| Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 janvier 1790.) 261 nent, excite.it et multiplient la production : ainsi, gêner mal à propos la liberté de la presse, ce serait attaquer le fruit du génie jusque dans son germe, ce serait anéantir une partie des lumières qui doivent faire la gloire et les richesses de votre postérité. Combien il serait plus naturel, au contraire, surtout lorsqu’on montre avec raison, beaucoup d’intérêt aux progrès du commerce, de favoriser de toutes ses forces celui qui vous importe le plus, le commerce de la pensée ! Mais il ne s’agit pas en ce moment d’une loi pour encourager l’usage utile, mais d’une loi pour réprimer les abus de la presse. Votre comité aurait désiré vous présenter, dans un développement préliminaire, l’esprit des principales parties de celle qu’il vous propose, et les motifs mêmes particuliers qui ont dirigé la rédaction de la plupart des articles; le lemps nous a manqué, et même cette entreprise nous eût engagé dans un ouvrage trop volumineux. Vous connaissez déjà le plan général et-la marche de notre travail ; quant aux détails, la discussion les fera ressortir et les expliquera beaucoup mieux que nous n’aurions pu faire d’avance. Nous nous contentons ici de vous prévenir, Messieurs, que nous n’avons pas entendu faire une loi pour un autre ordre de choses que celui qui existe maintenant; car c’est pour le moment que vous la demandez. Cet état présent des choses n’est ni l’ancien, ni le nouveau; c’est-à-dire que votre nouvelle Constitution a déjà nécessairement amené des réformes partielles dans votre législation ; et que, d’autre part, il est impossible que cette législation ne reçoive bientôt dans presque toutes ses parties, et surtout dans son ensemble, des changements et des améliorations très considérables : cette double considération a dû nous frapper et nous guider. Nous avons cru en conséquence devoir mettre, pour premier article, que la présente loi n’aura d’effet que pendant deux ans ; à cette époque, il sera bien aisé au Corps législatif d’en décréter une plus longue durée, si le nouveau Gode n’est pas encore achevé ou promulgué; mais si les Français ont reçu le grand bienfait d’une législation uniforme et simple, et d’une procédure prompte et précise, il est évident que votre loi particulière sur la presse ne doit pas rester en arrière, qu’elle doit profiter, comme toutes les autres, de ces progrès de l’art social. Quant à présent, nous nous sommes permis tout ce que les changements déjà opérés parmi nous pouvaient nous permettre de tenter. Ainsi, par exemple, nous avons introduit dans notre loi, un commencement de procédure et de jugement par jurés ; cette institution est le véritable garant de la liberté individuelle et publique contre le despotisme du plus redoutable des pouvoirs. 11 sera essentiel d’employer tôt ou tard le ministère des jurés pour la décision de tous les faits, en matière judiciaire : cette vérité vous est déjà familière, vous craignez seulement que son exécution ne soit prématurée en ce moment; mais cette inquiétude ne peut vous arrêter, lorsqu’il s’agit des délits de la presse, c’est-à-dire de cette partie de l’ordre judiciaire qui se prête le plus aisément à l’institution des jurés, et qui échappe à tous les inconvénients qui pourraient en résulter en toute autre matière. En effet, nous vous prions d’observer d abord que ce n’est guère que dans les principales villes du royaume que sont les imprimeries, et où se fait le commerce des livres, et que par conséquent il ne sera pas difficile d’y trouver des jurés instruits et propres à bien décider du fait des délits de la presse. En second lieu, il s’agit ici d’une loi qui ne peut guère intéresser que la plus petite partie du peuple, c’est-à-dire cette classe de citoyens que leurs lumières accoutumeront bientôt à' un changement dont ils sentent et reconnaissent déjà l’utilité. Enfin, nous vous prions de considérer que la plupart des délits de la presse sont, de leur nature, de