Séance du 22 Prairial An II (Mardi 10 Juin 1794) Présidence de ROBESPIERRE W La séance a été ouverte à onze heures. 1 La société populaire de la commune de Sommières (2) félicite la Convention nationale sur le décret qui proclame l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, et l’invite à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (3). [Sommières, s.d.] (4) . « Représentans, Une société régénérée qui n’est composée que de Sans-culottes tous à la hauteur de la révolution, ne sait pas faire des phrases; elle dit la vérité sans art, et ce que ses membres pensent. La malveillance avoit osé vous calomnier; le décret que vous avés rendu, par lequel vous déclarés au nom du peuple françois qu’il re-connoit l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, vient de la confondre; la Société, Citoyens représentans, s’empresse d’y adhérer, vous en félicite, et vous en remercie; auriés-vous fait de si belles choses si vous n’étiés pas le centre de toutes les vertus; et s’y bien loin de méconnoître l’Etre Suprême, vous n’eussiés été toujours inspirés par lui; continués, représentans, vos immenses travaux et restés au poste où la confiance du peuple vous a placés jusques à l’annéantissement de tous les tyrans; c’est le vœu de tous les membres de la Société, et cellui de tous les Sans-culottes de la République ». M. Baret (présid.), Mejau (secret.) ...illisible (secret.), L. Bonnatjre (secret.). 2 Le citoyen Jean Jean, greffier du tribunal criminel du département de l’Hérault, fait hommage à la Convention nationale d’un dis-(1) J. Paris, n° 527. (2) Gard. (3) P.V., XXXIX, 146. Bin, 26 prair. (2e suppl'). (4) C 306, pl. 1163, p. 1. cours qu’il a prononcé à Montpellier pour honorer la mémoire de Fabre, représentant du peuple, tué par les Espagnols dans le département des Pyrénées-Orientales, où ils combattent les ennemis de la liberté. Mention honorable, insertion par extrait au bulletin, et renvoi au comité d’instruction publique (1). [ Eloge funèbre du repr. Fabre]. [Prononcé dans le Temple de l’Etre-Suprême, par l’orateur de la Sté popul ., le 30 flor. II] (2). Fertile en éloges aussi pompeux que vains, jadis avilie, l’éloquence rendit les honneurs les plus serviles à la tyrannie, à l’orgueil, et au crime. Sur les débris du trône, de l’erreur et de la corruption, vous revivez, ô mœurs de Sparte ! Aujourd’hui libre, fière, majestueuse et simple : l’éloquence est la vérité, et la vérité est tributaire de la vertu. Il naquit, il vécut au milieu de nous, il fut notre ami, FABRE, le législateur, le héros dont nous venons honorer les vertus et célébrer la mémoire. Citoyens, exciter votre sensibilité, répandre quelques fleurs sur son urne cinéraire et l’arroser de stériles larmes, ce n’est point là notre but; un plus grand objet nous occupe. La vie des grands hommes est l’école des nations. Non seulement elle offre aux contemporains de grands principes à méditer, de précieux exemples à suivre, non-seulement elle est l’aliment du courage et de l’énergie, mais, franchissant l’intervalle des temps, sur les ailes de l’histoire elle porte à la postérité la plus reculée, et le flambeau de l’instruction, et le feu sacré du patriotisme. Héros de la Grèce et de Rome, fondateurs des antiques Républiques, c’est vous qui nous avez appris à détester les tyrans; c’est vous à qui nous devons l’heureuse régénération qui s’est opérée dans notre Patrie. Vos actions généreuses, gravées par le burin (1) P.V., XXXIX, 146. Bin, 25 prair. (1er suppl‘). J. Sablier, n° 1370; Mess, soir, n° 661; J. Fr., n° 624. (2) C 306, pl. 1163, p. 2. Imprimé chez Bonnario et Avignon, (Imprimerie révol.) à Montpellier. Séance du 22 Prairial An II (Mardi 10 Juin 1794) Présidence de ROBESPIERRE W La séance a été ouverte à onze heures. 1 La société populaire de la commune de Sommières (2) félicite la Convention nationale sur le décret qui proclame l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, et l’invite à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (3). [Sommières, s.d.] (4) . « Représentans, Une société régénérée qui n’est composée que de Sans-culottes tous à la hauteur de la révolution, ne sait pas faire des phrases; elle dit la vérité sans art, et ce que ses membres pensent. La malveillance avoit osé vous calomnier; le décret que vous avés rendu, par lequel vous déclarés au nom du peuple françois qu’il re-connoit l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, vient de la confondre; la Société, Citoyens représentans, s’empresse d’y adhérer, vous en félicite, et vous en remercie; auriés-vous fait de si belles choses si vous n’étiés pas le centre de toutes les vertus; et s’y bien loin de méconnoître l’Etre Suprême, vous n’eussiés été toujours inspirés par lui; continués, représentans, vos immenses travaux et restés au poste où la confiance du peuple vous a placés jusques à l’annéantissement de tous les tyrans; c’est le vœu de tous les membres de la Société, et cellui de tous les Sans-culottes de la République ». M. Baret (présid.), Mejau (secret.) ...illisible (secret.), L. Bonnatjre (secret.). 2 Le citoyen Jean Jean, greffier du tribunal criminel du département de l’Hérault, fait hommage à la Convention nationale d’un dis-(1) J. Paris, n° 527. (2) Gard. (3) P.V., XXXIX, 146. Bin, 26 prair. (2e suppl'). (4) C 306, pl. 1163, p. 1. cours qu’il a prononcé à Montpellier pour honorer la mémoire de Fabre, représentant du peuple, tué par les Espagnols dans le département des Pyrénées-Orientales, où ils combattent les ennemis de la liberté. Mention honorable, insertion par extrait au bulletin, et renvoi au comité d’instruction publique (1). [ Eloge funèbre du repr. Fabre]. [Prononcé dans le Temple de l’Etre-Suprême, par l’orateur de la Sté popul ., le 30 flor. II] (2). Fertile en éloges aussi pompeux que vains, jadis avilie, l’éloquence rendit les honneurs les plus serviles à la tyrannie, à l’orgueil, et au crime. Sur les débris du trône, de l’erreur et de la corruption, vous revivez, ô mœurs de Sparte ! Aujourd’hui libre, fière, majestueuse et simple : l’éloquence est la vérité, et la vérité est tributaire de la vertu. Il naquit, il vécut au milieu de nous, il fut notre ami, FABRE, le législateur, le héros dont nous venons honorer les vertus et célébrer la mémoire. Citoyens, exciter votre sensibilité, répandre quelques fleurs sur son urne cinéraire et l’arroser de stériles larmes, ce n’est point là notre but; un plus grand objet nous occupe. La vie des grands hommes est l’école des nations. Non seulement elle offre aux contemporains de grands principes à méditer, de précieux exemples à suivre, non-seulement elle est l’aliment du courage et de l’énergie, mais, franchissant l’intervalle des temps, sur les ailes de l’histoire elle porte à la postérité la plus reculée, et le flambeau de l’instruction, et le feu sacré du patriotisme. Héros de la Grèce et de Rome, fondateurs des antiques Républiques, c’est vous qui nous avez appris à détester les tyrans; c’est vous à qui nous devons l’heureuse régénération qui s’est opérée dans notre Patrie. Vos actions généreuses, gravées par le burin (1) P.V., XXXIX, 146. Bin, 25 prair. (1er suppl‘). J. Sablier, n° 1370; Mess, soir, n° 661; J. Fr., n° 624. (2) C 306, pl. 1163, p. 2. Imprimé chez Bonnario et Avignon, (Imprimerie révol.) à Montpellier. 