408 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 décembre 1789.] liberté soient déclarés incapables de posséder aucun emploi public pendant vingt ans. M. l’abbé Joubert a fait remarquer que la conduite du comité de Blanzac était moins répréhensible que celle du comité d’Angoulême, que même en ce qui concerne ce dernier il fallait tenir compte des circonstances actuelles. Le peuple, a-t-il dit, est agité de soupçons; celui d’Angoulême s’était attroupé; le comité n’a pu se dispenser d e faire arrêter le sieur abbé de Minières et d’instruire la procédure en public. Dans ces moments qui ne sont pas dans l’ordre naturel des choses, il n’est pas étonnant qu’on soit forcé de sortir des règles ordinaires de la justice. M. lie Chapelier. Le comité d’Angoulême a été entraîné, par la présence du peuple, à faire une procédure illégale, mais excusée par les circonstances. Le secret de la poste peut quelquefois être violé pour le salut du peuple qui est la loi suprême. Le comité d’Angoulême n’a pas brisé ie cachet; il faut en cette circonstance, comme cela a eu lieu pour le comité de Mâcon, prononcer qu’il n’y a lieu à délibérer. M. de Cazalès. Je ne puis m’associer à la demande de M. de Beaumetz concernant les membres du comité d’Angoulême, en les déclarant incapables de remplir aucune fonction publique. Ceci n’est pas de la compétence de l’Assemblée. Je blâme énergiquement la violation du secret des lettres, l’abus que le comité a fait de la force, j’adopte le projet d’arrêté proposé par le comité des recherches avec cette réserve « que l’Assemblée conserve le droit à chaque citoyens offensé de se pourvoir devant qui de droit. » M. le marquis de Foucault-Lardinalie rapporteur . Cette réserve est inutile; le droit existe incontestablement et l’introduire dans un article, ce serait insinuer qu’il n’existait pas auparavant. M. le Président rappelle les amendements proposés. — Ils sont écartés par la question préalable. L’arrêté proposé par le comité des recherches est ensuite mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du procès-verbal dressé par le comité d’Angoulême contre les sieurs abbé de Blinières et marquis de Baraudin, et des lettres y transcrites, déclare que les sieurs de Blinières et Baraudin sont, comme tous les citoyens, sous la sauvegarde de la loi; « Que n’étant accusés d’aucun délit, ils n’auraient pas dû être arrêtés, ni le secret de leur correspondance violé ; « Que le paquet de lettres portant pour souscription; « correspondance du vicomte de Saint-Simon avec sa femme », déposé au greffe de l’hôtel de ville d’Angoulême, n’a pas dû y être retenu, et qu’il doit être reudu sous le sceau qui y a été apposé ; déclare au surplus que conformément aux principes adoptés par l’Assemblée, le secret des lettres doit être constamment respecté. » M. le Président fait donner lecture du résultat du scrutin pour la nomination du président et de trois secrétaires. M. Fréteau de Saint-Just a réuni la majorité absolue des suffrages pour la présidence. MM. le baron de Menou, Chasset et Charles de Lameth ont été élus secrétaires. Après eux, MM. Du-fraisse-Duchaye, l’abbé Coster et le marquis de Bouthillier ont eu le plus de voix. M. le Président fait également donner lecture du résulta du scrutin pour la nomination des dix commissaires nommés pour conférer avec le ministre des finances et les administrateurs de la Caisse d’escompte et pour examiner les divers plans proposés sur la Banque nationale et la Caisse d’escompte. Les commissaires élus sont: MM. Lecouteulx de Canteleu, Anson, Dupont, Laborde de Mérévllte, D’Ailly, De Cazalès, L’abbé Maury, Le marquis de Montesquiou, De Talleyrand, Périgord-évêque d’Autun. Le baron d’Allarde. Les membres qui ont ensuite réuni le plus de suffrages sont: MM. Le duc du Châtelet, Le comte de Mirabeau, Rœderer. Un de MM. les trésoriers chargé de recevoir les dons patriotiques annonce à l’Assemblée qu’ils ont entre les mains la somme de ...... recueillie dans les bureaux en faveur du vieillard de Franche-Comté qui a été admis un jour à la séance. Il représente que ce vieillard étant pressé de partir, les trésoriers demandent l’autorisation de lui remettre la somme dont il est question. Cette demande est accordée. M. Duplessis d’Argentré, évêque de Limoges, écrit à M. le président nue lettre, en date du 5 décembre, par laquelle il le prie de demander à l’Assemblée un congé et un passe-port, afin de pouvoir s’absenter pendant trois semaines, pour aller dans son diocèse vaquer à des affaires qui demandent sa présence, et dont il a prévenu l’Assemblée à sa dernière séance, tenue à Versailles le 15 du mois d’octobre; sa demande lui a été accordée. M. le Président accorde pour lundi, à deux heures, la parole pour le don patriotique de la Faculté de médecine, qui doit être présenté par le doyen de la Faculté. M. le Président lève la séance et l’indique pour lundi prochain, à l’heure accoutumée. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 5 décembre 1789. Réflexions d'un citoyen soumises à l’examen et aux lumières de l’auguste Assemblée des représentants de la nation française , par Lalande ( 1 ) . Projet d’un papier-monnaie, portant 3 0/0 d’in-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. [7 décembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. térêt au profit du porteur, pour faire le remboursement pressant d’une portion de la dettenationale. 