{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1789,] 251 gens de Poissy, les larmes aux yeux, d’épargner la vie d’un homme qui n’était pas jugé coupable, lorsqu’un des habitants de Poissy, s’est écrié : ne souillons point notre ville d’un crime aussi horrible; cependant plusieurs autres qui étaient près des portes de la ville se préparaient à fermer les barrières, pour tomber en colonne sur les habitants de Saint-Germain, et invitaient plusieurs des comparants de se mettre à leur tête, lorsqu’on leur a représenté qu’ils avaient à craindre une représaille terrible; et que dans la nuit, des habitants dudit lieu de Saint-Germain pourraient venir en force, pour mettre tout à feu et à sang dans leur ville ; que celte considération les a retenus, et les barrières presque fermées, ont été ouvertes. Pendant ce moment de tumulte, le sieur Thomassin a pris la fuite, et s’est réfugié dans la prison. Les comparants et leurs collègues, en ayant été avertis, se sont reportés à l’entrée de la prison, où les habitants de Poissy ayant exigé, avec de grandes clameurs, que le procès fût fait au sieur Thomassin, ont enfin consenti de le remettre entre les mains de M. l’évêque de Chartres et de ses collègues, pour être transporté dans les prisons de Versailles. M. l’évêque de Chartres, et plusieurs des sieurs comparants, étant montés dans la prison, ont emmené le sieur Thomassin, qui a été placé dans la voiture de M. l’évêque de Chartres, et à côté de lui , qu'il était alors trois heures ; qu’aussitôt M. l’évêque de Chartres est parti avec ceux des comparants qui étaient dans sa voiture, suivis d’environ trente personnes armées, et qui les ont conduits par des routes détournées jusqu’auprès de Roquen-court, où ils se sont retirés, pour retournera Poissy; et que plusieurs desdits comparants, qui étaient dans d’autres voitures, se sont en allés de Poissy par la ville de Saint-Germain, où le corps municipal les attendait, pour conférer sur la manière de rétablir le calme, d’où lesdits sieurs comparants se sont rendus, comme dit est, èn ladite Chambre du Conseil à Versailles, pour y faire la présente déclaration, laquelle a été rédigée en la présence de M. le marquis de Tourzel, grand prévôt de France, lesdits jours, lieu et an que dessus ; et ont lesdits sieurs comparants signé avec nous et notre greffier. Signé sur la minute, J. -B. deLubersac, évêque de Chartres, le comte de Latoucbe, de Rancourt de Villiers, le chevalier de Maulette, Massieu, curé de Sergy, Camus, Périer, Ulry, Gros, et Tertre, greftier. « Signé TERTRE. » « Délivré par nous greffier en chef de la prévôté de l’hôtel, soussigné, conforme à la minute étant en nos mains. "à Versailles, ce dix-neuf juillet mil sept cent quatre-vingt-neuf. « Signé TERTRE. » M. Goupil de Préfeln. A Rome on décernait une couronne civique à celui qui avait sauvé la vie à un citoyen ; je demande que l’Assemblée vote des remercîme'nts à M. de Lubersac, évêque de Chartres et aux autres députés. — L’Assemblée applaudit unanimement à cette proposition. M. le Président est chargé de remercier, au nom de l’Assemblée, M. l’évêque de Chartres et les autres députés, et de donner les éloges mérités à leur zèle intrépide et à leur dévouement généreux. M. Camus avait passé un fait très-étonnant, et un membre en a fait part. La multitude s’est plainte de ce que l’Assemblée voulait sauver Tho-massin en faveur de ses richesses. L’Assemblée, méprisant cette vile calomnie, passe à l’ordre du jour. On reprend, la discussion sur le rapport fait il y a quelques jours par M. Merlin sur la députation et les pouvoirs de MM. les évêques d'Ypres et de Tournay. Plusieurs membres soutiennent la validité de leur élection. M. Simon de Voel la défend par des faits historiques, par des principes du droit public et féodal, concernant les pairies, et par une ordonnance du royaume donnée sous François Ier en faveur des habitants de la Flandre. M. Bouche. Ces deux députés n’étant point habitants ni naturels français, prêtant un serment à un souverain étranger, et ne le prêtant qu’à lui, ne doivent et ne peuvent pas être admis à l’Assemblée des représentants de la nation