ARCHIVES PA RLEM ENTAI R ES. 317 [Assemblée nationale.} sèrent pour l’État, nos pères obtinrent alors des exemptions, des privilèges. Un ministre oppresseur nous les a ravis dans ces derniers temps; et jamais cette injustice ne nous fut plus sensible que dans un moment où elle nous prive de la douce satifaction d’en faire à la patrie le sacrifice libre et volontaire. Lorsque ce moyen particulier nous manque, lorsque nous n’avons à cet égard que des regrets à vous offrir, nous n’en sommes que plus jaloux, Nosseigneurs, de rendre cette auguste Assemblée dépositaire de notre adhésion à ses serments et à ses décrets; de lui protester que, dans tous les temps et dans toutes les circonstance, nos concitoyens ont été et seront constamment dans la plus ferme résolution d’en maintenir toute l’autorité, et d’en assurer la plus parfaite exécution. Si ces sentiments, Nosseigneurs, avaient besoin d’ètre garantis, ils le seraient par ceux du prince citoyen dont les bienfaits sont notre consolation, et dont le patriotisme seconde si heureusement celui de cette auguste asemblée. M. le Président. L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’expression des hommages et du respect de la ville d’Orléans. Est entrée la députation de la ville de Sens. Un des membres, portant la parole, a dit : Nosseigneurs, faire revivre les droits constitutionnels de la nation française ; concilier avec prudence et sagesse les pouvoirs qui fixent l’étendue de l’autorité; prescrire en même temps l’empire de l’obéissance due au souverain; resserrer les liensqui rapprochent le Roi de ses sujets; rendre impossible le moindre mouvement d’erreur de la part du peuple envers son Roi; prévenir les effels de toute calamité préparée par la cupidité, encouragée par l’impunité; mettre des bornes à la licence d’une liberté trop étendue, et souvent nuisible à la douceur de nos moeurs; substituer une jurisprudence sage et humaine à des lois trop sévères et trop compliquées; encourager le commerce; quel sublime travail! quelles augustes fonctions ! c’est en raccourci, Nosseigneurs, ce que la nation doit et devra à vos lumières, à votre courage, et à vos infatigables travaux. Déjà vos noms immortels et vos importantes opérations sont gravées au temple de mémoire. La ville de Sens, dans une circonstance aussi glorieuse pour vous, et si' avantageuse à la nation, s’empresse de vous faire parvenir, par ses députés, le tribut de la vive reconnaissance qu’elle voue à des hommes si précieux à l’Etat; elle nous charge spécialement d’adhérer de la manière la plus formelle à tous les arrêtés de cette auguste Assemblée; elle vous supplie en même temps d’agréer l’hommage de sa vénération, et de son profond respect. M. Ic Président répond : L’Assemblée nationale voit avec plaisir que la ville de Sens, de concert avec toutes les villes du royaume, rend justice à ses décrets ; elle me charge de vous en témoigner sa satisfaction. Une députation de l'amirauté de France est entrée. M. Prousteau de Mont-Louis, lieutenant général de l’amirauté de France , a dit : Monseigneur et Messeigneurs, l’amirauté de France, persuadée combien il est au-dessus de [ I f>r août 17S9-1 ses forces de pouvoir rendre à cette auguste Assemblée un hommage digne de lui être offert, se serait renfermée dans les bornes d’une respectueuse admiration, si l’intérêt du commerce maritime ne l’avait encouragée. La navigation est la plus grande preuve du courage des hommes; elle est le lien des nations; c’est elle qui nous amène avec abondance les richesses de l’univers : rien ne mérite autant d’une Assemblée qui, par la magnanimité de son courage, a semé le germe du bonheur de la France, que de protéger un commerce qui en fait l’éclat et la splendeur. La félicité de nos concitoyens va naître désormais de vos lumières et de vos vertus. Et la vôtre consistera à faire respecter les décrets de votre justice. M. le Président a répondu: Chargée de régénérer toutes les branches de l'administration du royaume, l’Assemblée nationale prendra en considération celle qui vous a été confiée, et portera ses soins sur la liberté, la sûreté et l’extension du commerce. Elle agrée avec satisfaction les hommages que l’amirauté de France lui présente. Ces diverses députations sont reconduites au milieu des applaudissements de l’Assemblée. On reprend la discussion sur la constitution, par la question de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle est ainsi posée. Mettra - t-on ou ne mettra-t-on pas une déclaration des droits de l'homme et du citoyen à la tête de la constitution ? Plusieurs membres demandent la parole: le nom de chacun est inscrit sur une liste, suivant le rang de sa demande; il s’en trouve 56 inscrits. M. Durand de Maillane. Je suis chargé, par mon bailliage, de réclamer une déclaration des droits de l’h'ommc, qui serve de base à la constitution et de guide pour tous les travaux de l’Assemblée; cette déclaration, qui devrait être affichée dans les villes, dans les tribunaux, dans les églises même, serait la première porte par laquelle on doit entrer dans l’édifice de la constitution nationale. Un peuple qui a perdu ses droits, et qui les réclame, doit connaître les principes sur lesquels ils sont fondés, et les publier. Ce sont des vérités premières absolument nécessaires pour établir une constitution ; c’est de là, comme d’une source, que doivent découler les lois positives. Quelques personnes semblent redouter la publication de ces principes ; mais ne sait-on pas que la vérité n’a pas de plus grand ennemi que les ténèbres? Le peuple sera plus soumis aux lois lorsqu’il connaîtra leur origine et leurs principes. M. Crénière, député de Vendôme (1). Les Français demandent, les Français veulent une constitution libre ; mais avant de* faire une constitution, il est nécessaire de déterminer le sens qu’il faut donner à ce mot, qui, comme tant d’autres, est devenu presque insignifiant, à force d’acceptions dont la plupart sont absolument différentes, et quelques-unes même contradictoires. Il me semble que la constitution d’un peuple n’est pas une loi ni un code de lois, dites improprement constitutionnelles; car l’établissement d’une loi ou d'un code de lois suppose nécessairement quelque chose d’antérieur : il faut qu’un (1) Le discours de M. Crénière est incomplet au Moniteur. [Assemblée nationale.] AliCmVES parlementaires. [1er août 1789.1 31 8 peuple existe avant d’agir, qu’il soit constitué avant de s’organiser, que des hommes soient devenus citoyens par un pacte, avant de devenir sujets par l’établissement de la loi : il faut enfin qu’une convention permanente, immuable, éternelle, assure à tons les membres du corps politique l’exercice de leurs droits essentiels, avant qu’ils puissent, en les exerçant, déterminer, par des institutions, leurs rapports consentis. Il me semble encore que la constitution d’un peuple ne peut avoir pour objet de fixer la manière de faire les lois et de les faire exécuter, parce qu’un peuple peut et doit changer tel ou tel mode de législation, tel ou tel mode d’exécution quand il le veut ; parce que, d’après ce principe du premier et peut-être du seul publiciste qui nous ait éclairés sur nos droits, que la constitution donne l’existence au corps politique, et que ta législation lui donne le mouvement et la vie, on ne peut changer la constitution sans dissoudre la société, tandis que l’on doit toujours choisir entre les moyens