085 [États gén. 1789. Cahiers.] enjoint à leurs représentants de porter à rassemblée générale des trois ordres les réclamations suivantes formées d’après l’unimanité de leurs vœux; 1° Les bases de la constitution bien établies avant tout autre objet; 2° Retour périodique des Etats généraux; et détermination d’une meilleure organisation future pour la convocation de ces Etats mêmes; 3° Liberté individuelle; 4° Liberté de la presse sagement combinée avec les moyens de prévenir l’abus qu’on pourrait en faire, ou de le punir; 5° Responsabilité des ministres ; 6° Maintien absolu des propriétés de quelque nature qu’elles puissent être; 7° La dette entière de l’Etat vérifiée, constatée et consolidée ; 8° Nul impôt ne sera établi que par le consentement seul de la nation; 9» Répartition générale et proportionnelle de tous les impôts sans aucune exemption ni exception ; 10° Toutes les lois seront consenties par la nation avec le Roi ; 11° Réformation de la législation. civile, et surtout de la législation criminelle ; 12° Suppressions de toutes les commissions, évocations, commiltimus, lettres d’Etat, lettres et arrêts de surséance, et saufs-conduits ; 13° Réformation et amélioration de l’éducation publique. Sous le second rapport, les mômes habitants ont également enjoint à leurs représentants de porter à rassemblée générale des trois ordres les réclamations suivantes : 1° Suppression de toutes exemptions particulières , et abolition de tout impôt distinctif, tant à l’égard des personnes que des propriétés de quelque nature quelles puissent être, et tel par exemple que l’imposition de logement de soldat, qui se perçoit sur les maisons de certains quartiers de Paris ; 2° Suppression des impôts, des droits les plus onéreux, ' et con version de ces impôts en d’autres moins à charge aux citoyens et de la perception la plus facile ; 3° Etablissement actuel et provisoire d’un tarif clair, intelligible et à portée de tout le monde, pour tous les droits de toute nature à percevoir aux différentes barrières de Paris, avec défense aux commis de ces barrières d’exiger des citoyens aucune espèce de déclaration, sauf à eux à visiter et à percevoir les droits tels qu’ils seront dus, sur les objets déclarés ou non, et à en donner quittances ; 4<> Suppression des lieux d’asile comme contraires aux droits effectifs des propriétés et à la sûreté même du commerce ; 5° Suppression des théâtres connus sous le nom de petits spectacles, comme nuisibles au travail et funestes aux mœurs ; 6° Suppression de toutes les charges municipales actuelles en titre d’office. Etablissement d’une municipalité nouvelle, libre, élective, et à laquelle pourront être appelés tous les citoyens domiciliés a Paris depuis dix ans ; 7° Attribution à la municipalité qui sera formée sur les éléments de l’article précédent de tous les objets de police relatifs à la subsistance, à la sûreté, à la salubrité publique ; 8° Suppression de tous les privilèges exclusifs, préjudiciables au public ; [Paris intra muros.] 9° Réformation et amélioration du régime des hôpitaux ; 11° Extirpation de la mendicité ; il0 Liberté de commerce en tout genre, et eu conséquence suppression de toutes les entraves qui le gênent ou l’enchaînent. Fait et arrêté en ladite assemblée, et signé par nous commissaires, chargés de la rédaction desdites instructions et pouvoirs, suivant le procès-verbal de l’assemblée du tiers-état du second district du Marais, en l’église des Capucins, en date des 21 et 22 avril 1789, et signé aussi par nous président et parles deux secrétaires de l’assemblée. Signé : Desèze, Collet, Garnier-Deschènes, An-delle, Ànson et Brousse-Desfaucheret , tous six commissaires; Darnauit, président, SalivetetBois, tous deux greffiers de l’Assemblée élémentaire du district. En marge est écrit: contrôlé à Paris; reçu 15 sous. Signé : Lézan. il est ainsi en l’original dudit cahier, signé et paraphé, et déposé à M. Guillaume, l’un des notaires à Paris, soussignés, par acte 3-22 avril 1789, en exécution delà délibération arrêtée dans le procès-verbal d’assemblée du district du Marais, tenue aux Capucins le 21, et continuée de suite jusqu’au 22. CAHIER D’INSTRUCTIONS Données par rassemblée partielle du tiers-état de de la ville de Paris , tenue en P église des Blancs-Manteaux ■, le mardi 21 avril 1789, et le lendemain mercredi, sans désemparer (1). L’assemblée partielle du tiers-état de la ville de Paris, tenue dans l’église des Blancs-Manteaux, le 21 avril 1789, Proteste hautement contre l’excessive précipitation imposée dans la plus grande époque de la monarchie, aux