(États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES , [Sénéchaussée de Nantes.] 1Q3 villes et paroisses de cette sénéchaussée, et lecture faite d’icelui, l’assemblée l’a généralement adopté ; en conséquence, elle a délibéré qu’il serait inscrit au présent, ce qui a été fait ainsi qu'il suit : CAHIER Des charges et doléances des députés du tiers-état de la sénéchaussée de Guérande pour être remis à ses électeurs, qui seront nommés pour procéder à l'élection , en l'assemblée de Nantes , des députés aux Etals généraux (1). Art. 1er. De se joindre à toute la province pour obtenir l’exécution des réclamations de l’ordre du tiers consignées dans les arrêtés faits à l’hôtel de ville de Rennes les 22, 24, 25, 26 et 27 décembre 1788, et dans le procès-verbal de ses séances du 14 au 21 février dernier. Art. 2. La suppression du droit de franc-fief; et en attendant cette suppression, supplier Sa Majesté de défendre aux receveurs de ces droits, d’en former la demande pour plus d’une année seulement et sur le pied du produit réel des biens qui y sont sujets, sans y ajouter les 8 sous pour livre, ne pouvant donner plus que le produit sans aliéner le fond. Art. 3. Abolition des droits de. centième denier, d’ensaisinement, et modération sur celui du contrôle, grand et petit scel ; et en attendant la sup-Sressiondu droit de centième denier, supplier Sa ajesté de défendre à ses receveurs de percevoir celui nouvellement exigé sur le survivant des mariés de l’évêché de .Nantes, pour cause des acquêts de communauté. Art. 4. La suppression de tous autres impôts, sous quelque dénomination qu’ils puissent être établis depuis 1614, attendu qu’ils ont été créés sans lé consentement de 1a, nation. Art. 5. Consentir la perception plus simple et plus économique des impôts sous les moindres dénominations possibles, auxquels tous les ordres de l’Etat contribueront également, et la recette en être faite comme celle des vingtièmes et capitations par des receveurs nommés par les municipalités et généraux de paroisses, sans ministère d’employés quelconques, et versés dans une caisse diocésaine qui les ferait parvenir directement dans celle de l’Etat. Art. 6. Demander la suppression de la chambre des comptes, comme tribunal absolument inutile, les juges royaux des lieux pouvant en remplir les fonctions, et dans le cas d’impossibilité actuelle, arrêter, en attendant cette suppression si utile, que les pourvus d’offices ne jouiront que de la noblesse personnelle et non transmissible. Art. 7. La su ppression des généraux des finances, de toute juridiction d’attribution, excepté celle du consulat et de l’amirauté ; abolition entière de toute juridiction seigneuriale, sauf l’indemnité pour le remboursement des offices par le seigneur. Art. 8. L’établissement des juridictions royales, à des distances convenables et proportionnées au besoin des citoyens, jugeant en dernier ressort jusqu’à une somme qui sera définie par les Etats généraux. Qu'aucun sujet du Roi ne puisse être jugé et encore moins puni sans être entendu, ce qui suppose l’abolition, en tout cas, la vérification des lettres de cachet contradictoirement avec le détenu, qui pourra appeler des conseils ; mais si le bonheur et la tranquillité des familles exige que le (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. monarque use quelquefois de ce droit, au moins faut-il que l’abominable juridiction prétendue correctionnelle soit ôtée aux cours souveraines, qui, sur des accusations inventées par la lâcheté et souvent par la calomnie, se font un jeu de donner des adveniat et exercent ainsi un despotisme orgueilleux envers des sujets presque toujours innocents, mais trop faibles pour se faire rendre justice ; que tout accusateur sera donc nommé et que les prétendus griefs soient communiqués au prétendu coupable, afin qu’il puisse y répondre et obtenir des dommages et intérêts envers le lâche accusateur s’il échoit, et que cet