254 [6 décembre 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, M. le Président. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret sur V organisation de la caisse de V extraordinaire qui a été présenté au nom du comité des finances et des commissaires nommés pour la surveillance de ladite caisse, (voy. plus haut, ce projet de décret, séance do 3 décembre, page 200). M. Canins. Les commissaires que vous avez nommés pour surveiller la caisse de l’extraordinaire ont eu des conférences avec le comité des tinances, chargé de l’organisation de cette caisse ils ont examiné le travail des commissaires du roi, qui leur a paru d’une grande utilité. L’un des objets principaux de ce travail est que la caisse de l’extraordinaire ne fasse point de dépense proprement dite, mais qu’elle serve uniquement au remboursement de la dette. Vos commissaires n’ont pas cru devoir prendre sur eux de vous présenter un mode particulier de comptabilité sur cette caisse ; car vous ferez des règles générales de comptabilité pour toutes les caisses publiques. Ils vous proposent aussi des mesures pour accélérer, pour assurer la rentrée et l’extinction des assignats, et un décret particulier pour 1 faire servir aux besoins de l’année 1791 le pro-I duit de la contribution patriotique. Dans ce moment, il y a dans la caisse de l’extraordinaire 11,601,000 1 i v . , dont 1,367,000 liv. proviennent de gras de caisse dont vous avez ordonné le versement, et le surplus d’une partie des rentrées de la contribution patriotique. Vous avez déjà décrété que le tiers de cette contribution serait employé aux dépenses ordinaires. Dans ce moment, les soumissions s’élèvent à 107,000 livres; les poursuites que vous avez autorisées pour les recouvrements promettent qu’elles s’élèveront à 206 millions. Il n’a encore été payé pour le premier tiers, qui doit être de 35,600,000 livres, que 25,312,377 livres. Nous vous proposons donc d’autoriser le trésorier de l’extraordinaire à verser dans le Trésor public le complément de ladite somme. Ce ne sera jamais qu’en vertu d’on décret du Corps législatif que ces versements pourront se faire, la caisse de l’extraordinaire ne doit, jamais être autorisée à faire les dépenses courantes; car vous sembleriez, par là, favoriser la dissipation des fonds destinés au remboursement de la dette publique. M. camus donne lecture des articles. Divers membres présentent des observations, des amendements et des articles additionnels. L’Assemblée ajourne les articles 10 et 11 du projet. Le décret est ensuite rendu ainsi qu’il suit : TITRE PREMIER. De l’état de la caisse de V extraordinaire . Art. 1er. « La caisse de l’extraordinaire, destinée à la recette des revenus et des capitaux qui ne feront pas partie des contributions ordinaires, et à l’acquittement des dettes de l’Etat, sera un établissement entièrement distinct et séparé du Trésor public ou caisse de l’ordinaire. Art. 2. « Elle ne fera aucune dépense particulière ; il n’en sortira aucune somme que pour l’acquit des diverses parties de la dette publique non constituée, dont le remboursement a été ou sera décrété, et pour fournir au Trésor public les secours qui auront été pareillement décrétés par le Corps législatif. Art. 3. « Il n’y aura qu’une seule caisse de l’extraordinaire ; mais le service de cette caisse sera divisé en deux parties : Administration et Trésorerie. Art. 4. « L’administration de la caisse sera provisoirement tet quant à présent, entre les mains du commissaire nommé par le roi à cet effet. Aucune somme ne sera délivrée que sur les ordonnances par lui présentées au roi, en exécution nés décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi. Les ordonnances seront signées du roi et de son commissaire. La date et la teneur des décrets y seront exprimées; le commissaire du roi sera responsable desdites ordonnances. Art. 5. « Le commissaire du roi, ou administrateur de la caisse de l’extraordinaire, veillera à ce que la recette de toutes les sommes qui doivent être portées à ta caisse, y soient versées exactement et à leur échéance : à cet effet, il fera dresser te dénombrement des biens nationaux par départements, districts, cantons