vrais délits de police, qu’ils s’accommodent fort bien de l’instruction sommaire, et vous ne serez point étonnés, d’une part, que nous les fassions juger définitivement au premier tribunal; et de l’autre, que nous en écartions la procédure par écrit, du moins à dater de l’époque où l’instruction pourra être publique et où les jurés seront appelés. Si toutes ces raisons ne suffisaient pas pour enrichir, dèsaujourd’hui, cette partie de notre procédure, de la belle institution des jurés, il est fort à craindre qu’il ne fallût y renoncer pour toujours, et en la perdant, nous ne pouvons trop le répéter, il faudrait renoncer aussi à nous précautionner jamais contre l’arbitraire du pouvoir judiciaire. La décision du fait par un jury est aussi la meilleure réponse que nous puissions faire à ceux qui trouveraient qu’il reste encore du vague dans quelques-uns des premiers articles. La loi que nous vous proposons n’est pas parfaite, elle n’est pas même aussi bonne qu’il sera facile de la faire dans deux ans; vous en savez la raison : il a fallu la lier à l’ordre actuel des choses ; en même temps nous cacherions mal à propos la moitié de notre pensée, en ne disant point que, même dans son état d’imperfection, cette loi nous paraît encore en ce genre, le meilleure qui existe en aucun pays du monde. M. l’abbé Sieyès donne lecture du projet de loi. PROJET DE LOI. Art. l*r. La présente loi n’aura d’effet que pendant deux ans, à compter du jour de sa promulgation. TITRE PREMIER. Des délits et des peines, Art. 2. Si un ouvrage excite les citoyens à s’opposer par la force à l’exécution des lois, à exercer des violences, à prendre pour le redressement de leurs griefs fondés ou non fondés, d’autres moyens que ceux qui sont conformes à la loi, les personnes responsables de cet ouvrage seront punies comme coupables de sédition. Art. 3. Si un écrit imprimé, publié dans l’espace de huit jours avant une sédition ou une émeute accompagnée de violences, se trouve, même sans exciter directement les citoyens à ces crimes, renfermer des allégations fausses ou des faits controuvés propres à les inspirer, ceux qui sont responsables de cet écrit pourront être poursuivis et punis comme séditieux, s’il est prouvé que ces allégations ou ces faits controuvés ont contribué à porter les citoyens à cette sédition ou à ces violences. Art. 4. Si un ouvrage imprimé renferme des imputations injurieuses à la personne du Roi, déclarée inviolable et sacrée par la loi constitutionnelle de l’Etat, ceux qui sont responsables de cet ouvrage encourront b*s peines graduelles portées par les lois contre les calomnies1 faites dans des actes juridiques. . Art. 5. Si un ouvrage imprimé paraît aux juges du fait dont il sera parlé ci-après, avoir été évidemment écrit dans l’intention de blesser les bonnes mœurs, celui ou ceux qui en sont responsables seront dénoncés et poursuivis par le procureur du Roi, et punis, soit par la privation du droit de cité pendant une intervalle plus ou moins long, qui ne passera pas quatre ans, soit par une amende égale à la valeur de la moitié de leurs reveT nus, gages ou salaires, soit aussi par la détention dans m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 janvier 1790.] une maison de correction légalement établie, pendant un terme qui ne pourra excéder deux années. Art. 6. Si un ouvrage invite directement les citoyens à commettre un crime, ou si, ayant été publié huit jours avant que le crime soit commis, il est jugé avoir excité à le commettre, ceux qui sont responsables de cet ouvrage pourront être poursuivis et punis comme complices de ce crime. Art. 7. Toute imputation imprimée d’une action mise par la loi au nombre des délits et punie d’une peine quelconque, sera traitée comme dénonciation juridique, si ce délit est de telle nature que les personnes qui l’imputent eussent été admises à faire cette dénonciation ; et ceux qui seront responsables de l’ouvrage qui renferme cette imputation, seront punis, si l’accusation