452 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de l’immortalité dans les annales du monde, ont enflammé nos cœurs; elles ont fait naître cet enthousiasme héroïque, capable des plus grandes choses; elles ont donné à l’esprit républicain, cet élan sublime qui, tout-à-coup élevant la Nation Française, à la hauteur de la raison, lui assure les destinées les plus brillantes. Si un usurpateur, si un tyran, si César sentit son cœur ému, si son âme fut atteinte de l’ambition de la gloire, lorsqu’il vit la statue d’Alexandre, quel homme libre, quel républicain pourroit n’être pas convaincu que l’amour de la Patrie est le plus sacré des devoirs ? Bru tus condamne ses enfans criminels; Scè-vole brûle la main qui l’a trahi; Decius se précipité dans l’abîme; Léonidas succombe avec trois cens Spartiates à la défense des Thermo - pyles. Ainsi nos neveux seront saisis d’admiration en lisant dans les fastes de la République Française, les actions éclatantes de nos héros. Ainsi les connoissances des siècles écoulés, les fautes des peuples, les vices des médians, la chûte des hommes superbes, la punition des scélérats traînés à l’échafaud par la justice nationale, sur-tout les vertus des bons citoyens servent à l’épuration de la morale, qui tend sans cesse à la perfection du système social et à l’établissement du bonheur commun. Suivons FABRE notre ami, notre concitoyen dans sa vie privée; Suivons le législateur, le héros dans sa carrière politique et révolutionnaire; dans l’un et dans l’autre examen, patriotes, vous jugerez FABRE; il sera digne de vous servir de modèle. Nous passerons rapidement sur les premières années de sa vie; FABRE reçut dans les collèges une éducation commune à tous; il fut très appliqué à l’étude, on conçut de lui les plus hautes espérances; les plus brillans succès couronnèrent ses premières veilles. Destiné à remplir les fonctions de la magistrature, il s’adonna à l’étude des lois. A cette époque, son caractère se développe, tandis que, cédant à la fougue des passions, orgueilleux de vains privilèges, hautains, riches en prétentions, les jeunes gens trou-voient, dans les plaisirs, des jouissances factices, souvent empoisonnées, toujours suivies de la douleur et du remords; retiré à la campagne dans une commune voisine, FABRE jouissait des vrais biens de la nature. Mêlé avec les bons et paisibles agricoles, il partageoit leurs travaux et leurs jeux, il sa plaisoit au milieu d’eux, il les instruisoit, il les aidoit de ses conseils, de ses services, et par sa constante bienveillance, se concilioit leur amitié et leur estime. L’amitié et l’estime des hommes simples et purs qui cultivent le premier, le plus utile des arts, l’agriculture, honorent sans-doute le citoyen qui sut les mériter dans un temps où méprisés, avilis, ils gémissoient sous le poids des fers de la féodalité et de la théocratie. Faut-il que je rappelle l’existence d’une compagnie, dont les pouvoirs n’étant qu’une émanation du despotisme, sa souveraineté n’etoit aussi qu’une véritable usurpation, puisque la souveraineté doit essentiellement résider dans le peuple ? d’une compagnie, qui achetoit le droit de vendre la justice, et dont la presque totalité des membres étoit corrompue par tout ce que les passions ont de plus vil et de plus abject. D’une compagnie, qui ne songeant qu’à ses intérêts particuliers, ne s’occupant que de ses propres vues d’ambition, au lieu de peser les grands intérêts du peuple dans la balance de Thémis, tendoit sans cesse à le vexer, à le fouler par les actes les plus iniques et les plus arbitraires, et osoit même insulter à sa majesté jusques dans cette enceinte ? Faut-il que je vous rappelle que Fabre appar-tenoit à cette compagnie ? Oui, Citoyens, Fabre et quelques hommes rares s’y distinguèrent par leur attachement invincible à la cause populaire, par leur constant amour du travail, par la protection singulière qu’ils accordèrent au foible, à l’opprimé, et par la lutte vigoureuse qu’ils eurent à soutenir contre les amis de la tyrannie. Au moment où le peuple las d’un joug odieux qui pesoit sur sa tête depuis une longue suite de siècles, au moment où l’aurore de la liberté commençoit à briller, dès cette première crise, où le tyran et ses agens sulbalternes s’effor-çoient d’étouffer la Révolution dans son berceau, Fabre déploya, autant de talens que d’énergie, pour la défendre; Fabre s’opposa aux mesures liberticides de la cour, Fabre fit insérer sa protestation dans le procès-verbal; il vota avec véhémence pour l’assemblée des états-généraux. Tel Demosthène tonnoit à la tribune d’Athènes contre les vices de ses concitoyens, et les projets ambitieux de Philippe. Instruit à l’école des philosophes, nourri de la lecture de leurs ouvrages, plein des principes éternels et immuables de la vérité, Fabre fut le zélateur et le disciple de l’écrivain célèbre, qui traça les lois de la Société, qui connut le premier les droits des nations, qui nous apprit que la vertu est le fondement inébranlable des républiques, qui conçut pour son Emile un plan d’éducation digne de l’homme, qui fit aux mères un devoir sacré d’allaiter leurs enfans, qui brisa leurs liens, de l’auteur d’Héloïse, du citoyen de Genève, dont une bouche plus éloquente que la mienne, vient de venger la mémoire outragée, et à qui une nation libre, juste et généreuse, a accordé les honneurs immortels du Panthéon. Vertus consacrées par la constitution républicaine des Français, ardent amour de la patrie, respect pour la vieillesse, tendresse paternelle, piété filiale, justice, humanité, probité, bienfaisance, vous fûtes l’apanage de Fabre ! Amitié, don du ciel, tu enflammas son ame sensible ! Qui mieux que Fabre sut pratiquer les devoirs sacrés que tu imposes ! O Fabre, ô notre ami ! ombre vertueuse, du sein de l’immortalité, fixe les yeux sur nous, daigne accepter l’hommage sincère et pur de notre reconnoissance. Avec tant et de si grandes vertus, Fabre devoit un jour servir plus particulièrement sa patrie. Fabre devoit être un jour un des fondateurs de la République Française. Fabre devoit mériter un jour les mêmes honneurs qui ont été décernés à son maître, à Jean-Jacques. Rousseau, tes principes ne seront plus méconnus ! Le 14 juillet luit, la révolution commence; sur les ruines de la Bastille, le peuple français proclame la déclaration des droits de l’humanité. 452 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de l’immortalité dans les annales du monde, ont enflammé nos cœurs; elles ont fait naître cet enthousiasme héroïque, capable des plus grandes choses; elles ont donné à l’esprit républicain, cet élan sublime qui, tout-à-coup élevant la Nation Française, à la hauteur de la raison, lui assure les destinées les plus brillantes. Si un usurpateur, si un tyran, si César sentit son cœur ému, si son âme fut atteinte de l’ambition de la gloire, lorsqu’il vit la statue d’Alexandre, quel homme libre, quel républicain pourroit n’être pas convaincu que l’amour de la Patrie est le plus sacré des devoirs ? Bru tus condamne ses enfans criminels; Scè-vole brûle la main qui l’a trahi; Decius se précipité dans l’abîme; Léonidas succombe avec trois cens Spartiates à la défense des Thermo - pyles. Ainsi nos neveux seront saisis d’admiration en lisant dans les fastes de la République Française, les actions éclatantes de nos héros. Ainsi les connoissances des siècles écoulés, les fautes des peuples, les vices des médians, la chûte des hommes superbes, la punition des scélérats traînés à l’échafaud par la justice nationale, sur-tout les vertus des bons citoyens servent à l’épuration de la morale, qui tend sans cesse à la perfection du système social et à l’établissement du bonheur commun. Suivons FABRE notre ami, notre concitoyen dans sa vie privée; Suivons le législateur, le héros dans sa carrière politique et révolutionnaire; dans l’un et dans l’autre examen, patriotes, vous jugerez FABRE; il sera digne de vous servir de modèle. Nous passerons rapidement sur les premières années de sa vie; FABRE reçut dans les collèges une éducation commune à tous; il fut très appliqué à l’étude, on conçut de lui les plus hautes espérances; les plus brillans succès couronnèrent ses premières veilles. Destiné à remplir les fonctions de la magistrature, il s’adonna à l’étude des lois. A cette époque, son caractère se développe, tandis que, cédant à la fougue des passions, orgueilleux de vains privilèges, hautains, riches en prétentions, les jeunes gens trou-voient, dans les plaisirs, des jouissances factices, souvent empoisonnées, toujours suivies de la douleur et du remords; retiré à la campagne dans une commune voisine, FABRE jouissait des vrais biens de la nature. Mêlé avec les bons et paisibles agricoles, il partageoit leurs travaux et leurs jeux, il sa plaisoit au milieu d’eux, il les instruisoit, il les aidoit de ses conseils, de ses services, et par sa constante bienveillance, se concilioit leur amitié et leur estime. L’amitié et l’estime des hommes simples et purs qui cultivent le premier, le plus utile des arts, l’agriculture, honorent sans-doute le citoyen qui sut les mériter dans un temps où méprisés, avilis, ils