accusateur ne puisse emprunter le nom d’un insolvable. Art. 9. L’établissement dans des districts composés de quelques paroisses ou d’une seule, à raison de leur population, * d’un notaire revêtu de la qualité de juge de paix, qui veillerait au maintien des lois et de la police, et jugerait même en dernier ressort les petits différends jusqu’à la concurrence d’une somme modique fixée par les Etats généraux, qui, de plus, ferait l’apposition des scellés, tutelles, inventaires, ventes, curatelles et décrets de mariage, le tout sans frais, parce qu’il serait appointé par les généraux des paroisses de son district et choisi par eux ; que les lettres d’émancipation et de restitution seront données sans frais par le juge royal. Art. 10. La réformation de la coutume de Bretagne et l’abolition desusements locaux contraires au droit public, pour être converties, s’il est possible, en une loi générale commune à tout le royaume ; le douaire en Bretagne en faveur des hommes comme il l’est pour les femmes. Pareille réformation des ordonnances civiles et criminelles, même l’édit de 1695 et de ceux des saisies réelles, avec faculté aux créanciers de se faire assiette sur les biens de leurs débiteurs jusqu’à la concurrence de leurs dus après l’épuisement des meubles et effets non prohibés. Art. 11. La faculté aux vassaux de s’affranchir de toute redevance féodale aux deniers qu’il plaira aux Etats généraux de fixer, ainsi qu’à chaque particulier des rentes foncières auxquelles ils seront assujettis ; et dans le cas qu’il ne plaise pas aux débiteurs de franchir, que la prescription des arrérages en soit acquise par cinq ans, et que les rentes féodales en grain demeurent perpétuellement appréciées à un prix moyen par le juge royal du district non possesseur de fiefs. La suppression des aveux, sauf aux seigneurs des fiefs à se conformer à la coutume pour la réformation de leurs rôles. De plus, une loi sur les communes, qui en assure la propriété aux riverains, sauf le partage entre eux, et ordonne la restitution de ceux que les seigneurs ont envahis. Art. 12. L’abolition sans aucune finance des droits de fuies et garennes, de banalités de four et moulins et autres, de corvées de toute espèce qui ne sont pas fondées en titre, de coutumes, de foires et marchés, du droit de chasse; la faculté seulement aux propriétaires ou aux fermiers de chasser sur le terrain qu’ils cultivent par Jeurs mains. Art. 13. Que toutes les abbayes, collégiales, prieurés et bénéfices sans charge d’âmes seront détenus en séquestre pour servir d’allégement à l’impôt, attendu que tous biens ecclésiastiques vacants appartiennent de droit à la nation. Que chaque province aura l’administration des biens formant le temporel des archevêchés et évêchés, à l’exception des palais et dépendances, 104 (États gén. 1189. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Nantes.] parce qu’elles payeront aux possesseurs d’iceux, pour tout revenu, la somme que les archevêchés et évêchés sont taxés, ou celle qu’il plaira aux Etats généraux de fixer, et les nouveaux pourvus, qui seront dispensés de se pourvoir en cour de Rome pour y obtenir des bulles, ne seront tenus qu’aux réparations locatives de leur palais et annexes. Que lesdits archevêques et évêques sont autorisés à accorder toutes les dispenses sans frais, pour lesquelles on a été obligé de se pourvoir en cour de Rome. Qu’au surplus, les Etats généraux doivent aviser aux moyens de conserver en France le numéraire qui en sort et qui est versé dans les coffres de la cour de Rome. Art. 14. Qu’il soit pris des mesures pour établir de bonnes écoles nationales dans les villes et bourgs et des écoles d’hydrographie dans les ports de mer, aux dépens du gouvernement, qui en a jusqu’ici tiré le plus grand avantage ; qu’il soit aussi établi des hôpitaux ou ateliers de charité par districts et aviser aux moyens les plus efficaces pour détruire entièrement la mendicité, et