pour coopérer à des lois qui ne seraient pas obligatoires pour eux. Après une discussion assez longue, on va aux voix : 408 voix contre 288 prononcent l’exclusion de ces deux évêques. M. le premier pr sident du grand Conseil fait demander d'être introduit dans l'Assemblée , pour parler au nom de sa compagnie et présenter un arrêté. Il s’élève des débats sur la manière dont il convient dé le recevoir. M. Bouche. Ce magistrat ne pouvant parler que comme député d’un corps, il doit être debout et découvert. M. Fréteau. Quand un individu se présente devant l’Assemblée nationale, il paraît devant ses législateurs, et doit y être dans une altitude qui exprime le respect ; mais des grands corps de magistrature qui représentent le Roi méritent quelques égards de plus que de simples individus. Il est arrêté que le premier président parlera debout, et qu’ensuite on lui offrira un siège à la droite et au-dessous du président de l’Assemblée. M. de Faucresson, président du grand Conseil, est introduit, et après avoir déposé sur le bureau un arrêté de sa compagnie, il dit. Messieurs, le grand Conseil m’ayant chargé de porter au Roi les témoignages de sa reconnaissance pour les preuves que Sa Majesté vient de donner à son peuple, de sa sensibilité, de sa confiance et de son amour, on m’a imposé l’honorable devoir de remettre aux représentants de la nation l’arrêté que la compagnie a pris à ce sujet. Quel nouvel ordre de choses et de prospérités, Messieurs, ne nous annonce pas la déclaration vraiment paternelle que le Roi a faite au milieu de vous, qu’il ne veut plus faire qu’un avec la nation ! Cette prospérité nous est donc assurée, puisque nous l’attendons du concours de cette auguste Assemblée, du zèle patriotique qui l’anime ; zèle dont l’heureux effet a été de faire succéder presqu’en un instant, et comme par un espèce de prodige, la confiance et le calme au plus effrayant orage. M. le Président à l'orateur. L’Assemblée nationale reçoit avec plaisir, Monsieur, les témoi- m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1789.] gnages do respect du grand Conseil. Elle est assurée de mériter toujours la reconnaissance des compagnies qui désirent aussi sincèrement que la vôtre, la véritable prospérité du royaume, le bien du peuple et le bonheur du Roi. On fait lecture de l’arrêté du grand Conseil, conçu en ces termes : « Le Conseil, pénétré des preuves d’amour et de confiance que le Roi vient de donner à son peuple, et en particulier à la ville de Paris, pour le rétablissement de l’ordre et du calme que son auguste présence y a ramenés ; «A arrêté queM. le premier président se retirera par devers le Roi, à l’effet de lui porter le présent arrêté, comme un hommage delà reconnaissance de son grand conseil pour ses soins paternels. « Arrête en outre que copie du présent sera remise par M. le premier président à l’Assemblée Dationale, dont le zèle et les démarches patriotiques ont procuré à la nation le bien inestimable delà tranquillité publique. » L’Assemblée applaudit, et il est décidé que cet arrêté et le discours de M. le premier président seront insérés dans le procès-verbal. MM. les députés des administrateurs et actionnaires de la caisse d'escompte font demander la permission d'entrer. L’Assemblée ordonne qu’ils soient introduits. Alors entrent MM. Boscary , président de l’administration de la caisse d’escompte ; Cottin , administrateur ; Lavoisier , idem ; Marignier, commissaire des actionnaires ; Monneron, idem ; Le Roi de Camilly, idem. Placés derrière le bureau, ils parlent en ces termes: Nosseigneurs, députés par les actionnaires de la caisse d’escompte, nous venons vous présenter le juste tribut de leur respect et de leur reconnaissance ; à peine échappés aux dangers accumulés sur la tête des paisibles habitants de la capitale, il est glorieux pour nous, Nosseigneurs, d’être les interprètes des sentiments de nos commettants pour l’auguste Assemblée à laquelle la patrie doit son salut. lls.donnent ensuite lecture d’une adresse des actionnaires de la caisse d’escompte à l’Assemblée nationale, et la laissent sur le bureau. M. le Président leur répond : Messieurs, l’Assemblée