gémissoient sous le poids des fers de la féodalité et de la théocratie. Faut-il que je rappelle l’existence d’une compagnie, dont les pouvoirs n’étant qu’une émanation du despotisme, sa souveraineté n’etoit aussi qu’une véritable usurpation, puisque la souveraineté doit essentiellement résider dans le peuple ? d’une compagnie, qui achetoit le droit de vendre la justice, et dont la presque totalité des membres étoit corrompue par tout ce que les passions ont de plus vil et de plus abject. D’une compagnie, qui ne songeant qu’à ses intérêts particuliers, ne s’occupant que de ses propres vues d’ambition, au lieu de peser les grands intérêts du peuple dans la balance de Thémis, tendoit sans cesse à le vexer, à le fouler par les actes les plus iniques et les plus arbitraires, et osoit même insulter à sa majesté jusques dans cette enceinte ? Faut-il que je vous rappelle que Fabre appar-tenoit à cette compagnie ? Oui, Citoyens, Fabre et quelques hommes rares s’y distinguèrent par leur attachement invincible à la cause populaire, par leur constant amour du travail, par la protection singulière qu’ils accordèrent au foible, à l’opprimé, et par la lutte vigoureuse qu’ils eurent à soutenir contre les amis de la tyrannie. Au moment où le peuple las d’un joug odieux qui pesoit sur sa tête depuis une longue suite de siècles, au moment où l’aurore de la liberté commençoit à briller, dès cette première crise, où le tyran et ses agens sulbalternes s’effor-çoient d’étouffer la Révolution dans son berceau, Fabre déploya, autant de talens que d’énergie, pour la défendre; Fabre s’opposa aux mesures liberticides de la cour, Fabre fit insérer sa protestation dans le procès-verbal; il vota avec véhémence pour l’assemblée des états-généraux. Tel Demosthène tonnoit à la tribune d’Athènes contre les vices de ses concitoyens, et les projets ambitieux de Philippe. Instruit à l’école des philosophes, nourri de la lecture de leurs ouvrages, plein des principes éternels et immuables de la vérité, Fabre fut le zélateur et le disciple de l’écrivain célèbre, qui traça les lois de la Société, qui connut le premier les droits des nations, qui nous apprit que la vertu est le fondement inébranlable des républiques, qui conçut pour son Emile un plan d’éducation digne de l’homme, qui fit aux mères un devoir sacré d’allaiter leurs enfans, qui brisa leurs liens, de l’auteur d’Héloïse, du citoyen de Genève, dont une bouche plus éloquente que la mienne, vient de venger la mémoire outragée, et à qui une nation libre, juste et généreuse, a accordé les honneurs immortels du Panthéon. Vertus consacrées par la constitution républicaine des Français, ardent amour de la patrie, respect pour la vieillesse, tendresse paternelle, piété filiale, justice, humanité, probité, bienfaisance, vous fûtes l’apanage de Fabre ! Amitié, don du ciel, tu enflammas son ame sensible ! Qui mieux que Fabre sut pratiquer les devoirs sacrés que tu imposes ! O Fabre, ô notre ami ! ombre vertueuse, du sein de l’immortalité, fixe les yeux sur nous, daigne accepter l’hommage sincère et pur de notre reconnoissance. Avec tant et de si grandes vertus, Fabre devoit un jour servir plus particulièrement sa patrie. Fabre devoit être un jour un des fondateurs de la République Française. Fabre devoit mériter un jour les mêmes honneurs qui ont été décernés à son maître, à Jean-Jacques. Rousseau, tes principes ne seront plus méconnus ! Le 14 juillet luit, la révolution commence; sur les ruines de la Bastille, le peuple français proclame la déclaration des droits de l’humanité. SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 2 453 Un changement subit s’opère; au saint nom de Patrie, tous se rallient, tous brûlent de la servir; l’explosion des sentimens de liberté innés dans tous les cœurs, mais, depuis longtemps comprimés par la tyrannie, est aussi rapide que l’éclair, aussi terrible que la foudre qui écrase les orgueilleux titans; le peuple souverain choisit ses magistrats, votre confiance plaça Fabre; il est président du bureau de conciliation. La justice de paix vint adoucir les maux que les anciens abus avoient causé à la société. L’art des gens de palais, la fécondité de leurs ressources, leur habileté à faire naître de nouveaux incidens et de nouvelles entraves, avoient rendu les procès interminables. La ruine planoit sur toutes les familles; ces vampires insatiables dévoroient une partie de la substance du peuple. Cette institution sublime mit un frein à leur avidité, et versa un baume salutaire sur les plaies douloureuses et profondes que le monstre rongeur et hideux de la chicane avoit faites à ceux qui étoient devenus sa proie. Le cœur de Fabre étoit oppressé, il ne pouvoit soutenir, sans éprouver les sensations les plus fortes, l’aspect de l’infortune; il savoit honorer le malheur; il se livra avec zèle à des fonctions utiles; dans ce poste, il rendit les plus grands services à la chose publique. Il prenoit avec chaleur les intérêts des citoyens, il savoit se concilier la confiance; comme la bonté étoit l’essence de sa belle ame, la douce persuasion couloit de ses lèvres; les poètes nous ont peint le dieu des mers appaisant d’un seul coup de trident les flots irrités et enchaînant la fureur d’Eole; l’homme de génie fait manier avec la même facilité les passions humaines. A sa voix, ce trop puissant mobile des actions des mortels, l’intérêt se tait, la vengeance éteint ses torches, la haine brise ses traits; aussi vit-on les hommes les plus irréconciliables, les ennemis les plus acharnés, se livrer entièrement à Fabre, respecter ses décisions, faire des sacrifices réciproques, s’embrasser mutuellement, bénir et le conciliateur et la bienfaisance de la loi. Ainsi s’établit l’empire de la fraternité. Fabre fut nommé administrateur du district par l’assemblée électorale de 1791; bientôt il fut choisi par ses collègues pour présider cette administration. Citoyens, la reconnoissance a déjà gravé dans nos cœurs les services que Fabre et ses collègues rendirent à la patrie, pendant le cours de leur session administrative; tous les crimes s’étoient ligués contre la liberté naissante, il falut toute l’énergie de la vertu pour les écraser. L’aristocratie levoit sa tête hideuse; le fanatisme, à l’ombre de l’autel, aiguisoit ses poignards; l’horison politique étoit obscurci, l’orage gron-doit sur la tête des patriotes, l’éclair avoit annoncé la foudre... la tempête fut terrible; mais, d’une main ferme et vigoureuse, les pilotes saisirent le gouvernail, et à travers les écueils amenèrent le vaisseau dans le port. Ici la malveillance des anciens privilégiés avoit fomenté une insurrection à cause des subsistances; le peuple entraîné par des suggestions perfides, a pu quelquefois s’égarer un instant : essentiellement bon, il n’avoit pas appris encore à se méfier des méchans... comme un torrent il se précipite vers la maison commune; il semble irrité, furieux... Fabre s’avance, il parle, on l’écoute, le calme renaît... le peuple détrompé, fait retentir les airs de ces cris mille fois répétés, çà ira, vive la liberté. Là, il renferme un traître dans le cercle de Popilius, il dévoile les complots du perfide Dumuy, qui avoit projeté de renouveler à Avignon une scène terrible, et d’y faire couler, comme à Nancy, le sang des patriotes. Ici, avec plusieurs de ses dignes collègues, il exerce un apostolat civique, il appaise des mouvemens dangeureux dont les suites au-roient pu devenir funestes; il éclaire sur leurs intérêts les citoyens des campagnes, dont l’ignorance et la crédulité pouvoient prêter des armes à la superstition; dans chaque commune, sur la place publique, il prêche l’amour de la patrie, il prêche... tout est converti; le curé même (si toutefois le cœur d’un prêtre est susceptible d’une sincère conversion). Dans le sein de la Société populaire, qu’il présidoit alors, il parle, avec autant de fermeté que de fraternité, à une partie des citoyens de cette commune qui avoient été égarés, il les rappelle à leurs devoirs. Parlerai-je de ses veilles continuelles, de ses travaux assidus dans le sein de l’administration? S’agit-il de renouveler la municipalité ? l’aristocratie tend un piège aux patriotes; elle ose joindre aux insultes, aux