/ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] 443 ses écrits, ses opinions sur les imperfections de la constitution, afin qu’une autre législature puisse y remédier, si elle le juge convenable. « Je suis avec respect, etc. « Signé : d’ANTRAiGUES, député du Bas-Vivarais. » « Veuillez, je vous prie, faire lire ma lettre à l’Assemblée. » M. GroupIIIean. Je demande que la lettre soit renvoyée à son auteur, et qu’il lui soit annoncé que l’Assemblée ne recevra son serment qu’à la tribune. M.AValouet. Je pense que l’Assemblée doit exiger le serment civique de tous ses membres; mais je crois aussi que censurer la lettre de M. le comte d’Antraigues, ce serait porter atteinte à cette liberté d’écrire que vous avez voulu consacrer. Je crains aussi que cette censure ne fît, dans les provinces, une impression désagréable. M. le comte Charles de Lameth. Le désir que montre M. le comte d’Antraigues de prêter le serment civique sans attendre l’entier rétablisse-sement de sa santé est sans doute très louable. Les restrictions que M. d’Antraigues fait à son serment ne peuvent être que l’effet de ses scrupules et de sa sollicitude sur le sort de la chose publique. Ce député a déjà publié des opinions diamétralement opposées aux principes de l’Assemblée, et sans doute que c’est pour lui un grand besoin que d’écrire sur les objets de politique. Je crois que nous devons recevoir son serment, et lui laisser entière liberté d’écrire. La constitution a-t-elle quelque chose à craindre de la plume d’un homme qui s’est mis si souvent en contradiction avec lui-même? M. le Président. J’ai encore trois lettres à vous communiquer ; elles sont toutes trois dans les mêmes principes, et signées, l’une de M. Le Carpentier de Chailloué, la deuxième de M. le vicomte de Mirabeau, et la troisième de M. de Bou-ville. ( Voy . ces documents annexés à la séance. L’Assemblée ne statue rien sur ces lettres et passe à l’ordre du jour. M. Charles de Lameth. La commune de Soissons est fort agitée en ce moment-ci. Deux députés viennent d’arriver en grande hâte, pour réclamer contre elle une détermination du comité permanent de cette Ville, qui fixe le prix des journées de travail à 20 sous, c’est-à-dire au taux le plus élevé. Cette détermination exclut des élections à la municipalité, un grand nombre de citoyens. La raison en est simple ; le prix des journées de travail n’avait jamais été, dans cette ville, porté à plus de 12 sous. Cependant l’élection aux municipalités se-fait demain à Soissons, et je sollicite aujourd’hui de l’Assemblée un décret qui ne fixe le prix contre lequel on réclame qu’à 15 sous au plus. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette motion. M. le Président annonce que le Châtelet demande à être admis dans l’Assemblée, pour y prêter son serment civique. — L’Assemblée recevra ce soir les officiers de ce tribunal. L’ordre du jour appelle un rapport du comité des finances. M. Lebrun monte à la tribune et fait le rapport suivant de la dépense des affaires étrangères. Messieurs, votre comité des finances vous a présenté l’aperçu des réformes et des économies qu’il a jugées praticables et nécessaires, non pas un aperçu vague, sans bases positives, ouvrage de l’imagination et de l’espérance, mais un aperçu fondé sur les calculs approfondis et sur l’examen sévère de toutes les parties de la dépense. Sans doute les résultats qu’il vous a offerts peuvent éprouver encore quelque variation, parce que l’ouvrage entier de la constitution n’est pas terminé; parce que votre comité, quoique pénétré de votre esprit, n’a pas été peut-être assez heureux pour deviner toutes vos vues, pour anticiper toutes vos résolutions. Mais ses plans, encore hypothétiques dans quelques parties, ne s’écarteront toujours que d’une quantité infiniment petite de la réalité; et quelle que puisse être la différence, vous pouvez, dès aujourd’hui, vous appuyer sur une réduction de plus de cent millions dans la dépense du trésor public. Vous concevez, Messieurs, et nous vous l’avons déjà répété, que ces cent millions, retranchés à la dépense du Trésor public, ne seront pas relran-chés en entier de la dépense de la nation . Mais plus de 60 millions seront économisés même sur cette dernière dépense, et ce sera encore une grande économie que de livrer à l’administration paternelle des départements une dépense de trente ou quarante millions qui, faite autrefois par le gouvernement, se faisait souvent au hasard, souvent au gré de la faveur, toujours sans égalité, sans proportion connue, toujours avec une complication dangereuse et d’opérations et d’instruments. Du moins, Messieurs, la dépense touchera immédiatement à la recette. Le contribuable sera consolé par la certitude de voir s'employer utilement ce qu’il aura payé; du moins le malheur n’accusera plus les mains qui répandront le soulagement et les grâces; du moins la comptabilité des finances sera réduite à un petit nombre d’éléments connus de tout le monde, et on ne redoutera plus cette confusion qui a décrié les calculs et enveloppé les erreurs des ministres. Ce tableau, Messieurs, a dû vous rendre présent le gage d’une prompre restauration. Déjà elle serait opérée, si de malheureux événements n’avaient pas contrarié la marche de la liberté publique, si des changements imprévus, incalculés, mais trop nobles dans leur cause pour être condamnés dans leurs effets, n’eussent fait chanceler tout-à-coup le vieil édifice des finances, et nécessité à tout reconstruire, au lieu de tout modifier. Mais ces changements même, qui ont les dan-ers du moment, porteront sur l’avenir la plus eureuse influence. L’hydre des abus sera coupée sans retour, et tout ce que vous aurez retranché aux abus deviendra le germe d’une nouvelle prospérité. Mais nous nous tromperions, Messieurs, si, sur la foi de ces économies, nous nous exagérions la grandeur de nos ressources, et la diminution que nous pouvons opérer sur les impôts. Chaque jour accroît le vide du Trésor public; aux perceptions déjà évanouies, il faut ajouter le décroissement progressif de toutes les autres, sans aucun décroissement effectué sur les frais de recouvrement ; et les peuples, abusés d’une vaine espérance, ne croyent déjà plus à nos besoins et jouissent d’un avenir imaginaire. Il ne faut cependant pas vous le dissimuler,