et municipalités. Les directoires de département seront tenus de lui donner tous tes renseignements nécessaires sur cet objet, et de lui envoyer, tous les mois, un état sommaire, par eux certifié véritable, des biens nationaux mobiliers et immobiliers, qui auront été vendus dans le département. Art. 6. L’administrateur proposera au roi les mesures qui lui paraîtront les plus convenables pour surveiller et opérer dans les termes prescrits la rentrée de la contribution patriotique, et celle des autres objets à verser dans la caisse de l’extraordinaire. Art. 7. « Le trésorier de l’extraordinaire recevra la totalité de sommes qui doivent entrer dans la caisse de l’extraordinaire, selon le détail qui en sera fait au titre II. Il recevra aussi les originaux des obligations et des annuités qui seront fournies par les municipalités et par les particuliers qui se rendront acquéreurs des biens nationaux : il en sera laissé un duplicata au receveur de district. L’état de la recette de chaque mois sera certifié par le trésorier, imprimé et rendu public. Art. 8. « Toutes les sommes qui proviendront des recettes de l’extraordinaire seront versées dans une S'mle et même caisse; il sera tenu des livres à parties doubles, pour constater la recette générale, ainsi que les remboursements des dettes de l’Etat et des secours fournis au Trésor public, en vertu des décrets du Corps législatif, mais il sera tenu, en outre, des livres auxiliaires pour constater l’etat de la recette de chaque partie. Art. 9. « La caisse de l’extraordinaire sera vérifiée par le commissaire du roi, en présence des com- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 décembre 1790.J missaires du Corps législatif, au moins deux fois dans chaque mois; les différents livres tenus à la caisse seront cotés et paraphés par première et dernière feuille par le commissaire du roi. Tous les mois, l’état de la caisse sera rendu public par la voie de l’impression. Art. 10. « Les assignats, qui vont être incessamment fabriqués, seront déposés, à mesure de leur fabrication, dans une armoire fermant à trois clefs, qui sera établie à la caisse de l’extraordinaire. Leur dépôt se fera en présence, tant des commissaires de l’Assemblée et du roi pour la fabrication des assignats, que des commissaires de l’Assemblée et du roi pour la caissede l'extraordinaire. Une des clefs de l’armoire sera remise à l’administrateur de la caisse de l’extraordinaire, une autre au trésorier de la même caisse, et la troisième aux Archives nationales, d’où elle ne pourra sortir que pour être remise à un des commissaires du Corps législatif. Il sera dressé procès-verbal du dépôt. Art. 11. « Le lundi matin de chaque semaine, le commissaire du roi et un des commissaires de l’Assemblée se transporteront à la caisse de l’extraordinaire; et, en leur présence, il sera délivré au trésorier la quantité d’assignats qui lui sera nécessaire pour faire les payements de la semaine, suivant le bordereau qu’il représentera. Le trésorier en donnera son reçu sur un registre particulier, qui demeurera renfermé dans la même armoire que les assignats. Il sera dressé procès-verbal de cette remise. Art. 12. « Les honoraires des administrateurs et trésoriers, appointements des commis, frais de bureaux, et toutes autres dépenses relatives à la caisse de l’extraordinaire seront payés parle Trésor public, d’après ce qui aura été décrété par l’Assemblée nationale et sanctionné par le roi. Il est expressément défendu à tout employé à la caisse de l’extraordinaire de se payer, par ses mains, des deniers de la caisse, sous quelque prétexte que ce puisse être. » TITRE IL De la recette de la caisse de l'extraordinaire. Art. 1er. « Le produit des ventes des domaines nationaux, soit mobiliers, soit immobiliers, les intérêts des obligations données en payement des acquisitions, le produit du rachat des droits féodaux, les sommes provenant des fruits des domaines nationaux, l’évaluation du produit île la dîme à payer par les fermiers des biens nationaux, la contribution patriotique, les bons restants dans les caisses des receveurs des décimes du ci-devant clergé, formantle reliquat de leurs