menaces, les voies de fait les plus atroces : Fabre fait suspendre ces assemblées liberticides; il donne aux bons citoyens le temps de se ralier; il sauve la commune des malheurs, dont la suite est incalculable. Faut-il, au mois de juin 1792, préparer la chûte du trône, il assiste régulièrement aux séances de la Société, qui fut la première à députer dans tout le midi, pour donner l’éveil aux sociétés affiliées et aux citoyens. Cette mesure ralie l’élite des patriotes; des phalanges, déjà républicaines volent à Paris, et bientôt la journée immortelle du 10 août venge le peuple des longs attentats de la royauté. Citoyens, le temps, qui fuit rapidement, ne me permet pas de retracer ici tous les faits qui lui ont si justement concilié vos suffrages; l’histoire aura soin de les recueillir et de les transmettre à la postérité. Fabre mérite la confiance de ses concitoyens; il est député à la Convention Nationale; il est investi du titre auguste de Représentant du Peuple. Il s’arrache des bras d’un père et d’une mère avancés dans l’âge, d’une épouse vertueuse et chérie, de deux jeunes enfans dont l’éducation lui étoit précieuse, et qu’il soignoit lui-même. Il abandonne tout, et ces derniers adieux furent : je me dois à ma patrie. Les principes sont épurés, l’esprit public prend de nouvelles forces. Vainqueur du tyran qui avoit provoqué le combat, le peuple souverain renverse l’édifice monstrueux de la constitution monarchique; la royauté est abolie, la République naît, les vœux de Fabre sont accomplis; la liberté s’avance à pas de géant, et à mesure que les destinées du peuple Français s’affermissent, l’Europe s’étonne, les trônes s’ébranlent, les rois épouvantés frémissent, l’âme de Fabre prend un nouvel essor; elle s’indigne de l’injuste accusation du scélérat Louvet contre Robespierre SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 2 453 Un changement subit s’opère; au saint nom de Patrie, tous se rallient, tous brûlent de la servir; l’explosion des sentimens de liberté innés dans tous les cœurs, mais, depuis longtemps comprimés par la tyrannie, est aussi rapide que l’éclair, aussi terrible que la foudre qui écrase les orgueilleux titans; le peuple souverain choisit ses magistrats, votre confiance plaça Fabre; il est président du bureau de conciliation. La justice de paix vint adoucir les maux que les anciens abus avoient causé à la société. L’art des gens de palais, la fécondité de leurs ressources, leur habileté à faire naître de nouveaux incidens et de nouvelles entraves, avoient rendu les procès interminables. La ruine planoit sur toutes les familles; ces vampires insatiables dévoroient une partie de la substance du peuple. Cette institution sublime mit un frein à leur avidité, et versa un baume salutaire sur les plaies douloureuses et profondes que le monstre rongeur et hideux de la chicane avoit faites à ceux qui étoient devenus sa proie. Le cœur de Fabre étoit oppressé, il ne pouvoit soutenir, sans éprouver les sensations les plus fortes, l’aspect de l’infortune; il savoit honorer le malheur; il se livra avec zèle à des fonctions utiles; dans ce poste, il rendit les plus grands services à la chose publique. Il prenoit avec chaleur les intérêts des citoyens, il savoit se concilier la confiance; comme la bonté étoit l’essence de sa belle ame, la douce persuasion couloit de ses lèvres; les poètes nous ont peint le dieu des mers appaisant d’un seul coup de trident les flots irrités et enchaînant la fureur d’Eole; l’homme de génie fait manier avec la même facilité les passions humaines. A sa voix, ce trop puissant mobile des actions des mortels, l’intérêt se tait, la vengeance éteint ses torches, la haine brise ses traits; aussi vit-on les hommes les plus irréconciliables, les ennemis les plus acharnés, se livrer entièrement à Fabre, respecter ses décisions, faire des sacrifices réciproques, s’embrasser mutuellement, bénir et le conciliateur et la bienfaisance de la loi. Ainsi s’établit l’empire de la fraternité. Fabre fut nommé administrateur du district par l’assemblée électorale de 1791; bientôt il fut choisi par ses collègues pour présider cette administration. Citoyens, la reconnoissance a déjà gravé dans nos cœurs les services que Fabre et ses collègues rendirent à la patrie, pendant le cours de leur session administrative; tous les crimes s’étoient ligués contre la liberté naissante, il falut toute l’énergie de la vertu pour les écraser. L’aristocratie levoit sa tête hideuse; le fanatisme, à l’ombre de l’autel, aiguisoit ses poignards; l’horison politique étoit obscurci, l’orage gron-doit sur la tête des patriotes, l’éclair avoit annoncé la foudre... la tempête fut terrible; mais, d’une main ferme et vigoureuse, les pilotes saisirent le gouvernail, et à travers les écueils amenèrent le vaisseau dans le port. Ici la malveillance des anciens privilégiés avoit fomenté une insurrection à cause des subsistances; le peuple entraîné par des suggestions perfides, a pu quelquefois s’égarer un instant : essentiellement bon, il n’avoit pas appris encore à se méfier des méchans... comme un torrent il se précipite vers la maison commune; il semble irrité, furieux... Fabre s’avance, il parle, on l’écoute, le calme renaît... le peuple détrompé, fait retentir les airs de ces cris mille fois répétés, çà ira, vive la liberté. Là, il renferme un traître dans le cercle de Popilius, il dévoile les complots du perfide Dumuy, qui avoit projeté de renouveler à Avignon une scène terrible, et d’y faire couler, comme à Nancy, le sang des patriotes. Ici, avec plusieurs de ses dignes collègues, il exerce un apostolat civique, il appaise des mouvemens dangeureux dont les suites au-roient pu devenir funestes; il éclaire sur leurs intérêts les citoyens des campagnes, dont l’ignorance et la crédulité pouvoient prêter des armes à la superstition; dans chaque commune, sur la place publique, il prêche l’amour de la patrie, il prêche... tout est converti; le curé même (si toutefois le cœur d’un prêtre est susceptible d’une sincère conversion). Dans le sein de la Société populaire, qu’il présidoit alors, il parle, avec autant de fermeté que de fraternité, à une partie des citoyens de cette commune qui avoient été égarés, il les rappelle à leurs devoirs. Parlerai-je de ses veilles continuelles, de ses travaux assidus dans le sein de l’administration? S’agit-il de renouveler la municipalité ? l’aristocratie tend un piège aux patriotes; elle ose joindre aux insultes, aux menaces, les voies de fait les plus atroces : Fabre fait suspendre ces assemblées liberticides; il donne aux bons citoyens le temps de se ralier; il sauve la commune des malheurs, dont la suite est incalculable. Faut-il, au mois de juin 1792, préparer la chûte du trône, il assiste régulièrement aux séances de la Société, qui fut la première à députer dans tout le midi, pour donner l’éveil aux sociétés affiliées et aux citoyens. Cette mesure ralie l’élite des patriotes; des phalanges, déjà républicaines volent à Paris, et bientôt la journée immortelle du 10 août venge le peuple des longs attentats de la royauté. Citoyens, le temps, qui fuit rapidement, ne me permet pas de retracer ici tous les faits qui lui ont si justement concilié vos suffrages; l’histoire aura soin de les recueillir et de les transmettre à la postérité. Fabre mérite la confiance de ses concitoyens; il est député à la Convention Nationale; il est investi du titre auguste de Représentant du Peuple. Il s’arrache des bras d’un père et d’une mère avancés dans l’âge, d’une épouse vertueuse et chérie, de deux jeunes enfans dont l’éducation lui étoit précieuse, et qu’il soignoit lui-même. Il abandonne tout, et ces derniers adieux furent : je me dois à ma patrie. Les principes sont épurés, l’esprit public prend de nouvelles forces. Vainqueur du tyran qui avoit provoqué le combat, le peuple souverain renverse l’édifice monstrueux de la constitution monarchique; la royauté est abolie, la République naît, les vœux de Fabre sont accomplis; la liberté s’avance à pas de géant, et à mesure que les destinées du peuple Français s’affermissent, l’Europe s’étonne, les trônes s’ébranlent, les rois épouvantés frémissent, l’âme de Fabre prend un nouvel essor; elle