[Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [» avril 1790.] 247 progression sera suivie pour les contraventions ultérieures; le tout* dans le courant de la même année seulement » (Ges articles sont décrétés tels qu’ils viennent d’être rapportés.) M. Merlin. Le comité vous propose de placer après les trois premiers articles� un article nouveau qui deviendrait le 4e du décret. Il est ainsi conçu : « Dans le cas d'une troisième ou ultérieure contravention; ie délinquant qui, huitaine après la signification du jugement* n’aura pas satisfait à l’amende prononcée contre lui pour cêtte contravention et pour les précédentes, sera contraint par corps et détenu en prison pendant trois mois, ce qui aura lieu, même dans le cas d'une première contravention, lorsqu’elle aura été commise par des vagabonds ou des gens sans aveu. » On a proposé, ajoute le rapporteur, à votre comité, la contrainte par corps, pour le payement des amendes en cas d’insolvabilité. Cette jurisprudence existe déjà à l’égard des dépens de la procédure, mais nous avons cru qu’il fallait distinguer entre les vagabonds et gens sans aveu et les domiciliés indigents. A l’égard des premiers nous avons adopté la contrainte par corps dès la première contravention; à l’égard des autres, nous avons trouvé qu’il était trop dur de les faire payer de leur personne une première ou uhé seconde faute; mais aussi comme il serait impoli-tique de laisser un homme protégé par sort insolvabilité , braver toutes les peines* rtous l’avons soumis à la contrainte par corps pour une troisième Contravention. Un membre : Je demande la suppression de cet article. Un autre membre : Je demande pourquoi l’insolvable et l’étranger ne seraient pas sujets à là contrainte par corps. M, Merlin. Les amendes pour faits de police emportant contrainte personnelle, il est inutile de l’exprimer. M. de Robespierre. Messieurs, il est contraire à tous les principes de raison et d’humanité que l’Assemblée a toujours consacrés, de punir par la prison un fait de chasse parce que la prison est Une peine et que cette peine n’est faite que pour le crime. La seconde partie de l’article est trop vague; le mot vagabond est facile à prononcer, mais difficile à définir. Ce n’est pas dans les lois de l’Assemblée nationale que ce mot doit être prodigué. Quand on aura défini constitutionnellement à quels, signes on doit reconnaître et punir ce qu’on appelle vagabondage, alors je consentirai à violer l’égalité des peines contre l’indigence et la misère, Je ne vois ici que le langage des anciennes fois et des hommes punis plus fortement parce qufiîs n’ont rien. Je demande le rejet de l’article. M. t*erdry. je propose de prononcer, au contraire, une privation absolue de la liberté de chasser, contre ceux qui seront convaincus d’a voir contrevenu aux règlements sur la chasse; je réclame également pour les municipalités ie droit de faire arrêter touf individu sans domicile, tout inconnu ou tout étranger qui se livrera à la chasse. M. Cochelet. Je pense commeM. de Robespierre qu’il ne convient pas de punir dë prison .lès débuts de châsse, mais si cette pénalité était admise, on pourrait enfermer les chasseurs étrangers dans d’autres lieux que dans les prisons. M.d’Àridré. D’après ce que je vïèhs d’entëndfe sûr les droits de propriété, il mé semble fiûe l’on en viendra bientôt à dire qué la propriété est un attentat contre la société; cependant comme j’ai le mâlheür d’être propriétaire, jë. vais eri défendre les droits. Il me paraît que l’égalité dés peines ne sera pas violée si l’insolvable, qui ne paie rien, répond par sa propre personne : elle serait autrement violéé, cette égalité, puisque le solvable paierait et que le vagabond serait impuni. Ainsi je demande que, pour la premiérëf ois, le vagabond soit mis dans le corps-dè-garde 24 heures; la seconde fois, huit jours; la troisième fois, trois mois. M. Mougins <le Roquefort. Lâlibefté dégénérerait en licence, si l’hoannë qui n’a rien pouvait dévaster