[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mai 1790.] 499 adaptant le projet de décret deM. de La Rochefoucauld, vous adoptez les mesures prises par le roi, vous adoptez aussi cette disposition. Je regrette, dans cette circoostance particulière, que nous ne puissions jouir de Futile influence du patriotisme et des vertus connues deM. le marquis de Grillbu, et je suis sûr qu’il n’acceptera pas la preuve que le roi lui donne de sa confiance; mais cette sécurité ne suffit pas au Corps législatif; il faut blâmer la confiance des ministres et l’invitation de corruption faite à l’Assemblée nationale. Je demande que le président se retire vers le roi pour lui exprimer notre confiance en lui seul. M. le comte de Virieu. Peut-on blâmer un ministre vertueux qui, pour l’utilité publique, s’expose aux dégoûts d’un refus? Vous devez des remerciements au roi pour les mesures qu’il a prises. Ces mesures étaient nécessaires pour ramener l’ordre, assurer la liberté, et ne pas favoriser les ennemis de la France. Si l’on ne réprimait pas les désordres qui nous sont dénoncés, si l’on venait nous attaquer, vous demanderiez en vain où sont vos arsenaux, où sont vos forts; ils se trouveraient dans les mains de vos ennemis. — Je propose d’adopter le projet de décret de M. de La Rochefoucauld, et subsidiairement, je me réfère aux conclusions de M. de Lafavette. M. le comte de Mirabeau. Je ne demande la parole que pour vous solliciter de mettre aux voix et les actions de grâces que vous devez au roi et le renvoi au comité des rapports. Je n’ignore pas que je suis l’objet des plus noires imputations; je n’ignore pas que ces imputations, qui n’ont fait que flotter d’incertitudes en incertitudes, ont été répandues et recueillies avec zèle ; je n’ignore pas que les gens qui les répandent font circuler en ce moment même, au sein de cette Assemblée, que je suis l’instigateur des troubles de Marseille. j'ai vu ces gens dire que la procédure du Châtelet n’existe que pour m’illuminer de crimes; ces gens, dont les langues empoisonnées n’ont jamais su me combattre qu’avec le stylet de la calomnie: ces gens, qui n’ont pu me faire dévier un seul instant des véritables principes; ces gens, qui m’auraient condamné au silence qu'inspire le mépris, s’il n’existait que des hommes comme eux. J’ai mis la paix à Marseille: je mets la paix à Marseille ; je mettrai la paix à Marseille. Qu’ils viennent au comité des rapports; qu’ils me dénoncent au tribunal du comité des rapports ; je le demande. Je demande que tous mes crimes soient mis à découvert. mais douté. Je demande de n’être envoyé nulle part que sur les ordres de l’Assemblée. (On demande la question préalable sur la proposition de M. Alexandre de Lameth.) M. Barnave paraît à la tribune. M. le marquis de Foucault. Je demande que la discussion sur la question préalable soit fermée; elle a assez duré, et l’Assemblée est suf-lisamment éclairée. (On observe que la discussion n’est pas ouverte.) M. le vicomte de Mirabeau. Je demande la question préalablesur ce que va dire M. Barnave. M. Barnave. L’amendement sur lequel où demande la question préalable est adoptée par M. de_La Rochefoucauld, et consiste dans la suppression du préambule du projet de décret proposé par cet honorable membre. Il faut se borner à dire : « L’Assemblée, profondément affectée des malheurs, etc. » L’Assemblée ne peut aller plus loin sans préjuger l’affaire... Je pense donc qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement de M. Alexandre de Lameth. M. Malouet. D’après les preuves mises sous vos yeux et certifiées par les ministres, pourquoi l’Assemblée ne qualifierait-elle pas d’excès les événements arrivés à Marseille? C’est certainement un excès que la surprise d’un fort et l’occupation de deux autres, faites sur l’ordre de la municipalité contre les ordres du roi... J’appuie donc la question préalable. L’Assemblée décide qu’il y a lieu de délibérer sur l’amendement de M. Alexandre de Lameth. Le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, profondément affligée des désordres qni ont eu lieu dans plusieurs endroits du royaume, et notamment dans la ville de Marseille, charge son président de se retirer vers le roi, pour remercier Sa Majesté des mesures qu'elle a prises, tant pour la recherche des coupables, que pour la réparation de ces excès, et renvoie l’examen de cette affaire et de ses dépendances au comité des rapports. » La séance est levée à trois heures et demie, et renvoyée à ce soir, à l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. M. le comte de Firieu. On demande autour de moi ce que j’ai entendu dire par les ennemis de la nation; j’ai voulu parler de l’Angleterre. (On demande la priorité pour le projet de décret proposé par M. de La Rochefoucauld. Cette priorité est adoptée.) M. Alexandre de Lameth. 11 faut retrancher de ce projet de décret tout ce qui a rapport à la ville de Marseille, puisque l’Assemblée renvoie cette affaire au comité des rapports. Il me semble qu’on doit se borner à ce renvoi et aux remerciements que le roi a droit d’attendre de notre reconnaissance. M. le marquis de Crillon. Membre de l'Assemblée nationale, je me fais gloire d’y demeurer sans cesse; je ne puis accepter cette commission : voilà ma professiou de foi ; on u’en a ja-PRÉS1DENCE DE M. THOURET. Séance du mercredi 12 mai 1790, au soir (l). M. le Président ouvre la séance à 6 heure» 1/2 du soir. M. Palasne de Champeaux, secrétaire , fait mention des adresses ainsi qu’il suit : Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Flavignac en Navarre, de Sainte-Gemme, de Neuvy, de Martignai-sur-l’Isle en Bugey, du Titre, département de la Somme, du bourg deVendresse, près de Sedan. De la communauté de Gréalou, sénéchaussée (1) Celle séance esl incomplète au Moniteur. 