290 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 septembre 1791. le ment ceux qui travaillent dans ces manufactures et dans ces ports, mais ceux-mêmes dont les travaux et les occupations semblent n’y avoir aucun rapport et les cultivateurs mêmes des départements intérieurs. C’est là l’effet précieux et incalculable d’une immense circulation, d’uue grande action et réaction de capitaux et d’industrie. Quel ridicule et quelle puérilité n’est-ce donc pas que de calculer, comme on l’a fait, ce qui peut revenir par jour à chaque individu du royaume dans le partage des 300 millions (1) de produits annuels des colonies! Ceux qui font ces petits calculs sont bien neufs en économie politique. Ils ignorent apparemment que c’est par le travail que les nations existent, qu’elles sont heureuses et puissantes, et que la masse du travail qu’un produit annuel et renaissant de 300 millions met en activité, est véritablement au-dessus de tout calcul, et surtout au-dessus de leur faible conception. C’est par les colonies, Messieurs, et par elles seules que vous avez une navigation marchande ; et le plus simple développement va, j’espère, vous eu convaincre. Tous les bâtiments de commerce français, du plus petit au plus grand, ne s’élèvent à peine qu’au nombre de 4,000. 800 ou 1,000 des plus grands de ces navires font directement le commerce des côtes d’Alri� que et des colonies, et un nombre à peu près égal est employé à un cabotage, soit intérieur, soit étranger, pour le transport des assortiments de cargaison* de comestibles ou d’objets nécessaires aux armements, pour les divers ports qui arment des navires pour la destination directe des colonies, ou pour le transport des denrées coloniales, soit de port en port de France, soit dans les pays étrangers. Votre commerce du Levant souffrirait lui-même beaucoup, s’il manquait des objets coloniaux pour ses assortiments, et diminuerait en conséquence. Votre grande pêche sur les bancs et la côte de Terre-Neuve en éprouverait un échec très sensible, et surtout serait arrêté dans l’essor d’extension et de prospérité dont elle est susceptible. Vous resteriez doue avec quelques navires pour l’Inde, un commerce affaibli dans le Levant, de médiocres pêcheries, et très peu de petits naùres caboteurs; c’est-à-dire que votre navigation, déjà si mesquine pour une grande nauon, se verrait tout à coup réduite de plus de moitié. Je n’ai pas besoin de faire sentir que, dans un tel état de choses, votre puissance maritime serait détruite, parce que vous n’auriez point de matelots que la navigation marchande peut seule former et entretenir. Enfin, Messieurs, c’est par vos colonies que la balance générale du commerce a jusqu’à présent été calculée de 70 millions annuellement en faveur de la France, comme la France envoie annuellement 150 millions de denrées coloniales à l’étranger et ne tire qu’environ 10 millions de l’étranger pour la destination directe ou indirecte des colonies. Ces 10 millions déduits de 150, il reste 140 millions de richesses étrangères que les den-(1) J’e$lime cette année le produit des colonies à 300 millions, ou bien peu S’en faut, par la grande valeur à laquelle se sont élevés les sucres. Ceux qui n’ont estimé ce produit qu’à 200 millions, sont restés au-dessous de la réalité, môffie pour lés années précédentes. rées coloniales attirent annuellement dans le royaume : donc, la France en perdant les colonies, au lieu d’avoir en sa faveur une balance générale de 70 millions en aurait une contraire de pareille somme. Dans les époques les plus prospères, l’Etat ne soutiendrait pas longtemps cet ordre de choses. Dans l’état a