n’est pas prouvée, comme auteurs d’une dénonciation fausse et téméraire, et comme calomniateurs, si l’accusation est prouvée calomnieuse. Art. 8. Si une imputation renfermée dans un ouvrage imprimé, quoique relative à des actions mises par la loi au nombre des délits, est néanmoins de telle nature que les personnes qui la font n’eussent pas été admises à dénoncer ces actions, ceux qui sont responsables de l’ouvrage ne seront point admis à la preuve des faits imputés, ni à la preuve des faits tendant à justifier l’imputation, et ils seront punis par des dommages et intérêts qui ne pourront excéder la moitié d’une année de leurs revenus, gages ou salaires, une fois payés ; en outre, ils pourront être condamnés à une privation du droit de cité, qui ne pourra excéder le terme de deux ans, et même à être détenus dans une maison de correction légalement établie, pendant un intervalle qui ne pourra excéder une année. Art. 9. Quoiqu’une imputation imprimée ne porte pas sur une action mise par la loi au nombre des délits, si d’ailleurs elle est regardée comme déshonorante, ceux qui sont responsables de l’ouvrage qui renferme cette imputation, seront traités comme dans l’article précédent, tant pour la non-admission à la preuve, que pour les peines qui y sont portées. Art. 10. Pourront néanmoins les personnes qui croiraient leur honneur compromis par les imputations mentionnées dans les deux articles précédents, demander que leurs auteurs soient tenus d’en faire preuve. Lorsque cette demande leur sera accordée, ceux qui sont responsables de l’ouvrage seront déchargés de l’accusation, si la preuve est jugée acquise ; si au contraire la preuve n’est pas acquise, ils seront punis suivant les articles 8 et 9 dans les cas mentionnés auxdits articles ; mais la peine sera aggravée, c’est-à-dire la privation du droit de cité pourra être portée jusqu’à quatre ans, et la peine de détention jusqu’à deux ans. Art. 11. Les mêmes lois seront exécutées à l’égard des imputations contre les personnes chargées de fonctions publiques, si elles ont pour objet leur personne individuelle, ou des prévarications personnelles dans l’exercice de ces fonctions. Mais, si ces imputations ne sont relatives qu’à leurs opérations publiques, ou à leurs principes politiques, elles ne-pourront être traitées que comme dans l’article suivant. Art. 12. Les accusations imprimées, qui auront pour objet des abus ou des usurpations de pouvoir, des atteintes à la liberté, des machinations contre l’Etat, en un mol, des délits quelconques à l’égard de la nation ou d’une portion de la nation, si elles sont portées contre des personnes chargées de fonctions publiques, ne donneront lieu à aucune punition, mais seulement les juges pourront, si les accusations ne sont pas prouvées, les déclarer ou fausses, ou téméraires, ou calomnieuses. * Art. 13. Les mêmes lois s’appliqueront à la publication des gravures diffamatoires, ou séditieuses. Elles s’appliqueront aussi à la publication par la voie du théâtre, c’est-à-dire aux représentations théâtrales, lors même que les pièces qu’on joue ue seraient pas imprimées. Art. 14. Le progrès des lumières, et par conséquent l’utilité publique se réunissent aux idees de justice distributive, pour exiger que la propriété d’un ouvrage soit assurée à l’auteur par la loi. En conséquence, toute personne, convaincue d’avoir imprimé un livre pendant la vie d’un auteur, ou moins de dix ans après sa mort, sans son consentement exprès et par écrit, ou celui dé ses ayants cause, sera déclaré contrefacteur ; et comme tel, il sera condamné à des dommages et intérêts, qui n’excéderont pas la valeur de mille exemplaires de l’ouvrage contrefait : de plus les exemplaires contrefaits qui pourront être saisis, seront remis à l’auteur, et payés à ceux qui les auraient acquis de bonne foi, aux dépens de celui qui sera jugé responsable de l’édition furtive ; enfin, les presses même du contrefacteur pourront être confisquées et vendues au profit du bureau