citoyens de la capitale du royaume, qui ont à peine le temps de concevoir, et n’ont pas celui de méditer les importantes idées qui vont décider du sort de la France, et de la destinée de toutes les générations. L’assemblée proteste également contre la division de la commune, et l’introduction inouie de trois ordres dans les villes du royaume, et en particulier, dans la ville de Paris, qui avait 'jusqu’ici conservé les droits précieux de la commune, et trouvé dans son sein, l’union si nécessaire à tout bien, et si favorable à la régénération dont le gouvernement annonce le désir ; et néanmoins l’assemblée recommande aux députés qu’elle nomme, de ne s’occuper de la rédaction d’un cahier commun, avec les deux autres ordres, qu’autant que le nombre des membres du tiers-état sera égal à celui des deux autres autres ordres réunis et que la renonciation absolue à toutes exemptions pécuniaires sera ratifiée et confirmée. L’assemblée proteste également contre l’établissement porté dans les règlements des 28 mars dernier, et 13 avril présent mois, de présidents et d’officiers nommés par le corps-de-ville, lequel est absolument destructif de la liberté nationale, et l’aurait altérée, si les assemblées n’avaient pris (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire , ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris intra muros.] le parti si nécessaire de s’opposer à cette forme funeste et de se donner des présidents de leur choix. L’assemblée proteste également contre l’obligation qu’on voulait imposer par les règlements, dénommer les électeurs dans chaque � quartier, obligation qui renverserait toute liberté, donnerait des chaînes à la confiance, et pourrait livrer les plus grands intérêts de l’Ëtat aux personnes les moins capables, de les défendre. L’assemblée proteste également contre la forme introduite parles règlements du scrutin par liste qui donne pour le choix important des électeurs, une simple pluralité relative, et non pas une majorité absolue. L’assemblée proteste également contre la violation du droit national opérée par le règlement en ce qu’il enlève aux citoyens, les moyens de faire entendre leurs plaintes, de donner eux-mêmes leurs instructions, et d’exprimer leur yolonté propre, seuls éléments de la loi, et en ce qu’il les oblige à s’en rapporter à des députés, qui ne sont que des mandataires, du soin de vouloir et de penser pour eux, tandis que la nature de ce mandat est de ne donner que le pouvoir d’exécuter tidèlement, d’après la pensée et le vouloir des citoyens. L’assemblée pressée par le temps et réduite à exprimer, à la hâte, les maximes fondamentales d’où doivent découler tous les biens généraux et particuliers, dans tous les départements de l’administration publique, charge ses députés électeurs, et par eux, ses députés aux Etats généraux, De déclarer solennellement et de faire sanctionner les droits naturels de l’homme et du citoyen, qui sont : La liberté individuelle et la sûreté de chaque homme, quel qu’il soit, et son indépendance absolue de toute autre autorité que de celle de la loi ; La liberté de penser, de parier, d’écrire d’imprimer et de publier ses pensées, sauf à punir, selon le texte de la loi, ceux qui se seront rendus coupables de sédition manifeste, ou de calomnie grave; La propriété des biens qui doit être à jamais inviolable, dans la main de chacun des citoyens, et qui ne peut être enlevée à personne, si ce n’est par la disposition d’une loi précise, ou pour les besoins de l’Etat, en dédommageant préalablement le citoyen, à la plus haute valeur; Et il sera formellement, déclaré en outre, que tout gouvernement n’est établi que pour assurer à chacun la conservation de ses droits essentiels ; en sorte que, s’il n’existait pas de droits sur la terre, il n’existerait pas de puissances. Il sera pareillement déclaré : 1° Que la France est une monarchie héréditaire de mâle en mâle, dans la maison régnante ; 2° Que la puissance législative, âme de l’Etat, n’est que le produit de la volonté générale, et appartient essentiellement à la nation représentée par les Etats généraux, quoique les lois qu’elle établit doivent être sanctionnées par le Roi ; 3° Que la puissance exécutive est placée dans les mains du monarque ; 4° Que la puissance judiciaire ne peut s’exercer au nom clu Roi, que par des magistrats ou juges établis ou approuvés par la nation, sans que jamais le citoyen puisse être traduit, par évocation, commission ou attribution, à autre tribunal que celui de ses juges légaux et compétents ; 5° Que les magistrats doivent être assurés de leur état, et