76 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de cet institut ne soient point troublées dans l’exercice de leurs fonctions, et qu’elles soient spécialement protégées dans les soins qu’elles rendent avec tant de zèle aux pauvres malades. » (Ce décret est adopté.) M. le Président donne lecture d’une lettre des juges du tribunal séant à Saverne, par laquelle ils annoncent l’envoi y joint de la procédure par eux faite contre le curé de Betlenhoffen et demandent des ordres ultérieurs. Un membre demande le renvoi de la procédure à l’examen des comités des rapports et des recherches pour en rendre compte à l’Assemblée. (Ce renvoi est décrété.) Un membre du comité de vérification propose d’accorder à M. Bonnegens, député de la Cha ■ rente-inférieure, un congé d’un mois. (Ce congé est accordé.) Un membre, député du département du Tarn, représente que depuis longtemps l’Assemblée a renvoyé aux comités de judicature et d’agriculture une motion tendant à obtenir une loi qui ne contraignît plus les habitants de la campagne et les artisans dans les villes, h recevoir des séquestrations : après avoir présenté à l’appui de sa motion des délibérations du directoire du département, de la commune de Lavaur et de celle de Castelsarrazin, il demande le renvoi aux mêmes comités. Un membre observe que le comité des contributions est sur le point de soumettre à l’Assemblée un travail sur les hypothèques, dont un des principaux résultats sera la suppression des saisies réelles : en conséquence, il propose de renvoyer les pièces et la motion aux comités des contributions et de Constitution. (Celte proposition est adoptée, et il est enjoint aux comités de rendre compte incessamment de leur travail.) M. de Broglie au nom du comité militaire , propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète : Art. 1er. « Conformément aux ‘impositions du décret du 24 décembre 1790, la division de la gendarmerie nationale, qui portait ci-devant le uom de maréchaussée du Glermoritois, sera payé'-, à compter du 1er janvier 1791, par le Trésor public, sur le même pied que les brigades de gendarmerie nationale du département de la Meuse. Art. 2. « Le sieur Beaugeois, commandant la division de la gendarmerie nationale ci-di-vant connue sous le nom de maréchaussée du Clermontois, a droit d’ètreincon oré, avec le grade de lieutenant, lors de la nouvelle org anisation de ce corps; et les appointements de lieutenant lui seront payés à compter du 1er janvier 1791. » Un membre propose, par amendement au second article, de substituer aux mots adroit , ceux-ci : est susceptible. (L’Assemblée rejette cet amendement par la uestion préalable et adopte le projet de décret u comité de vérification.) [14 mai 1791.] M. de Boufflers. Avant de passer au rapport sur les arts, je demande à l’Assemblée la permission de prêter mon organe à un sourd-muet, M. Deseine, qui est à la barre et qui fait hommage à l’Assemblée d’un buste en plâtre de Mirabeau. J’ai l'honneur de demander qu’il en soit fait mention honorable dans le procès-verbal. (L’Assemblée décrète cette motion et accorde à M. Deseine les honneurs de la séance.) M. de Boufflers, au nom du comité d'agriculture et de commerce , propose une nouvel e rédaction de l’article 10 du décret du 30 décembre 1790 (loi du 7 janvier 1791), relatif aux encouragements et aux privilèges à accorder aux inventeurs de machines et de découvertes industiielles (1). Cette nouvelle rédaction est ainsi conçue : Art. 10. « L’inventeur sera tenu, pour obtenir lesdites patentes, de s’adresser au directoire de son département, qui en requerra l’expédition. La patente envoyée à ce directoire y sera enregistrée; et il en sera en même temps donné avis, par le ministre de l’intérieur, au directoire des autres départements. » (Adopté.) M. de Boufflers, rapporteur, expose ensuite qu’il reste dans les articles 12 et 13 de ce décret quelques termes relatifs aux saisies et confiscations préalables, proscrites par l’Assemblée ; il propose, en conséquence, de rayer : De l’article 12, ces mots : « En donnant bonne et suffisante caution , requérir la saisie des objets contrefaits »; Et de l’article 13, ces mots : c d'après laquelle la saisie aurait eu lieu. » (Ces modifications sont décrétées.) En conséquence, les articles 12 et 13 sont rétablis comme suit : Arl. 12. « Le propriétaire d’une patente jouira priva-tivement de l’exercice et des fruits des découvertes, inventions ou perfections pour lesquelles ladite patente aura été obtenue; en conséquence, il pourra traduire les contrefacteurs devant les tribunaux. Lorsque les contrefacteurs seront convaincus, ils seront condamnés, en sus de la confiscation, à payer à l’inventeur des dommages-intérêts