d’agir ceux qui paraissent les plus propres à atteindre le but de toute société bien ordonnée, c’est-à-dire le bonheur de tous et de chacun des membres qui la composent; parce qu’enfin l’objet de la constitution doit être d’assurer les droits individuels dont la réunion seule forme les droits de tous, tandis que les institutions ne doivent tendre qu’à subordonner les intérêts particuliers à l’intérêt général (1). Il me semble enfin que la constitution d’un peuple ne peut pas être un contrat entre ce peuple et son chef; je me contenterai d’en donner une raison : c’est qu’un contrat a pour objet de faire reconnaître par un des contractants les droits de l’autre, et réciproquement, afin qu’en cas de contestation, le magistrat puisse prononcer entre eux ; mais entre un peuple et son chef, il ne peut y avoir de juge, et par conséquent de contrat, puisqu’une des parties au moins pourrait l’annuler à chaque instant. Si la constitution d’un peuple n’est pas une loi ni un code de lois, qu’il ne s’impose que successivement, qu’il peut faire ou ne pas faire, qu’il peut modifier, changer, abroger à sa volonté ; si ce n’est pas tel ou tel mode de législation ; si ce n’est pas l'institution d’un gouvernement dont il n’a besoin que pour faire exécuter les lois qu’il a faites, si enfin ce n’est pas un contrat qui serait essentiellement nul (2); qu’est-ce donc que la constitution d’un peuple ? Il faut que je m’explique avant de répondre. L’homme dans l’état de nature n’est ni libre ni esclave; il est indépendant, il exerce ses facultés comme il lui plait, sans autre règle que sa volonté, sans autre loi que la mesure de ses forces; en un mot, il n'a ni droits à exercer, ni devoirs à remplir. La nature ne donne rien d’inutile ; et si l’homme isolé avait des droits, contre qui et comment les exercerait-il ? Hors de l’état de société, il n’y a ni personnes obligées, ni force publique, ni gouvernement, ni tribunaux; mais il faut conclure de ce que je viens d’établir, que l’homme (1) Je n’imagine pas qu’on puisse prétendre que l’intérêt commun se forme aussi par la réunion des intérêts particuliers ; il ne serait pas difficile de prouver qu’il n’existe que par opposition à ces intérêts particuliers, et qu’on ne peut y concourir que par des sacrifices, à moins qu’on ne voulût faire le mot intérêt synonyme du mot droit. (2) Tout le monde sait qu’un contrat est nul quand il n’est pas obligatoire, et à plus forte raison quand il ne peut pas l’être, dans l’état de société n’a pu s’imposer des devoirs i-ans acquérir des droits équivalents ; qu’il n’a pu faire le sacrifice de son indépendance naturelle, sans obtenir en échange la liberté politique; et qu’en consentant à ne plus faire tout ce qu’il veut, il doit pouvoir ce que tous ses associés veu ¬ lent. U faut en conclure encore que les droits qu’il acquiert par le simple acte de son association, sont naturels, parce que son premier soin étant celui de sa conservation, sou premier désir celui du bien-être, sa première faculté celle de vouloir, il est contre la nature et par conséquent impossible qu’il ait abandonné ce soin, renoncé à ce désir, et qu’il ait voulu n’avoir plus de volonté. H faut en conclure enlin que ces droits sont imprescriptibles ; car on ne peut y renoncer volontairement sans dissoudre la société et ren-trer dans l’état de nature etl’on ne peut en êtredé-pouillé, parce que si lexercice en est interrompu par la force, jamais la force n’a fait acquérir des droits contraires à ceuxqu’eile voudrait anéantir. Ainsi l’homme isolé n’a point de droits; telle est la loi de la nature. L’homme en société a des droits naturels et imprescriptibles; tel est l’axiome de la raison : des citoyens qui les exercent forment un peuple libre ; des sujets qui ne les exercent pas ne sont qu’une troupe d’hommes enchaînés ou trompés. C’est rétablissement de ces droits naturels et imprescriptibles, antérieurs aux lois qui n’établissent que des droits positifs ou relatifs, que j’appelle ia constitution d’un peuple, et je ne crois pas que l’acte de cette constitution doive en énoncer d’autres. Un peut voir, par celte définition simple et vraie, que ce n’est pas une nouveauté que les Français demandent ; que* tous les peuples ont la môme constitution, tacite ou exprimée, parce qu’ils ont tous les mêmes droits ; qu’ils les tiennent de la nature, et qu’aucune puissance, aucune volonté n’ont pu les en dépouiller ; que dans le cas meme où ils ne les auraient jamais exercés, ils peuvent le faire aussitôt qu’ils le veulent; que si ces droits ne sont pas énoncés sur une Charte, ils sont gravés dans le cœur de citoyens s’ils sont libres, ils sont empreints sur leurs fers s’ils sont esclaves ; qu’en lin, l’acte de la constitution du peuple français, exprimé d’après ces principes incontestables, serait nécessairement le code naturel de toutes le3 sociétés de l’univers. On m’objectera sans doute que des exemples récents ont appris à étendre davantage le sens du mot constitution. Je ne me contenterai pas de répondre qu’on a eu tort d’appliquer ce mot à ce qui constitue comme à ce qui organise un peuple; mais je dirai que le principal vice des constitutions modernes, est d’avoir établi, par le même acte, des droits de différente nature ; d’avoir cou-fondu ce qui donne l’existence au corps politique avec ce qui ie conserve, en un mot, la constitution du peuple dans le sens précis avec ses institutions (l). Des citoyens accoutumés à regarder la constitution de l’Etat dont ils sont membres, comme le palladium de leur liberté, et craignant qu’on ne cherche à l’anéantir sous prétexte de la (!) Je ne suis pas le premier qui ait senti cette différence : l’auteur du Contrat Social a su distinguer l’acte primitif que j’appelle, ainsi que lui, la constitution du peuple, de ses institutions qu’il appelle la constitution du gouvernement du peuple. J’aime mieux le citer que de le dénaturer, (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [br août 1 789.] réformer, ne souffrent pas qu'on y porte la moindre atteinte, et consacrent ainsi une multitude d’abus qui seraient facilement extirpés si une constitution mixte n’avait pas établi, tout à la fois, des droits immuables et des institutions parce que les moeurs changent selon les circonstances, parce que les besoins et les rapports politiques changent, enfin, selon les effets mêmes de ces institutions, qui, après avoir été salutaires, peuvent devenir funestes. 