ne dépendre d’aucun acte de la puissance exécutive, mais seulement de la loi faite, ou des volontés de la nation assemblée, à laquelle ils sont essentiellement responsables; 6° Que pour assurer à jamais les droits du citoyen, et l’exécution des lois, tous ministres administrateurs en chef, dans chaque département sont responsables à la nation de leurs malversations, et du mauvais emploi des fonds publics, et qu’ils doivent en être punis par les tribunaux que la nation croira convenable de désigner ; 7° Qu’aucun impôt ne peut être établi, ni aucun emprunt fait, sans la volonté expresse de la nation assemblée ; 8° Que tous les impôts seront levés et perçus indistinctement, sur tous les citoyens de toutes les classes, sans aucune distinction ni privilège; 9° Qu’aucup impôt ne peut être octroyé qu’à temps, et seulement pendant l’intervalle d’une tenue des Etats généraux à la seconde et d’après une fixation précise des dépenses de chaque département, laquelle ne pourra jamais être excédée pendant cet intervalle ; 10° Que les Etats généraux s’assembleront à des époques fixes, périodiques�, rapprochées et indiquées par l’Assemblée nationale, indépendamment des assemblées extraordinaires; et que si, au jour déterminé, les Etats généraux ne sont pas réunis, toute perception d’impôt cessera dans tout le royaume, à peine de concussion contre les percepteurs; II0 Que l’administration publique, en tout ce qui concerne l’agriculture, le commerce, l’industrie, les communications, l’instruction et les mœurs, sera confiée aux assemblées provinciales, de départements et municipalités, composées de membres librement élus par la généralité des citoyens ; 12° Que la perception des impôts sera uniquement confiée à ces assemblées civiques, sans pouvoir être faite par aucun autre préposé, en vertu de quelque commission que ce puisse être; 13° Que ia dette nationale sera consolidée, et qu’il sera pourvu aux moyens de l’acquitter, en tout ou en partie, par aliénation de fonds publics. L’assemblée charge ses députés électeurs, et par eux, les députés aux Etats généraux de se refuser invinciblement à toute délibération sur l’impôt, jusqu’à ce que ia déclaration des droits, et les lois constitutionnelles ci-dessus, aient été faites par ia nation, et sanctionnées par le Roi, inscrites sur les registres de tous les tribunaux, de toutes les assemblées de province, de département et de municipalité et publiées dans tous les lieux du royaume. L’Assemblée nationale décidera de la forme des Etats généraux, et de celle des élections qui seront faites librement, immédiatement et universellement, par tous les citoyens; Rassemblée désire que les déclarations soient prises par tête dans les Etats généraux. Quant aux autres objets importants de législation sur ia justice civile et criminelle, sur l’encouragement et l’amélioration du commerce et de l’industrie, sur la réformation des abus de tout genre qui se sont introduits, dans toutes les parties de l’administration publique, l’assemblée ressent bien amèrement l’injustice de la précipitation qui lui enlève tout moyen d’exprimer et de développer son vœu, et de remplir un devoir éminent. Obligée donc, par les circonstances, de , s’en rapporter aux députés qu’elle charge de ses 688 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris intra muros.] intérêts, elle les avertit de la grandeur du. dépôt qui leur est confié, et les engage, par tout l’amour qu’ils doivent à la patrie, et par le zèle que leur impose la confiance dont ils sont honorés, d’employer tout ce qu’ils ont de lumières pour établir, et tout ce qu’ils ont de force pour affermir les principes de la législation les plus propres à faire le bonheur des citoyens, et à assurer la prospérité nationale. Cependant, l’assemblée, vivement blessée des vices de la municipalité de Paris, ne peut se dispenser de demander qu’un corps vraiment municipal soit rendu à toutes les villes du royaume, et particulièrement à la capitale; et qu’il soit composé uniquement de membres élus par la généralité des citoyens. Fait et arrêté en ladite assemblée, le mercredi 22 avril, six heures du matin. Signé : Target, président élu librement, Picard, secrétaire-greffier élu librement, et tous les autres habitants du district de l’église des Blancs-Manteaux présents. CAHIER Des demandes ù proposer aux Etats généraux et qui ont été arrêtées dans l’assemblée du district aes Enfants Rouges à Paris, présidée par M. Leroux, secrétaire du parquet de la Chambre des comptes, élu librement en ladite assemblée les 21 et 22 avril 1789 (1). Art. 1er. Créer une