398 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. sion de cette motion, et je n’en adopte que l’ajournement. J’y joins une motion nouvelle. On a entendu hier la lecture du mémoire du ministre des finances. Ce ministre, après avoir fait des réflexions et des objections contre l’émission de deux milliards d’assignats, a cru devoir, par modestie sans doute, s’abstenir de présenter un vœu sur ce qu’il faut faire pour acquitter la dette publique. Cependant ceux qui sont à la tète des affaires du gouvernement doivent avoir le généreux courage d’éclairer l’Assemblée et la France entière des lumières de leur expérience. Je demande donc que le comité des finances soit chargé d’engager le ministre à présenter les moyens qu’il croit propres à faire la liquidation de la dette publique. Je n’ai pu apercevoir l’opinion de M. Necker dans son mémoire, car je l’ai vu également effrayé de la baisse des assignats et de la trop grande valeur qu’ils donneraient aux biens nationaux. Je ne vois pas comment les assignats pourraient former encombrement, stagnation, et en même temps se presser, se heurter comme des corps nombreux qui veulent passer dans un défilé étroit. J’ai vu encore la grande disette du numéraire comparée à la disette des grains. Cette comparaison peut être juste, et en la poussant un peu loin, il est possible de dire qu’il suffit de pronostiquer la disette pour la créer. J’insiste donc pour l’ajournement à quinzaine, et je demande que la discussion se prolonge demain et tous les jours destinés aux finances jusqu’à cette époque. Sur une matière si neuve, dans des questions si importantes et si ardues, nous ne saurions trop nous aider du choc des opinions. Je demande de plus que le comité engage le ministre à présenter son plan. M. Belley d’Agier. Je n’ai qu’une observation à faire : c’est sur la latitude de l’ajournement. Vous avez un terme qui fixe cette époque, c’est le moment des rapports sur l’impôt et sur la liquidation des charges. La quotité de l’impôt influera sur la valeur des terres, le mode de liquidation des charges déterminera les sommes que les titulaires pourront employer à l’acquisition des biens nationaux : ainsi jusqu’à ce que ces deux rapports soient faits, il n’est pas nécessaire de nous hâter. L’ordre de votre travail se trouve réglé par la nature de vos travaux. J’observerai, d’ailleurs, qu’un ajournement à quinzaine serait insuffisant pour réunir les lumières et le vœu du royaume. M. de Hrleu. Si vous continuez la discussion, vous perdrez infailliblement un temps considérable. En indiquant le terme de l’ajournement, il faut dire que la discussion sera reprise alors. M. Barnave. Dans la position où nous sommes un terme moyen est nécessaire. Sans doute, il faut prendre toutes les précautions possibles pour ne pas précipiter la détermination proposée. Ainsi, quoique je pense que la vente effective des biens nationaux, l’acquittement effectif de la dette publique et l’achèvement de la Constitution soient attachés à cetle mesure, je conviens qu’il faut y apporter une prudente lenteur; mais je crois qu’un ajournement plus étendu que celui indiqué par M . de Beaumetz rendrait cette opération impossible et inutile. Vous savez combien la fabrication matérielle des 400 millions d’assignats a employé de temps. J’adopte donc purement et simplement l’ajournement à quinzaine, en continuant jusqu’à ce moment la discussion, et en y donnant tous les jours destinés aux finances, sauf à la continuer [28 août 1790.] encore si à cette époque la délibération n’est pas mûre. M. Anson. De la décision de cette grande question dépend celle de la quotité de l’impôt. Le comité de l’imposition demande quelle sera cette quotité pour l’année 1791. Si vous décidez que la liquidation se fera en assignats sans intérêt, plutôt qu’en quittances portant intérêt, cela fera une différence au moins de 100 millions à imposer. Ainsi on doit regarder le mode de liquidation comme le préliminaire de l’opération de l’impôt* Je pense donc qu’il faut discuter la question présente pendant tous les jours de la semaine prochaine. Le 10 septembre l’Assemblée verra si la discussion est assez avancée. (Plusieurs