des pauvres. Art. 15. L’article précédent ne s’étend pas aux éditions faites en France des ouvrages imprimés originairement en pays étrangers. Quant aux éditions étrangères des ouvrages originairement imprimés en France, et dont l’auteur ou ses ayants cause conservent encore la propriété, elles seront traitées comme contrefaçons, et ceux qui les vendront, comme contrefacteurs, conformément à l’article 14. Art. 16. Seront néanmoins exceptés de cette loi, pendant deux ans, les libraires qui ont en ce moment en leurs magasins des éditions anciennes furtives ou étrangères d’ouvrages dont les auteurs doivent être regardés comme propriétaires en France, pourvu que ces libraires fassent dans l’espace de quinze jours, leur déclaration à la police de leur municipalité, de la quantité d’exemplaires contrefaits ou d’édition étrangère qu’ils ont encore à vendre, et qu’ils se soumettent à payer à l’auteur une rétribution proportionnée au nombre et à la valeur de ces exemplaires, et déterminée par la municipalité. Art. 17. Dans le cas où il serait prouvé que la contrefaçon a été faite par l’infidélité, soit de l’imprimeur chargé de la première impression, soit de quelques autres agents de confiance, cet imprimeur et ces agents seront punis comme dans l'article précédent, et en outre par des dommages et intérêts qui n’excéderont pas une demi-année de leurs revenus, gages ou salaires. Art. 18. Les pièces de théâtre, soit imprimées, soit manuscrites, ne pourront être jouées sur aucun théâtre public, pendant la vie de l’auteur, ou moins de cinq ans après sa mort, sans son consentement exprès et par écrit, ou celui de ses ayants cause. Chaque infraction à la présente loi sera punie par des dommages et intérêts d’une valeur égale à la recette totale de la représentation. Mais, cinq ans après la mort de l’auteur, toutes ses pièces seront censées un bien commun à tous les théâtres. Art. 19. Les articles 14, 15, 16 et 17 regardent aussi la musique imprimée, et l’article 18 est commun à la musique de théâtre, imprimée ou manuscrite. Art. 20. Les comédiens, qui sont déjà en possession de jouer des ouvrages de musique et des pièces de théâtre composés par des auteurs vivants et sans leur consentement, seront obligés d’obtenir ce consentement ; sinon, ils seront tenus de payer à l’auteur une rétribution qui sera réglée par la municipalité ; et dans ce dernier cas, le caissier du théâtre, ou toute autre personne indiquée par l’auteur, sera le dépositaire de cette rétribution, pour en rendre compte à l’auteur. Art. 21. Toute cession de privilège faite par l’auteur avant la présente époque, subsistera jusqu’à son expiration ; après laquelle, l’auteur, s’il vit encore, ou ses ayants cause, si l’auteur n'est pas mort depuis dix ans, reprendront la propriété de leur ouvrage, pour en jouir aux termes de cette loi. De plus, les libraires ou autres qui se trouvent au moment présent, avoir acquis, pour un ouvrage quelconque en particulier, un privilège à terme fixe, continueront d’en jouir pendant toute sa durée, même dans le cas où les dix ans de survivance accordée par l'article 14 n’auront pas suffi pour épuiser ce privilège. Art. 22. Ceux qui imprimeront, joueront, vendront ou distribueront des éditions, des ouvrages ou des gravures déjà condamnées, en vertu de l’un ou de l’autre des articles précédents, encourront des peines doubles de celles qui ont déjà été infligées par le jugement qu’ils bravent. 