(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mars 1791.] je ce trouve de véritable sûreté pour les citoyens qui réclament un droit contesié, aussi cher, étant bon citoyen, que celui d’éligibilité, dans les décisions du seul corps qui a droit de prononcer. Le droit de citoyen est un droit commun et public, et les tribunaux et les corps administratifs n’ont qu’une délégation particulière, et il ne faut donc pasleur attribuer cetteétendueimmense de pouvoir qui ne peut leur appartenir. Il n’est pas à craindre que, dans la suite, les contestations soient aussi fréquentes qu’on se l’imagine. Il ne s’agit ici que do balancer les avantages et tes inconvénients des divers systèmes que l’on propose, et choisir avec prudence ce qui est le plus avantageux au peuple et à ses droits. Je demande la priorité pour l’opinion de M. Robespierre ou 1 ajournement à demain. M. Démeunier, rapporteur. Si l’Assemblée veut ajourner à demain la discussion, je ne demande pas la parole. M. Tronchet. Cette question se réduit à une réflexion fort simple, et que je vais avoir l’honneur de vous proposer. Il est sans doute incontestable que, pour être représentant du peuple, il faut avoir le vœu du peunle ; mais on n’a point le vœu du peuple lorsque l’on n’a point été élu régulièrement, soit parce que l’élection pèche en la forme, soit parce qu’elle est contraire à la loi, qui a exigé telles conditions pour que le peuple puisse vous donner son vœu. Or, toutes les fois qu’il est question de déclarer si, conformément à la loi, j’ai ou je n’ai pas eu le vœu du peunle, il me semble qu’il n’y a que celui qui, par la Constitution même, est chargé de faire l’application de la loi qui puisse prononcer sur cette question Pour cette raison, j’insiste dès à présent pour que, en renvoyant l’article pour être rédigé, il soit déclaré, comme principe, que ce seront les tribunaux judiciaires qui recevront l’appel du premier jugement rendu par le corps électoral. M. Rewhell . Vous rétablirez l’ancien despotisme des tribunaux judiciaires, aussitôt que vous ne les renfermerez pas à ne juger que les différends des particuliers : alors l’intérêt général ne peut jamais être compromis. Il faut restreindre les tribunaux aux intérêts purement privés. Ainsi, Messieurs, l’amendement de M. Tronchet serait le plus dangereux de tous les amendements, il est contraire a ce que vous avez décrété. M. de Mirabeau. Toutes les fois qu’on nous parle, nous voyons toujours ces grands spectres, qui, grâce à Dieu, ne sont plus que des spectres: les parlements, les tribunaux, les bailliages. Eh! Messieurs, les tribunaux d’autrefois n’étaient composés que des commis inamovibles du pouvoir exécutif, et certes, si c’était encore là nos tribunaux, nos teneurs seraient infiniment justes. Mais aujou d’hui ce sera au contraire les délégués amovibles du peuple; et certes, entre les délégués inamovibles dn pouvoir exécutif et les délégués amovibles du peuple, il y a une très grande diffère ce. Ou oublie toujours que le pouvoir judiciaire, étant une émanation du peuple, est aussi pur que l’émanation du pouvoir administratif. Quoi qu’il en soit, il y a au moins une cho-e dont nous sommes obligés de convenir dans la discussion du moment, c’est que, dans tous les systèmes, nous nous écartons jusqu’à un certain point des principes dans l’application. 675 Quoique nous trouvions après un mûr examen (car j’avoue que ia question que nous traitons depuis ce matin est une des plus importantes, est une des plus grandes questions politiques que nous ayons eu encore à traiter) que nous ferions infiniment mieux de suspendre, le comité trouvera, du moins je le crois, que dans l’ajournement à demain il y a plus de zèle que de réflexion. Je demande l’ajournement avec les préopinants; mais ce n’est pas une nouvelle rédaciion que je demande, c’est un éclaircissement de théorie, et que le comité nous représente les articles 19, 22 et 23, sous la forme et dans le mode qu’il aura trouvé le meilleur. (La discussion est fermée.) (L’Assemblée décrète le renvoi des articles 19, 22 el 23 au comité et l’ajournement, ainsi que l’impression des nouveaux articles que le comité de Constitution présentera, d’après les développements qui ont été donnés dans l’Assemblée et les observations qui ont été faites.) M. le Président annonce l’ordre du jour des séances de ce soir et de demain. L’Assemblée décrète ensuite qu’il y aura une séance extraordinaire lundi soir pour entendre la continuation du rapport du comité militaire sur les engagements et dégagements. M. le Président. La parole est à M. de Montesquieu pour faire un rapport , au nom du comité des finances , sur la demande faite par la municipalité de Paris d'une avance de fonds. M. de Montesquiou, au nom du comité des finances. Messieurs, la ville de Paris a présenté à l’Assemblée nationale l’état de ses besoins. Avant d’en faire le rapport, le comité des tioances a demandé l’avis du département, ainsi que toutes les pièces et renseignements qui pouvaient servir à éclairer la détermination de l’Assemblée. C’est après les avoir examinés que nous vous en apportons le résultat. Il s’agit de disposer des deniers publics; il s’agit de le3 appliquer à des objets auxquels, dans l’ordre ordinaire des choses, ils n-> doivent pas être destinés : c’est donc jusqu’à l’évidence qu’il faut démontrer la justice ou la nécessité d’un pan il emploi. Paris a été le berceau de la Révolution. C'est là que le despotisme avait ses forteresses, ses arsenaux, son code, sa magnificence ; du centre de sa force et de ses séductions est parti le signal qui, à la fois, a été entendu et répété d’une extrémité du royaume à l’autre. Paris, à cette époque, avait une fortune particulière, suffisante à ses besoins; au milieu de la déprédation générale, ses revenus avaient été administrés avec assez de sagesse pour suffire à tous ses engagements, et même pour qu’il pût destiner une réserve annuelle à sa future libération. Le 13 juillet 1789, jour célèbre dans notre histoire, au moment où les électeurs prirent possession de la maison commune, ils y trouvèrent en caisse 2,854 676 livres et peut-être devons-nous à cette faible ressource le succès des grandes choses qui se sont opérées depuis. Dans ce moment critique, les calculs de l’économie n’étaient plus de saison. La nécessité des circonstances les plus impérieuses devint tout à coup la seule mesure des efforts de tout genre. Armer et nourrir un peuple immense, protéger les amis de la Révolution, surveiller ou combattre ses ennemis, former, en un instant, le plus vaste plan de défense, voilà qutdle fut la