[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.] 430 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du sapaedi 31 juillet 1790, au matin (1). M. le Président ouvre la séance à 9 heures du matin. M. Coster, secrétaire , fait l’énoncé des adresses suivantes : Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des citoyens de la ville de Montpazier; Adresse de la société des amis de la Constitution de Chalon-sur-Saône, et de celle de la ville de Rodez. Cette dernière demande que les séances des asssemblées administratives soient publiques; Adresse des gardes nationales confédérées dans le chef-lieu du département de la Creuse; Adresse des officiers municipaux de la ville de Saint-Remy, département des Bouches-du-Rhône, contenant le procès-verbal de la prestation du serment civique par le chapitre collégial de cette ville ; Adresse des vicaires du département du Puy-de-Dôme, qui remercient l’Assemblée de l’augmentation de leur traitement, jurent de maintenir de tout leur pouvoir l’exécution de tous ses décrets, et expriment le vœu que les chanoines et prêtres réguliers ne puissent exercer le vicariat que lorsque les vicaires actuels seront tous placés ; Adresse des électeurs du district de Marennes, qui, après avoir organisé leur corps administratif, présentent à l’Assemblée le tribut de respect, d’admiration et de reconnaissance qu’ijs doivent à ses vertus et à ses bienfaits. Ils annoncent que les habitants de ce district ont vu régner parmi eux la plus parfaite harmonie. « Des cultes diffé-« rents les distinguent, disent les électeurs, mais « ils ne les divisent jamais ; les opinions reli-« gieuses ont été respectées, et tous ont béni le « Dieu de paix et de bonté. » Adresses des assemblées électorales du département de la Manche, du département de la Nièvre et du département des Hautes-Alpes ; Adresses des assemblées administratives des districts de Fiorac, de Mayenne et de Tarascon : Toutes ces assemblées, dès les premiers moments de leur formation, expriment avec énergie les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elles sont pénétrées pour l’Assemblée nationale ; elles la supplient de poursuivre sans relâche, et jusqu’à sa consommation, le grand ouvrage de la Constitution, Lettre du sieur Pissand, fils d’un citoyen de Bordeaux, résidant à Amsterdam, qui annonce que tous les Français domiciliés en cette ville ont fêté le jour mémorable du 14 juillet, en célébrant avec transport les glorieux travaux de l’Assemblée nationale. Adressses des municipalités de Lin, département du Gers ; de Dampierre en Burly, district de Gien ; de Villemoutiers, département du Loiret ; de Regmanwez, département des Ardennes ; de Lignon , département de la Marne ; de Haute-Ri voire, département de Rhône-et-Loire; de La Vernière près Granchet, du bourg de Serrières, département de l’Ardèche; des villes de Montluçoo, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . de Saint-Aùbin-du-Gormier, de Saint-Amand, de Fauve, d’Arles, de la Guerche, de Sarrelouis et de Gahors : Toutes ces municipalités envoient à l’Assemblée nationale le procès-verbal de la fête civique, que tous les citoyens réunis ont célébrée le 14 juillet, dans laquelle ils ont fait éclater les sentiments de l’allégresse la plus vive, de l’union la plus étroite, et ont prononcé le serment fédératif du Champ-de-Mars. Adresse de M. Coste, premier médecin des armées et maire de Versailles : il demande qu’il soit statué définitivement sur le traitement annuel qu’il convient d’attacher à sa place de premier médecin des armées, ou à celle de chef du service de santé des troupes, quelle que soit la dénomination de son office, et toujours sous la condition expresse qu’il sollicite lui-même, et qu’il a déjà offerte dans un ouvrage présenté à l’Assemblée, de la responsabilité la plus entière. L’Assemblée a envoyé cette adresse aux comités militaire et des pensions réunis. Adresse des gardes nationales de Saint-Brice, Gravant, Vermanton, Noyers, Vezelay, Asquins, Lille-sous-Montréal et Avalon, qui annoncent la réconciliation des habitants des villes de Gravant et Vermanton, qui, depuis 200 aqs, vivaient, les uns envers les autres, dans des dispositions