nationale reçoit avec d’autant plus de satisfaction la députation de MM. les actionnaires de la caisse d’escompte, qu’elle a l’heureuse confiance de n’avoir jamais, dans toutes ses démarches et ses arrêtés, eu d’autre but quelesalut et le bien de l’Etat, vers lequel elle ne cessera jamais de diriger toutes ses pensées. Elle a vu avec plaisir que, dans les moments de trouble qui viennent d’agiter la capitale, la caisse d’escompte n’a pas suspendu ses payements. Elle désire avec transport arriver au moment ou elle pourra achever l’œuvre complète de la consolidation de la dette, et va s’occuper sans relâche de ce travail, dont cependant la délibération ne peut que suivre celle de la constitution. (On applaudit.) M. le comte de Mirabeau. Commeje compte soumettre demain à l’Assemblée un travail urgent sur la situation actuelle de la caisse d’escompte, je demande que les directeurs et commissaires de la caisse soient autorisés à venir entendre la lecture de mon travail, et qu’ils soient invités à fournir des mémoires, et à nous aider de leurs lumières et de leurs secours. M. le Président. J’observe que les réparations à faire dans la salle ne permettent pas qu’il y ait demain une assemblée générale; la lecture de ce travail doit être différée à un autre jour. M. le comte de Mirabeau. Je demande alors le renvoi au comité des finances. MM. les députés de la caisse, sur l’invitation qui leur en est faite, promettent de donner tous les renseignements et mémoires sur le commerce, le crédit public et la caisse d’escompte. L’Assemblée répond à ces offres par des applaudissements réitérés. M. le comte de Ihally-Tollcndal. Messieurs, appelé par vous à des fonctions bien importantes sans doute, je m’y dérobe un instant pour élever la voix dans cette enceinte, et y venir déposer les alarmes de ma conscience. La paix règne enfin dans la capitale; chaque jour vous la voyez se raffermir de plus en plus ; mais chaque jour aussi l’on apprend que la commotion va se faire éprouver successivement dans les autres villes, si l’on ne prend des mesures pour l’arrêter dans les villes lointaines. Saint-Germain a vu éclore une révolte terrible; peu s’en est fallu que nos députés ne fussent les victimes de leur patriotisme et de leur humanité; peu s’en est fallu qu'ils ne tombassent sous le fer sacrilège. Pontoise est menacé des mômes désordres. Ils existent déjà dans la Normandie, dans la Bourgogne. Et ces détails ne sont points imprudents puisqu’ils sont connus. Gardons-nous de croire qu’ils sont étrangers à la nation, et n’allons pas nous armer de stoïcisme pour ne faire que des lois quand le meurtre répand le carnage autour de nous. C’est à nous ànous opposer aux torrents de sang qui sont prêts à couler. Quand le Roi est venu nous dire de ramener la paix, de sauver l’Etat, invoquer notre autorité, serait-il juste de l’abandonner et de ne pas lui suggérer un seul moyen à la place de ceux qu’il a réprouvés? Il est plus que temps de raffermir l’autorité publique, de resserrer les liens de la société, sans lesquels une société se dissout nécessairement. J’oserai donc vous proposer, Messieurs, de faire une proclamation dont je vous soumets le projet, après laquelle vous vous livrerez infatigablement à la constitution. Le voici : « L’Assemblée nationale considérant que, depuis le premier instant où elles’est formée, elle a fait ce qu’elle a pu, ce qu’elle a dû pour lui mériter la confiance des peuples ; qu’elle a déjà établi les premiers fondements sur lesquels reposent la félicité publique et la régénération de l’Etat: que le Roi a dû obtenir pareillement la confiance de ses fidèles sujets ; qu’il les a invités non-seulement à réclamer leurs droits, mais que, sur la demande de l’Assemblée, il a encore écarté tous les sujets qui pourraient lui porter ombrage; qu’il a éloigné les troupes, banni les conseillers dont la présence était un objet d’inquiétude et d’alarme pour la nation, rappelé ceux dont elle sollicitait le retour; qu’il est venu au milieu de la nation, avec l’abandon d’un père, lui demander des secours pour sauver l’Etat ; qu’il s’est confondu avec les représentants delà nation;