lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1789.] 189 par l’Assemblée nationale, et la félicitent sur la Réunion des trois ordres : l’Assemblée en a ordonné le dépôt et l’enregistrement. On reprend la discussion de l’affaire de la députation ae Saint-Domingue. M. Le Pelletier de Salnt-Fargeau. Dans |a question qui nous occupe, pour s’appuyer sur une base solide, il faut d’abord partir d’un principe; c’est que nous devons regarder Saint-Domingue comme une province de France. Laissons de côté l’étendue des terres la considération qu’elles sont susceptibles d’amélioration ; ces bases kont trop incertaines. La population offre plus de certitude, et à Saint-Domingue elle est considérable; elle est composée de plus de 100,000 habitants. | Les richesses approchent encore du terme vers lequel on doit tendre pour arriver à la plus juste représentation possible. Le gouvernement s’est lui-même servi de ce hioyen : j’en prends un exemple dans la députation de Paris; on lui a donné des députés à proportion de ses richesses et du commerce qu’elle ‘ entretient dans toutes les parties du royaume. Je pense aussi que l’on doit prendre en considération la division actuelle de celte île. Elle est divisée en trois provinces : or, je pense que c’est Remplir l’esprit du règlement que d’accorder à chacune de ces provinces deux députés. Les autres auront voix consultative, je ne dis pas qu’ils formeront un comité, parce qu’ils ne nous appartient pas de leur permettre ce qu’ils ont droit de faire par le droit naturel ..... Je ne fais que reproduire la motion de M. de Montes-quiou, à laquelle je me suis permis d’ajouter un amendement. M. Dillon, curé du Vieux-Pouzauges. Si c’est dans les temps de calamité qu’on reconnaît les vrais amis, c’est aussi dans les temps où la patrie se trouve en danger que l’on reconnaît les citoyens. Vous vous rappelez, Messieurs, cette grande et fameuse journée, à jamais mémorable dans notre histoire, où des projets coupables, des complots ministériels nous avaient fermé les portes de cette auguste enceinte que le despotisme avait environnées de tout l’appareil militaire; ce jour si célèbre où les représentants de la nation ont été pour y tenir leurs séances et forcés de se réfugier dans un jeu de paume. Vous vous rappelez, Messieurs, avec quel intérêt vous y avez accueilli les généreux citoyens de Saint-Domingue qui, animés d’un noble courage, ont demandé à partager vos dangers et vos malheurs. Avec quelle bonté les avez-vous accueillis ! avec quels applaudissements les spectateurs les ont vus descendre dans une arène où i la force, le courage et la vertu suffisaient à peine î pour en franchir les obstacles 1 j. Je n’ai pu retenir mes larmes à la vue d’un spectacle aussi touchant; eh! devons-nous ou-! blier la douce impression qu’il a faite sur chacun de nous ! Ils ont, comme nous, prononcé le serment redoutable qui nous réunit tous en ce lieu, jusqu’à ce que la grande régénération de la patrie soit consommée. Il se sont exposés, comme nous, pour l’intérêt commun, à des haines secrètes, mais implacables ; et comment se pourrait-il, Messieurs, qu’après d’aussi grands exemples de patriotisme, qu’après pi dévouement aussi généreux, vous délibériez à réduire ces illustres citoyens à n’avoir que voix consultative ? Ne les avez-vous pas déjà admis à avoir parmi vous voix délibérative? Pourrez-vous, Messieurs, anéantir ce jugement que vous avez déjà prononcé ? Est-ce à une Assemblée aussi auguste à détruire un jour ce qu’elle a réglé la veille ? Je pense que les douze députés que vous avez admis le 20 juin, dans la séance du Jeu de Paume, doivent avoir voix délibérative pendant toute la tenue des Etats-généraux, et que les six autres auront voix consulative. M. Hairac, de Bordeaux. Saint-Domingue est une de ces grandes colonies que nous devons, pour l’intérêt du commerce, attacher de plus en plus à la France. Mais (du moins telle est ma façon de penser) je crois que c’est par les liens de la confiance que nous saurons inspirer aux propriétaires