continuellement hostiles. M. Régnault, député de Lunéville , présente une pétition de la garde nationale de cette ville, et une adresse des carabiniers qui demandent la conservation de la haute paye qui leur est allouée : « La garde nationale de la ville de Lunéville, encore délicieusement agitée des transports d’allégresse qu’a excités parmi tous les bons citoyens l’auguste solennité du 14 de ce mois, transports que le corps des carabiniers a partagés civique-ment et fraternellement, vient d’être tirée de cette douce ivresse, de la manière la plus accablante, en apprenant que l’article 5 du décret de l’Assemblée nationale, du 24 juin dernier, privait les carabiniers du sou de la haute paye dont ils ont toujours joui, même dès l’instant de leur création. « Sera-t-il permis à la garde nationale de la ville de Lunéville, que les nœuds de la fraternité la plus tendre et de la reconnaissance la plus vive unissent à ces braves guerriers, de faire entendre sa voix aux pieds de l’Assemblée nationale, pour implorer de sa justice le rétablissement de cette légère récompense, due, sans doute, et à l’ancienneté de leurs services et à leur valeur intrépide dans les combats, et plus encore à leurs vertus civiles et sociales dans la paix ? « Lui sera-t-il permis d’observer que cette haute paye, conservée au corps royal de l’artillerie et aux compagnies de grenadiers, ne peut être ôtée aux carabiniers, sans compromettre la justice de l’Assemblée nationale, qui accorderait à ces troupes d’élite dans l’infanterie ce qu’elle refuserait à la seule troupe d’élite dans la cavalerie ? « Que si la patrie doit reconnaître les services que les carabiniers lui ont rendus, en signalant toujours, de la manière la plus distinguée, leur bravoure contre les ennemis du dehors, que ne leur doit-elle pas pour les services inappréciables qu’elle en a reçus dans les circonstances orageuses qui se sont rapidement succédé depuis plus de deux ans? « Que devenait la ville de Lunéville dans les premières secousses de la Révolution, si les gêné- 440 [Assamblée nationale. [ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.] reux guerriers, s'amalgamant, pour ainsi dire, avec les citoyens et prévenant leurs vœux, n’eussent pas veillé avec un zèle aussi infatigable que désintéressé à la sûreté de la cité, et concouru au maintien et au rétablissement du bon ordre et de la tranquillité publique? Ce n’est pas à la seule ville de Lunéville que se sont bernés leurs secours patriotiques; dans tous les lieux de la province où il s’est élevé quelques troubles, les généreux carabiniers, désirés de toutes parts, y ont volé, et leur seule présence a rassuré les bons citoyens et rétabli le calme partout. Toute la France à retenti et retentit encore des éloges que ce corps et ses illustres et vertueux chers ont si justement mérités. « L’Assemblée nationale, en conservant aux carabiniers le sou de haute paye dont Us ont constamment joui, acquittera au moins en partie la dette immense de reconnaissance que leur doivent la garde nationale, les citoyens de la ville de Lunéville et toute la province; c’est ce qu'osent espérei et qu’implorent de la vertueuse et équitable générosité des représentants de la nation, « Leurs très humbles, très obéissants et très respectueux serviteurs, « Les citoyens composant la garde nationale de la ville de Lunéville. » Luuéville, ce 22 juillet 1790. Très respectueuse pétition des officiers du corps des carabiniers. « Dès le moment où l’Assemblée nationale a bien voulu s’occuper avec intérêt du sort de tous les individus qui composent l’armée, les ofticiers du corps des carabiniers, sensibles à ses bienfaits, avaient fait lire à la troupe assemblée l’article de son décret du 28 février dernier, qui porte, qu’à commencer du l*r mai, la paye de tous les soldats sera augmentée de trente-deux deniers par jour, en observant la progression graduelle entre les différentes armes et les différents grades. La distribution de cette somme, fixée par le décret du 6 juin, ne paraissait pas devoir changer le sort des braves vétérans qui ont l’honneur de commander. « Le corps des carabiniers, dès l’instant de sa création, a joui du sou de haute paye