11 ne faut pas réfléchir longtemps pour se pénétrer de cette vérité -, il ne faut que considérer avec un peu d’attention les effets d’une constitution mixte chez un peuple voisin, pour en faire l’application. J’ajouterai enfin qu’uneconstitution est vicieuse, lorsqu’au lieu de se borner à établir les droits d’un peuple, elle tend à gêner ce peuple dans l’exercice de ses droits : ce qui arrivera toujours lorsqu’on lui présentera comme constitutionnel ce qui n’est que d’institution, et comme nécessaire ce qui n’est que relatif. Il me reste maintenant à chercher quels sont les droits naturels et imprescriptibles dont l’énonciation doit seule, à ce qu’il me semble, faire l’acte de la constitution d’un peuple : je n’aurai pas besoin d’employer de grands efforts ; il sont si connus, si évidents, que leur extrême simplicité est sans doute la seule raison qui ait pu décider à en imaginer d’autres. Je trouve que ces droits sont précisément ceux qu il faut exercer pour établir ceux dont on nous a fait la longue énumération dans les différents projets qui ont été distribués jusqu’à présent ; je trouve que toute association étant volontaire, la volonté seule des associés peut déterminer leurs rapports; je trouve enfin que toute société existant par un pacte et ne pouvant se conserver que par l’établissement et l’action des lois, les hommes en se réunissant se sont nécessairement imposé le devoir de se soumettre aux lois et de reconnaître l’autorité chargée de les faire exécuter, et ainsi ont naturellement et imprescriptiblemént acquis le droit de faire leurs lois, et de créer, conserver, circonscrire tt déterminer l’autorité qui les exécute. Tels sont les principes qui m’ont dicté le projet suivant : « Les Français, considérant qu’il leur était impossible de s’assembler tous dans un même lieu et de se communiquer leurs intentions s’ils s’assemblaient dans des lieux différents, ont librement choisi dans chaque province ou dans chaque partie de province des mandataires (1) qu’ils ont envoyés à Versailles, pour les constituer en peuple (2) libre. « Fidèles aux ordres de leurs commettants, dont ils exercent les droits et expriment les volontés, ces mandataires constitués en Assemblée nationale ont déclaré et déclarent à jamais : « 1° Que la volonté du plus grand nombre étant la loi de tous, chaque citoyen a le droit de concourir à la formation des lois en exprimant son vœu particulier. 2° Que chaque citoyen doit être soumis aux (1) Je me suis attaché précédemment à faire sentir la différence qui existe entre un représentant et un mandataire; je rappellerai quand il en sera temps, c’est-à-dire lorsqu’on s’occupera de l’organisation du pouvoir législatif, ce que j’ai dit à ce sujet. (2) Comme je ne veux pas exprimer par le même mot deux choses différentes, j’appelle nation le peuple et le Roi, et j’appelle peuple tous les citoyens, excepté le Roi. 319 lois, et qu’il ne doit dans aucun cas être contraint d’obéir à des volontés privées. « 3° Que chaque citoyen a le droit de concourir à l’institution du pouvoir chargé de faire exécuter les lois. « 4° Que chaque citoyen a le droit de demander la conservation ou l’abrogation des lois et des institutions existantes, et la création de lois et d’institutions nouvelles. « 5° Que le pouvoir législatif et institutif appartenant essentiellement au peuple, chaque citoyen a le droit de concourir à l’organisation de tous les pouvoirs. « 6°Que l’exercice de ce pouvoir peut ê're conlié à des mandataires nommés par les habitants de chaque province dans un nombre proportionné à celui des commettants. « 7° Que l’époque de la tenue des Assemblées nationales, leur durée ou la permanence même de l’une de ces Assemblées, ne peuvent être déterminées que par la volonté des citoyens, exprimée par eux ou par leurs mandataires. « 80Qu‘aucuus impôts, sacrifices ni emprunls ne peuvent être faits, exigés, ni perçus sans le consentement du peuple. « 9° Qu’enllu ces droits étant naturels, imprescriptibles, ils doivent être inviolables et sacrés ; qu’on ne peut y porter atteinte sans se rendre coupable du crime irrémissible de lèse-nation ; qu’appartenant indistinctement à tons les citoyens, ils sont tous libres, tons égaux aux yeux de* la loi, et qu’ayant tous les mêmes droits, ils ont aussi les mêmes devoirs et les mômes obligations. » C’est ainsi que je vois, que j’entends l’acte de la constitution d’un peuple, qu’il serait même possible de simplifier encore : car il est certain que le droit de faire les lois et de n’être somnis qu'aux lois, comprend tous les autres, puisqu’une loi nouvelle peut toujours donner le 'droit que l’on croit utile, et que l’abrogation d’une loi peut toujours anéantir le droit qui paraît nuisible; que le droit d’instituer et organiser le pouvoir exécutif est le plus sùr garant de l’exécution des lois ; qu’enfin des droits dont les autres droits émanent et qu’on peut exercer à volonté, sont l’équivalent de tous les droits existants et possibles. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de prouver d’une manière particulière que, lorsqu’on est certain de n’obéir qu’aux lois qu’on a faites ou consenties, on est parfaitement maître et de sa personne et de sa propriété. Je conclus de tout ce que j’ai dit, qu’une déclaration de droits bien entendue (l) n’est pas autre chose que l’acte de la constitution du peuple, et que les actes par lesquels un peuple s’organise doivent former la constitution du gouver-vernement du peuple, si le mot propre à' institutions, dont je me suis servi, ne paraît pas assez expressif. Comme je ne tiens pas aux mots, mais aux choses, je propose le projet qu’on vient de lire, soit comme l’acte de la constitution du peuple français, soit comme une déclaration de droits, soit enfin comme le piéiirainaire de la constitution du gouvernement du peuple. (1) Une délibération bien entendue ne sera jamais celle où l’on confondra les droits de l’homme avec ses facultés physiques ou morales, et où l’on supposera que l’homme a des droits qui n’appartiennent qu’au citoyen. 320 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ie* août 1789.] Ce discours est couvert d’applaudissements. On en demande l’impressiou. Elle est ordonnée. M. le comte Mathieu de Montmorency. Pour élever un édifice, il faut poser des fondements; on ne tire pas de-conséquences sans avoir posé de principes ; et avant de se choisir des moyens et de s’ouvrir une route, il faut s’assurer du but. Il est important de déclarer les droits de l’homme avant la constitution, parce que la constitution n’est que la suite, n’est que la lin de cette déclaration. C’est une vérité que les exemples de l’Amérique et de bien d’autres peuples, et que le discours de M. l’archevêque de Bordeaux ont rendue sensible. Les droits de l’homme en société sont éternels; il n’est besoin d’aucune sanction pour les reconnaître. On parle d’adopter [ rovisoirement cette déclaration ; mais croit-on qu’on pourrait la rejeter par la suite ? Les droits de l’homme sont invariables comme la justice, éternels comme la raison; ils sont de tous les temps et de tous les pays. Je désirerais que la déclaration fut claire , simple et précise; qu’elle fût à la portée de ceux qui pourraient le moins sentir. Loin de nous ces détestables principes, que les représentants de la nation doivent craindre de l’éclairer! Nous ne sommes plus dans ces temps de barbarie où les préjugés tenaient lieu de raison. La vérité conduit au bonheur. Serions-nous ici si les lumières de la sagesse n’eussent dissipé les ténèbres qui couvraient notre horizon ? En serions-nous enfin au point où nous en sommes? Mais une -déclaration des droits doit-elle s’en tenir à ce seul résultat ? C’est la première question : la seconde consiste dans la forme; il vous en a été présenté deux pour la déclaration; laquelle choisirez-vous? Pour abréger, pour simplifier, il serait nécessaire qu’il n’v eût pas autant de déclarations que d’individus. Ôn pourrait prendre, par exemple, la déclaration de M. l’abbé Sieyès, et la discuter article par article. Une autre question, non moins importante, est celle de savoir si la déclaration des droits sera raisonnée? Je me suis demandé à moi-même quels inconvénients cela pouvait produire. 