amendements sont proposés et écartés par la question préalable.) M. Brlois de Beaumetz adopte le terme du 10 septembre; sa motion est décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que jusqu’à la décisiou de la question présentée sur la liquidation de la dette publique, laquelle décision ne pourra avoir lieu avant le 10 du mois de septembre prochain, tous les jours destinés aux discussions de finances seront consacrés à l’examen de ladite question; charge, en outre, son comité des finances de demander à M. le premier ministre des finances de communiquer les plans sur les moyens qu’il croit les plus avantageux de procéder à la liquidation de la dette publique, » M. Bewbell. On n’a rien prononcé contre ma motion : je la renouvelle et je demande que l’Assemblée ajourne à demain le rapport sur une fabrication de monnaie de billon et sur la vente des cloches. M. de Virîeu. Je reconnais avec le préopinant la nécessité de hâter la délibération de l’Assemblée sur ces deux objets, mais je ne crois pas qu’on puisse les séparer d’une motion plus étendue et relative à la fabrication de toutes les monnaies. J’atteste ceux qui, comme moi, se sont occupés de cette matière, qu’elle présente des friponneries immenses qui appellent toute la sévérité de l’Assemblée nationale. Je vous supplie de nommer une commission de sept personnes pour s’occuper de toutes les questions relatives à l’administration de la comptabilité, au jugement des monnaies et au commerce des métaux. (V Assemblée applaudit .) M. Bewbell. C’est une opération très étendue que l’Assemblée actuelle ne pourrait pas achever, qu’elle ne peut pas même entreprendre : vous retarderiez jusqu’à trois ans la fabrication instante de la monnaie de billon . M. de Foucault. Je fais une troisième motion, et je demande qu’il soit indiqué une séance extraordinaire pour examiner ce qu’on a fait et ce qu’on a à faire. Tous les membres qui ont des motions à présenter les présenteront ; on écartera ce qui n’est pas urgent. (L’Assemblée est consultée sur la proposition de M. Rewbell, et les rapports sur la fabrication d’une monnaie de billon et la vente des cloches sont mis à l’ordre du jour de demain.) M. de Virieu. C’est l’année dernière, au mois de septembre, que yous avez nommé les tréso- 399 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 août 1790.] riers des dons patriotiques ; nous demandons à être renvoyés au comité des finances pour y rendre nos comptes. (Ce renvoi est ordonné.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de deux lettres relatives aux troubles dans des régiments. En voici l’extrait. La première est de M. le ministre de la guerre. « Avant que la lettre dont vous m’avez honoré le 25 me fût parvenue, j’avais prévenu l’intention de l’Assemblée nationale, en lui envoyant les détails des premières marques de subordination données par quelques régiments. Je vous prie d’assurer l’Assemblée du soin que j’aurai à la tenir informée de tous les faits de ce genre ; j’aurais désiré en avoir à lui communiquer aujourd’hui de nouveaux, qui fussent de nature à confirmer les espérances qu’avait données la garnison de Nancy; mais ces espérances sont cruellement trompées, par la résistance du régiment suisse de Ghâteauvieux. Vous voudrez bien faire remarquer que le régiment du roi et celui de mestre de camp infanterie persistent dans les bonnes dispositions qu’ils ont annoncées. J’envoie la lettre que mon fils a été chargé de m’écrire. » Lettre de M. la Tour-du-Pin-Gouvernet. « M. de Malseigne, inspecteur général, avait ordonné un conseil du régiment suisse de Châ-teauvieux pour la reddition des comptes, conformément au décret de l’Assemblée nationale. On le prévint qu’il y avait des têtes échauffées, et qu’il faudrait peut-être tenir ce conseil à l’hôtel de ville. M. de Malseigne crut plus convenable de se rendre au quartier. Plusieurs demandes étaient allouées; il s’élevait des difficultés sur un objet plus important, que M. de Malseigne ne voulut pas se charger de régler; il observa que les soldats pourraient faire un mémoire à ce sujet, qu’il y mettrait son vu et qu’on enverrait des députés pour le porter à l’Assemblée