500 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 4e Figeac en Quercy, et de la ville de Rabastens, au département du Tarn: elles font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. De la communauté de Saint-Firmin : elle annonce que sa contribuliou patriotique s’élève à la somme de 4,430 livres 18 sols. Toutes ces nouvelles municipalités, après avoir prêté, de concert avec les habitants, le serment civique, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de l’assemblée primaire du canton de Saint-Julien, département du Jura, district d’Orgelet. Adresse du même genre, des électeursdu district d’A vallon, département de l’Yonne. « Vous avez bien voulu, disent-ils, Nosseigneurs, être Dotre organe auprès de Sa Majesté, en lui présentant les hommages de notre département ; daignez encore l’assurer que nos sentiments d’amour et de respect pour sa personne sacrée, seront éternels ; que ses intérêts étant inséparables des nôtres, et sa volonté de celle de la loi, nous les maintiendrons jusqu’au dernier soupir. » Adresse de la ville de Saverdun, au département de l’Ariége, contenant le procès-verbal de la prestation du serment de la milice nationale. Adresse de renouvellement d’adhésion et dévouement des officiers municipaux de Nogent-sur-Seine. Ils se soumettent, au nom de cette ville, d’acquérir pour la somme de 600,000 livres des biens ecclésiastiques, situés dans l’étendue de son territoire, ou du district dont elle est le chef-lieu. Adresse de la communauté de Maillac : elle fait le don patriotique du produit du moins imposé en faveur des anciens taillables. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est l'affaire de Pau. M. "Vieillard (de Coutances ), membre du comité des rapports, rend un compte très détaillé et très diffus de cette affaire. De son rapport, il résulte que quatre membres du parlement de Pau, se trouvant à la tête de quatre compagnies de la garde nationale, ont refusé d’obéir aux ordres de la nouvelle municipalité etont entraîné leurs compagnies dans cette défection. A son tour, la municipalité, avec le restant des autres compagnies, a formé une nouvelle garde nationale. Les autres ont protesté et constitué un comité militaire. De son côté le parlement a instruit contre des habitants d’Antiguelonne et de Bénéjac et a fait emprisonner les sieurs Bernadotte et Noguez impliqués dans les troubles qui ont eu lieu dans les assemblées primaires. Le peuple a forcé les prisons, a délivré les détenus et emprisonné à leur place l’huissier de la cour, exécuteur du décret. Le parlement a été menacé et a cessé ses fonctions, ne se croyant plus en sûreté ; la municipalité, aidée de la garde nationale réorganisée, a fait des efforts pour maintenir la tranquillité, mais elle a besoin d’être encouragée par l’Assemblée nationale. Le comité propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a décrété et décrète: « Que son président écrira aux officiers municipaux de la ville de Pau pour leur témoigner, au nom de l’Assemblée, sa satisfaction de la [13 mai 1790.) conduite sage et modérée qu’ils ont tenue à l’occasion des Doubles suscités par une portion de la garde nationale, et de la prudence avec laquelle ils ont constamment agi dans cette circonstance. « Qu’il sera également écrit par son président à la garde nationale , nouvellement recomposée, pour approuver son zèle, son dévouement et son patriotisme. « L’Assemblée nationale improuve le refus fait par le sieur Sansot et le sieur Chevalier de Blair, d’exécuter les ordres des officiers municipaux, et autorise ceux-ci à mander lesdits sieurs Sansot et de Blair en l’Hôtel-de-Ville, pour leur donner connaissance du présent décret, notamment en ce qui les concerne. « Déclare nuis et comme non-avenus les arrêtés pris par le prétendu comité militaire, les 7, 14 17 et 20 avril dernier, ainsi que l’arrêté du 21 du même mois, pris par une partie des citoyens de la ville de Pau, comme étant lesdits arrêtés contraires aux décrets de l’Assemblée nationale, des 10 août, 3 et 23 février derniers, et comme attentoires au respect et à l’obéissance dus aux officiers municipaux. « Approuve la nouvelle composition provisoire donnée à la garde nationale de Pau le 18 avril dernier, de concert avec les officiers municipaux; et déclare qu’aucun membre de l’ancienne garde nationale ne pourra en exercer les fonctions, s’il ne s’est fait incorporer dans les nouvelles compagnies. « Ordonne que son président se retirera par devers le roi pour supplier Sa Majesté de donner des ordres pour faire rapporter les in formations et procédures requises par le procureur général du parlement de Pau, contre les habitants d’Antiguelonne, de Bénéjac, et les sieurs Bernadotte et Noguez, et pour qu’en attendant, il soit sursis à l’exécution de tous jugements et décrets qui auraient été ou pourraient être rendus à leur égard. » M. Laborde-Escuret. Je demande que le sieur Noguez soit excepté de la surséance, parce que le fait qui lui est reproché est un assassinat et que l’Assemblée nationale ne saurait prendre de tels crimes sous sa sauvegarde. M. l’abbé Julien. C’est à la suite d’une insurrection que sont survenus des désordres et qu’il y a eu mort d’homme, mais jusqu’ici rien ne prouve que le sieur Noguez soit l’auteur du meurtre. (On demande a aller aux voix.) M. le Président consulte l’Assembléê qui adopte le projet présenté par le comité des rapports. La séance est levée.