constitution, s’il n’en existe pas; et s’il en existe une, ce qui est-un problème, en réformer les vices. Art. 2. Le pouvoir législatif appartiendra au Roi et à la nation légalement assemblée. Art. 3. Consentir à la dette publique, après que la vérification en aura été faite. Art. 4. Demander que le payement des arrérages soit assuré à époques fixes et l’amortissement des capitaux opéré progressivement. Art. 5. Rendre l’impôt proportionnel et diminuer les frais de perception, moyens de restituer aux travaux de la campagne les “gens du fisc; la terre est sans culture dans beaucoup de parties du royaume. Art. 6. Qu’il soit perçu un impôt quelconque sur les contrats, effets royaux ou autres effets publics, de manière que là propriété foncière ne soit pas la seule grevée. Art. 7. Qu’il ne soit fait aucun emprunt sans le consentement des Etats généraux. Art. 8. Supprimer l’impôt le plus fatal, l’établissement des loteries qui a ruiné bien des familles. Art. 9. Abroger l’usage des lettres de cachet. Art. 10. Former des codes, tant pour la législation civile et criminelle que pour le commerce, établir les jugements par jurés, et faire juger par leurs pairs les négociants en faillite. Art. 11. Proscrire la vénalité des charges. Art. 12. Rendre la nomination des officiers municipaux élective; tous les citoyens auront indistinctement le droit d’être élus aux charges municipales, en justifiant de dix ans de domicile, de quelque pays qu’ils soient. Art. 13. Supprimer la capitation comme étant à charge à la classe indigente du peuple, et si (lj Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. cela n’est pas possible, en réprimer l’arbitraire, surtout dans les corps et communautés. Art. 14. Le montant des pensions fixé et restreint par les Etats généraux. Art. 15. Aucune exemption pécunaire pour les nobles et l’ordre du clergé. Art. 16. Jamais le cours de la justice ne sera interrompu. Art. 17. Qu’il soit fait serment par tous les officiers et soldats, entre les mains du Roi ou des officiers des armées, chargés par le souverain, de ne point porter les armes contrôleurs concitoyens. Art. 18. Que toute propriété soit inviolablement respectée. Art. 19. Le sceau des lettres missives ou particulières sera inviolable. Art. 20. La liberté de la presse sera établie conformément aux lois rédigées par les Etats généraux. Art. 21. Réformer notamment les abus dans l’administration des eaux et forêts. Art. 22. Supprimer les entrées sur les objets de nécessité. Art. 23. Etablir des conseils gratuits dans les principales villes du royaume pour la classe indigente des citoyens. Art. 24. Les usuriers et les agioteurs voués à l’indignation publique. Art. 25. Les accapareurs de blé voués également à l’indignation publique, comme plus meurtriers que les assassins sur les grands chemins. Art. 26. La police, telle qu’elle est, supprimée, et remise à la municipalité. Art. 27. Proscrire tous les privilèges exclusifs. Art. 28. Reculer les barrières aux frontières du royaume, vœu vraiment patriotique. Art. 29. Il ne sera jamais prononcé de contrainte par corps pour, mois de nourrice, et on suppléera aux besoins des pères indigents par un impôt sur les célibataires. Art. 30. Les asiles contre les débiteurs de mauvaise foi seront fermés. Art. 31. La peine infligée à un coupable ne portera aucune atteinte à l’honneur de sa famille. Art. 32. Les femmes en viduité jouiront de tels droits qui appartenaient à leurs maris. Art. 33. Les ministres du Roi seront responsables à la nation de leur administration. Art. 34. La suppression des dépôts de mendicité. Art. 35. La chasse restreinte par les seigneurs à la rigueur des ordonnances, et le Gode pénal modéré ; la liberté de chasse dans les clos murés pour tous les propriétaires. Art. 36. La suppression du privilège accordé aux bourgeois de Paris de faire entrer en exemption de droits les denrées de leur cru. Art. 37. La suppression des vingtièmes d’industrie, attendu quel’industrie ne produit qu’après son exercice, et qu’en l’imposant préalablement, c’est gêner l’émulation si nécessaire. Art. 38. Que l’éducation de la jeunesse soit confiée indistinctement aux prêtres et aux laïques, et que les collèges soient distribués à Paris par quartiers. Art. 39. Demander que les assemblées de district seront toujours subsistantes pendant la tenue des Etats généraux, pour entretenir une correspondance active entre les mandants et les mandataires. Cette relation paraît de toute nécessité, elle offrira des développements utiles, dont MM. les députés pourront profiter pour le bien général de la commune.