nationale. Les soldats voulaient de l’argent et lui dirent: Jugez-nous. M. de Malseigne veut se retirer; la sentinelle placée à la porte du quartier, lui dit: Vous ne sortirez pas. Et comme il insistait, elle lui appuie sa baïonnette sur la poitriae ; il fait trois pas en arrière, met l’épée à la main, et blesse la sentinelle. Un grenadier vient sur lui le sabre levé; il pare le coup et blesse ce grenadier. D’autres soldats arrivent ; l’épée deM. de Malseigne se casse, il en arrache une à une personne placée près de lui, il se fait jour à travers toute cette soldatesque. Instruits du danger qu’il court, nous arrivons à lui. Il se rend chez M. Denou. Les soldats de Châteauvieux arrivent avec leurs armes ; nous barrons la porte et nous contenons leur fureur. Les gardes nationales et le régiment du roi se sont réunis pour ramener l’ordre. On a offert au général une garde des trois corps. Les soldats de Châteauvieux sont rentrés au quartier, les autres troupes sont bien disposées ..... » (Ces lettres sont renvoyées aux comités militaire et des rapports.) M. le Président annonce que l’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour X élection de son président et de trois secrétaires en remplacement de MM.. Alquier, Pinteville de Gernon et de Kyspoter, secrétaires sortants. La séance est levée à 3 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRElLHARD, ANCIEN PRÉSIDENT. Séance du samedi 28 août 1790, au soir (l). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Treilhard, ancien président, occupe le fauteuil en l’absence de M. Dupont (de Nemours), président en exercice. Un des secrétaires fait lecture des adresses suivantes: Adresse de félicitation, remerciement et adhésion des habhants de la communauté de Ponsac dans le canton de Bagnères; Des gardes nationales du district de la principauté d’Orange, qui supplient l’Assemblée de considérer que cette principauté est enclavée dans une province étrangère, agitée par des dissensions intestines, et de leur procurer, par un secours d’armes, les moyens de se défendre contre les ennemis de la liberté publique; Des officiers, sous-officiers et soldais du corps des carabiniers, en garnison à Lunéville, qui expriment avec énergie les sentiments de la vive reconnaissance qu’a excités en eux le décret de l’Assemblée, par lequel elle conserve à ce corps, son nom, son arme et sa haute paye. « C’est, di-« sent-ils, en opposant une barrière à l’insubor-« dination, en offrant l’exemple de la plus stricte « discipline, en menaçant de tout notre courage « les perturbateurs du repos public et les enne-« mis de la patrie, que nous nous montrerons <' digues d’un bienfait aussi signalé. » Des curés, vicaires et du seul habitué de l’église de Saint-Gai mier en Forez, qui adhérent avec une admiration respectueuse à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux du 2 novembre et 13 avril derniers. Ils s’engagent avec serment d’employer toute l’influence de leur ministère à faire chérir de plus en plus au peuple la nouvelle Constitution ; De la compagnie des arquebusiers de la ville de Dôle, département du Jura, qui envoie le procès-verbal de la déposition de son étendard dans l’église paroissiale de cette ville. Elle supplie l’Assemblée d’agréer l'hommage d’un acte, qui est la dernière preuve de sa parfaite soumission à ses uécrets; Des membres de l’administration du département de l’Aude, qui, dès l’instant de leur réunion, présentent à l’Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement; Des municipalités et gardes nationales des communautés de Mulcey et Ghamaret-le-Maigre, qui envoient le procès-verbal de la fête civique que tous les citoyens ont célébrée le quatorze juillet, dans laquelle ils ont prononcé le serment fédératif du-Champ-de-Mars ; Adresse des négociants français établis en Syrie, qui offrent à la nation un don patriotique d’un lingot d’or, pesant sept onces un denier, quarante-cinq lingots d’argent , pesant trente-cinq marcs sept onces, et 651 écus de la reine de Hongrie. Ils réclament que l’Assemblée veuille bien s’occuper de l’amélioration de leur-sort et (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.