qu’il n’y ait qu’un catéchisme invariable pour tout le royaume. Art. 15. Qu’il soit libre à tout propriétaire de donner à son champ la production qu’il jugera la plus convenable au sol, et qu’on avise au moyen de l’encourager à planter des bois. Art. 16. Faire des représentations en faveur I de la classe utile des gens de mer, à l’effet d’établir une règle invariable ; de les envoyer à leur tour au service, l’augmentation de leurs gages, l’exactitude de leur payement, les invalides de droit à l’âge de soixante ans, et la demi-solde à leurs veuves et enfants, tant qu’ils n’auront pas de moyens de subsister, ainsi qu’à tous ceux qui auront été blessés tant au service du Roi qu’à celui du commerce, de façon à ne pouvoir gagner leur vie; de ne pouvoir contraindre au service de mer que le sujet destiné à la mer ; au surplus, demander l’exécution exacte des ordonnances rendues à ce sujet. Art. 17. Qu’à l’avenir les députés aux Etats de la province et à ceux du royaume seront nommés devant le juge royal du district et à rassemblée qui sera convoquée à cet effet ; y assisteront et auront voix, les députés des paroisses du même district, sans que les nobles ni les ecclésiastiques puissent s’y trouver. Art. 18. Suppression des notaires apostoliques et compétence aux notaires royaux pour rapporter tous actes ecclésiastiques chacun dans leur ressort. Art. 19. Qu’il n’y ait dans tout le royaume qu’un seul poids et qu’une seule mesure. Art. 20. Qu’il ne sera accordé aucun privilège exclusif dans tous les cas, et particulièrement pour les pêches et pêcheries sur les côtes et rivières du royaume. Art. 21. La liberté du commerce du sel dans tout le royaume, sans aucune entrave et sans aucune imposition, avec faculté aux étrangers de s’en approvisionner comme par le passé sans payer plus de droit dans un port que dans un autre. Art. 22. Que les dîmes ecclésiastiques en grain et vin, même celles prétendues inféodées, soient réduites au trentième, et que leur perception n’aura lieu que sur les gros grains et vins et sels ; que chaque recteur dîme dans sa seule paroisse, et que le droit de champart et autres de pareille nature soient entièrement abolis. Que les gros décimateurs seront tenus de stipendier les prêtres qui seront établis dans les frairies ou cueillettes éloignées d’une demi-lieue de l’église paroissiale, n’étant pas juste que les habitants de ces frairies qui payent dîme soient encore obligés de payer un prêtre pour leur dire la messe et leur administrer les sacrements. Art. 23. üe mettre sous les yeux des Etats généraux, en général, tous les ports du royaume et en particulier ceux du Croisic, du Poulinguen, Piriac et Mesquer, leur situation actuelle, leur entière destruction, s’il n’est obtenu des secours du gouvernement, d’où il résulterait une perte immense pour Sa Majesté par l’extinction des droits qu’elle en retire et la ruine d’un millier de familles qui ne subsistent que du genre de commerce du sel et de la culture des marais, lesquels ne seraient, après la destruction des ports, qu’un terrain immense, insusceptible d’aucune culture, et tomberaient en pure perte tant au gouvernement qu’aux particuliers ; observant que, dans la décision qui aura lieu relativement aux ports du Groisic et du Poulinguen, on aura égard aux plaintes et réclamations des habitants de Poulinguen et champ de Ratz envers ceux du Groisic pour participer aux octrois qu’ils versent depuis longtemps dans la caisse de la communauté du Groisic, pour être employés aux réparations de la tour de Batz et du port de Poulinguen. Art. 24. Demander la confirmation des privilèges accordés par les ducs de Bretagne et les rois de France, leurs successeurs, aux paroisses de Batz et du Groisic, pour le troque des grains et sels dans toute la province, attendu l’infertilité de leur territoire. Art. 25. Demander qu’il soit permis aux gens de mainmorte, et notamment aux généraux des paroisses et hôpitaux, de