11 pense que l’on doit par préférence commencer par rembourser les effets les plus à chargea l’Etat, et ce dès le Ier janvier 1790 : les emprunts faits depuis 10 ans; c’est-à-dire : 1° Les primes provenant des billets de 1,200 livres ; 2° L’emprunt de 1782 ; 3° Les billets de 600 livres et de 400 livres en forme de loteries, faits en 1783; 4° L’emprunt de 125 millions fait en 1784; 5° Celui de 80 millions fait en 1785. Pour lever la difficultéde ce dernier, on pourrait évaluer la quittance de 1,000 livres à 950 livres en raison des intérêts de 50 livres qui sont échus au premier janvier 1790; et le bulletin qui en dépend, à ÎÔO livres, comme étant séparé de la quittance de finance. Il n’y a pas de propriétaire qui ne reçoive avec plaisir' son remboursement, d’autant plus que ces effets perdent en ce moment, 15, 20 et jusqu’à 25 0/0 sur la place. Il serait bien sage de faire ces remboursements de la manière qui suit, observant que la forme du papier que l’on propose, serait sûrement sortir l’argent des mains des capitalistes et spéculateurs, qui trouveraient un grand bénéfice dans la propriété de ces billets, au lieu de leurs numéraire en espèces qui ne leur rapportent rien. L’on pourrait fabriquer autant de papier-monnaie qu’il en faudrait pour faire le remboursement de la dette nationale, dite criarde, et remboursable au plus tard dans trois ans de la manière suivante : Ce papier peut se faire par cinquième en partie égales de 100 millions chacune, en supposant que 500 millions suffisent pour la totalité de ces remboursements. Les premiers 100 millions, en morceaux de 10,000 livres, à raison de 4 0/0. Les seconds, égalemen t de 100 millions, par morceaux de 4, de 5, ou de 6,000 livres, à raison de 3 1/2 0/0; Les troisièmes, également de 100 millions, par morceaux de 1,000 livres à raison de 3 0/0 (1) Les quatrièmes également de 100 millions, par billets de 100 livres, à raison de 2/1 0/0. Les cinquièmes, également aussi de 100 millions, par billets de 50 et de 25 livres, à 2 pour 0/0, ce qui porterait la totalité de l’emprunt à 3 0/0 à la somme de 45 millions d’intérêts. Le remboursement de ces billets en papier-monnaie pourrait s’effectuer de la manière suivante, à commencer au plus tard au Ier avril 1790, avec le produit des rentrées des finances, qui se feront du 1er janvier prochain à cette époque, suivant l’aperçu provenant tant du don patriotique que des impositions, ainsi que de la refonte de l'argenterie qui est en activité à la monnaie, de même que l’espoir des grandes rentrées d’une portion des biens du clergé et des domaines du Roi, qui viendront successivement à l’appui l’un de l’autre, à mesure que les besoins naîtront, soit par la vente ou l’aliénation de ces biens. On doit encore observer que cet intérêt ne se porterait jamais à 45 millions, il peut même très-bien ne se porter qu’à 20 millions en raison de la (1) Les billets au-dessus de 1,000 livres pourraient être assujettis à être passés à ordre, comme les lettres de change, afin d’éviter les grands malheurs des contrefaçons. 409 marche des remboursements annoncés ci-dessus. Les premiers remboursements commençant au 1er avril 1790 n’auraient que trois mois d’intérêts à payer, ainsi que les autres qui se succéderont par gradation jusqu’à parfait remboursement. Si ces billets-monnaie pouvaient être dignes du suffrage de Nosseigneurs les représentants de la nation, et qu’ils méritassent la peine d’être décrétés avec amendement ou sans amendement, ces billets pourraient porter le titre suivant : Billet national, décrété par l'Assemblée générale des représentants de la nation française, et sanctionné par le Roi. L’on suppose un billet de 1,000 livres (1). Je payerai à vue , au porteur, la somme de mille livres, avec l'accroissement des intérêts, à trois pour cent et remboursable au plus tard au premier janvier 1793. Paris , ce 1 janvier 1790. Nota : Ce papier-monnaie aurait cours dans toute l’étendue du royaume. 11 aurait bientôt acquis le crédit qui lui serait nécessaire, étant protégé et cautionné par la nation et la loyauté française. Les capitalistes et spéculateurs y mettraient Bientôt leur confiance, connaissant là sagesse et la bonté du Roi, la justice de cette grande et honorable Assemblée, et l’équité du ministre des finances. L’auteur se flatte que si le lecteur prudent, sage et éclairé, examine avec attention le plan proposé, il le trouvera le plus propre à remédier promptement et avec certitude à l’extinction de la dette nationale. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU DE SAINT-JUST. Séance du lundi 7 décembre 1789, an matin (2). M. de Boisgelln, archevêque d'Aix, près de quitter la présidence, ouvre la séance par le discours suivant ; Messieurs, il m’est permis encore un moment d’offrir à cette augute Assemblée l’hommage de mon respect et de ma reconnaissance. Si j’ai pu remplir avec exactitude la tâche honorable qui m’était imposée, votre bienveillance seule pouvait en aplanir toutes les difficultés. J’ai pensé que mon premier devoir était de consulter vos désirs, et j’ai fait mon unique étude d'en observer et d’en suivre tous les mouvements. J’ai vu l’amour de la patrie, digne et convenable passion des esprits raisonnables, éclater avec transport dans vos intéressantes discussions. J’ai vu vos décrets émanés du sein de cette utile effervescence des sentiments vertueux et des idées justes ; j’ai vu se former en un si court espace de temps ces administrations et ces municipalités qui doivent donner la durée à votre constitution ; j’ai vu prête à se terminer la grande question dont dépend le destin de l’Etat; et bientôt la nation entière achevant votre ouvrage, exercera sous l’empire des (1) Ce billet serait revêtu des signatures nécessaires. (2) Cette séance est incomplète au Moniteur.