Le roi m’ordonne en même temps d’instruire l’Assemblée nationale que dans ce moment des corps de troupes sont placés en demeure en deçà de 30,000 toises de Pans. A Versailles, un régiment d’infanterie et un détachement de chasseurs, qui fournit également des détachements dans les environs ; à Rambouillet, un régiment de chasseurs, ui fournit des détachements aux environs; à uint-Germain, un détachement de chasseurs. « Ces troupes ont été rassemblées par la nécessité de maintenir la tranquillité publique, et sont reconnues très utiles par les corps administratifs, qui en désirent la conservation. « Je me borne donc, aux termes de l’article ci-dessus, à demander que l’Assemblée nationale veuille bien autoriser leur séjour ultérieur dans les emplacements qu’elles occupent. « Je suis avec respect, etc... « Signé : DUPORTAL. » M. Prieur. Je demande le renvoi au comité de Constitution. (Murmures.) M. Démeunier, au nom du comité de Consti-tutiçn. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que le décret sur l’organisation du Corps législatif, dans lequel se trouve la disposition rapjielée par le ministre, dans sa lettre, n’est pas Complet, qu’il n’a pas encore été présenté à l’acceplaûon du roi et que, par conséquent, la loi n’est pas encore faite. C’est le zèle du ministre de la guerre qui le détermine dans ce moment-ci à demander une autorisation, puisque le temps de l’exécution de la loi qui a été rendue n’est pas encore venu. Une autorisation n’est donc pas encore nécessaire et ie ministre de la guerre peut, sur ce point, ordonner les arrangements qui lui paraîtraient utiles au service public. Je ne m’oppose pas d'ailleurs au renvoi de la lettre au comité qui présentera de suite à l’Assemblée son avis sur la question; quant à moi, personnellement, je pense qu’il suffira d’en instruire le Corps législatif. (L’Assemblée décrète que les remarques de M. Démeunier seront insérées au procès-verbal; elle ordonne de plus le renvoi de la lettre et des observations du ministre de la guerre au comité de Constitution pour en rendre compte.) M. Fréteau-Saint-Just, au nom du comité diplomatique. Messieurs, lorsqu’à la mortde Benjamin Franklin vous décrétâtes que l’Assemblée porterait le deuil, vous chargeâtes votre Président d’écrire au Congrès pour lui faire part de votre décision. Le Président du Congrès, M. Washington, vous répondit dans le temps par une lettre qui a été rendue à l’Assemblée nationale. Aussitôt que le Congrès a repris se3 séances, il a chargé le ministre des affaires étrangères de l’Amérique de vous donner une nouvelle preuve des sentiments de fraternité qui l’unissent à ce royaume et du désir sincère de voir continuer la paix et l’union qui régnent entre eux et vous. Le ministre écrivit donc une nouvelle lettre. C’est cetie lettre qui a été envoyée au comité diplomatique et dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture; elle est accompagnée d’une lettre particulière des représentants de l’Etat de Pensylvanie, dont je vous donnerai également lecture. Voici la lettre de M. Jefferson : « Monsieur, « Je suis chargé, parle président des Etats-Unis de l’Amérique, de communiquer à l’Assemblée nationale l’expressiou de la sensibilité du Congrès pour l’hommage que les représentants libres et éclairés d’une grande nation ont rendu à la jnémoire de Benjamin Franklin, par leur décret du 11 juin 1790. « Il était naturel que la perle d’un tel citoyen excitât de vifs regrets parmi nous, au milieu desquels il vivait, qu’il avait si longtemps et si éminemment servis, et qui sentions que sa naissance, sa vie etses travaux avaient été intimement liés aux prugrès et à la gloire de sa patrie; mais il appartenait à l’Assemblée nationale de France de donner le premier exemple d’un hommage publiquement rendu par le corps représentatif d’un grand peuple au simple citoyen d’une autre nation ; et en elfuçant ainsi des lignes arbitraires de démarcation, de réunir, par les liens d’une grande fraternité, tous les hommes bons et grands, quel qu’ait été le lieu de leur naissance ou de leur mort. « Puissent ces démarcations disparaître entre nous, dans tous les temps et dans toutes les cir-