11 est sans doute des vérités qui sont dans tous les cœurs, il n’est pas nécessaire de prouvera l’homme qu’il est libre; le sera-t-il plus quand on le lui prouvera ? Ce n’est là qu’une objection. Bien des peuples ignorent cette liberté, en ignorant l'étendue et les produits. Suivons l’exemple des Etats-Unis ; ils ont donné un grand exemple au nouvel hémisphère; donnons-le à l’univers; présentons-lui un modèle digne d’être admiré. Pour me résumer, je voudrais une déclaration des droits motivée; que l’on en prît une pour modèle dans toutes celles qui nous ont été présentées; qu’elle fût méditée, discutée dans le silence et dans les bureaux, pour être ensuite discutée dans l’Assemblée générale. M.Targeê. Placera-t-on à la tête de la constitution la déclaration des droits de la société? Voilà la question qui doit nous occuper en ce moment. Nous sommes appelés à fixer la constitution. Comment peut-on se persuader qu’en se livrant à l’examen d’une déclaration des droits de l’bpmme, c’est s’écarter du travail principal auquel nous sommes appelés? Je pense que le contraire est facile à prouver ; c’est remplir le vœu de nos commettants, c’est remplir la moitié des fonctions qu’ils nous ont confiées, que de faire cette déclaration des droits. C’est enfin se soumettre à leur intention, et céder à leur empressement. Quel est l’objet de la constitution ? C’est l’organisation de l’Etat. Quel en est le but? C’est le bonheur public. Quel est le moyen d’y parvenir? C’est la constitution. Quel est le bonheur public ? ce n’est pas, si l’on considère en masse tous les individus, ce n’est pas l’accomplissement du désir; ce ne sont pas les passions qui ne cessent de nous agiter, vaine chimère que l’homme poursuit sans cesse: c’est le bonheur naturel, qui n’ôte rien aux autres ; c’est l’exercice plein, entier et libre de tous les droits. Voilà la véritable fin de tout gouvernement. El cependant on nous’proposede laisser ignorer à nos commettants quels sont ces droits ! Ils sont inutiles à publier, dit-on ; et, par une assertion plus étonnante encore, les lumières qui sont répandues parmi le peuple conduisent à la licence. Ce sont là les prétextes que l’on oppose contre des vérités immuables, contre des vérités qui sont dans la nature des choses. L’on veut enfin nous forcer à choisir des moyens avant de nous en assurer la fin. Non, sans doute : les vérités que nous avons à publier ne sont pas assez connues. L’ont-elles été des peuples de l’Asie ? L’ont-elles été des tyrans qui ont fait gémir le monde sous le poids de leur orgueil et sous l’oppression ? L’ont-elles été des peuples de l’Europe, qui nous environnent, et dont les plus libres conservent encore les ruines des monuments du despotisme ? L’ont-elles été du peuple que l’habitude de l’esclavage a abruti, et qui ignore jusqu’à son titre d’homme? 11 ne faut pas instruire les peuples, dit-on. Ce ne sont point les lumières que l’on doit craindre. La vérité ne peut être dangereuse ; elle apprend à l’homme quels sont ses droits, quels sont ses titres; elle lui apprend aussi quels sont ses devoirs. En apprenaut à l’homme quels sont ses droits, il respectera ceux des autres ; il sentira qu’il ne peut jouir des siens qu’en n’attaquant pas ceux des autres, et il sentira enfin que la force de son droit est dans le respect qu’il aura pourcelui des autres. C’est ainsi que la vérité devient utile, et que la lumière, qui brille sur ces beaux fondements, brille aussi dans les siècles autant que dans la monarchie sur laquelle elle repose. J’ajouterai que quelques hommes s’efforcent inutilement de dérober la lumière aux hommes: la vérité frappe à la porte de tous les esprits, et les erreurs que nous aurions favorisées seraient un crime dont nous serions les premiers coupables et les premiers punis. Le peuple ne sommeille pas toujours ; il rassemble ses forces pour secouer le joug dont on le fatigue ; c’est à nous à diriger ses efforts avec sagesse, avec prudence. Je crois donc que les droits des hommes ne [Assemblée nationale.] ARCHIVES RARLEMENÏAIRES. [1er aoûl 1789.] 321 sont pas assez connus, qu’il faut les faire connaître. Je crois que, loin d’être dangereuse, cette connaissance ne peut être qu’utile. Si nos ancêtres eussent fait ce que nous allons faire, s’ils eussent été instruits comme nous le sommes, si des articles positifs eussent opposé des barrières insurmontables au despotisme, nous n’en serions pas où nous en sommes. C’est en gravant sur l’airain la déclaration des droits de l’homme, que nous devons faire cesser les vices de notre gouvernement, et en préserver la postérité. M. le comte de Castellane. Messieurs, il me semble qu’il ne s’agit pas de délibérer aujourd’hui sur le choix à faire entre les différentes déclarations de droits qui ont été soumises à l’examen des bureaux ; il est une grande question préalable, qui suffira sans doute pour occuper aujourd’hui les moments de l’Assemblée : y aura-t-il une déclaration des droits placée à la tête de notre constitution? En me décidant pour l’affirmative, je vais tâcher de répondre aux différentes objections que j’ai pu recueillir. Les uns disent que ces vérités premières étant gravées dans tous les cœurs, l’énonciation précise que nous en ferions ne serait d’aucune utilité. Cependant, Messieurs, si vous daignez jeter les yeux sur la surface du globe terrestre, vous frémirez avec moi, sans doute, en considérant le petit nombre des nations qui ont conservé, je ne dis pas la totalité de leurs droits, mais quelques idées, quelques restes de leur liberté ; et sans être obligé de citer l’Asie entière, ni les malheureux Africains qui trouvent dans les îles un esclavage plus dur encore que celui qu’ils éprouvaient dans leur patrie ; sans, dis-je, sortir de l’Europe, ne voyons-nous pas des peuples entiers qui se croient la propriété de quelques seigneurs ; ne les voyons-nous pas presque tous s’imaginer qu’ils doivent obéissance à des lois faites par des despotes, qui ne s’y soumettent pas? En Angleterre même, dans cette île fameuse qui semble avoir conservé le feu sacré de la liberté, n’existe-t-il pas des abus qui disparaîtraient si les droits des hommes étaient mieux connus? Mais c’est de la France que nous devons nous occuper ; et je le demande, Messieurs, est-il une nation qui ait plus constamment méconnu les principes d’après lesquels doit être établie toute bonne constitution? Si l’on en excepte le règne de Charlemagne, nous avons été successivement soumis aux tyrannies les plus avilissantes. A peine sortis de la barbarie, les Français éprouvent le régime féodal, tous les malheurs combinés que produisent l’aristocratie, le despotisme et l'anarchie; ils sentent enfin leurs malheurs; ils prêtent aux rois leurs forces pour abattre les tyrans particuliers; mais des hommes aveuglés par l’ignorance ne font que changer de fers; au despotisme des seigneurs succède celui des ministres. Sans recouvrer entièrement la liberté de leur propriété foncière, ils perdent jusqu’à leur liberté personnelle ; le régime des lettres de cachet s’établit : n’en doutons pas, Messieurs, l’on ne peut attribuer cette détestable invention u’à l’ignorance où les peuples étaient de leurs roits. Jamais, sans doute, ils ne l’auront approuvée, jamais les Français, devenus fous tous ensemble, n’ont dit à leur Roi : « Nous te donnons une puissance arbitraire sur nos personnes : nous ne serons libres que jusqu’au moment où il te conviendra de nous rendre esclaves, et nos en-lre Série, T. VIII. fants aussi seront esclaves de tes enfants: tu pourras à ton gré, nous enlever à nos familles, nous envoyer dans