714 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 novembre 1789.] se trouveront les égaux de chaque député, et infiniment au-dessous de Ja dignité de l’Assemblée. M. de Rîchier demande la division des trois objets. Il observe sur le premier, que dans les Etats-Unis les particuliers ne doivent pas, mais que le corps seul est débiteur ; que le corps n’a pas de blés, et que les particuliers seuls en ont ; qu’il faut acheter des uns, et ne pas s’exposer à un refus de la part de l’autre. M. le duc de L>a Rochefoucauld. Le nouveau congrès vient de prendre des précautions pour le payement des dettes des Etats-Unis. Il est probable que les Américains saisiront l’occasion de secourir la puissance européenne qui a si bien travaillé pour leur liberté. Plusieurs mois s’écouleront jusqu’à l’arrivée de ce secours, mais on le recevra au moment où nos ressources prochaines seront épuisées. Je pense qu’il n’y a nul inconvénient à mettre aux voix les trois articles, en ajournant, -sans rien préjuger, sur l’éligibilité des ministres à l’Assemblée nationale. M. le vicomte de Woailles. Les Etats-Unis ne pouvant solder les intérêts de leur dette, devons-nous espérer qu’ils céderont à notre demande ? pouvons-nous croire que les particuliers vendent au congrès, quand ils auront presque la certitude de n’en être pas payés? Cette observation me détermine à rejeter cet article. J’observerai sur le troisième, qu’en Angleterre, de vrais amis de la liberté regardent comme infiniment dangereux l’usage dont on s’autorise ici. Le ministre au parlement s’entoure d’une armée à ses gages, il distribue les postes, etc. Les ministres influeront également parmi nous ; ils influeront jusque dans les élections... Il faut s’instruire ; il faut, avant d’adopter cet article, s’assurer si nous ne compromettons pas notre liberté, Je demande l’ajournement. M. le comte de Clermont-Tonnerre. Les Etats-Unis ont fait une récolte abondante. Le nouveau congrès est autorisé à établir des taxes pour le payement des dettes; la loyauté des Américains, qui nous doivent leur liberté, nous assure assez que leurs engagements avec la France ne seront pas les derniers remplis. Le second objet de la motion me paraît ne donner lieu à aucune objection. Je pense que la troisième est pour la nation un des premiers moyens de prospérité, de grandeur et de liberté. Nous avons souvent gémi sous des ministres ineptes, et le despotisme des ministres iheptes est le fléau le plus humiliant pour des hommeslibres; mais, admisparmi vous, dans quatre jours vous n’aurez pas un ministre, ou bien il ne sera pas inepte. Je sais le danger des grands talents unis avec de mauvaises intentions ; mais que pourrait faire le ministre qui les posséderait, lorsqu’il trouvera au milieu de vous de grands talents et des intentions pures? Les ministres verront enfin des hommes qui ne les craindront pas, tandis qu’ils sont condamnés à ne voir que des flatteurs, des secrétaires occupés à leur préparer les moyens de nous opprimer. L’homme vendu rougira devant celui qui aura acheté sa voix ; son embarras, son inquiétude, tout le démasquera. Vous savez s’il faut redouter les intrigues du cabinet. Un ministre est-il l’ennemi de la nation, c’est un ennemi invisible quand il n’est pas ici ; s’il y est admis, il sera connu, et dans toute' espèce de combat je ne sais rien de plus dangereux que d’avoir à se battre sur rien et contre personne. M. LeChapelier. Je pense qu’il est nécessaire de faire observer à quelques opinants, qui craignent pour notre liberté, qu’il ne s’agit ici que d’une disposition momentanée et nécessitée par les circonstances. Je m’oppose à l'ajournement. M. Anson. J’adopte les trois propositions. Si, par exemple, le ministre des finances avait siégé dans cette Assemblée, il aurait répondu à M. de Mirabeau ; il aurait repoussé des terreurs qui peuvent porter atteinte à la fortune publique et aux fortunes particulières. La caisse d’escompte a déjà trois mémoires au comité des finances. J’y ai observé trois choses : premièrement, ce n’est pas elle qui, l’année dernière, a sollicité une suspension de payement; secondement, les secours importants qu’elle a donnés à l’Etat: cette observation, infiniment exacte, mérite quelques ménagements ; troisièmement, si le gouvernement remboursait à la caisse tout ce qu’il lui doit, elle satisferait sur-le-champ à tous ses engagements. Je ne conclus à rien au sujet de la caisse d’escompte, parce que M. de Mirabeau n’a pas pris de conclusions à son égard. M.*** Les commerçants ne feront plus d’opérations sur les blés avec l’Amérique ; ils redouteront la concurrence avec le gouvernement ; alors si la démarche proposée n’a pas de succès, quelle sera notre détresse ! M. le duc d’Aiguillon. On a représenté comme douteuse la créance que nous avons sur l’Amérique ; les titres que le comité a entre les mains tendent à en prouver la solidité. L’embarras des Etats-Unis pour les payements vient du défaut de numéraire ; vous leur offrez le moyen de payer autrement, et cet embarras disparaît. La discussion est fermée. On demande successivement l’ajourpement sur les trois articles. — • Après quelques discussions sur cette demande, les deux premiers sont ajournés ; la délibération sur l’ajournement, du troisième, se trouvant deux fois douteuse, est remise à demain. M. le Président lit une lettre de M. le garde des sceaux. Ce ministre désirerait connaître l’intention de l’Assemblée sur la permission demandée par la ville de Besançon et par plusieurs autres cités d’ouvrir des emprunts dont le produit serait destiaé à acheter des blés pour leur subsistance. Ce mémoire est renvoyé au comité des rapports. M. le marquis de Ronnay présente le projet d’un comité de révision qui serait chargé d’examiner et de répondre aux demandes peu importantes qui se multiplient. L’Assemblée décide qu'il n’y a pas lieu à délibérer. Un de MM. les trésoriers annonce un grand nombre de dons patriotiques. La séance est levée à quatre heures.