s’indigne de l’injuste accusation du scélérat Louvet contre Robespierre 454 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Il me semble voir, me disoit-il, la calomnie accuser Scipion de peculat; Aristide, de domination; Phocion et Socrate, d’impiété. Il repousse le projet busotique et meurtrier sur la force départementale, par laquelle on tendoit à armer les citoyens contre les citoyens, la France contre la France. Il vote la mort de Capet... et nous vîmes avec délices la tête du tyran rouler sur l’échafaud. Exemple précieux, puisse l’Europe l’imiter ! puissent les nations briser leurs fers ! puissent-elles se délivrer à jamais du mal des rois ! périsse, périsse cette race impie et sanguinaire, qui a tant et si long-temps vexé, outragé et assassiné l’humanité ! La conduite de Fabre dans le sein de la Convention Nationale, lui mérita l’estime des plus zélés défenseurs de la patrie. Il fut l’ami de Lepelletier, de Beauvais, de Marat. Un jour l’ami du peuple lui dit : Fabre, tu es un de ceux en qui j’ai le plus de confiance. Comme il fut le compagnon de leurs pénibles travaux, son nom a dû être placé avec les noms chéris de ces glorieux martyrs de la liberté. Fabre travailla avec zèle au comité d’agriculture; il fut chargé du rapport sur le partage des biens communaux. Vous connoissez cette loi bienfaisante qui, basée sur les principes de l’égalité, rendit à la culture une immense partie du sol républicain, et qui mit entre les mains d’une foule de Prolétaires ou Sans-culottes, la charrue et le bonheur. Oui, citoyens, une vie obscure et laborieuse est honorable; les cabanes et les vertus sont les grandeurs du monde. Fabre le pensoit, Saint-Just l’a dit, j’aime à le répéter. Fabre avoit des idées heureuses sur le dessèchement des marais, il avoit un projet de travail sur cet objet important. A l’époque de la trahison de l’infâme Dumou-riez, dans ces jours où le peuple de Paris se montra si grand, la Convention Nationale chargea une partie de ses Membres de visiter les quarante-huit sections, afin d’accélérer le contingent de cette commune, relatif au recrutement des 300,000 hommes; dans la section qui lui fut assignée, où je l’accompagnai, Fabre électrisa les citoyens qui s’écrièrent avec enthousiasme : nous partirons tous; et le lendemain le contingent défila dans l’enceinte de la Convention. Fabre aimoit à se délasser de ses travaux dans le sein de la Société des Jacobins dont il étoit membre; il appeloit cette Société le foyer sacré du patriotisme. Fabre siégeoit à la Montagne. A ce poste, malgré l’impétuosité du choc des factions, Fabre fut inébranlable. Ainsi contre un rocher, se brisent les vagues impuissantes. La pureté de Fabre ne fut jamais altérée. L’ambition ne put pas même effleurer son âme. Ferme et franc, il marcha toujours vers le but. H défendit Marat contre ses calomniateurs. Comme il jouissoit le jour de son triomphe ! Dans ses conversations familières, ils s’entre-tenoit avec une certaine volupté de ses parens. L’éducation de mes enfans, disoit-il, est après la patrie ce qui m’intéresse le plus; un jour peut-être, je pourrai la soigner comme Rousseau soigna celle d’Emile. Il se complaisoit dans cette flatteuse espérance. Qu’il étoit content quand il voyoit arriver à Paris un patriote de sa Commune ! Comme il l’embrassoit fraternellement ! il n’eût jamais voulu s’en séparer. Il parloit aussi de vous, Citoyens, qui servez la Patrie. Il rappeloit avec plaisir les momens qu’il avoit passés dans le sein d’une administration, dont les membres unis comme des frères, travailloient de concert, avec un zèle infatigable, pour l’intérêt public. Il ne vous oublioit point, bons Citoyens de Baillargues-les-Colombiers, vous l’aimiez, vous étiez bien payé de retour, il vous portoit tous dans son cœur. Le vrai républicain a l’ame sensible, il est bon et aimant, il ne hait que les ennemis de la Patrie, et la compagnie de l’homme vertueux est utile et douce. Avant la fameuse époque du 31 Mai, dans ces momens difficiles et orageux, organe du Comité de salut public, Cambon notre concitoyen, son ami et son collègue, présente Fabre et Bonnet à la Convention nationale; ils sont nommés Représentans du Peuple près l’armée des Pyrénées orientales et dans les départemens limitrophes. Plein du désir de faire le bien, Fabre accepte cette mission honorable. Il part, et chaque jour est marqué par un service rendu à la chose publique. A Moulins, il donne le mouvement à une manufacture d’armes. A Clermont, il fait fabriquer une partie d’affûts et de canons. A Armeville, ci-devant St. Etienne, il prépare l’envoi d’une partie de fusils dont l’armée man-quoit; il s’occupe de son organisation et de ses besoins, avant même d’y être arrivé. Il se rend à Nismes. Citoyens, la calomnie l’avoit précédé à Nismes, à Montpellier, et dans les Départemens méridionaux. Les noirs crayons de la ligue aristocratico-fédéraliste, l’avoient dessiné comme un désor-ganisateur, un homme de sang, un nivelleur. Les méchans ! ils l’avoient peint d’après leur cœur, leurs propres vices, en un mot semblable, en tout, à eux-mêmes. O Fabre comme ils t’avoient défiguré ! Cependant le poignard des assassins menaçoit sa tête; à l’instant la révolte de Charrier éclate dans la Lozère. Fabre vole au lieu du péril le plus imminent, il rallie les troupes nécessaires, il pourvoit aux subsistances, il est infatigable; à la tête de quelques braves, il dissipe les nombreux attroupemens des factieux; il les poursuit jusque dans les bois, il les étonne autant par son intrépidité, que par sa mâle éloquence. La conjuration de Charrier fut étouffée dans son berceau par le zèle et l’activité de Fabre et de Chateauneufrandon, qui le remplaça dans le Département de la Lozère. La Commune de Mendes a déjà honoré la mémoire de Fabre. Il eût, sans doute, désiré de passer dans le département de l’Hérault, pour se rendre à l’armée des Pyrénées orientales; mais le fédéra-454 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Il me semble voir, me disoit-il, la calomnie accuser Scipion de peculat; Aristide, de domination; Phocion et Socrate, d’impiété. Il repousse le projet busotique et meurtrier sur la force départementale, par laquelle on tendoit à armer les citoyens contre les citoyens, la France contre la France. Il vote la mort de Capet... et nous vîmes avec délices la tête du tyran rouler sur l’échafaud. Exemple précieux, puisse l’Europe l’imiter ! puissent les nations briser leurs fers ! puissent-elles se délivrer à jamais du mal des rois ! périsse, périsse cette race impie et sanguinaire, qui a tant et si long-temps vexé, outragé et assassiné l’humanité ! La conduite de Fabre dans le sein de la Convention Nationale, lui mérita l’estime des plus zélés défenseurs de la patrie. Il fut l’ami de Lepelletier, de Beauvais, de Marat. Un jour l’ami du peuple lui dit : Fabre, tu es un de ceux en qui j’ai le plus de confiance. Comme il fut le compagnon de leurs pénibles travaux, son nom a dû être placé avec les noms chéris de ces glorieux martyrs de la liberté. Fabre travailla avec zèle au comité d’agriculture; il fut chargé du rapport sur le partage des biens communaux. Vous connoissez cette loi bienfaisante qui, basée sur les principes de l’égalité, rendit à la culture une immense partie du sol républicain, et qui mit entre les mains d’une foule de Prolétaires ou Sans-culottes, la charrue et le bonheur. Oui, citoyens, une vie obscure et laborieuse est honorable; les cabanes et les vertus sont les grandeurs du monde. Fabre le pensoit, Saint-Just l’a dit, j’aime à le répéter. Fabre avoit des idées heureuses sur le dessèchement des marais, il avoit un projet de travail sur cet objet important. A l’époque de la trahison de l’infâme Dumou-riez, dans ces jours où le peuple de Paris se montra si grand, la Convention Nationale chargea une partie de ses Membres de visiter les quarante-huit sections, afin d’accélérer le contingent de cette commune, relatif au recrutement des 300,000 hommes; dans la section qui lui fut assignée, où je l’accompagnai, Fabre électrisa les citoyens qui s’écrièrent avec enthousiasme : nous partirons tous; et le lendemain le contingent défila dans l’enceinte de la Convention. Fabre aimoit à se délasser de ses