à son gré les possessions des autres. J’approuve l’article, j’y propose même un amendement qui le corrobore, p’est dè rendre lès pères civilement responsables des délits dë leurs enfants. M. if artîucau. L’objet d’une bonne législation n’est pas seulement de maintenir la liberté individuelle, mais encore le droit sacré de la propriété. Je viens d’apprendre que plusieurs braconniers, après avoir tué des pigeons, se sont avancés vers une ferme et qu’ils ont menacé la vie d’un des fermiers. Ges excès sont fréquents el tous leS jours nous voyon.s des attentats commis par les braconniers. Moi, propriétaire, je n’ai consenti à payer des impôts qu’à condition que taà propriété sera garantie ; celui qui y porté atteinte viole ma liberté. , Il y a deux espèces d’amendes : les unes sont de police et sont la peine d’un quasi-délit ; mais l’action de, chasser sur un terrain d’autrui, est un véritable délit; il doit être puni par la prison. Je demande que la contrainte, paf corps soit prononcée, dès la première fois, contre tops .ceux. indistinctement qui seraient convaincus, du fait de chasse sur le terrain d’autrui. J’adopte l’amendement de M. Mougins de Roquefort ; j’étends même là responsabilité dû chef dè fâmillejûsque sur ses domestiques. M. le marquis d’isfourmet. Plusieurs particuliers, des soldats, même des officiers se déguisent pour chasser. En conséquence, je demande, par un nouvel amendement,, que toute personne qui sera trouvée chassant, déguisée o,d. masquée, sera conduite dans la prison dû district, d’où elle ne sortira qu’après avoir payé une, aineqde double de celle qu'elle eût dû payer, si elle eût été surprise en contravention sans travestissement. M. â-a Inouïe. L’amendement de M. Moulins de Roqüefort est inadmisible parce que les pèreë et maîtres ne sont pas réputés profiter des délits commis pour faits de chasse, par ieurs enfants mineurs ou par leurs domestiques. M. I�e Rois-Desguays. Je fais remarquer à l'Assemblée que si les gens sans pfopriété n’é.taieat pas arrêtés par des peines, on verrait briser ies clôtures par lesquelles on protège les pâturages; les bestiaux s’évaderaient; commettraient des dé- 248 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1790.] ’gats qui seraient la source de procès interminables. De plus une bonne partie des récoltes serait saccagée et la paix publique fort compromise. M. Thibaudeau. J'appuie l’amendement relatif à la responsabilité des maîtres, parce que, s’ils n’ont rien à craindre pour les délits de leurs domestiques, ils les enverront à la chasse. M. Brillat-Savarin. Je propose de laisser aux pèrrs et aux maîtres l’option, ou de répondre de leurs enfants et de leurs domestiques, ou de les laisser soumis aux mêmes peines que les vagabonds; je propose également que le désarmement ne soit pas fait par les gardes, alin d’éviter les querelles et les meurtres qui pourraient en être la suite. M. deLachèze. Un père aurait trop de chances à courir s’il était responsable, surtout en pays de droit écrit, des délits de son fils, qui est quelquefois en sa puissance dans un âge très avancé.. M. I�aPonle. Il est bien évident que les maîtres ne doivent répondre de leurs domestiques que dans les fonctions de service auxquelles ils les emploient. Quant aux fils de famille, la responsabilité doit se borner à ceux qui sont dans la dépendance des pères. M. Bandré. Pour concilier les diverses opinions, je propose de rédiger l’article ainsi qu’il suit : « Quiconque aura été convaincu d’avoir chassé sur l’héritage d’autrui ou sur son propre héritage, dans un temps prohibé, sera tenu de payer l’amende à laquelle il aura été condamné, dans le délai de huitaine; faute de quoi il sera condamné pour la première fois en une prison de 24 heures, pour la seconde en une prison de huit jours, et pour la troisième en une prison de trois mois. Les pères et mères demeureront civilement responsables des délits de chasse commis par leurs enfants mineurs, et les maîtres, de ceux commis