des prisons, où nous serons confiés à fa garde d’un geôlier choisi par toi, qui, fort de son infamie, sera lui-même hors des atteintes de la loi. Si le désespoir, l’intérêt de ta maîtresse ou d’un favori convertit pour nous en tombeau ce séjour d’horreur, on n'entendra pas notre voix mourante; ta volonté réelle ou supposée l’aura rendu juste; tu seras seul notre accusateur, notre juge et notre bourreau. » Jamais ces exécrables paroles n’ont été prononcées ; toutes nos lois défendent d’obéir aux lettres de cachet ; aucune ne les approuve ; mais le peuple seul peut faire respecter les lois. Que pouvaient les parlements, ces soi-disant gardiens de notre constitution ; que pouvaient-ils contre des coups d’autorité dont ils éprouvaient eux-mêmes les funestes effets ? Que pourraient même les représentants de la nation contre les futurs abus qui s’introduiraient dans l’exercice du pouvoir exécutif, si le peuple entier ne voulait faire respecter les lois qu’ils auraient promulguées? J’ai répondu, ce me semble, à ceux qui pensent qu’une déclaration des droits des hommes est inutile: il en est encore qui vont plus loin, et qui la croient dangereuse en ce moment, où tous les ressorts du gouvernement étant rompus, la multitude se livre à des excès qui leur en fait craindre de plus grands. Mais, Messieurs, je suis certain que la majorité de ceux qui m’écoutent pensera, comme moi, que le vrai moyen d’arrêter la licence est de poser les fondements de la liberté : plus les hommes connaîtront leurs droits, plus ils aimeront les lois qui les protègent, plus ils chériront leur patrie, plus ils craindront le trouble ; et si des vagabonds compromettent encore la sûreté publique, tous les citoyens qui ont quelque chose à perdre se réuniront contre eux. Je crois donc, Messieurs, que nous devons placer une déclaration des droits des hommes à la tête de notre constitution. Quoique décidé dans mon opinion particulière entre celles qui nous ont été proposées, je pense que celle que nous adopterons doit être discutée avec soin, et que nous pourrons peut-être ne rejeter en totalité aucune de celles qui nous ont été proposées; je crois que cette même déclaration doit être admise avant les lois, dont elle est la source, et dont elle réparera dans la suite les imperfections ou les omissions. En revenant donc à la question simple, pour opiner sur la question de savoir s’il faut ou non orner le frontispice de notre constitution d’une déclaration des droits des hommes, je me décide entièrement pour l’affirmative. M. Grandin. Une déclaration des droits renferme nécessairement des matières abstraites et sujettes à des discussions ; il n’est pas prudent d’exposer les droits sans établir les devoirs. Une déclaration des droits est comme un traité de morale qui ne serait pas entendu de toutes les classes des citoyens et dont on pourrait abuser. M. le duc de JLévis. Une déclaration des droits de l’homme doit être une suite de vérités simples, tirées de sa nature : elle doit, comme son nom l’indique, déclarer et ne jamais ordonner. Ce sont des lois qui fixent les droits, qui prescrivent les devoirs : ce sont elles qui établissent l’état du citoyen, elles seules peuvent donc contribuer à son bonheur ; et la déclaration des 21 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |ler août 1789.] 322 droits serait un chef-d’œuvre? que la société n’y trouverait pas son bonheur, si la loi était mauvaise. Ces raisons suffiraient peut-être pour prouver l’inutilité d’une déclaration des droits, capable de devenir dangereuse, parce que l’ignorance pourrait en abuser. D’après ces raisons, je conclus à ce que la déclaration des droits suive la constitution, comme une espèce de traité succinct des droits et des devoirs du citoyen français. M. Champion de Cicé, évêque d’ Auxerre, soutient, avec quelques autres députés, que cette déclaration est pour le moment inutile ; que l’exemple de l’Amérique septentrionale n’est pas concluant, puisque cette contrée n’offre que des propriétaires, des cultivateurs, des citoyens égaux; qu’ainsi il faut d’abord commencer par établir des lois qui rapprochent les hommes avant de leur dire, indistinctement parmi nous, comme dans les Etats-Unis: vous êtes égaux. M. de Ca Luzerne, évêque de Langres. La constitution d’un empire n’a pas besoin d’une déclaration des droits. Le citoyen d’une république a les mêmes droits que le sujet d’une monarchie. La constitution est un code et un corps de lois ; tout ce qui n’est pas loi est étranger à la constitution. Les principes parlent à la raison pour laconvaincre, et les lois à la volonté pour la soumettre. 11 y a beaucoup de personnes qui ne seront pas en état d’entendre les maximes que vous leur présenterez. Mon opinion n’est pas qu’on doive tenir le peuple dans l’ignorance ; mais je veux qu’on l’éclaire par des livres, et non par la loi ni la constitution. Ne mettons rien d’inutile ; évitons les dangers des abus, et faisons de bonnes lois. Jepro-pose� donc qu’il ne soit pas mis de déclaration des droits dans la constitution; qu’on y ajoute seulement un préambule simple et clair, qui ne renferme que des maximes incontestables. M. Barnave. La nécessité de la déclaration des droits a été démontrée avec évidence. Quelques-uns des préopinants ont pensé qu'elle pourrait être dangereuse ; d’autres ont craint de rétablir la liberté primitive des hommes sortant des forêts, de peur qu’ils n’en abusent ; mais il faut connaître leurs droits avant de les établir. Il faut donc une déclaration des droits. Cette déclaration a deux utilités pratiques : la première est de fixer l’esprit de la législation, afin qu’on ne la change pas à l’avenir; la seconde est de guider l’esprit sur le complément de cette législation, qui ne peut pas prévoir tous les cas ..... On a dit qu’elle était inutile, parce qu’elle est écrite dans tons les cœurs; dangereuse, parce que le peuple abusera de ses droits dès qu’il les connaîtra. Mais l’expérience et l’histoire répondent, et réfutent victorieusement ces deux observations. Je crois qu’il est indispensable de mettre à la tête de la constitution une déclaration des droits dont l’homme doit jouir, il faut qu’elle soit simple, à portée de tous les esprits, et qu’elle devienne le catéchisme national. M. Malouet. Messieurs, c’est avec l’inquiétude et le regret du temps qui s’écoule, des désordres qui s’accumulent, que je prends la parole. Le moment où nous sommes exige plus d’action et de réflexion que de discours. La nation nous attend ; elle nous demande l’ordre, la paix et des lois protectrices : que ne pouvons-nous, Messieurs, sans autre discussion, les écrire sous Ja dictée de la raison universelle qui, après l’expérience de vingt siècles, devrait seule parler aujourd’hui ! car elle a tout enseigné, et ne laisse plus rien de nouveau à dire aux plus éloquents, aux plus profonds publicistes. Mais lorsque, dans des circonstances pressantes, en présence de la nécessité qui s’avance, des hommes éclairés semblent essayer leurs forces, on doit céder à l’espoir ou au moins au désir d’arriver à un résultat précis, et d’accélérer votre travail. La question qui vous occupe présente encore, et tel est l’inconvénient de toutes les discussions métaphysiques, elle présente, dis-je, une somme égale d'objections et de motifs pour et contre. On veut une déclaration des droits de l’homme, parce qu’elle est utile, et le préopinant l a démontré en en