travaux dans le sein de la Société des Jacobins dont il étoit membre; il appeloit cette Société le foyer sacré du patriotisme. Fabre siégeoit à la Montagne. A ce poste, malgré l’impétuosité du choc des factions, Fabre fut inébranlable. Ainsi contre un rocher, se brisent les vagues impuissantes. La pureté de Fabre ne fut jamais altérée. L’ambition ne put pas même effleurer son âme. Ferme et franc, il marcha toujours vers le but. H défendit Marat contre ses calomniateurs. Comme il jouissoit le jour de son triomphe ! Dans ses conversations familières, ils s’entre-tenoit avec une certaine volupté de ses parens. L’éducation de mes enfans, disoit-il, est après la patrie ce qui m’intéresse le plus; un jour peut-être, je pourrai la soigner comme Rousseau soigna celle d’Emile. Il se complaisoit dans cette flatteuse espérance. Qu’il étoit content quand il voyoit arriver à Paris un patriote de sa Commune ! Comme il l’embrassoit fraternellement ! il n’eût jamais voulu s’en séparer. Il parloit aussi de vous, Citoyens, qui servez la Patrie. Il rappeloit avec plaisir les momens qu’il avoit passés dans le sein d’une administration, dont les membres unis comme des frères, travailloient de concert, avec un zèle infatigable, pour l’intérêt public. Il ne vous oublioit point, bons Citoyens de Baillargues-les-Colombiers, vous l’aimiez, vous étiez bien payé de retour, il vous portoit tous dans son cœur. Le vrai républicain a l’ame sensible, il est bon et aimant, il ne hait que les ennemis de la Patrie, et la compagnie de l’homme vertueux est utile et douce. Avant la fameuse époque du 31 Mai, dans ces momens difficiles et orageux, organe du Comité de salut public, Cambon notre concitoyen, son ami et son collègue, présente Fabre et Bonnet à la Convention nationale; ils sont nommés Représentans du Peuple près l’armée des Pyrénées orientales et dans les départemens limitrophes. Plein du désir de faire le bien, Fabre accepte cette mission honorable. Il part, et chaque jour est marqué par un service rendu à la chose publique. A Moulins, il donne le mouvement à une manufacture d’armes. A Clermont, il fait fabriquer une partie d’affûts et de canons. A Armeville, ci-devant St. Etienne, il prépare l’envoi d’une partie de fusils dont l’armée man-quoit; il s’occupe de son organisation et de ses besoins, avant même d’y être arrivé. Il se rend à Nismes. Citoyens, la calomnie l’avoit précédé à Nismes, à Montpellier, et dans les Départemens méridionaux. Les noirs crayons de la ligue aristocratico-fédéraliste, l’avoient dessiné comme un désor-ganisateur, un homme de sang, un nivelleur. Les méchans ! ils l’avoient peint d’après leur cœur, leurs propres vices, en un mot semblable, en tout, à eux-mêmes. O Fabre comme ils t’avoient défiguré ! Cependant le poignard des assassins menaçoit sa tête; à l’instant la révolte de Charrier éclate dans la Lozère. Fabre vole au lieu du péril le plus imminent, il rallie les troupes nécessaires, il pourvoit aux subsistances, il est infatigable; à la tête de quelques braves, il dissipe les nombreux attroupemens des factieux; il les poursuit jusque dans les bois, il les étonne autant par son intrépidité, que par sa mâle éloquence. La conjuration de Charrier fut étouffée dans son berceau par le zèle et l’activité de Fabre et de Chateauneufrandon, qui le remplaça dans le Département de la Lozère. La Commune de Mendes a déjà honoré la mémoire de Fabre. Il eût, sans doute, désiré de passer dans le département de l’Hérault, pour se rendre à l’armée des Pyrénées orientales; mais le fédéra- SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 2 455 lisme avoit éclaté, il s’agitoit dans tous les sens pour pervertir l’esprit public. H avoit secoué les brandons de la guerre civile. Toulon, Marseille, Lyon, avoient rompu les liens de l’unité et de l’indivisibilité de la République. Par-tout la hiérarchie des pouvoirs étoit méconnue, la Représentation nationale avilie, les vrais patriotes restés fidèles à la cause de la Liberté et de l’Egalité étoient insultés, poursuivis, incarcérés... Fabre fut forcé de se rendre à son poste, par des chemins détournés, à travers mille obstacles et mille périls. Qu’il en dût coûter à son ame sensible ! H ne fut par permis à Fabre de saluer cette terre qui l’a vu naître, ses Dieux penates, ni d’embrasser son père, sa mère, sa femme, ses enfans, ses amis. Tel est le sort réservé aux grands hommes, ils ne triomphent qu’après leur mort, et on ne sait les apprécier que quand on les a perdus. Si les calomniateurs de Fabre ne furent qu’égarés, qu’ils pleurent ! s’ils furent coupables, que les remords vengeurs déchirent leur ame ! Arrivé à Perpignan, Fabre met en usage tous les moyens administratifs qui pouvoient faire triompher les armes de la République. Mais supérieurs en nombre, les satellites du tyran espagnol s’étoient emparés des hauteurs de Peyrestortes, et menaçoient de cerner Perpignan. A ces mouvemens, l’état-major de l’armée républicaine évacue cette place; par une lâcheté insigne, il se replie sur Si jean. Une telle inconduite indigne le soldat; le Représentant du Peuple rappelle une partie de l’état-major à Salces, l’autre partie à Perpignan; il se dispose à défendre vigoureusement cette place, il fait publier une proclamation qui voue à l’infamie quiconque parlera de capituler. Il prend la ferme résolution de s’ensevelir sous ces ruines. Tel est le caractère de l’héroïsme; il s’indigne des obstacles, il franchit les difficultés, il brave les périls. Tel un fleuve majestueux, si on essaie d’arrêter ses flots rapides, renverse les digues qui s’opposent à son cours, et se roule au loin dans les campagnes. L’énergie de Fabre ranime le courage des soldats - républicains; bientôt, vainqueurs au Vernet, vainqueurs à Peyrestorte, ils mettent l’ennemi en déroute, ils s’emparent de son camp, de ses magasins, de ses munitions, de ses chapelles, et de son trésor. (1) La journée eût été décisive, c’en étoit fait de l’ennemi, si selon l’avis de Fabre on l’eût poursuivi avec autant d’ardeur qu’on l’avoit combattu; ce jour eût vu l’espagnol honteusement chassé au-delà des monts. Ici peut naturellement trouver place le reproche fait à un célèbre général : Tu sais vaincre, mais tu ne sait point profiter de la victoire. Dans cette affaire qui fut fatale au superbe Castillan, on vit Fabre, le sabre à la main, parcourir les rangs, encourager les guerriers, monter le premier à l’assaut des redoutes enne-(1) Goguet, dont la mémoire nous est justement précieuse, était du même avis. mies, et donner à tous l’exemple de l’intrépidité républicaine. Il semble que la victoire s’éloigne, lorsqu’on néglige de cueillir les lauriers qu’elle offre d’abord. L’affaire de Villelongue fut malheureuse. Citoyens, vous la connoissez, il seroit inutile de vous la retracer. Il suffit de vous dire qu’à la tête de 60 grenadiers, Fabre emporta de vive force une batterie que la supériorité du nombre lui fit ensuite abandonner. Le Représentant du Peuple étoit toujours au milieu des soldats, il les encourageoit et par son exemple et par ses discours. Il partageoit leurs peines et leurs périls, il mangeoit à la gamelle avec nos frères d’armes. Le génie de la liberté avoit inspiré les meilleures dispositions : il avoit tout préparé pour réparer l’échec de Villelongue; mais l’infame trahison étoit aux aguets, et ses effets furent atroces. N’attendez pas, citoyens, que je vous peigne les horreurs de cette sanglante journée; l’Espagnol conduit par la perfidie, envahissant Port-Vendre, Couilloure, nos troupes surprises, la terreur s’emparant du soldat, les foudres naguère républicaines du Fort Elme, tonnant sur les enfans de la République, portant la désolation et la mort dans les rangs; la déroute est complète, tous cherchent le salut dans la fuite. Tandis que le Représentant du Peuple rallie quelques bataillons qu’il électrise par son bouillant courage, les patriotes de Couilloure font une tentative; ils se présentent aux portes d’Elme, bien résolus de défendre ce poste ou d’y périr. L’entrée leur en est réfusée; on fait feu sur ces braves gens. Fabre apprend tant de malheurs, et son courage n’est point abattu : il déteste la perversité des traîtres, mais il ne survivra point à sa