français, que nous pourrons la consolider contre les révolutions qui peuvent arriver dans un pays lointain. Mais cette confiance que les Anglais, que tous les peuples qui ont des possessions dans les Indes ont regardée comme la première base, ils ne l’ont pas cimentée en appelant les colonies parmi eux, en les confondant dans leur gouvernement, en transportant la patrie au delà des mers pour en établir une dans leur propre pays. Groyons-en l’expérience de nos rivaux ; ils ont su conserver dans le nouveau continent des terres que l’éloignement, que les efforts de la liberté, que les vicissitudes de plusieurs siècles semblent continuellement leur enlever. Ils ont su, par leur persévérance dans ce principe même, nous dépouiller de celles que nous avions arrosées du sang français, et que nous avions peuplées aux dépens de la mère-patrie. Les colonies ne doivent pas former une partie de la patrie. Les colonies sont des provinces qui en dépendent. Plusieurs membres de l’Assemblée interrompent l’orateur, et observent que les questions qu’il examine sont déjà décidées ; qu’il n’est plus temps de contester à Saint-Domingue le droit de députer, puisque l’Assemblée a reconnu, par une délibération antérieure, la faculté que toute province devait avoir de députer. M. le duc de Praslin, député d'Anjou. Le vœu de la noblesse d’Anjou me prescrit de conclure à l’admissiondes députés de Saint-Domingue. Elle est dans un état d’oppression, et a besoin d’une complète régénération. S’il fallait qu’un jour je me retirasse de cette salle, au moins je n’en sortirais pas sans avoir acquitté un devoir que me prescrivent me3 cahiers. La noblesse d’Anjou a manifesté son vœu sur la colonie de Saint-Domingue ; elle exige qu’elle ait une représentation. Et comment pourrait-on la lui refuser ? Ses richesses sont immenses, son commerce fleurit dans toutes les contrées. Saint-Domingue est divisé en trois quartiers, le moindre bailliage a eu quatre députés ; pourrait-on lui refuser une députation semblable ? Je pense donc qu’il faut admettre définitivement les douze députés reçus provisoirement avec voix délibérative, et les autres avec voix consultative. M. l’ archevêque de Wieune donne lecture 190 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1789.] d’une lettre qu’il vient de recevoir de la part d’une seconde députation de Saint-Domingue. Extrait de la lettre de la nouvelle députation de Saint-Domingue. « Monseigneur, les colons de Saint-Domingue soussignés, actuellement en France, n’ont pu voir d’un œil nidifièrent le moment où les peuples français sont appelés par un roi généreux à faire leurs doléances et à travailler à la restauration commune. « Plusieurs de nos concitoyens se sont réunis d’effet et d’intention pour travailler au bien général. « Ils ont, sans lettres de convocation, et meme de la capitale, fait assembler quelques particuliers pour les nommer députés aux Etats-généraux. « Le défaut de convocation semblait leur en fermer l’entrée; mais la nation a cru devoir rejeter ce défaut de forme ; elle a reconnu que les colonies, comme toute autre province, avaient et ont le droit d’être représentées dans l’Assemblée de la nation. « Les colons soussignés acceptent avec reconnaissance une pareille déclaration. Relégués au delà des mers, ils se croyaient oubliés. Grâces soient rendues à l’Assemblée nationale qui vient de signaler de la manière la plus éclatante les droits de l’humanité. « L’Assemblée nationale ne s’est pas contentée de cette déclaration généreuse, elle a encore admis provisoirement les députés qui prétendent avoir été nommés à Saint-Domingue. « Rien de plus sage, rien de plus prudent. A la distance de deux mille lieues de la métropole, quelle certitude pouvait-on avoir de la légalité d’une telle nomination? « C’est avec douleur que les colons, malgré leur estime pour les prétendus députés de Saint-Domingue, supplient l’Assemblée nationale de suspendre son jugement définitif jusqu’à ce qu’ils aient eu le temps, par une convocation plus