proportionnés à l’importance de la contrefaçon, et, en outre, à verser dans la caisse dés pauvres du district une ameude fixée au quart du montant desdits dommages intérêts, sans toutefois que ladite amende puisse excéder la somme de 3,000 livres, et au double, en cas de récidive. Art. 13. « Dans le cas où la dénonciation pour contrefaçon se trouverait dénuée de preuve?, l’inventeur sera condamné, envers sa partie adverse, à des dommages et intérêts, proportionnés au trouble et au préjudice quMIe aura pu en éprouver, et, eu outre, à verser dans la caisse des pauvres du distrnt une amende fixée au quart du montant desdits dommages et intérêts, sans, toutefois, que la file amende puisse excéder la somme de 3,000 livres, et au double, en cas de récidive. » Une députation de membres de la municipalité de Paris est admise à la barre. (1) Yoy. Archives parlementaires, tome XXI, séance du 30 décembre 1791, page 731. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1791.] M. Bailly, maire de Paris, au nom de la députation, donne lecture de la pétition suivante sollicitant une loi qui ordonne qu'à l'avenir les déclarations de naissance, de mariage et de mort soient reçues par des officiers civils : « Messieurs, « Les corps qui ont administré à Paris depuis les électeurs de 1789 jusqu’à la municipalité actuelle ont toujours les premiers reconnu vos décrets et donné le premier exemple de la soumission à la loi. En nous présentant devant vous aujourd’hui pour vous offrir un vœu, nous n’oublions pas que vous avez interdit le droit de pétition aux corps administratifs. Aussi ce vœu que nous vous apportons est individuel, il est revêtu de nos signatures privées ; et quoique le décret de cette interdiction ne soit pas encore sanctionné, nous nous empressons de l’exécuter; nous révérons la pensée des législateurs, la volonté générale de la nation, sans attendre qu’elle soit revêtue des formes constitutionnelles. Nous avons découvert, comme officiers municipaux et comme magistrats, un abus que nous vt-nons vous faire connaître ; nous vous demandons, comme simples citoyens, une loi pour en prévenir le danger. « Messieurs, « Le corps municipal vient d’être informé, par un rapport de police de la section de la Fontaine de Grenelle, quedes citoyens catholiques faisaient ondoyer ou baptiser secrètement leurs enfants dans "des maisons particulières et sans les présenter à l'église paroissiale pour y faire reconnaître et constater le fait de leur naissance dans les formes prescrites par la loi. « Loin du corps municipal toute pensée, toute me ure d’intolérance. Nous savons que la liberté des opinions religieuses, consacrée par l’article 10 de la déclaration des droits, forme une partie essentielle de la liberté individuelle, et un des éléments de la Constitution du royaume. Nous savons que la manifestation de ces opinions, même par un culte publie, est autorisée par le même article de la déclaration des droits; et jamais nous n’oublierons cette vérité fondamentale des sociétés d’hommes libres et éclairés. « Le corps municipal n’entend donc point porter des regards curieux et indiscrets sur les actes religieux qui peuvent se faire dans l’intérieur des maisons, même des édifices affectés à des cultes quelconques. Que l’ordre public ne soit troublé ni par des actions, ni par des discours, et sa surveillance n’a plus d’objets. « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, et l’exercice des droits naturels de l’homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. » ( Déclaration des droits , art. 4.) « Mais, s’il importe, sous tous les rapports, à la nation de connaître le nombre des naissances ; s’il importe auxindividus de n’être pasdépouillés, en naissant, ne leurs droits de la famille et de cité; combien n’est-il pas nécessaire et pressant de réprimer l’abus que nous vous dénonçons! « Nous devons, Messieurs, vous présenter les bases et les résultats de la discussion qui a eu lieu dans le corps municipal sur cet important objet. « Lorsque le despotisme portait le délire jusqu’à transformer en vérité légale la fiction la plus contraire aux faits, et qu’au milieu des luthériens et des calvinistes, il fallait reconnaîlre, sur la parole de Louis X1Y, qu’il n’y avait en France que des catholiques, il était tout simple 77 qu’on ne trouvât nul inconvénient à réunir dans les ministres du culte catholique des fonctions civiles publiques aux fonctions religieuses; alors les prêtres avaient presque seuls le pouvoir de l’enseignement ; alors ils avaient la plus forte influence sur la distribution des aumônes fondées ; alors ils avaient exclusivement le droit de constater par des actes : la naissance, les mariages et la mort des