défaite. Brave jeune-homme ! tu ne le quittas qu’alors... il te fit un devoir de le quitter (1). Il se replie sur une hauteur près d’une batterie; d’une main il s’appuie sur un canon, il se défend de l’autre avec son sabre. Il vend chèrement sa vie; les dix premiers qui osent l’attaquer mordent la poussière; tout à coup des cavaliers ennemis fondent sur lui, il tombe percé de mille coups, victime de la trahison la plus inouie. Citoyens, vos cœurs se soulèvent au récit affreux de tant de perfidies; suspendez votre indignation. Le courage des Républicains a fixé la victoire; les mânes de Fabre sont vengées; l’Espagnol est vaincu; il fuit, et bientôt il ne souillera plus le sol républicain; bientôt l’emblème sacré de la liberté Française, l’étendard tricolore flottera dans les plaines d’Espagne. Citoyens, la Convention Nationale a accordé au Représentant les honneurs du Panthéon : Fabre vivra dans nos cœurs; que l’amitié soigne l’éducation de ses enfans, ou du moins, qu’elle la surveille. (1) Dans cette malheureuse journée, Auguste Fabre, son cousin, s’exposa mille fois à perdre la vie, il ne le quitta que pour porter à Perpignan les ordres les plus importants; il n’arriva qu’après avoir échappé aux plus grands dangers. SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 2 455 lisme avoit éclaté, il s’agitoit dans tous les sens pour pervertir l’esprit public. H avoit secoué les brandons de la guerre civile. Toulon, Marseille, Lyon, avoient rompu les liens de l’unité et de l’indivisibilité de la République. Par-tout la hiérarchie des pouvoirs étoit méconnue, la Représentation nationale avilie, les vrais patriotes restés fidèles à la cause de la Liberté et de l’Egalité étoient insultés, poursuivis, incarcérés... Fabre fut forcé de se rendre à son poste, par des chemins détournés, à travers mille obstacles et mille périls. Qu’il en dût coûter à son ame sensible ! H ne fut par permis à Fabre de saluer cette terre qui l’a vu naître, ses Dieux penates, ni d’embrasser son père, sa mère, sa femme, ses enfans, ses amis. Tel est le sort réservé aux grands hommes, ils ne triomphent qu’après leur mort, et on ne sait les apprécier que quand on les a perdus. Si les calomniateurs de Fabre ne furent qu’égarés, qu’ils pleurent ! s’ils furent coupables, que les remords vengeurs déchirent leur ame ! Arrivé à Perpignan, Fabre met en usage tous les moyens administratifs qui pouvoient faire triompher les armes de la République. Mais supérieurs en nombre, les satellites du tyran espagnol s’étoient emparés des hauteurs de Peyrestortes, et menaçoient de cerner Perpignan. A ces mouvemens, l’état-major de l’armée républicaine évacue cette place; par une lâcheté insigne, il se replie sur Si jean. Une telle inconduite indigne le soldat; le Représentant du Peuple rappelle une partie de l’état-major à Salces, l’autre partie à Perpignan; il se dispose à défendre vigoureusement cette place, il fait publier une proclamation qui voue à l’infamie quiconque parlera de capituler. Il prend la ferme résolution de s’ensevelir sous ces ruines. Tel est le caractère de l’héroïsme; il s’indigne des obstacles, il franchit les difficultés, il brave les périls. Tel un fleuve majestueux, si on essaie d’arrêter ses flots rapides, renverse les digues qui s’opposent à son cours, et se roule au loin dans les campagnes. L’énergie de Fabre ranime le courage des soldats - républicains; bientôt, vainqueurs au Vernet, vainqueurs à Peyrestorte, ils mettent l’ennemi en déroute, ils s’emparent de son camp, de ses magasins, de ses munitions, de ses chapelles, et de son trésor. (1) La journée eût été décisive, c’en étoit fait de l’ennemi, si selon l’avis de Fabre on l’eût poursuivi avec autant d’ardeur qu’on l’avoit combattu; ce jour eût vu l’espagnol honteusement chassé au-delà des monts. Ici peut naturellement trouver place le reproche fait à un célèbre général : Tu sais vaincre, mais tu ne sait point profiter de la victoire. Dans cette affaire qui fut fatale au superbe Castillan, on vit Fabre, le sabre à la main, parcourir les rangs, encourager les guerriers, monter le premier à l’assaut des redoutes enne-(1) Goguet, dont la mémoire nous est justement précieuse, était du même avis. mies, et donner à tous l’exemple de l’intrépidité républicaine. Il semble que la victoire s’éloigne, lorsqu’on néglige de cueillir les lauriers qu’elle offre d’abord. L’affaire de Villelongue fut malheureuse. Citoyens, vous la connoissez, il seroit inutile de vous la retracer. Il suffit de vous dire qu’à la tête de 60 grenadiers, Fabre emporta de vive force une batterie que la supériorité du nombre lui fit ensuite abandonner. Le Représentant du Peuple étoit toujours au milieu des soldats, il les encourageoit et par son exemple et par ses discours. Il partageoit leurs peines et leurs périls, il mangeoit à la gamelle avec nos frères d’armes. Le génie de la liberté avoit inspiré les meilleures dispositions : il avoit tout préparé pour réparer l’échec de Villelongue; mais l’infame trahison étoit aux aguets, et ses effets furent atroces. N’attendez pas, citoyens, que je vous peigne les horreurs de cette sanglante journée; l’Espagnol conduit par la perfidie, envahissant Port-Vendre, Couilloure, nos troupes surprises, la terreur s’emparant du soldat, les foudres naguère républicaines du Fort Elme, tonnant sur les enfans de la République, portant la désolation et la mort dans les rangs; la déroute est complète, tous cherchent le salut dans la fuite. Tandis que le Représentant du Peuple rallie quelques bataillons qu’il électrise par son bouillant courage, les patriotes de Couilloure font une tentative; ils se présentent aux portes d’Elme, bien résolus de défendre ce poste ou d’y périr. L’entrée leur en est réfusée; on fait feu sur ces braves gens. Fabre apprend tant de malheurs, et son courage n’est point abattu : il déteste la perversité des traîtres, mais il ne survivra point à sa défaite. Brave jeune-homme ! tu ne le quittas qu’alors... il te fit un devoir de le quitter (1). Il se replie sur une hauteur près d’une batterie; d’une main il s’appuie sur un canon, il se défend de l’autre avec son sabre. Il vend chèrement sa vie; les dix premiers qui osent l’attaquer mordent la poussière; tout à coup des cavaliers ennemis fondent sur lui, il tombe percé de mille coups, victime de la trahison la plus inouie. Citoyens, vos cœurs se soulèvent au récit affreux de tant de perfidies; suspendez votre indignation. Le courage des Républicains a fixé la victoire; les mânes de Fabre sont vengées; l’Espagnol est vaincu; il fuit, et bientôt il ne souillera plus le sol républicain; bientôt l’emblème sacré de la liberté Française, l’étendard tricolore flottera dans les plaines d’Espagne. Citoyens, la Convention Nationale a accordé au Représentant les honneurs du Panthéon : Fabre vivra dans nos cœurs; que l’amitié soigne l’éducation de ses enfans, ou du moins, qu’elle la surveille. (1) Dans cette malheureuse journée, Auguste Fabre, son cousin, s’exposa mille fois à perdre la vie, il ne le quitta que pour porter à Perpignan les ordres les plus importants; il n’arriva qu’après avoir échappé aux plus grands dangers. 