en sus de la solde de la cavalerie, et n’a jamais attaché d’autre importance à cette prérogative, qu’en la considérant comme une récompense de la valeur jointe à l’ancienneté de service. C’est donc avec le regret le plus vif que les officiers ont lu aux carabiniers rarticle 5 du décret du 24 juin dernier, qui les prive de cette légère rémunération. « Ce corps, distingué à la guerre par des actions d’éclat, a donné récemment à l’armée entière le seul exemple qu’on peut offrir en temps de paix, celui de la subordination et de la plus parfaite discipline, et ce serait à cette époque qu’on frustrerait d’anciens serviteurs d’une récompense conservée au corps royal d’artiMerie et aux compagnies de grenadiers. C’est sous cet aspect qu’on doit considérer les carabiniers relativement à la cavalerie, puisque, indépendamment de leur service habituel, ils partagent, dans les sièges, les dangers réservés à ces troupes d’élite, en combattant avec l’arme qui leur a été accordée pour prix de leur conduite héroïque à la bataille de Guastalla (1). La haute paye fait l’espoir des cavaj liers qui ont été choisis pour servir dans ce corps’ c’est une propriété qu’ils ont acquise par leur bonne conduite, et que la justice invite à leur conserver. « Les officiers du corps des carabiniers recourent avec confiance à la noblesse et à la justice des représentants de la nation, pour faire rétablir à leurs compagnons d’armes l’ancien traitement d’un sou par jour, dont ils jouissaient. Ils osent espérer que l’Assemblée nationale, pénétrée des motifs qu’ils ont eu l’honDeur de lui exposer, voudra bien agréer l’hommage de leur pétition, et recevoir le tribut de leur reconnaissance et de leur respect. » « Signé : Les officiers du corps des carabiniers. » Mémoire présenté le 29 juillet 1790, à M. le Président du comité militaire de V Assemblée nationale , par le corps des carabiniers, en réclamation des trente-deux deniers d’augmentation de solde , au lieu de vingt deniers accordés par le décret du 24 juillet 1790. « De tous les régiments de cavalerie, qui composent l’armée française, il en est peu dont l’origine soit aussi reculée que celle du corps des carabiniers; elle remonte à l’année 1422; mais comme ils ont été supprimés et recréés en 1679, nous ne parlerons de leur existence que depuis cette dernière époque. i En considération de la conduite qu’ils tinrent à la bataille de Nerwinde, le 19 juillet 1693, Louis X1Y en forma, le premier novembre suivant, le corps qui existe aujourd’hui, et qui, depuis ce moment, n’a pas été séparé. « Louis XIV, en formant le corps des carabiniers, le créa à l’instar des grenadiers : en conséquence il leur affecta une paye d’un sou par jour plus forte que celle des cavaliers, distinction que les grenadiers ont également sur les fusiliers. 11 a toujours été regardé tel par les troupes. Le corps va en donner une nouvelle preuve, en citant son service particulier en campagne, où, indépendamment de celui qui est affeetéà la cavalerie, il a généralement fait celui de l'infanterie; et les succès qu’il a obtenus, lui ont valu l’honneur d'ajouter une baïonnette à sa carabine. * Le corps va, en conséquence, exposer à M,le Président plusieurs actions où il s’est trouvé, et où il a eu les plus grands succès : « 1° L action du 10 mai 1694, au passage du Ther, près Gironne en Catalogne ; action la plus glorieuse que la cavalerie d’Europe ait à citer; «2° Le bombardement de Bruxelles, où il a fait le service de grenadiers ; « 3° Bataille de Turin, en 1706; à cette affaire, ceot carabiniers franchirent les retranchements, entrèrent dans les bataillons ennemis, et en firent un grand carnage ; « 4° Bataille d’Oudenarde, le 11 juillet 1708; « 5° Bataille de Denain, en 1712; v 6° Bataille de Parme, en 1733 ; « 7° Bataille de Guastalla, en 1734, oû ils combattirent à pied, et firent un feu si vif et si bien dirigé, qu’ils coulèrent à fond plusieurs bateaux qui étaient sur le Pô, et qu’occupaient les impé-(1) Les carabiniers ayant combattu à pied arec la plus grande valeur à la bataille de Guastalla, ont obtenu, depuis cette époque, le droit d’être armés de baïonnettes; ils s’en sont servis avec distinction au siège de Prague.