SÉANCE DU 28 THERMIDOR AN II (15 AOÛT 1794) - Nos 16-18 95 enflame. Pour vous, conservés votre attitude imposante, continués à parcourir votre glorieuse carrière où chacun de vos pas est marqué par quelque nouveau succès. Poursuivés sans relâche les ennemis du dedans et du dehors, et ne posés les armes que lorsque vous ne verrés dans tous les peuples du monde que des admirateurs et pas un ennemi. Vive la République, vive la montagne ! S. et F. ! Heirissou (maire), Delgrand ( agent nat.), B. Bourlas (secret-adjoint), Roustic (secrêt-adjoint), Truilhes (se crét-adjoint), Cazes (se-crét-greffier) et 23 signatures d’officiers municipaux et de notables. 16 La société populaire de Saint[e]-Maure, département d’Indre-et-Loire, demande d’être autorisée à changer le nom de cette commune en celui de La Fraternité. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [La sté popul. de Sainte-Maure, à la Conv.; Sainte-Maure, 5 therm. II] (2) Citoyens représentans, L’origine du nom que porte notre commune se perd dans l’antiquité. Selon les uns, elle dérive d’une soi disant sainte qui probablement n’a jamais existée. Selon d’autres, c’est un comte de Sainte-Maure qui a donné son nom au château qu’il habitait. Dans les 2 cas ce nom ne convient pas à des républiquains qui abhorent le fanatisme et cette caste cy-devant privilégiée et si justement proscrite. Nous vous invitons, citoyens représentans, de nous accorder la permission de changer le nom de Sainte-Maure en celle de la comune de La Fraternité, et vous félicitons en même tems sur les victoires qu’un peuple libre remporte journellement sur des tirans et leurs esclaves. Vous êtes les fondateurs de la République et du bonheur du peuple français. Votre exemple sage et énergique a électrisé touttes les âmes. Nous répétons pour la troisième fois : restés à votre poste jusqu’à ce que nos ennemis, tant intérieurs qu’extérieurs, soient à vos pieds. Pachot l’aîné (présid.), Juyet (secrét.). 17 L’agent national du district de Mari-gny (3) applaudit au décret qui défend le recouvrement des droits supprimés en 1790, et rend compte qu’un bien d’émigré, estimé 6 130 liv., a été vendu 30 575 liv. Insertion au bulletin, renvoi au comité des domaines nationaux (4). (1) P.V., XLIII, 231. (2) C 316, pl. 1267, p. 10. Mentionné par J3‘n, 2 fruct. (3) Sic pour Marcigny-sur-Loire, Saône-et-Loire. (4) P.V., XLIII, 231. [ L’agent nat. du distr. de Marcigny-sur-Loire, au présid. de la Conv.; Marcigny, 8 mess. II] (1) Citoyen président, Témoigne, je t’en conjure, à l’auguste sénat que tu présides les sentimens reconnoissants des citoyens du district de Marcigny, du décret qui supprime le recouvrement des droits supprimés en 1790. Cette loy sage, en effaçant la dernière trace de l’ancien Régime, redouble notre respect et notre admiration pour la Convention nationale. Elle apprendra sûrement ainsi que toy avec plaisir qu’un objet d’émigrés estimé 6 130 liv. s’est vendu 30 575 liv. Cette vente s’est faite le 2 de ce mois. S. et F. ! Millaud (agent nat.) 18 La société populaire de Moyaux, district de Lisieux, département de la Manche [sic pour Calvados], félicite la Convention sur ses glorieux travaux, rend compte d’une fête qui a été célébrée dans cette commune, et invite la Convention nationale à rester à son poste. Insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique (2). [La sté popul. et républicaine séante à Moyaux, à la Conv.; s.d. ] (3) Représentants du peuple, Nous vous addressons le procès-verbal de la fête à l’Etre suprême célébrée le 20 prairial dans la commune de Moyaux. Vous verrez, en le lisant, que si la raison nous a dégagé des entraves de la superstition, elle a su aussi nous préserver du poison de l’athéisme; l’affreuse doctrine de ce monstre nous répugne et nous fait horreur : l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme sont deux vérités gravées dans nos cœurs en caractères ineffaçables. Continués, législateurs, de dissiper les brouillards des préjugés en faisant luire sur tous les points de la République le soleil de la philosophie. Continuez d’assurer la prospérité publique sur des bases inébranlables; mettez la dernière pierre à votre immortel ouvrage. Bientôt, grâce à votre immortel