456 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Et toi, jeune Fabre, marche sur les traces de ton vertueux père; deviens un jour digne de lui. Que les mains de la reconnoissance lui élèvent un monument avec cette inscription : Il vécut, il est mort pour la patrie. Gravons sur le marbre ses actions héroïques, et sur-tout imitons ses vertus. Comme Fabre, respectons la vieillesse, honorons le malheur, méritons le titre sacré de père, de fils et d’époux; soyons justes, sensibles probes et bienfaisans. Comme lui, soyons entièrement dévoués à la patrie; comme Fabre, redoutons les passions tumultueuses et les effets dangereux d’une exaltation exagérée : comme Fabre, ayons cette chaleur qui vivifie le patriotisme. Si la déclaration des droits de l’homme nous a valu la conquête de l’Egalité et de la Liberté, la pratique constante des devoirs du citoyen nous en assure la jouissance. Jeunes citoyennes, entourez l’urne sacrée de vos guirlandes de fleurs. Citoyens, déposez aux pieds de ses cendres ces branches de cyprès, symbole de la mort. Fabre vit au séjour de l’immortalité; sous les auspices de l’Etre-Suprême, entonnons des airs mélodieux, Fabre aussi aimoit les chants civiques. Ombre révérée, réjouis-toi; les tyrans sont vaincus, la République triomphe, la justice, la probité et la vertu, sont à l’ordre du jour; déjà les institutions sociales aplombent le gouvernement Républicain, et les fêtes décadaires viennent l’embellir. » 3 La société populaire de Puy-la-Montagne (1 ; , district du même nom, département d’Eure-et-Loir, félicite la Convention sur le décret par lequel elle proclame l’Etre-Suprême et l’immortalité de l’ame, et l’invite à rester à son poste, et à faire punir tous les traîtres. Mention honorable, insertion au bulletin (2). [ Puy-la-Montagne , s.d.] (3) . « Citoyens Représentais, Des monstres vouloient anéantir la République, et pour y parvenir, ils s’efforcoient de persuader au peuple que le crime et la vertu marchent à côté l’un de l’autre, que le sort des scélérats et celui de l’homme probe est le même. Sans doute cette abominable doctrine destructive des raports de l’homme avec la Divinité devoit enfanter tous les crimes. Mais citoyens représentans, vous avés reconnu au nom du peuple français l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, vous avés tué l’athéisme et les insensés qui le pro-fessoient ont péri sur l’échafaud. (1) Châteauneuf-en-Thimerais. (2) P.V., XXXIX, 146. B,n, 26 prair. (2* suppl»); J. Sablier, n° 1371. (3) C 306, pl. 1163, p. 3. Oui, il existe un Etre Suprême, tout ateste sa puissance. Oui, il existe un Etre Suprême qui veille au salut de l’Empire français; c’est lui qui a couvert de son égide nos fidels représentans que des mains patricides vouloient immoler. C’est lui qui a déjoué les projets de ces hommes pervers qui vouloient mettre la République en deuil. Continués, citoyens représentans, vos glorieux travaux; vos vertus tranquilisent l’homme juste, le vrai patriote; elles étonnent et désespèrent tous les scélérats; continués, il faut que la République triomphe ou que tous les Français s’ensevelissent sous les ruines de la liberté. » Crevens ( présid .), Leprince ( secrét .). 4 Jean Beaugray, ancien officier de santé et garde-magasin à la Martinique, écrit à la Convention nationale : Ne pouvant servir ma patrie, comme je le désirerois, par infirmités plutôt que par 62 ans d’âge, je vous prie d’accepter, avec les intérêts échus, la pension de 400 liv. qui me fut accordée le premier avril 1789 sur la caisse des invalides de la marine pour 22 ans de service dans cette partie. Trop heureux si ma foible offrande est agréée, si elle peut servir à affermir notre sainte révolution et à exterminer tous les tyrans ! Mention honorable, insertion au bulletin (1). 5 Les officiers municipaux de la commune de Tracy-le-Mont (2) demandent à la Convention nationale que, vu leur détresse, elle leur accorde des secours pour les aider à remplir leurs fonctions. Renvoi au comité de salut public (3). 6 La société réintégrée des Amis de la Constitution populaire, établie à Nancy (4), exprime à la Convention nationale son indignation sur les assassinats dirigés contre Robespierre et Collot-d’Herbois. Heureusement, dit-elle, la France n’a pas à regretter la perte de deux fermes appuis de la liberté. Mention honorable, insertion au bulletin (5) . (1) P.V., XXXIX, 146. (Minute du P.V. C 305, pl. 1138, p. 27); Bln, 25 prair. (1er supplO; M.U., XL, 347. (2) Oise. (3) P.V., XXXIX, 147. J. Sablier, n° 1370. (4) Etablie à Nancy le 1er décembre 1789. (5) P.V., XXXIX, 147. B*», 26 prair. et 26 prair. (2e suppl'); J. Sablier, n° 1371. 456 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Et toi, jeune Fabre, marche sur les traces de ton vertueux père; deviens un jour digne de lui. Que les mains de la reconnoissance lui élèvent un monument avec cette inscription : Il vécut, il est mort pour la patrie. Gravons sur le marbre ses actions héroïques, et sur-tout imitons ses vertus. Comme Fabre, respectons la vieillesse, honorons le malheur, méritons le titre sacré de père, de fils et d’époux; soyons justes, sensibles probes et bienfaisans. Comme lui, soyons entièrement dévoués à la patrie; comme Fabre, redoutons les passions tumultueuses et les effets dangereux d’une exaltation exagérée : comme Fabre, ayons cette chaleur qui vivifie le patriotisme. Si la déclaration des droits de l’homme nous a valu la conquête de l’Egalité et de la Liberté, la pratique constante des devoirs du citoyen nous en assure la jouissance. Jeunes citoyennes, entourez l’urne sacrée de vos guirlandes de fleurs. Citoyens, déposez aux pieds de ses cendres ces branches de cyprès, symbole de la mort. Fabre vit au séjour de l’immortalité; sous les auspices de l’Etre-Suprême, entonnons des airs mélodieux, Fabre aussi aimoit les chants civiques. Ombre révérée, réjouis-toi; les tyrans sont vaincus, la République triomphe, la justice, la probité et la vertu, sont à l’ordre du jour; déjà les institutions sociales aplombent le gouvernement Républicain, et les fêtes décadaires viennent l’embellir. » 3 La société populaire de Puy-la-Montagne (1 ; , district du même nom, département d’Eure-et-Loir, félicite la Convention sur le décret par lequel elle proclame l’Etre-Suprême et l’immortalité de l’ame, et l’invite à rester à son poste, et à faire punir tous les traîtres. Mention honorable, insertion au bulletin (2). [ Puy-la-Montagne , s.d.] (3) . « Citoyens Représentais, Des monstres vouloient anéantir la République, et pour y parvenir, ils s’efforcoient de persuader au peuple que le crime et la vertu marchent à côté l’un de l’autre, que le sort des scélérats et celui de l’homme probe est le même. Sans doute cette abominable doctrine destructive des raports de l’homme avec la Divinité devoit enfanter tous les crimes. Mais citoyens représentans, vous avés reconnu au nom du peuple français l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, vous avés tué l’athéisme et les insensés qui le pro-fessoient ont péri sur l’échafaud. (1) Châteauneuf-en-Thimerais. (2) P.V., XXXIX, 146. B,n, 26 prair. (2* suppl»); J. Sablier, n° 1371. (3) C 306, pl. 1163, p. 3. Oui, il existe un Etre Suprême, tout ateste sa puissance. Oui, il existe un Etre Suprême qui veille au salut de l’Empire français; c’est lui qui a couvert de son égide nos fidels représentans que des mains patricides vouloient immoler. C’est lui qui a déjoué les projets de ces hommes pervers qui vouloient mettre la République en deuil. Continués, citoyens représentans, vos glorieux travaux; vos vertus tranquilisent l’homme juste, le vrai patriote; elles étonnent et désespèrent tous les scélérats; continués, il faut que la République triomphe ou que tous les Français s’ensevelissent sous les ruines de la liberté. » Crevens ( présid .), Leprince ( secrét .). 4 Jean Beaugray, ancien officier de santé et garde-magasin à la Martinique, écrit à la Convention nationale : Ne pouvant servir ma patrie, comme je le désirerois, par infirmités plutôt que par 62 ans d’âge, je vous prie d’accepter, avec les intérêts échus, la pension de 400 liv. qui me fut accordée le premier avril 1789 sur la caisse des invalides de la marine pour 22 ans de service dans cette partie. Trop heureux si ma foible offrande est agréée, si elle peut servir à affermir notre sainte révolution et à exterminer tous les tyrans ! Mention honorable, insertion au bulletin (1). 5 Les officiers municipaux de la commune de Tracy-le-Mont (2) demandent à la Convention nationale que, vu leur détresse, elle leur accorde des secours pour les aider à remplir leurs fonctions. Renvoi au comité de salut public (3). 6 La société réintégrée des Amis de la Constitution populaire, établie à Nancy (4), exprime à la Convention nationale son indignation sur les assassinats dirigés contre Robespierre et Collot-d’Herbois. Heureusement, dit-elle, la France n’a pas à regretter la perte de deux fermes appuis de la liberté. Mention honorable, insertion au bulletin (5) . (1) P.V., XXXIX, 146. (Minute du P.V. C 305, pl. 1138, p. 27); Bln, 25 prair. (1er supplO; M.U., XL, 347. (2) Oise. (3) P.V., XXXIX, 147. J. Sablier, n° 1370. (4) Etablie à Nancy le 1er décembre 1789. (5) P.V., XXXIX, 147. B*», 26 prair. et 26 prair. (2e suppl'); J. Sablier, n° 1371.