[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il août 1791.] M. Chabroud. Je demande que, dans aucun sens, la délibération de l’Assemblée ne soit l’effet d’un mouvement de chaleur. Je déclare que j’étais d’abord de l’avis du comité ; mais que les observations qui ont été faites depuis me rendent très perplexe. Je crois qu’il est encore dans l’Assemblée un grand hombre de membres pour qui la question est problématique. Je demande donc que la délibération soit remise à demain. M. l’abbé Grégoire. Je demande que la question préalable sur le projet du comité soit mise aux voix sur-le-champ, et que vous constatiez ainsi l’inviolabilité de vos décrets ; car, si vous détruisez votre ouvrage, qui est-ce qui le respectera ? Plusieurs membres : La question préalable sur l’ajournement ! M. le Président. On demande la question préalable sur l’ajournement ; je la mets aux voix. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’ajournement à demain qui est est ensuite mis aux voix et décrété.) M. le Président. La journée étant très avancée, il serait peut-être difficile de tenir ce soir notre séance habituelle. ( Assentiment .) (L’As-emblée, consultée, décrète qu’il n’y aura pas de séance ce soir.) M. le Président. L’ordre du jour de demain sera la continuation de la discussion du projet de Constitution. (La séance est levée à cinq heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 11 AOUT 1791. RÉFLEXIONS sur la représentation des citoyens dans les assemblées primaires et électorales et sur la division des départements en districts , et des districts en cantons, ou manière de combiner les municipalités pour la meilleure formation des corps électoraux et pour la réduction des districts et cantons , par M. P. -F. Aubry du Bochet, membre du comité de Constitution pour la division du royaume. C’est dans la vue de procurer à la nation une Constitution plus parfaite, que les comités do Constitution et de révision proposent de remplacer le décret du marc d’argent par une contribution de quarante journées de travail, au lieu des dix qui ont été décrétées, pour pouvoir être membre du corps électoral ; c’est, disent-ils, en rendant les conditions de l’éligibilité plus difficiles à remplir, que le choix des électeurs sera bon ; et nous devons les croire sur leur parole. Les comités se plaignent ou plutôt observent que tous ceux qui ont parlé contre l’admission d’un projet aussi étrange ont toujours dit la même chose, comme si la vérité devait se présenter sous des faces différentes. Je conviens bien que les orateurs qui ont parlé 373 en faveur du changement, ont donné les plus grandes preuves de leurs talents en nous présentant pour des vérités de véritables sophismes. Deux réflexions vont mettre l’Assemblée en état de connaître de quel côté se trouve la vérité. Il est indispensable, disent les comités, d’épurer les corps électoraux, et pour y parvenir, il faut en exclure les pauvres, parce que les pauvres peuvent être gagnés à prix d’argent. Eh bien! supposons un instant que cela ne soit point une calomnie, les assemblées primaires, qui sont composées de citoyens beaucoup plus pauvres encore, sont les premiers corps électoraux. Pourquoi les comités n’ont-ils pas proposé d’épurer de la même manière les assemblées de citoyens actifs, en n’accordant ce titre qu’à ceux qui payeraient, je suppose, une contribution de douze journées de travail ? Au moins, ils auraient conservé les proportions. Dira-t-on qu’il sera moins facile de gagner les pauvres des assemblées primaires que ceux des corps électoraux ? Il serait absurde de le penser. En effet, pourrions-nous douter un instant que si les choses étaient telles que les comités le proposent, les intrigants qui voudraient être électeurs ne trouveraient pas des moyens de réduction suffisants pour se faire nommer ? Et, dans ce cas, quel serait leur choix? Il est facile à concevoir. Mais ce n’est pas tout : les défenseurs du projet des comités veulent non seulement qu’un citoyen, pour être éligible, pae unye contribution de quarante journées de travail, mais ils entendent encore qu’ils ne doivent pas être payés de leur temps pendant qu’ils resteront assemblés ; or, tirons-en la conséquence. Déjà sur cent citoyens actifs, on compte au plus un cinquième d’éligibles payant une contribution de dix journées de travail. Si nous élevons cette contribution à quarante journées, à peine alors dix seront éligibles; sur ces dix, les deux tiers au moins n’auront pas de quoi subvenir aux frais du voyage ; ainsi il reste donc au plus trois ou quatre électeurs. Tous les deux ans, il en faut un ; voilà donc des électeurs nécessairement héréditaires, pour le peu qu’ils soient riches et surtout intrigants, on l’a dit, et c’est là ce que les comités appellent se répéter. Je passe à la seconde observation. On nous dit que pour avoir une garantie, il faut confier la conservation de notre Constitution à de plus riches propriétaires ; mais les riches propriétaires seront les maîtres de déterminer la masse et le mode des impôts, et alors pour cette conservation des droits du peuple, pour ne pas dire de la presque totalité des citoyens pour lesquels on a lait la Constitution, dès que l’impôt ne porte pas en totalité sur les propriétés, peut-on confier les droits du plus grand nombre à cette petiteclasse des citoyens riches, qui par la nature même de ces lois que l’on a faites pour des modérations, n’auront pas de peine à prouver leur surcharge, quoiqu’elle ne soit pas véritable, puisque cette seule classe de riches sera juge et partie dans l’un comme dans l’autre cas. Qui nous assurera qu’à cette masse considérable d’impôts fonciers que l’on a décrétés, on ne substituera pas bientôt des impôts indirects? Qui sera là pour s’y opposer ? Encore, si les comités nous proposaient de décréter constitutionnellement, puisqu’on ne veut pas que les per-*