342 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f ” JJSmbre* de ce martyr de la liberté, et vous entretienne ensuite un instant des réformes à opérer sur la scène française. « Le théâtre, législateurs, est le foyer où le feu des opinions diverses se communique avec le plus d’activité. Il est donc essentiel de n’y laisser aucune matière impure. « Vous avez fait un grand pas vers la sagesse .en proscrivant dans l’opinion ces œuvres men¬ songères de la plus vile adulation où l’apologie du despotimse monarchique et sacerdotal, était représentée en vers emphatiques comme le résultat des sentiments de la nation. « Mais un poison plus subtil circule encore aujourd’hui dans le corps social. Le théâtre est toujours souillé de ces farces indécentes où la classe industrieuse du peuple est outragée à chaque mot, où sans cesse le vice éhonté ne craint pas, d’étaler pompeusement les maximes pernicieusès d’une morale corrompue, enfin où le nom de maître, de Valet, rappelle des distinc¬ tions choquantes à l’oreille d’un homme libre. Il est temps d’extirper ces plantes venimeuses .étrangères au sol de la liberté. Renvoyons-les aux aristocrates d’outre-Rhin, qu’ils s’en nour¬ rissent à loisir, c’est la seule denrée qu’il leur soit permis d’accaparer. « Mais vous, législateurs, l’humanité vous réclame son bonheur. Donnez-lui des mœurs, oui des mœurs, sinon point de République, et par conséquent pas de félicité sur la terre. « Ramenez donc l’opinion publique â la So¬ ciété républicaine; que les grâces simples de la nature rajeunissent le théâtre; que l’esprit s’amuse, j’y consens, des ridicules trop ordi¬ naires à l’espèce humaine, mais que le cœur s’épanouisse au triomphe du sentiment ; en un mot que le théâtre soit le climat des vertus répu¬ blicaines et que le philosophe attendri respire avec délices i’air pur de la liberté. « N’allez pas croire, législateurs, comme les malveillants affectent de le répandre, que les afts sont perdus; le domaine patriotique n’a point encore été fouillé : quelle mine féconde à exploiter ! « J’offre Un vaste champ de gloire aux auteurs patriotes, mais il faut aussi que la nation applaudisse à leur zèle; il faut que l’espoir de s’entendre dire qu’ils ont bien fait les encourage naturellement à bien faire. « Je ne demande pas de ces associations aca¬ démiques d’où le mérite était exilé, où l’igno¬ rance et l’audace avaient seules le droit de se déplacer; l’Assemblée du peuple elle-même, par l’organe de son comité d’instruction publique est le juge né des principes républicains, car ce ne sera pas sur la beauté littéraire des drames, mais sur la pureté énergique des opinions répu¬ blicaines qu’il faudra prononcer. « Je Voudrais donc qu’il fût institué une fête nationale qüe j’appellerai la fête de Y Energie; ce jour, les administrations départementales distribueraient des récompenses nationales aux auteurs qui, sur l’avis du comité d’instruction publique, auraient traité avec plus d’énergie des pièces républicaines. « Les acteurs sont les interprètes naturels du sentiment. Ceux qui auraient joué dans ces pièces avec plus d’âme et de vérité, auraient part , à la reconnaissance publique. \ « Et pour engager les théâtres à fêter le sys¬ tème républicain, je voudrais que lorsqu’un Spectacle aurait fait l’acquisition d’une pièce quelconque, après un certain nombre de repré¬ sentations, tous les théâtres d’une même com¬ mune puissent la jouer, en donnant aux pro¬ priétaires une somme que le comité détermine¬ rait, en considérant le mérite de la pièce. « Avec ce plan, législateurs, l’émulation est animée de toutes parts, et tel est l’avantagé de cette lutte patriotique, que l’idée seule d’avoir voulu vaincre fera la gloire de celui qui sera vaincu. « Eh ! d’ailleurs il lui restera toujours l’espoir d’exécuter les belles actions qu’il ne pourra célé¬ brer, car s’il est beau de parler de la Répu¬ blique, il est encore plus beau de la défendre; tous les vœux seront comblés, puisque tandis que, dans les écrits, le cœur respirera avec plus d’énergie en vantant la liberté, dans les combats, le bras deviendra plus vigoureux à mesure qu’il terrassera un tyran. « Je demande le renvoi de la pièce Y Ami du peuple, et de la pétition, au comité d’instruc¬ tion publique, pour en faire un prompt rapport. « Je demande aussi que, dès à présent, le ministre soit chargé d’envoyer, pour être repré¬ sentées dans les départements, des pièces répu¬ blicaines, après que le comité d’instruction publique aura reconnu la vérité des principes. « Camm aille Saint-Aubin, capitaine de la première réquisition, 7e compagnie, ba¬ taillon du Temple, à Bar-sur-Ornain. » Le citoyen f apon (Sanon), ex-bénéficier, soldat de la 18e compagnie de la section des gardes fran¬ çaises, offre la démission de son traitement de 1,000 livres en faveur des veuves et orphelins de ses frères d’armes, pour céder à leur profit jusqu’à la paix. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre du citoyen Sanon (2). « Paris, 21 frimaire l’an II de la République une et indivisible. « Citoyen président, « Reçois la démission de mon traitement de cent pistoles en faveur des veuves et orphe¬ lins de nos frères d’armes, jusqu’à la paix. Peu m’importe de tomber dans la détresse; je la chéris d’avance, puisque mon grand âge m’empêche de servir ma patrie autrement. « Salut et fraternité, citoyen Président. « Sanon, ex-béné ficier, Soldat citoyen de la 18e com¬ pagnie de la section dèê gardes françaises , depuis la création des compagnies. » Le vieux curé de Meyssac, département de la Corrèze, a renoncé aux cérémonies de Rome, qui lui donnaient du pain. Il compte sur la généro¬ sité de la nation; mais, quoique sans ressource, il n’en a pas moins cédé au cri de la raison. fl) Procès-verbaux d? la Convention , t» 27, pi 130. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 814.