régulière, plus publique, plus libre, de se conformer aux dispositions du règlement de convocation, pour valider les pouvoirs, pour vérifier les élections. * Et si les électeurs ont été bien choisis, si les députés ont le droit de se dire et de pouvoir être regardés comme les vrais représentants de la colonie, s’ils peuvent parler en leur nom, proposer, délibérer et engager en un mot la colonie, ils en appellent sur ce point à la vérité et aux droits de la nature, ils en appellent au serment de MM. les députés. « Mais comment ces messieurs pourraient-ils prétendre représenter Saint-Domingue? Les formes qui rendent valables les élections n’ont pas même été remplies. Les députés ont été nommés dans des assemblées de quinze à vingt personnes. A la vérité, le procès-verbal se trouve chargé de signatures mais ce ne sont que des signatures mendiées et données après coup. « Les mandats mêmes ont été donnés en blanc, et ils ne peuvent jamais engager les colons. « Les soussignés supplient l’Assemblée nationale de prendre en considération et de suspendre le jugement pendant le délai suffisant pour légitimer les pouvoirs donnés aux députés. « Les colons de Saint-Domingue osent déclarer que si l’Assemblée croyait devoir passer outre, ils protestent contre tout ce qui pourrait être fait, et demandent acte de leur protestation. » Cette lettre est signée de plusieurs colons. Elle ne paraît pas faire beaucoup d’impression dans l’Assemblée. • M. de Gouy d’Arcy. J’observe qu’au nombre de ceux qui protestent, on trouve les signatures des comtes d’Agoult et Sanadon, quoiqu’ils aient assisté à toutes nos délibérations. M. ***. J’observe -que cette question a déjà été agitée par toutes les puissances de l’Europe qui ont des colonies, sans que jamais elles aient pensé les admettre. La justice naturelle est ici en opposition avec la politique des Etats. Un membre demande que l’on fasse droit à la protestation des colons. M. de Clermont-Tonnerre. Tous les juge+ ments ne peuvent être que provisoires; si quelf qu’un veut disputer les siens à l’Assemblée, on né pourrait rejeter cette réclamation sans l’examiner. Il faut donc ouvrir la discussion sur ces protesta* tions. M. Pison du Galland. Cejugement n’est pas irrévocable, puisqu’il a été rendu sans contradicteurs. L’Assemblée a persisté dans son dernier jugement, et regarde comme valable la députation de Saint-Domingue. Le bureau s’occupe en conséquence de. la question sur le nombre de députés. Saint-Domingue aura-t-il six ou douze députés? C’est ainsi que M. Chapelier pose la question . M. Mouiller observe que cela est contraire à la liberté des suffrages. L’Assemblée arrête que chaque député aura la liberté de prononcer sur le nombre des députés. On procède à l’appel nominal ; sur 756 votants, 1 vote pour 8 députés ; 9 pour 4 ; 223 pour 12 ; 523 pour 6. La majorité est donc pour le nombre 6. M. le marquis de Gouy d’Arcy. Je demande que l’on délibère si les autres députés auront séance dans l’Assemblée nationale. Cette demande est accordée. M. de Gouy demande s’ils auront voix délibérative. M. Tréteau. Les députés suppléants de toutes les provinces ne méritent pas moins de faveur que les députés de Saint-Domingue ; au contraire, j la députation de ceux-ci, quoique jugée valable, n’en est pas moins incertaine. Cette opinion fait rejeter la demande deM.'le; marquis de Gouy d’Arcy. Eu conséquence l’Assemblé nationale arrêté : . « Que Saint-Domingue aura six représentants j pour la présente session de l’Assemblée nationale, et que les autres membres présentés à la députation auront, comme les suppléants des provinces de France, une place marquée dan3 l’enceinte de la salle, sans voix consultative ni délibérative. » M. Dupont de Nemours, au nom du comité des subsistances. Le comité que vous avez établi pour s’occuper de la cherté des grains et des moyens de faciliter la subsistance du peuple s’est livré avec le zèle que vous avez droit d’attendre de ses membres au travail que vous lui avez imposé. Il a d’abord chargé trois de sesmem-