réduisant l’expression. Plus étendue, telle qu’on l’a proposée, on la rejette comme dangereuse. On vous a montré l’avantage de publier, de consacrer toutes les vérités qui servent de fanal, de ralliement et d’asile aux hommes épars sur tout le globe. On oppose le danger de déclarer d’une manière absolue les principes généraux du droit naturel, sans les modifications du droit positif. Enfin, à côté des inconvénients et des malheurs qu’a produits l’ignorance, vous avez vu les périls et les désordres qui naissent des demi-connaissances et de la fausse application des principes. Des avis si différents se réunissent sur l’objet essentiel ; car une différence de formule et d’expression, un résumé plus précis et une plus longue énumération des principes n’importent pas au bonheur, à la liberté des Français. Certes, je ne balance pas à dire qu’il n’est aucun des droits du citoyen qui ne doive être constaté et garanti par la constitution. Les droits de l’homme et du citoyen doivent être sans cesse présents à tous les yeux. Ils sont tout à la fois la lumière et la fin du législateur : car les lois ne sont que le résultat et l’expression des droits et des devoirs naturels, civils et politiques. Je suis donc loin de regarder comme inutile le travail présenté par le comité. On ne peut réunir en moins de paroles de plus profonds raisonnements, des idées plus lumineuses, de plus importantes vérités. Mais convertirons-nous en acte législatif cet exposé métaphysique, ou présenterons-nous les principes avec leur modification dans la constitution que nous allons faire ? Je sais que les Américains n’ont pas pris cette précaution ; ils ont pris l’homme dans le sein de la nature, et le présentent à l’univers dans sa souveraineté primitive. Mais la société américaine, nouvellement formée, est composée, en totalité, de propriétaires déjà accoutumés à l’éga-lilé, étrangers au luxe ainsi qu’à l’indigence, connaissant à peine le joug des impôts, des préjugés qui nous dominent, n’ayant trouvé sur la terre qu’ils cultivent aucune trace de féodalité. De tels hommes étaient sans doute préparés à recevoir la liberté, dans toute son énergie : car leurs goûts, leurs mœurs, leur position les appelaient à la démocratie. Mais nous, Messieurs, nous avons pour concitoyens une multitude immense d’hommes sans propriétés, qui attendent, avant toute chose, leur subsistance d’un travail assuré , d’une police exacte, d’une protection continue , qui s’irritent quelquefois, non sans de justes motifs, du spectacle du luxe et de l’opulence. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er août 1789.] [Assemblée nationale.] 323 On ne croira pas sans doute que j’en conclus que cette ciasse de citoyens n’a pas un droit égal à la liberté. Une telle pensée est loin de moi. La liberté doit être comme l’astre du jour, qui luit pour tout le monde. Mais je crois, Messieurs, qu’il est nécessaire, dans un grand empire, que les hommes placés par le sort dans une condition dépendante voient plutôt les justes limites que l’extension de la liberté naturelle. Opprimée depuis longtemps et vraiment malheureuse, la partie la plus considérable de la nation est hors d’état de s’unir aux combinaisons morales et politiques qui doivent nous élever à la meilleure constitution. Hâtons-nous de lui restituer tous ses droits, et faisons l’en jouir plus sûrement que par une dissertation. Que de sages institutions rapprochent d’abord les classes heureuses et les classes malheureuses de la société. Attaquons dans sa source ce luxe immodéré, toujours avide et toujours indigent, qui porte une si cruelle atteinte à tous les droits naturels. Que l’esprit de famille qui les rappelle tous, l’amour de la patrie qui les consacre, soient substitués parmi nous à l’esprit de corps, à l’amour des prérogatives, à toutes les vanités inconciliables avec une liberté durable, avec l’élévation du vrai patriotisme. Opérons tous ces biens, Messieurs, ou commençons au moins à les opérer avant de prononcer d’une manière absolue aux hommes souffrants, aux hommes dépourvus de lumières et de moyens, qu’ils sont égaux en droits aux plus puissants, aux plus fortunés. C’est ainsi qu’une déclaration des droits peut être utile, ou insignifiante, ou dangereuse, suivant la constitution à laquelle nous serons soumis. Une bonne constitution est l’effet ou la cause du meilleur ordre moral. Dans le premier cas, le pouvoir constituant ne sait qu’obéir aux mœurs publiques. Dans le second, il doit les réformer pour agir avec efficacité. Car il faut détruire et reconstruire; il faut élever le courage des uns en leur marquant un terme qu’ils ne doivent pas dépasser ; il faut diriger l’orgueil des autres sur de plus hautes destinées que celles de la faveur et du pouvoir, assigner de justes mesures aux avantages de la naissance et de la fortune, mar-uer enfin la véritable place de la vertu et des ons du génie. Tel est, Messieurs, vous le savez, le complément d’une bonne constitution; et comme les droits de l’homme en société doivent s’y trouver développés et garantis, leur déclaration doit en être l’exorde ; mais cette déclaration législative s’éloigne nécessairement de l’exposé métaphysique et des définitions abstraites qu’on voudrait adopter. Remarquez en effet, Messieurs, qu’il n’est aucun des droits naturels qui pe se trouve modifié par le droit positif. Or, si vous présentez le principe et l’exception, voilà la loi. Si vous n’indiquez aucune restriction, pourquoi présenter aux hommes dans toute leur plénitude des droits dont ils ne doivent user qu’avec de justes limitations ? Je suppose que, dans cette conception des droits, nous n’ayons aucun égard à ce qui est, que toutes les formes de gouvernement soient des instruments libres entre nos mains ; aussitôt que nous en aurons choisi une, voilà dans l’instant même l’homme naturel et ses droits modifiés. Pourquoi donc commencer par le transporter sur une haute montagne, et lui montrer son empire sans limites, lorsqu’il doit en descendre pour trouver des bornes à chaque pas ? Lui direz-vous qu’il a la libre disposition de sa personne, avant qu’il soit à jamais dispensé de servir malgré lui dans l’armée de terre ou de mer? qu’il a la libre disposition de son bien, avant que les coutumes et les lois locales qui en disposent contre son gré ne soient abrogées ? Lui direz-vous que, dans l’indigence, il a droit au secours de tous, tandis qu’il invoque peut-être en vain la pitié des passants, tandis qu’à la honte de nos lois et de nos mœurs aucune précaution législative n’attache à la société les infortunés que la misère en sépare? 