263 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 janvier 1790.] TITRE SECOND. De la responsabilité. Art. 23. Tout homme qui vendra un ouvrage portant une fausse indication du nom ou du domicile de l’imprimeur, sera puni, s’il ne peut prouver de qui il a reçu l’ouvrage, par une amende de 36 livres, et sera, de plus, responsable des délits résultant de la publication de l’ouvrage. Art. 24. Tout imprimeur, qui sera convaincu d’avoir mis à un ouvrage un autre nom que le sien, sera puni par une amende de 1,200 livres, et sera réputé complice des délits résultant de la publication de l’ouvrage. Art. 25. Tout imprimeur qui mettra un ouvrage sous un autre nom que celui au véritable auteur, sera puni par une amende de 100 louis, et, de plus, sera responsable des délits résultant de la publication de l’ouvrage, s’il ne peut prouver que la fausse indication n’est pas de son fait. Art. 26. Aucun citoyen ne pourra être puni pour avoir composé, imprimé, publié ou vendu un ouvrage ou une gravure, si cet ouvrage n’est pas jugé être dans un des cas déterminés par les articles précédents ; et toutes les lois antérieures sont abrogées à cet égard. Le présent article regarde aussi les comédiens pour cause de représentations théâtrales, sauf la surveillance de police que les administrations de district et municipales doivent exercer sur les salles de spectacles comme lieux publics ; toutes lois et usages contraires étant pareillement abrogés à cet égard. Art. 27. Tout homme, qui sera convaincu d’avoir vendu ou distribué un ouvrage, en sera responsable, s’il ne peut prouver de qui il l’a reçu. Art. 28. Tout homme, convaincu d’avoir imprimé un ouvrage, en sera responsable, s’il ne peut prouver de qui il a reçu le manuscrit. Art. 29. Tout homme, qui a remis un manuscrit pour être imprimé en sera responsable, s’il ne prouve pas que l’auteur le lui a remis pour le faire imprimer ; et pour cette preuve, il suffira, soit dans le cas de cet article, soit dans celui de l’article précédent, de représenter un billet signé par l’auteur, ou de celui qui a remis le manuscrit, si c'est un citoyen domicilié dans le lieu de l’impression ; sinon, de représenter ce même billet garanti par un citoyen domicilié, qui se rendra civilement responsable des suites ; et néanmoins dans le cas où cette garantie serait illusoire, et où il serait prouvé qu’elle a dû paraître telle à celui qui la présente, il demeurera responsable solidairement avec la personne dont il a reçu ladite garantie. Art. 30. L’auteur d’un ouvrage ne sera responsable de son impression, que dans le cas où elle aura été faite par sa volonté ou de son consentement. Art. 34. Ceux qui ont vendu ou distribué un ouvrage, celui qui l’a imprimé, celui qui l’a remis à l’imprimeur, seront déchargés de toute responsabilité, sitôt que, conformément aux articles précédents, ils auront fait connaître l’auteur, ou celui de qui ils tiennent l’ouvrage, en exceptant toutefois le cas où ils pourraient être convaincus d’avoir été volontairement et sciemment complices du délit. Il faut excepter aussi les comédiens et musiciens, pour le fait seulement des représentations publiques, leur délit et leur responsabilité étant à part du délit et de la responsabilité de l’auteur ou de l’imprimeur. Art. 32. La forme de responsabilité indiquée dans les articles ci-dessus aura lieu également pour les délits qui peuvent être commis par la publication des gravures, par la contrefaçon des ouvrages, ou par la fausse indication, soit de l’imprimeur, soit de l’auteur. Art. 33. Nul individu n’ayant le droit de disposer, pour un usage particulier, des rues, des places, des jardins publies ; et l’intérêt commun exigeant que rien ne trouble les proclamations des actes émanés des pouvoirs établis par la loi, et qu’aucune autre proclamation ne puisse se confondre avec elles : il est défendu, sous peine d’une amende de 24 livres, et même d’un emprisonnement en maison de correction, dont la durée ne pourra excéder huit jours, de crier publiquement aucun livre, papier, journal, etc., à l’exception de ces mêmes actes publics, et dans le seul cas où la publication en aurait été ordonnée par le pouvoir dont ils émanent ; et cette peine pourra être imposée sous forme de police. TITRE TROISIÈME. De l’ instruction et du jugement . Art. 34. L’instruction pour les délits commis par la voie de l’impression sera faite par les juges ordinaires ; et du moment où elle devra commencer à être publique elle sera continuée en présence de dix notables-adjoints ou jurés, qui feront les