citoyens. « Mais cet ancien ordre de choses, particulièrement quant aux actes, ou plutôt ce désordre dont tous les bons esprits sollicitaient depuis longtemps la réformation, a été irrévocablement condamné par la loi qui permet la possession et la manifestation de toutes les opinions religieuses. « Il nous a paru, Messieurs, que pour remplacer avec sagesse la plus vicieuse des institutions, il fallait soigneusement distinguer ce qui appartient à la religion catholique, ce qui doit appartenir à toutes les religions, d’avec ce qui appartient essentiellement aux lois civiles. « La loi civile est sans pouvoir sur les consciences et sur les opinions religieuses, qu'elle n’a pas même le droit d’interroger; elle ne considère les hommes que comme membres de l’Etat ; elle ne règle que leurs devoirs et leurs droits civils et politiques; elle n’a pu avoir en vue que l’ordre social. « La religion, au contraire, ne considère les hommes que sous leurs rapports avec la divinité : elle est la croyance, la pensée, le sentiment intime de chaque individu sur des objets purement métaphysiques et surnaturels. <« La religion et les lois civiles, ayant des objets si différents, ne peuvent donc jamais se rencontrer, se contrarier, ou se confondre; et un des bienfaits de la Constitution est d’avoir reconnu l’espace immense qui les sépare. Le temps achèvera ce que les circonstances n’ont pas permis de faire. « Fondés sur ces immuables vérités, nous demandons qu’une loi distingue et divise deux fonctions réunies jusqu’à présent dans les prêtres catholiques, et désormais inconciliables. « C’est le prêtre caiholique qui fait, à la fois, et la cérémonie religieuse du baptême et l’acte qui constate la naissance du citoyen. Deux pouvoirs, très différents dans leur nature et dans leurs effets, sont donc réunis en lui. Le premier, il le tient uniquement de la religion et du caractère qu’elle lui imprime; en vertu de ce pouvoir, il fait un chrétien. Le second, il le tient de la loi civile seule qui l’a créé officier public civil pour constater la naissance et la légitimité de l’enfant, pour lui assurer les droits de famille et de cité; en vertu ne ce pouvoir, il atteste l’existence d’un nouveau citoyen. « Mais, si la loi civile ne connaît plus que des citoyens, sans s'occuper de leur croyance religieuse; s’il est de tous les intérêts réunis qu’aucune naissance ne soit dissimulée; si l’on ne peut pas plus contraindre un prêtre catholique à constater la naissance d’un enfant que ses parents n’ont pas voulu présenter au bapiême, qu’on ne peut forcer des juifs ou des musulmans à faire baptiser leurs enfants; s’il est démontré qu’un acte purement civil ne doit être fait que par des officiers civils; que lu forme de ces actes doit être la même pour tous les citoyens, qu’elle doit être telle qu’aucun d’eux ne puisse avoir de répugnance à l’observer, alors on ne mettra plus en question, si un semblable mélange de fonctions hétérogènes, dans les prêtres catholiques, [Assemblée» nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1791.] 7B peut ou ne peut pas survivre à la reconnaissance des vrais principes. « Les mêmes réflexions s’appliquent aux actes de mariage et de sépulture. La cérémonie religieuse du mariage, celle des obsèques appartiennent aux prêtres du culte dans lequel vit ou a vécu celui qui se marie, ou qui est mort; mais le pouvoir d’attester, par un acte, que deux membres de la société ont uni leur sort, que leurs enfants seront légitimes, et qu’ils doivent jouir d< s droits de famille ; le pouvoir d’attester qu’un citoyen est mort, que ses biens sont à la disposition de ses héritiers, que ses emplois sont vacants, qu’il doit être rayé du tableau des charges publiques; ce pouvoir, qui émane de la loi civile seule, qui n’a rien de commun avec les religions, ne doit être remis qu’à un officier civil. « Ainsi nous laissons à la religion catholique tout ce qui lui appartient ; nous accordons aux autres religions ce dont on pourrait les priver sans injustice, et nous remettons dans l’ordre civil ce que jamais on aurait dû en distraire ; nous concilions par la raison et la vérité tous les droits et tous les intérêts. « Dans ce nouvel ordre le père catholique, après avoir fait constater, par l’officier civil, la naissance de son enfant, lé présentera au baptême, et tous ses devoirs seront remplis. Les non-catholiques seront soumis à la même règle et suivront ensuite l’impulsion de leur croyance religieuse. « Les mariages n’offriront pas plus de difficultés : l’officier civil constatera le consentement mutuel, 1’engagement respectif ; et, après la signature du traité, le mariage sera fait aux yeux de la loi civile; alors les catholiques iront faire bénir