11 est donc indispensable de confronter la déclaration des droits, de la rendre concordante avec l’état obligé dans lequel se trouvera l’homme pour lequel elle est faite. C'est ainsi que la constitution française présentera l’alliance auguste de tous les principes, de tous les droits naturels, civils et politiques; c’est ainsi que vous éviterez de comprendre parmi les droits des articles qui appartiennent à tel ou tel titre de législation. Telle est la considération qui m’avait fait adopter de préférence, dans le projet que j’ai présenté, un premier titre des droits et principes constitutifs. Car, encore une fois, tout homme pour lequel on stipule une exposition de ses droits appartenant à une société, je ne vois pas comment il serait utile de lui parler comme s’il en était séparé. J’ajoute, Messieurs, une dernière observation : les discussions métaphysiques sont interminables. Si nous nous y livrons une fois, l’époque de notre constitution s’éloigne, et des périls certains nous environnent. Le gouvernement est sans force et sans moyens, l’autorité avilie, les tribunaux dans l’inaction; le peuple seul est en mouvement. La perception des impôts est nulle, toutes les dépenses augmentent, toutes les recettes diminuent : toutes les obligations onéreuses paraissent injustes. Dans de telles circonstances, une déclaration expresse des principes généraux et absolus de la liberté de l’égalité naturelle, peut briser des liens nécessaires. La constitution seule peut nous préserver d’un déchirement universel. Je propose donc, pour l’accélérer, qu’en recevant comme instruction le travail du comité, et renvoyant à un dernier examen la rédaction d’une déclaration des droits, on commence dès ce soir dans les bureaux, et demaiii dans l’Assemblée, la discussion des principes du gouvernement français, d’après le plan de M. Mounier ou de tout autre; que la discussion soit fixée par titres et par articles, que le comité de rédaction soit chargé de recueillir le résultat des discussions et des changements proposés à chaque séance, et qu’un jour de la semaine soit assigné pour la délibération des articles discutés. M. Delandine. Le plus beau moment pour la nation française et pour nous est sans doute celui où elle réclame une constitution : ou va l’établir, ce bonheur qui manqua à nos pères ; nous devons en faire jouir nos descendants, et la France peut reprendre le sentiment de sa gloire et de son ancienne splendeur. Mais, en parlant de constitution, de droits naturels, de principes imprescriptibles, ne nous laissons point aller à des idées trop abstraites ; gardons-nous du développement même de principes vrais au fond, ingénieux dans la forme, mais inutiles en ce moment, et ayons le bon esprit de savoir borner notre carrière, si nous voulons arriver au but, 324 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1er août 1789.] La déclaration des droits naturels de l’homme offre sans doute l’objet d’un travail très-philosophique, mais en même temps très-peu à la portée du plus grand nombre de ceux qui doivent être soumis à la loi; elle renferme des principes qui sont dans tous les esprits, ou qui doiventy être : sans doute, toute bonne constitution est fondée sur le droit naturel, et la nôtre reposera aussi sur ces vérités immuables qui le constituent ;• mais ces vérités sont de tous les âges, de tous les lieux, et on ne peut les méconnaître. Ce n’est pas des droits naturels fixés au berceau des peuplades naissantes qu’il faut s’occuper; c’est des droits civils, du droitpositif propre à un grand peuple, réuni depuis quinze siècles, vieilli au milieu des lois discordantes, mais éclairé en ce moment par l'histoire, qui n’est que l’expérience des faits, par la philosophie, et surtout par son intérêt, loi suprême des Etats, comme elle est celle des individus qui les composent. Loin de remonter donc à l’origine de l’ordre social, améliorons celui où nous sommes placés; abandonnons l’homme naturel pour nous occuper du sort de l’homme civilisé; et, sans chercher ce que nous avons été, ni même ce que nous sommes, lixons ce que nous devons être. Les auteurs des déclarations des droits naturels ont très-bien établi que l’homme est né libre, qu’il doit l’être encore dans l’exercice de ses facultés, dans la disposition de sa propriété, dans l’emploi de son industrie : je me plais à adopter, à professer les mêmes principes; mais conservons les principes pour nous, qui faisons les lois, et hâtons-nous de donner aux autres les conséquences, qui sont les lois elles-mêmes. Locke, Cumberland, Hume, Rousseau et plusieurs autres ont développé les mêmes principes; leurs ouvrages les ont fait germer parmi nous; si nous avions à créer une théorie politique, sans doute nous devrions travailler à l’imitation de ces écrivains fameux ; mais il ne s’agit pas de la théorie, mais de la pratique; de l’universalité des gouvernements, mais du nôtre; la plupart de vous, Messieurs, n’ignorent pas les idées vastes que ces philosophes ont répandues sur la législation des empires, et nous ne les perdons pas de vue, dans la seule application que nous avons à en faire : oui, je le répète, c’est celte application seule qui doit à l’instant même vous occuper. Sans doute, l’homme doit savoir qu’il est libre, mais il faut faire plus que de le lui déclarer, il faut ordonner qu’il 1 est; la loi qui empêchera qu’on attente à sa liberté sans corps de délit constant, prouvera mieux que tous les raisonnements que la liberté de l’homme est naturelle et sacrée. La loi qui proscrira ces lettres de cachet, monument de la tyrannie, qui sont pour nous ce qu’est pour l’Asie le cordon fatal, cette loi fera plus pour le bonheur public et notre sûreté individuelle que tous les préambules et les préliminaires. Inutilement a-t-on dit que si, dans l’avenir, un tyran venait à déroger à la loi, du moins la déclaration des droits naturels subsistant toujours pourrait l’arrêter, et servirait à nos neveux de témoignage de notre sagesse. Le tyran qui mettrait sous les pieds la loi foulerait de même une vaine déclaration ; et quant à la race future, la loi prou - vera bien plus en notre faveur que sa préface ; en effet, c’est être sage que de gagner du temps dans un moment où nous en avons assez perdu, et où nous ne devons plus en avoir à perdre ; c’est être sage que de ne pas ouvrir aux esprits français une vaste carrière de contestations, de commentaires et d’opinions; car si les articles offrent même parmi nous une longue discussion, pense-t-on que l’imagination des autres reste tranquille, et ne se divisera pas sur les mêmes objets? De là les écrits contraires; de là ces débats qui affaibliront toujours un peu le respect profond qu’on doit avoir pour tout ce qui émane de l'Assemblée éclairée des représentants de la nation. Ou cette déclaration sera illimitée, ou elle sera restreinte dans les principes : dans le premier cas, elle sera dangereuse, parce que chacun l’interprétant à sa volonté pourra lui donner une extension effrayante; dans le second cas, elle sera fausse, parce que, si l’on suit la filiation des droits naturels, ceux-ci doivent être généraux, et ne peuvent se circonscrire ensuite que par le droit civil. Une déclaration des droits illimitée, pour être conforme à l’essence des choses, sera avidement accueillie par le peuple qu’elle rappellera à l’égalité, à la liberté primitive ; mais celui-ci con-cevra-t-il que cette égalité originelle n’est malheureusement qu’une fiction philosophique qui disparaît sitôt qu’à côté de l’enfant faible qui vient de naître, un autre plus fort, et dont les facultés intellectuelles seront plus étendues, a vu le jour? Concevra-t-il que la liberté, quoique fille de la nature, est sous la tutelle des lois positives, et ne peut s’exercer à faire tout ce qui est utile si cela nuit aux autres, ni tout ce qui plaît si cela détruit leur jouissance ? L’égalité, la liberté, étant le partage de tout individu dans l’ordre naturel, il faut bien que tout individu dans l’ordre politique consente à en sacrifier une partie, pour assurer l’égalité réciproque et la liberté mutuelle de tous. Comment, dès les premiers moments de notre réunion, donner au peuple des explications abstraites, et publier des commentaires qu’il ne lira pas ? Dès lors ne peut-il pas abuser de sa force et troubler la société générale, en voulant réacquérir des droits privés qu’il croirait n’avoir jamais du perdre? Qu’on les lui restitue, ces droits, mais avec les réserves que doivent apporter les lois de la propriété, de la justice et de la tranquillité publique. Gardons-nous de rompre sur-le-champ une aigue conservée par les siècles, sans nous mettre à l’abri du torrent, dont les tlots peuvent s’étendre plus loin que nous ne l’aurions prévu, répandre la consternation et ravager les héritages. Une déclaration des droits restreinte serait incomplète. 