ancienscomptes, le reliquat du compte général à rendre par le receveur du ci-devant clergé et toutes autres recettes extraordinaires qui ont été ou seront décrétées par le Corps législatif seront versées dans la caisse de l’extraordinaire. Art. 2. « Aussitôt la réception du présent décret, les receveurs de districts feront passer à la caisse de 255 l’extraordinaire tous les fonds déjà réalisés , et successivement, de quinzaine en quinzaine, tous ceux qu’ils recevront sur les objets mentionnés ci-dessus , sauf l’exception résultant du décret du 30 novembre, relativement aux seuls fruits des b iens nationaux. Art. 3. « L’Assemblée nationale charge spécialement les directoires de district, sous la surveillance des départements, de maintenir l’exactitude desdites remises, et rend les administrateurs responsables des retards qui pourraient résulter de la négligence des trésoriers à cet égard. Art. 4. « Le produit des fruits, qui a été ou sera réalisé jusqu’au premier janvier 1791, servira, conformé-mentau décret du 30 novembre dernier, à acquitter clans les districts, sous l’inspection des directoires de département, les pensions et traitements dus auxecclésiastiques, religieux, religieuses et cha-noinesses, sauf les suppléments à fournir par le Trésor public pour compléter leur entier payement ; mais à compter de cette époque, ils seront versés, par les trésoriers de district , dans la caisse de l’extraordinaire , et le Trésor public sera chargé de faire acquitter lesdites pensions et traitements. Art. 5. « Les receveurs de district arrêteront, le 31 décembre decetle a înée, un état des recettes qu’ils auront faites jusqu’à cette époque sur les fruits des biens nationaux. Us feront c-rtitiec cet état par les directoires et l’enverront au trésorier de l’extraordinaire. Art. 6. « Les receveurs de district accompagneront les remises qu’ils feront à la caisse de l’extraordinaire, de bordereaux où chaque objet d’où proviendront les fonds sera distingué, et ils auront soin d’y détailler les espèces et valeurs dans lesquelles ils auront reçu. Art. 7. « Lors de leur recette, les receveurs exprimeront, dans leurs journaux et dans les quittances qu’ils donneront, les sommes qu’ils recevront en espèces, et ils en donneront avis sur-le-champ au trésorier de l’extraordinaire. Art. 8, « Le trésorier de l’extraordinaire se fera délivrer au Trésor public une quantité d’assignats équivalents auxdites espèces, en échange de laquelle il remettra des rescriptions sur les trésoriers de district, pour faciliter le service du Trésor public dans les différents départements. Art. 9. « Les espèces qui seront portées en nature à la caisse de l’extraordinaire seront versées sur-le-champ au Trésor public, qui remettra en échange à la caisse de l’extraordinaire pareille valeur en assignats; les assignats remis par le Trésor public en conformité du présent article et du précédent, seront annulés et biffés sur-le-champ, en présence de l’administrateur du Trésor public, de la manière qui sera expliquée à l’article 11. Art. 10. A Végarddes assignats versés dans les caisses [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [G décembre 1790. | 556 de districts, en payement de divers objets mentionnés dans le premier article du présent titre, les receveurs seront tenus, à l’instant même du payement, et en présence de ceux qui les feront, de les annuler et biffer comme il va être dit. Art. 11. « Le mot annulé sera écrit en gros caractères sur le corps de l’assiguat, et on biffera en outre le revers, de manière cependant que les signatures et numéro demeurent reconnaissables, pour pouvoir être facilement déchargés sur les livres d’enregistrement. Leur numéro sera affiché dans le bureau du receveur du district, et à la bourse, dans les lieux où il y a une bourse. Art. 12. « Lesdits assignats ainsi annulés et biffés seront envoyés à la caisse, avec les bordereaux dont il est fait mention article 6. Art. 13. « Aussitôt que la caisse de l’extraordinaire aura reçu la valeur d’un million en assignats annulés, il sera procédé publiquement, et en présence des commissaires du Corps législatif, à leur brûlement, au jour, lieu et heure qui