placer leurs fonds sur telle personne et corps laïques qu’ils jugeront à propos. Art. 26. Généralement d’autoriser les élections à l’assemblée de Nantes à consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité du royaume et le bien de tous les sujets du Roi, et l’assemblée a été renvoyée à demain 3 avril, une heure de l’après-midi. Art. 27. Et avant la signature l’assemblée a dé | libéré de porter au nombre de ses charges l’article ci-après : Que les recteurs ne soient plus sujets aux grosses et moyennes réparations de leurs presbytères et dépendances, mais seulementà celles locatives qui consisteront en vitrages et carrelages, ardoises fayantes, enduits et blanchissages intérieurs, serrures et ferrures, lorsque la réparation desdites serrures et ferrures n’excédera pas la valeur de 3 livres; que pour cette exemption, ils verseront une quotité de leur revenu annuel dans les coffres de leur paroisse, et à chaque mutation il sera dressé un procès-verbal estimatif des réparations locatives manquantes , lequel procès-verbal sera rapporté par un seul expert nommé par le juge du lieu, lequel expert sera de la paroisse ou des limitrophes; le montant desdites réparations sera mis aux mains du recteur entrant, sans qu’il puisse exiger ni les réparations en nature, ni plus grande somme que celle qui sera estimée par l’expert ; et dans tous les cas, le recteur ne pourra demander de grosses ni moyennes réparations, mais seulement prévenir le ministère public et les mar-guilliers pour qu’ils les fassent faire lorsque le cas l’exigera. Signé Le Peley de Villeneuve, Rouard [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Nantes.] 105 de la Villlemartin, Haumont des Prés, Crespel de Keado, Duflexon, Millon, Lallemant de Gueho, Lallemant. Aujourd’hui 3 avril, une heure après midi, l’assemblée a fait ses remercîments à MM. les commissaires de la rédaction du cahier des charges. Ensuite, le requérant M. le procureur du Roi, M. le sénéchal a reçu le serment de tous les membres de l’assemblée, qui ont juré et affirmé séparément, la main levée, de nommer en conscience les quatre sujets qu’ils croiront les plus dignes de leur confiance et les plus attachés à leurs intérêts et à ceux de l’Etat, et, après avoir de suite recueilli les voix, l’assemblée, par la pluralité des suffrages , a nommé pour porter le présenl cahier contenant celui des doléances du tiers-état de cette sénéchaussée à l’assemblée générale des électeurs de Nantes et concourir à l’élection de huit députés aux Etats généraux : MM. Le Peley de Villeneuve, sénéchal ......... 42 Millon ................................. 47 Lallemant ........ .......... ............ 32 Crespel de Keado ....................... 40 Auxquels elle donne tous les pouvoirs généraux ci-devant exprimés, conformément aux règlements. Au surplus, l’assemblée a arrêté que le présent sera et demeurera déposé au greffe de cette sénéchaussée, avec les procurations des villes et paroisses du ressort, qu’une expédition du présent sera délivrée auxdits députés, signée par MM. le sénéchal, procureur du Roi, et les six commissaires de la chiffrature. Clos et arrêté en la chambre d’audience de la sénéchaussée de Guérande, cedit jour 3 avril 1789, sous les seings des membres de l’assemblée qui savent signer. Signé en la minute : Le Peley deVil-leneuve, Rouard de la Villemartin, Jean-Baptiste Le Meguen, Julien Le Menan, Delalande, Jean Aueze, Jean Quesnel, Haumont, Julien Le Gueff, Moizen, Charles Lecoq, François Gabelduc, Talevin,Duros-couet, Rousselet, Louis Lescar, Jean Le Duc, Pierre Tiret, Pierre Thorner, Jean Bellorge, Forget aîné, Le Borgue, Giraud Deslandes, Dubochetfils, Bertho, Hardouin, Guillaume Ruel, Guillaume Le Heudé, Yves Malenfant, Jean Malenfant, Jean Guillard, L’Àrragon des Buttes, Lallemant, Thomas Malo, Pierre , Philippe Duflexon , Crespel de Keado, Millon, Lallemant. Pour copie conforme à la minute. Signé Le Peley de Villeneuve.