fonctions de juges du fait, décideront souverainement en conséquence toutes les questions de fait, de la manière qui sera fixée ci-après, et les juges seront tenus de prononcer conformément à ces décisions. Art. 35. Du moment que les notables-adjoints ou jurés auront été appelés à l'instruction, la suite de la procédure ne pourra plus être que verbale. Les jurés pourront seulement prendre des notes de tout ce qu’ils entendront. Art. 36. Les jurés seront choisis par le procureur-syndic du département, ou à son défaut, par celui du district, ou si l’un ni l’aùtre ne sont sur les lieux, par le procureur-syndic de la municipalité. Art. 37. Les jurés seront pris, autant qu’il sera possible, parmi les auteurs, et à leur défaut, parmi les personnes dont la profession suppose l’étude des sciences et des lettres. Art. 38. Ils seront désignés au nombre de vingt ; et l’accusé ou les accusés en commun choisiront, sur ce nombre, les dix qui doivent exercer les fonctions de juges du fait dans leur cause. Art. 39. Avant de procéder au jugement des personnes accusées, comme responsables d’écrits ou autres ouvrages imprimés ou de gravures, ou de représentations de théâtre, il leur sera déclaré auquel des cas mentionnés en la loi se rapporte l’accusation portée contre elles ; alors elles serunt admises à soutenir qu’elle doit se rapporter à un cas plus favorable, ou qu’elle n’est dans aucun : l’examen de cette question sera remis aux jurés, qui la décideront séparément, et Je jugement rendu d’après cette décision ne pourra être porté contre l’accusé, que s’il a été rendu à la pluralité de huit contre deux au moins. Art. 40. Dans le cas où la personne injuriée ne serait pas nommée, mais seulement individuellement désignée, et où les accusés soutiendraient que la désignation individuelle, qui; leur est imputée, n’est pas réelle, cette question sera de même décidée par les jurés, en exigeant la même pluralité. Art. 44. Dans le cas où la personne injuriée demanderait que ceux qui sont responsables de l’ouvrage soient tenus de faire preuve, comme il est dit à l’article 10, les jurés prononceront sur cette demande à la simple pluralité. Art. 42. Dans le cas où celui qui est accusé de contrefaçon alléguerait que l’ouvrage n’est pas le même, parce qu’il s’y trouve des changements, des additions, des commentaires qui en font véritablement un autre ouvrage, dont il serait injuste que le droit du premier auteur privât le public, la question relative à l’identité de l’ouvrage, sera jugée séparément par les jurés et à la simple pluralité. Art. 43. La valeur des dommages et intérêts, la durée de la privation du droit de cité, et celle de la détention, le fait des billets de garantie, et généralement tous les faits, seront déterminés séparément par une décision des jurés à la simple pluralité, excepté dans les cas où la loi exige une pluralité plus forte. Art. 44. Les jurés prononceront que l’accusé est coupable ou non coupable, et il faudra la pluralité de sept 264 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 janvier 1790. J voix au moins contre trois, pour qu’il soit déclaré coupable. Le rapport de M. l'abbé Sieyes est très applaudi. L’Assemblée décrète l’impression du rapport et du projet de loi. M. le marquis de Foucault monte à la tribune pour se plaindre de ce que dans une feuille intitulée : Assemblée nationale et commune de Paris, n° 167, il était dit que, parmi les lettres écrites à M. de Favras, il s’en était trouvé une de lui, marquis de Foucault , désigné membre de l’Assemblée nationale. « J’ai méprisé, a-t-il dit, tous les journaux, tant qu’ils m’ont appelé aristocrate, démocrate, etc., mais j’ai été vivement affecté que l’on m’ait ainsi transporté au Châtelet. Je dois déclarer à l’Assemblée, pour me laver de cette inculpation, que rien n’est plus inexact que ce rapport très exact où l’on me fait tenir correspondance avec un homme auquel je n’ai jamais écrit, avec lequel je n’ai jamais eu aucune espèce de communication. » L’Assemblée