11 faudrait déterminer, après de longues discussions, et les principes qui devraient y entrer dans toute leur généralité, et ceux au contraire dont il faudrait poser les limites. Dès lors elle serait, sans doute, au-dessous de la vérité, au-dessous des ouvrages philosophiques qui ont fait circuler dans la classe éclairée les connaissances utiles au bonheur des hommes ; mais ces ouvrages, à la portée de ceux qui gouvernent, ne le sont pas encore assez universellement de ceux qui sont gouvernés; d’ailleurs, ils n’offrent pas un résultat de lois obligatoires; et chacun de ceux qui voudraient les observer les expliquerait d’après son intérêt, ses vues ou ses espérances. Une déclaration des droits m’a paru légitime et nécessaire, mais devoir plutôt suivre que précéder la constitution que nous allons établir : dans tous les cas, on pourrait toujours la placer à son frontispice. En gravant sur la base de cette constitution des types trop généraux, craignons d’être ensuite asservis ou inconséquents dans nos décrets constitutifs et dans nos lois. Les uns, pour se renfermer dans la déclaration, peuvent [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er août 1789-1 325 devenir extrêmes et peut-être injustes, les autres, s’ils en sortent, paraîtront disparates, quoique souvent utiles et nécessaires. Une pareille dé-clarationdoitdoncêtremûrementréflécnie;etpour Ja méditer, nous avons devant nous tout le temps que nous allons employer à l'établissement de nos principes constitutionnels et de nos lois. Pourquoi transporter, dit un publiciste, les hommes sur le haut d’une montagne, et de là leur montrer tout le domaine de leurs droits, puis-u’on est obligé ensuite de les en faire redescen-re pour les placer dans l’ordre politique où ils doivent trouver des limites à chaque pas ? Dans le grand nombre d’excellents articles produits dans les projets de déclaration, il en est plusieurs qui appartiennent directement et doivent servir de hases aux droits des peuples et du souverain ; ce sont ces articles dont il faut sur-le-champ faire des lois, puisque ce sont ces droits qu’il faut fixer. Une division plus simple que toutes celles qui nous ont été offertes, une division adoptée par le plus grand nombre des publicistes, et dont on n’aurait peut-être pas dû s’écarter, faciliterait le travail, et présenterait un rapprochement plus aisé dans la discussion et les opinions. Cette division serait : 1° l’examen des droits de la nation, antérieurs à tout autre, et dont tout autre émane ; des droits de la nation, c’est-à-dire des citoyens qui la composent, et qui marchent égaux devant la loi qu’ils ont volontairement et librement consentie ; 2° L’examen des droits du monarque qui fait exécuter cette loi, et dont le pouvoir, à cet égard, doit être libre et indépendant; 3° L’examen des droits de ceux qui l’exécutent et qui tirent leur pouvoir et de la nation et du souverain. Telles sont les trois branches de l’arbre social, et tels sont les trois et uniques points de notre travail, et le plan dans lequel il faudrait nous circonscrire : dans le peuple assemblé la puissance législative; dans le Roi, le pouvoir exécutif; dans ceux qu’il emploie, la force militaire et judiciaire, l’une et l’autre déterminées d’après le consentement général. Voilà notre tâche, elle est assez grande, assez importante, pour nous occuper sans distraction à la bien remplir. En me résumant, je répète que nous ne sommes pas venus établir des principes que nous devons connaître, mais en promulguer les résultats ; travailler, non à des préliminaires de lois, mais-à la formation même des lois. Le dix-huitième siècle a éclairé les sciences et les arts ; 11 n’a rien fait pour la législation. Le moment est arrivé de la créer. Que la loi soit concise, pour qu’elle puisse se fixer dans le souvenir même de nos enfants ; qu’elle soit simple, pour qu’elle soit entendue de tous. Gardons pour nous l’élude des principes, les bases du travail, et faisons-en cueillir aux peuples les fruits. Ainsi se cachent au sein de la terre les vastes fondements d’un palais, et l’œil du citoyen jouit seulement de l’ensemble et de la majesté de l’édifice. Hâtons-nous de l’élever, cet édifice, et puisse-t-il mériter la contemplation des sages et les regards de la postérité ! Plusieurs membres observent que l’attention est déjà fatiguée d’avoir suivi tant d’orateurs, et demandent l’ajournement de la discussion. M. le Président observe qu’il y a encore quarante-sept membres inscrits pour la parole, et qu’il est déjà très-tard. D’après ces observations, la discussion est renvoyée à lundi prochain. M. le Président invite les bureaux à s’assembler ce soir pour élire son successeur et trois secrétaires, pour remplacer les trois qui sortiront en tirant au sort. La séance est levée. ANNEXE h la séance de l'Assemblée nationale du samedi 1er août 1789. Analyse des idées principales sur la reconnaissance des droits de l'homme en société , cl sur les bases de la constitution présentées au comité de constitution, par M. Tkouret, député de Rouen. g Ier. La nature a mis dans le cœur de l’homme le besoin et le désir impérieux du bonheur. L’état de société politique le conduit vers ce but, en réunissant les forces individuelles pour assurer le bonheur commun. Le gouvernement est le mode d’activité choisi par chaque société, pour diriger l’emploi de la force publique vers son objet. Le gouvernement doit donc être constitué de manière qu’il ne puisse jamais blesser les droits de l’homme et du citoyen, puisqu’il n’est établi que pour les protéger. g U. Le premier droit de l’homme est celui de la propriété et de la liberté de sa personne. De ce droit primitif et inaliénable dérivent; 1° Celui de ne pouvoir être contraint ou empêché dans ses actions, arrêté ni détenu, si ce n’est en vertu des lois publiques, et d’un jugement régulier qui en ait prononcé l’application. 2° Celui de penser, de converser, et d'écrire , sans pouvoir être repris pour ses opinions , ses discours et ses écrits, si ce n’est en vertu des lois publiques, et d’un jugement régulier. De là: 1° la liberté de conscience et d’opinion religieuse; 2° La liberté des actions et du travail ; 3° La liberté de la presse ; 4° La liberté inviolable du commerce épisto-laire ; 5° L’abolition absolue des lettres de cachet. §111. C’est un droit de l’homme libre, d’acquérir des propriétés, de les posséder, et de les protéger. Du droit de propriété dérivent: 1° L’interdiction de déposséder un propriétaire hors le cas d’une nécessité publique constatée, et à charge de l’indemniser complètement; 2° Le droit de chaque citoyen de ne payer que les impôts consentis par les représentants de la nation. 3° Le droit de la nation de ne consentir par ses représentants, que ta quotité d’impôts reconnue nécessaire pour les besoins publics.