seront indiqués par affiches ; et il sera du tout dressé procès-verbal, qui sera imprimé et rendu public : l’original sera déposé aux archives nationales, et un double sera remis à la caisse de l’extraordinaire. TITRE III. Des payements à faire par la caisse de l' extraordinaire. Art. 1er. « La caisse de l’extraordinaire étant chargée, par le présent décret, de recevoir le produit des fruits et les intérêts des obligations qui, d’après les opérations relatives au clergé, sont devenues une portion des revenus nationaux, elle remettra pour l’année 1791 au Trésor public, par forme de compensation, la somme de 60 millions en assignats, laquelle y sera versée par portions de mois en mois. Art. 2. « Pour éviter les inconvénients résultant de la lenteur des recouvrements du premier tiers de la contribution patriotique, et pour en simplifier la comptabilité, la caisse de l’extraordinaire versera au Trésor public, à mesure des rentrées qu’elle pourra faire sur la totalité de la contribution patriotique seulement, et dans les valeurs qui rentreront, la somme à laquelle ce premier tiers sera évalué. Art. 3. « Ladite évaluation est fixée à 35 millions. Art. 4. « Après le versement de ces 35 millions au Trésor public, il n’y sera fait aucun nouveau versement sur la même contribution qu’en vertu d’un décret de l’Assemblée nationale. Art. 5. Les reconnaissances de liquidations d’offices seront présentées au commissaire du roi qui en gardera un double, et il délivrera, au porteur, des ordonnances sur le trésorier, pour leur montant. Art. 6. « Lesdites ordonnances, acquittées par le trésorier, resteront dans ses mains pour sa décharge, et il y joindra la reconnaissance de liquidation acquittée par la partie prenante. Le rapport de ces deux pièces sera nécessaire à sa décharge. Art. 7. « Le commissaire du roi délivrera pareillement, au trésorier, des ordonnances pour le montant des effets au porteur ou autres effets, dont le remboursement aura été décrété par le Corps législatif; et, sur ces ordonnances, le trésorier acquittera lesdits effets. Art. 8. « Lorsque le payement s’effectuera, et en présence de la partie prenante, il sera coupé un des angles du papier, de manière à l’annuler évidemment, et ils seront ensuite brûlés publiquement dans la forme qui sera prescrite. Le procès-verbal de brûlement, signé des commissaires qui seront désignés, sera rapporté par le trésorier, avec l’ordonnance, et lui servira de décharge lors de la reddition de ses comptes. » M. Crenière, député du département de Loir-et-Cher, reprend ses fonctions après une absence par congé. M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les fonds extraordinaires demandés pour la nouvelle organisation de la marine et des colonies. M. de Curt, rapporteur (l). Messieurs, vous avez à prononcer aujourd hui sur deux demandes de fonds extraordinaires, qui vous ont été adressées par le ministre de la marine, et que vous avez renvoyées à votre comité chargé de la nouvelle organisation de ce département. Leux lettres différentes, l’une du 7, l’autre du 17 novembre, accompagnées de pièces au soutien, exposent des besoins pressants, et vous invitent, Messirurs, à ne pas perdre un instant pour ordonner les fonds qui doivent assurer le service du reste de l’année. lls’agit, dans la lettre du 7, des dépenses du mois de novembre, pour les deux armements que vous avez décrétés, les 13 juin et 14 septembre derniers. La lettre du 17, vous rappelle différentes dépenses faites, en vertu de décrets rendus les 8 avril, 5 juin, 14 et 27 juillet derniers, et que la manne a prises sur ses fonds ordinaires, en attendant le remplacement qu’elle sollicite. L’examen ne la première demande de fonds ne pouvait présenter à votre comité, aucune espèce de difficulté.--. Leux aim demenls formidables, Ton de 17, l'autre de 31 vaisseaux, exigent, cha-quemois, un fonds extraordinaire de 2,375,294 liv. 6 s. 8 d.; c’est du moins la somme que vous avez provisoirement accordée; et rien ne doit retarder le décret qui mettra cette somme à la dispos'tion du ministre de la marine. fl) Lo Moniteur s’esl borné à reproduire le dispositif qui termine le rapport de M. de Curt.