amour pour la patrie et votre zèle infatigable, la France offrira un spectacle tel qu’on n’en peut trouver de semblables dans les annales d’aucun peuple : une société d’hommes libres et heureux qui, après avoir écrasé le despotisme des rois et des prêtres, furent gouvernés par des loix marquées au coin de la sagesse et de l’utilité commune. Les membres composant le c. de correspondance : Seney, Berthaux, Bouchard, F. Vouin. Procès-verbal de la fête à l’Etre suprême et à la nation, célébrée dans la commune de Moyaux, district de Lisieux, département du Calvados, le 20 prairial, 2 e année de la République. (1) C 313, pl. 1251, p. 27. B‘n, 1er fruct; Moniteur (réimpr.), XXI, 538; M.U., XLIII, 41. (2) P.V., XLIII, 231. (3) C 316, pl. 1267, p. 11, 12. 96 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Extrait du registre des séances de la société dudit lieu. Le son des tambours annonce la fête à l’Etre suprême : le peuple afflue et remplit la place d’armes. La garde nationale, rangée sur 2 colonnes, se rend au temple de la divinité, précédée de 6 républicaines revêtues de blanc et ornées de guirlandes et de rubans tricolores. Les membres de la société républicaine, précédés et accompagnés des membres composant le corps municipal, le comité de surveillance et la justice de paix, tous ornés de branches de chênes, mar-choient dans les rangs. Arrivés au temple dans cette ordre édifiant, chacun se place comme il convenoit. Un autel orné de feuillage, de guirlandes parsemées de fleurs et entremêlées de rubans tricolores où on lisoit ces mots « le peuple français reconnoît l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme » y présentoit l’éclat de la simplicité. On entend dans un silence religieux la lecture des loix et des décrets. Un membre de la société parrut ensuite à la tribune et prononça ce discours : Le peuple français reconnaît l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme. Que cette grande vérité proclamée en face de l’univers par la Convention nationale se fasse entendre sur tous les points de la République, qu’elle retentisse chez tous les peuples de la terre, qu’elle frappe surtout l’oreille de leurs oppresseurs ! Que les tyrans cessent enfin de répandre le noir poison de la calomnie sur les républicains français ! Qu’ils cessent de les représenter à leurs esclaves comme des êtres malfaisants, téméraires, impies, ennemis de l’ordre, des hommes et de la divinité, culbutant, renversant de fond en comble tout sistème de gouvernement, foulant aux pieds tout ce qu’il y a de plus sacré parmi les mortels. Ah ! Vils Sicophantes, lâches scélérats, jusqu’à quand ferés-vous des dupes en nous reprochant vos vices et vos crimes ? N’est-ce pas vous qui outragez à chaque instant la raison, la nature, l’humanité en immolant à votre orgueil des miliers d’hommes que vous regardez, élevés, dressés pour satisfaire vos caprices et vos fantaisies ? N’est-ce pas vous qui poussez l’ypo-crysie et l’impiété jusqu’au dernier période ? Si vous étiez vraiment persuadés de l’existence d’un Dieu, vos trônes seroient-ils souillés de tant de forfaits ? Quoi ! Tandis que l’éternelle justice guide nos pas et dirige nos actions, tandis que les mœurs, la probité, la vertu sont chez nous à l’ordre du jour, les attrocités les plus abominables ne sont-elles pas à l’ordre du jour dans vos cabinets ? Pour entraver la marche de l’esprit révolutionnaire qui s’avance à pas de géant vers vos contrées, n’avez-vous pas recours à tout ce que la scélératesse a de plus rafiné ? N’es-ce pas vous qui dernièrement encore avez aiguisé les poignards de ces monstres qui ont tenté d’assassiner nos représen-tans ? Tremblez, tyrans, tremblez, bêtes féroces ! votre dernière heure est sonnée; déjà vous chancelez sur vos trônes; en vain espérez-vous les étayer par de nouveaux crimes; vous ne faites qu’accélérer votre chute, le terrible moment de la vengeance approche : vos têtes vont tomber, et que vous restera-t-il ? L’exécration, jusque dans la postérité la plus reculée ! En vain, pour retenir les peuples courbés sous votre horrible joug, essayez-vous d’am-monceler dans vos royaumes les épaisses ténèbres de l’ignorance, les brouillards pestilenciels de la superstition; le