46 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE était digne de la nation française de veiller à la propriété de tous, pour qu’à la paix tous rentrassent dans leurs droits. Il établit donc ses raisons et proposa le dépôt. Il disait : En temps de guerre, je requiers ; mais jamais la filière de la propriété ne se perdra si vous me rendez ce que vous aurez saisi chez vous. L’Assemblée, avec le maximum , avait décrété le droit de préhension sur toutes les marchandises. Elle pouvait dire aux négociants : Si j’ai besoin de vos capitaux en pays étrangers, le maximum peut les atteindre. En ordonnant le dépôt, vous prouvâtes aux étrangers que vous n’abuseriez jamais de la confiance qu’ils avaient eue dans la loyauté française. Vous sentîtes qu’on ne pouvait porter dans les dépôts du numéraire ; alors, stipulant pour les étrangers, vous dites : il faudra porter les assignats aux taux qu’ils doivent avoir d’après ces valeurs, parce qu’à la paix nous voxilons être justes. Ce système n’attaquait point la propriété. Il y a certainement une grande différence entre le cultivateur qui met dans son champ ses sueurs et ses semences pour faire venir du grain que vous prenez au maximum, et ce négociant qui, craignant la révolution, a placé ses fonds en pays étranger. Alors vous pouvez mettre ses marchandises en réquisition; mais avec les étrangers vous ne pouvez pas suivre la même marche. Vous avez donc voulu un dépôt, et par là vous n’attentiez pas à la propriété. Vous saviez distinguer les commerçants d’avec vos ennemis. Nous devons être justes envers tout le monde. Nous avons donné aux négociants de Hambourg et de l’Allemagne une marque de cette justice ; mais nous ne prendrons pas une mesure qui favoriserait, sans fruit pour nous, les tyrans d’Espagne, de Piémont, d’Angleterre, etc. Je demanderais qu’il fût ordonné que le dépôt des marchandises appartenant aux étrangers des pays où sont entrées les armées de la République sera rendu à ses propriétaires. Par exemple, nous sommes entrés dans la Belgique ; eh bien, nous dirons : « Le dépôt était une mesure de sûreté contre les tyrans ; mais, dès que vous êtes libres, nous vous rendons vos biens. Nous avons pris dans la guerre des précautions pour que vos propriétés fussent respectées ; les assignats ont été portés à la valeur des effets ; vous ne perdrez rien. » Voilà ce qui honorera la nation française. (On applaudit.) Il faut donc vous prononcer. Je sais que quelques négociants se plaindront. Il y en a qui avaient contracté pour valeur en numéraire ; ils se libéreront aux termes de leur contrat. Ce parti est juste, il est digne de vous ; l’intérêt particulier doit céder à l’intérêt général. Mais, encore une fois, ne croyez pas que, parce que vous lèveriez aujourd’hui la saisie des biens des étrangers avec lesquels vous êtes en guerre, l’Angleterre, qui a perçu 100 millions de cette saisie chez elle, voudra imiter votre conduite, après avoir usé de représailles. Je me résume, et je demande que le dépôt, tenant à l’égard des Anglais, des Hollandais, des Espagnols, etc., soit levé pour tous les étrangers des pays où les armées de la République sont entrées. Je demande en outre que, pour ne point porter préjudice aux négociants français, et ne point leur donner des motifs de crier que nous leur pressurons les sommes qu’ils doivent aux habitants des pays avec lesquels nous sommes en guerre, nous nous contentions de recevoir une caution signée d’eux, qui sera, en place, déposée à la Trésorerie nationale. (On applaudit.) BARÈRE dit qu’il va démontrer la nécéssité de rejeter le projet de décret par de courtes réflexions; parce que ceux à qui le projet de décret pourrait être favorable sont : 1° Les émigrés sans ressources dans toute l’Europe, et qui cachent leurs perfides espérances derrière de prétendus avantages du commerce. 2° Les puissances à qui il faut du numéraire pour solder leurs troupes, qui n’en ont plus, et qui pourraient s’en procurer par ce moyen. 3° Enfin, les agioteurs de toute espèce, qui nous ont fait, au moral comme au physique, le plus grand mal, et avili le plus qu’ils ont pu le signe national. Aussi demande-t-il qu’on excepte de la proposition de Cambon, qu’il croit grande et digne d’être mûrie par un comité, les banquiers agioteurs de Bruxelles, qui nous ont fait le même mal. Du reste, Barère demande le renvoi au comité des propositions de Bourdon et de Cambon et la question préalable sur le projet de décret. Ces propositions sont vivement applaudies; elles sont décrétées ; les applaudissements recommencent (114). La séance est levée à quatre heures (115). Signé , LEGENDRE, président, THIRION, GUIMBERTEAU, GOUJON, DUVAL (de l’Aube), MERLINO, secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé , GUILLEMARDET, BALMAIN, CAA. BLAD, J.-J. SERRES (116). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 49 [La commission des Administrations civiles, Police et Tribunaux au comité de Correspondu) Moniteur, XXII, 465-466. Débats, n°777, 700-701. (115) P.-V., XLIX, 102. Moniteur, XXII, 466; J. Fr., n°775; J. Perlet, n°777; M.U., XLV, 317. (116) P.-V., XLIX, 102.