et consacrer leur union selon les formes de l’église romaine, et les non-catholiques se conformeront au culte de la religion qu’ils professent; mais tout ce qui pourra suivie l’acte civil sera étranger et demeurera inconnu à la loi civile; chacun se jugera lui-même à cet égard selon sa conscience. « Enfin, quant aux obsèques, les derniers devoirs seront rendus selon le rite de la religion dans laquelle aura vécu celuiqui n’est plus, et l’acte civil se bornera à constater le fait de sa mort. « Nous avons pensé, Messieurs, qu’il était de notre devoir, comme officiers municipaux, de vous faire connaître un abus grave qui vient, il est vrai, de se manifester, mais qui peut s’accroître, et dont les effets seraient funestes à l’ordre social. « Nous avons pensé qu’il nous était permis, comme citoyens, de vous présenter Un aperçu des moyens qui nous ont paru les plus propres à réprimer l’abus que nous vous dénoncions comme magistrats du peuple, et de solliciter de votre sagesse une loi qui ordonne qu'à l'avenir les déclarations de naissance, de mariage et de mort soient reçues par des officiers civils dans une forme conciliable avec toutes les opinions religieuses. » (Applaudissements répétés.) M. le Président répond : « Messieurs, t< Il n’est peut-êlrè pas d’abuS plus gfave que celui que vous venez de dénoncer à l’Assembléë naiiohale. « Un père qui néglige de constater là naissance de son fils, dans les formes prescrites par la loi, lui ferme, pour ainsi dire, le livre de la cité ét le voue à une espèce de hidh civile ; mais lë Corps législatif doit prendre sbüs Sa protection les enfànts que la nature donne à la patrie, et leur assurer; au moment de leur naissance, des droits que nulle autorité ne peut leur ravir. « Les cérémonies religieuses sont un acte de la conscience individuelle. Nulle autorité humaine n’a le droit de pénétrer dans la sainteté de cet asile. Tout homme peut consacrer ses estants à l’Etre suprême dans la forme et par les mains qu’il juge lui être plus agréables. Sa religion est sa propriété; . cette propriété est inaliénable; l’autorité civile n’a rien à prescrire à cet égard ; elle ne peut exiger qu’une chose : c’est que l’ordre public ne soit point troublé. Tels sont les principes consacrés par l’Assemblée nationale; elle ne s’en écartera jamais. « Mais l’acte qui constate que deux citoyens se sont unis par les liens du mariage, qu’un citoyen vient de naître ou que la société vient de perdre un de ses membres, est un acte purement civil. C’est au Corps législatif qu’il appartient d’en régler les formes. « Dépôt fidèle de toutes les pensées utiles au public, l’Assemblée nationale prendra en considération les objets sur lesquels vous venez de fixer scs regards; déjà ses comités lui ont soumis un projet de loi sur cette importante matière; votre demande en accélérera sans doute la discussion. « L’Assemblée nationale vôüs accorde l’honneur de la séance. " (L’Assemblée ordonne l’impression du discours et de la pétition de la municipalité de Paris, ainsi que de la réponse du Président.) M. LaDjuinais. La loi qui vous est demandée, va désormais devenir très nécessaire, par suite de la suppression des justices seigneuriales non remplacées à cet égard. Il y a plus de six mois que le comité ecclésiastique, de concert avec le comité de Constitution, a préparé cette loi; il en a même ordonné l’impression, sur la demande particulière de plusieurs membres de l’Assemblée qui lui ont fait leurs observations, ce qui l’a engagé à en ordonner une deuxième édition avec les corrections convenables, et il n’attend plus que vos ordres pour vous le soumettre. M. Gombert. Là loi, dont on vous présente l’objet, peut être fort bonne; mais j’observe à l’Assemblée que nous né sômmes pas assez mûrs; et nos mœufs, à cet égard, ne sont pas formées. D’ailleurs nous avons des choses encore plus intéressantes à faire; il faut laisser cela à nos successeurs, et quand nous serons parvenus à Un plus haut degré de maturité, on pourra délibérer sür un objet aussi délicat. Je demande donc que cette pétition, ainsi (jue le projet des comités, soient renvoyés à là prochaine législature. M. Goiipil-Préfelli. Le prëôpinant peut bien n’être pas assez mûr. M. Lanjuinals. Je demande alors qu’aussitôt la convocation de la nouvelle législature ce projet de loi soit discuté. M. Delàvigne. il n’y â riéh de plus sage que cé qui vous est proposé, rien de plus instant que de remédier aux inconvénients journaliers dorii là vigilance des officiers municipaux vient de vous faire la dénonciation. Je demande donc que, puisque le projet du comité est fait, qü’il est imprimé, il soit incessamment mis â l’ordre au jour. M. Boissy-d’Anglas, Et rüoi je demande lë