génie bienfaisant de la liberté qui plane sur la France les dissipera de son soufle et présentera à ceux que vous osez appeller encor vos sujets le sublime tableau des droits de l’homme. Oui, le torrent qui doit submerger le monde moral pour le féconder et le régénérer renversera les digues, les barrières que vous vous efforcez de lui opposer. Vous, supersititieux et fanatiques, ouvrez les yeux à la lumière, ne soyez plus sourds à la voix de la vérité. Cessez vos plaintes et vos hurle-mens, cessez de crier qu’il n’y a plus de religion. Ne regrettez plus vos hochets, vos grelots et les armes dangereuses arrachées de vos mains, avec lesquelles en voulant frapper les autres, vous vous seriez frappés vous-même. Si je ne craignois de contrister les âmes dans un tel jour de fête, je vous dirois : transportez-vous dans la Vendée. Là vous verrez les affreux effets et les traces sanglantes du fanatisme. Apprenez à distinguer la religion de tout ce qui n’est pas elle. Apprenez que ce n’est pas en coupant les branches gourmandes d’un arbre, en arrachant le lierre qui s’est enlassé autour, qu’on le fait périr, ou qu’on l’empêche de produire de beaux fruits. Apprenez que le seul culte digne de l’Etre suprême consiste dans la pratique de nos devoirs et de la vertu. La vrai religion, je veux dire la religion de la nature, simple, sans mistères et sans dogmes, ne se borne pas à nous enseigner cette maxime : Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait. Elle ajoute : Faix aux autres tout le bien que tu veux qu’il te soit fait à toi-même. Fuyez, fuyez le sol de la liberté, insensez qui avez l’audace d’escalader le ciel pour attaquer l’existence du grand architecte de l’univers ! Perfides apôtres de l’athéisme qui voulez par de futiles sophismes saper les fondements de la morale sans laquelle il n’est point de République, qui prétendez opérer la contre-révolution et nous replonger dans l’esclavage en nous faisant rejetter le seul maître que nous connaissons, allez prêcher aux méchants et aux despotes votre désolante doctrine. C’est à eux seuls qu’elle convient pour étoufer leurs remords. Quoi ! tandis que la nation entière nous crie qu’il existe un Dieu, tandis que nous le sentons autour de nous et au dedans de nous, tandis que nous ne faisons pas un mouvement qui ne soit un acte de bonté, serions-nous assez stupides, assez ingrats pour n’y pas croire ? Oh ! Que l’idée du grand Etre de qui tout émane, par qui tout existe et à qui tout se rapporte, a de charme pour les belles âmes, quelle source d’encouragement à la vertu cette pensée procure aux républicains ! Et puis l’es- SÉANCE DU 28 THERMIDOR AN II (15 AOÛT 1794) - N° 19 97 poir d’une heureuse immortalité après que l’horloge de la vie ne sonne plus, que la tombe s’ouvre pour recevoir l’argille humaine, ne doit-il pas nous exciter à bien vivre, nous enflamer de zèle pour les devoirs de citoyen, nous embraser d’amour pour la patrie, nous faire affronter les dangers et la mort, nous faire braver la rage de nos féroces ennemis ? Etudions-nous donc, citoyens, à nous rendre agréables à la divinité par une conduite vertueuse. Souvenons-nous que c’est de l’Etre suprême que nous tenons ce que nous possédons de plus précieux, la liberté. Certes il ne nous a pas fait un si beau présent pour le dédaigner, le laisser ravir. Jurons donc tous encore une fois en ce moment de mourir plutôt que de ne pas conserver la liberté ( Tous répètent d’une voix unanime : je le jure); que nos actions, nos pensées et nos soupirs n’aient d’autre but que le bonheur de la patrie; sacrifions lui nos petites passions contraires au bien général; goûtons les délicieuses jouissances qui naissent des bonnes actions. Quel est celui d’entre nous qui n’a jamais senti ce doux consentement, cette joie pure, ce sentiment exquis que l’on éprouve après avoir soulagé un malheureux ? Versons notre superflu dans le sein de nos frères qui manquent du nécessaire. Ecoutes, mon semblable, pourquoi tant de peines, tant de travaux et tant de fatigues, tant de sueurs et même tant d’injustice ? C’est pour que l’on dise de toi : Voilà un homme riche ! Eh ! Que trouveras-tu au milieu de tes richesses ? Le bonheur ? Non, le dégoût et l’ennuy, le germe