témoigne sa satisfaction des paroles de M. le marquis de Foucault. M. le Président prévient l’Assemblée qu’elle a à nommer un nouveau comité des rapports. M. Duport. Je fais la motion de réduire à quinze membres Je comité des rapports et de les faire nommer par l’Assemblée et non par les bureaux. M. de Donnai, évêque de Clermont. On ne peut délibérer aujourd’hui sur cette motion. Le réglement exige que la décision soit renvoyée au lendemain. M. Charles de Lameth répond qu’il s’agit d’une affaire de simple police et d’intérieur, que néanmoins l’affaire est importante, mais que l’obligation de prendre un membre dans chaque bureau gênerait la liberté dans les choix. Il proposé de décider la question sur-le-champ. M.d’Estourmel s’est récrié contre les scrutins de liste. M. Levis de Mirepoix se plaint du petit nombre de membres proposés. Le chiffre de quinze est insuflisant. On demande la question préalable sur la motion de M. Duport. La question préalable est rejetée. La motion principale étant mise aux voix, l’Assemblée décrète que le comité des rapports, composé de quinze membres, sera choisi dans toute l’Assemblée, sans distinction de département. M. le Président lève la séance, et indique la suivante à demain, neuf heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TARGET. Séance du 21 janvier 1790, au matin (1). M. le vicomte de üfoailles, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Plusieurs membres demandent des modifications au procès-verbal et insistent pour que les réclamations qu’ils ont formulées, au sujet de la division des départements, soient rendues plus sensibles et que les motifs qu’ils ont fait valoir soient développés. M. le Président prend les voix et l’Assemblée décide qu’il ne sera fait aucune addition au procès-verbal. M. Fréteau, à cette occasion, observe que le décret par lequel la division en 83 départements a été arrêtée, commençait par ces mots, placés à dessein et avec une intention bien marquée, à la tête du décret : que V Assemblée a entendu les députés des différentes provinces; que l’Assemblée a voulu par ces mots satisfaire la juste délicatesse des députés qui, choisis pour représentants de la nation entière, désiraient cependant pouvoir justifier aux citoyens qui les avaient élus au nom de la nation, des preuves de leur zèle et de leur vigilance pour les intérêts particuliers do leur bailliage, dans la formation des corps administratifs; que l’admission de toutes ces demandes rendrait la rédaction du procès-verbal infiniment prolixe, et que la préférence, donnée seulement à, quelques-uns des députés pendant qu’on exclurait les dires et la défense des autres, semblerait fournir contre ceux-ci un grief et un sujet de reproches de la part de leurs commettants, qu’ils ne mériteraient certainement pas ; que cette vue de sagesse et de justice a déjà fait exclure du procès-verbal la mention de plusieurs de ces réclamations isolées; qu’en conséquence, il propose de décréter par une disposition générale : « Qu’aucune réclamation particulière, relative au partage de la France, ne serait plus insérée au procès-verbal des séances de l’Assemblée nationale, et qu’il n’v serait fait mention que des décisions qu’elle aurait portées sur cet objet,, sans aucun détail des prétentions et des motifs qui auraient été présentés et débattus. » M. l’abbé d’Eyinar appuie cette motion en faisant comprendre à l’Assemblée qu’elle était de nature à hâter ses travaux en mettant un terme à de stériles débats. M. le Président met la motion aux voix. Elle est décrétée. M. Barnave demande ensuite la parole sur la lettre adressée à l’Assemblée par M. le maire de Paris, tendant à intéresser, en faveur des citoyens indigents de cette ville, la bienfaisance particulière et individuelle des membres de l’Assemblée. Ce membre a observé qu’il était nécessaire de concilier dans la mesure qui serait adoptée par l'Assemblée à ce sujet, et son indépendance (1; Cette séance est inc ■. mplète au Moniteur.