par leurs serviteurs, domestiques et apprentis. Dans tous les cas, il y aura confiscation des armes. » M. Gaultier de Biauzat. Il n’y a dans le délit de fait de chasse, ni la présomption d’intérêt qui rend les pères et maîtres responsables des faits de leurs enfants et serviteurs, en dommages causés par des bestiaux paissant, ni le motif de solidarité qui oblige les pères et maîtres de réparer les dommages causés par voitures ou bestiaux; je crois donc que les pères et maîtres, en fait de chasse, ne peuvent être responsables qu’à raison du manquement de surveillance pour ceux de leurs enfants dont l’éducation est à faire. Je propose, par sous-amendement, de réduire la responsabilité des pères et maîtres aux délits des enfants mineurs de 20 ans et non mariés. (L’Assemblée adopte divers amendements.) M. Merlin présente une nouvelle rédaction de l’article et des amendements adoptés, le tout divisé en trois articles. M. de Robespierre propose la question préalable. L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer. M. le marquis d ’Estourmel demande que son amendement forme un paragraphe de l’un des articles nouveaux proposés par le comité. M. Merlin, rapporteur, accepte l’amendement qui deviendra un article séparé. M. le Président consulte l’Assemblée, qui décrète le tout dans les termes suivants : Art. 4. Le contrevenant qui, huitaine après la signification du jugement, n’aura pas satisfait à l’amende prononcée contre lui, sera contraint par corps, et détenu en prison pendant 24 heures pour la première fois; pendant huit jours pour la seconde, et pendant trois mois pour la troisième ou ultérieure contravention. Art. 5. Dans tous les cas, les armes avec lesquelles la contravention aura été commise seront confisquées, sans néanmoins que les gardes puissent désarmer les chasseurs. Art. 6. Les pères et mères répondront des délits de leurs enfants mineurs de 20 ans, non mariés et domiciliés avec eux, sans pouvoir néanmoins être contraints par corps. Art. 7. Si les délinquants sont déguisés ou masqués, ou s’ils n’ont aucun domicile connu dans le royaume, ils seront arrêtés sur-le-champ, à la réquisition de la municipalité. M. le baron de Menon. Plusieurs personnes observent qu’il est bien fâcheux d’employer trois jours pour une loi simplement provisoire, tandis qu’il est important d’entendre le rapport sur le rachat des droits féodaux . On ne peut procéder à la vente des biens ecclésiastiques et domaniaux tant que vous n’aurez pas porté votre décret à ce sujet. Je fais la motion expresse d’entendre sur-le-champ ce rapport. Plusieurs membres appuient cette demande d’ajournement. M. Martineau. Le décret que vous discutez a pour but de sauvegarder la propriété et d’empêcher des déprédations et des dégâts nuisibles à l’agriculture. Je demande que le décret soit rendu sans désemparer. (La motion d’ajournement est mise aux voix et rejetée. La discussion continue.) M. Merlin, rapporteur, propose une rédaction nouvelle de l’article 4 du projet de décret primitif. Cet article 4, qui devient l’article 8, est adopté dans les termes suivants : Art. 8. Les peines et contraintes ci-dessus seront prononcées sommairement et à l’audience par la municipalité du lieu du délit, d’après le rapport des gardes messiers, bangards et gardes champêtres, sauf l’appel, ainsi qu’il a été réglé par le décret de l’Assemblée nationale, du 23 mars dernier; elles ne pourront l’être que, soit sur la plainte du propriétaire ou autre partie iutéressée, soit même dans le cas où l’on aurait chassé en temps prohibé, sur la seule poursuite du procureur de la commune. M. Merlin, rapporteur , présente l’article 5 destiné à devenir l’art. 9, ainsi qu’il suit : « A cet effet, chaque municipalité est autorisée à établir au moins un garde messier, bangard ou garde champêtre, dans la forme prescrite par les anciens règlements, et il sera libre à chaque propriétaire d’en établir un ou plusieurs, en les faisant recevoir et assermenter par la municipalité. »