de la corruption et de tous les vices. Abjure ton orgueilleuse cupidité. Le vrai républicain chérit la frugalité et s’honore de la pauvreté; il met toute sa gloire à entendre de lui : voilà une (sic) homme probre, voilà un homme vertueux ! Vous, magistrats du peuple, remplissez dignement la tâche que la République vous impose, que la loi soit toujours votre boussole; guidés les citoyens par votre exemple, faites leur aimer l’administration municipale; que la justice, l’impartialité, l’intégrité et le désintéressement vous accompagnent partout ! Sachez aussi allier la douceur avec la sévérité. Vous, membres du comité de surveillance, ne vous endormez pas ! Veillez sans cesse, soyez terribles envers les aristocrates conspirateurs, faites qu’aucun n’échape à la vengeance nationale, mais soyez prudents : prenez garde de confondre l’innocence avec le crime, sachez que lorsqu’un patriote est dans les fers, les républicains sont en deuil. Enfin nous tous, enfans de la patrie, marchons d’un pas ferme sans dévier sur la ligne révolutionaire qui nous est tracée. Plus de haine, plus d’animosité, plus de jalousie parmi nous, n’ayons qu’un même esprit et qu’un même cœur, aimons-nous comme de bons frères, offrons l’image d’une grande famille qui vit dans la paix et l’union la plus étroite; ne cherchons à nous surpasser les uns et les autres que par des actions utiles à notre mère commune, et dans ce moment élançons-nous par la pensée vers les voûtes célestes et, de concert avec des cœurs purs et brûlans de reconnaissance, adressons ces paroles à l’Etre suprême : Grand Dieu, père des hommes et suprême ordonnateur des mondes, toi qui lanças dans l’immensité des espaces l’astre brillant qui nous éclaire, nous échauffe, nous vivifie et féconde la nature; toi qui fais succéder le jour et la nuit et règle les vicissitudes de saisons; toi qui couvre nos campagnes de riches moissons et d’arbres chargés de fruits; toi qui nous fis naître tous égaux, et graves dans nos cœurs les droits sacrés de l’homme, seconde nos efforts pour conduire le char de la révolution jusqu’à son dernier terme. Fais que le vaisseau de l’Etat soit inébranlable au milieu des tempêtes comme un rocher au milieu des flots irrités de la mer; fais que la vertu triomphe du crime et que la liberté, pour laquelle nous avons juré de périr, devienne l’apanage inaliénable des Français; fais qu’après avoir rendu homage à ta puissance, à ta majesté, nous puissions toujours crier : vive la République ! De vifs applaudissemens et un cri général de Vive la République ont retentis dans les voûtes du temple. De jeunes républicains de l’un et l’autre sexe ont fait retentir la tribune de leurs accents et d’hymnes à la liberté; la finale étoit chantée en chœur et l’allégresse étoit universelle. Le roulement des tambours annonce le moment du départ. La garde nationale conservant toujours le même ordre militaire se rend, accompagnée du corps municipal et du comité de surveillance, du tribunal de paix et de la société populaire, au pied de l’arbre de la liberté, où, après quelques évolutions militaires, tous les citoyens, le cœur rempli d’enthousiasme et d’amour pour le républicanisme, se sont séparés après s’être donnés l’assurance de l’amitié par des embrassements fraternels. Collationé à l’original: F. Avrerin ( secrét .), Vandon ( présid .), Bouchard. 19 La société populaire de Ribeauvillé, département du Haut-Rhin, donne connois-sance à la Convention nationale des dons patriotiques offerts par cette commune. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité des finances (1). [La sté popul. de Ribeauvillé, à la Conv.; Ribeauvillé, 30 mess. II] (2) Citoyens représentans, Vous avez approuvé nos sentimens de piété filiale envers l’Etre suprême, d’attachement à la République et d’une vénération affectueuse pour les dignes représentans du peuple français. La commune de Ribeauvillé ose se croire digne de vos suffrages. Elle a versé dans le trésor public par le canal du directoire du district 117 marcs 2 onces 1/2 de vermeil, 13 marcs 5 onces 1/2 d’argent, 153 marcs de galons d’or et (1 )P.V., XLIII, 231-232. (2) C 316, pl. 1267, p. 13. En exergue : Liberté, vertu, égalité, vérité. Bm , 2 fruct. (suppl1)-