[Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Railliage de Toul.] 23 CAHIER Des remontrances, plaintes et doléances , moyens et avis du bourg de Vicheray , rédigé en rassemblée générale , tenue le 1er mars 1789, afin de servir à former les instructions et pouvoirs dont le Roi veut que soient munis les députés aux Etats généraux, pour proposer , remontrer, aviser et consentir, ainsi qu’il est porté aux lettres de convocation (1). AU ROI. Sire, Les habitants du bourg de Vicheray, ancien domaine des rois vos prédécesseurs, de la première race, donné à l’église de Toul par Dagobert et Charlemagne, Encouragés par cette bonté paternelle avec laquelle Votre Majesté appelle et consulte son peuple, osent vous supplier, Sire, qu’il vous plaise écouter leurs très-humbles et très-respectueuses remontrances et doléances, en conséquence : OBSERVATIONS PRÉALABLES. 1° Ordonner et régler que, dans les délibérations des Etats généraux, on opinera par tête, et non par ordre. 2° Etablir en principe et loi fondamentale que tout sujet de Votre Majesté, de quelque ordre qu’il soit, ne peut se dispenser de contribuer, suivant ses facultés, aux impôts librement consentis par la nation, et que c’est abuser des honneurs et distinctions personnelles dues au clergé et à la noblesse, que de s’en faire un titre pour soustraire leurs biens au payement de la dette publique et la rejeter sur le peuple. 3° S’il était possible que ces deux premiers articles ne fussent point convenus avant tout, permettre aux députés du tiers-état de protester, entre les mains de Votre Majesté, et de se retirer sans délibérer. EXAMEN DES BESOINS. 4° Mais ces premiers points ayant lieu, sans difficulté, comme une justice qu’on doit attendre du clergé vertueux et de la généreuse noblesse de France, faire procéder à la vérification du déficit, à la fixation de la quotité, à la recherche de ses causes, et à celle des moyens d’y pourvoir. 5° Faire examiner et classer les dettes qui composent ce déficit, suivant qu’elles seront reconnues plus ou moins légitimes, plus ou moins urgentes, plus ou moins réductibles, plus ou moins susceptibles des attermoiements que les créanciers eux-mêmes sont intéressés à accorder. 6° Quoique la nation ne soit point obligée par des engagements qu’elle n’a point contractés, recevoir d’elle l’assurance qu’il ne sera point proposé d’y manquer, parce que les Français, jaloux de répondre à la confiance du prince qui les rassemble, lui prêteront tout leur crédit et qu’ils reconnaîtront les légitimes créanciers du Roi pour les créanciers de la nation. 7° Permettre néanmoins que ce crédit ne soit prêté que par provision, pour un temps fixe et limité, avec les précautions nécessaires, non pour s’assurer de la parole sacrée de Votre Majesté, mais pour prévenir l’incertitude de3 événements et donner à ce crédit môme la consistance que ces précautions peuvent seules lui imprimer. (1) Ge cahier est extrait d’un imprimé de la Bibliothèque impériale. MOYENS GÉNÉRAUX. 8° Considérer surtout que le fond le plus sûr est la diminution des dépenses; qu’il est indispensable d’introduire l’économie la plus rigoureuse dans tous les départements, et qu’à cet effet leurs besoins réels et leurs comptes doivent être d’abord connus et vérifiés par les Etats généraux. 9°. Soumettre à une révision aussi sévère, et à tous les retranchements possibles cette multitude incroyable de gouvernements, de places, d’offices, de trésors, de recettes, de dons, de pensions, de gages, et d’autres faveurs, qui consomment le sang et la substance de vos peuples, sans aucune espèce d’objet, et empêcher qu’à l’avenir ce genre de déprédation indirecte ne puisse se renouveler. RÉVISION DES IMPÔTS EXISTANTS. 10° Avant que nos députés puissent consentir à de nouveaux impôts sans examiner tous ceux qui existent, directs ou indirects, et qui se sont accumulés avec le temps, sans avoir reçu de la nation cette sanction nécessaire, qu’elle ne peut leur donner qu’en connaissance de cause, 11° Commencer par supprimer et abolir ceux de ces impôts, dont la charge ne peut qu’écraser vos sujets, tels que la gabelle, déjà jugée par les notables, et réprouvée par le cœur bienfaisant de Votre Majesté. 12° Diminuer la subvention, dont le fardeau s’est accru sans mesure; et (attendu qu’elle n’a été introduite dans ce pays que pour payer les gages des officiers des tribunaux, à quoi tout le monde a un égal intérêt) ordonner que cette subvention sera supportée par tout le monde, à l’exemple de la Lorraine, où les gages du parlement sont répartis sur les trois ordres, sans distinction. 13° Abolir et éteindre les droits de franc-fief, impôt absolument contraire à la constitution de cette province ; impôt qui, dans tout le royaume, nuit à la noblesse même, qui l’empêche de tirer partie de ses propriétés ; enfin, impôt qui sera remplacé avantageusement, comme nous le dirons plus bas. 14° Diminuer considérablement les droits sur la marque des fers, et ceux de la marque des cuirs; lesquels droits sont tellement onéreux au commerce et à l’agriculture, qu’une charrue, par exemple, un outil de fer quelconque, coûte dans les Evêchés presque le double qu’en Lorraine. 15° Changer l’administration des eaux et forêts, attendu que celle des officiers actuels est trop dispendieuse, absorbe trop le produit des bois, et nuit à leur reproduction ; tandis qu’on peut adopter une régie économique, et renvoyer le contentieux aux officiers de vos bailliages'. 16° Supprimer une foule d’autres charges, qui ne produisent que des exactions sur votre pauvre peuple, notamment les offices d’huissiers-priseurs vendeurs de meubles, vrais fléaux des campagnes. 17° Modérer la taxe excessive des ports de lettres et paquets, dont les frais gênent le commerce et interceptent les correspondances. 18° Proscrire le tirage de la milice, sorte d’impôt cruel, qui coûte beaucoup aux communautés, qui humilie ceux qu’il atteint, qui rend le service effrayant, et qui peut être aisément remplacé, comme on le verra ci-après. 19° Proscrire également, comme un des impôts indirects, les plus lourds et les plus injustes, la clause de franchise des impositions, insérés par abus dans les lettres de noblesse, et création d’of- 24 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Toul.J fîces ; défendre aux tribunaux d’avoir égard à cette clause, et bien loin d’attacher l’honneur à cette espèce de franchise, la noter comme un crime envers la nation. 20° Débarrasser cette province des entraves multipliées dont les traites foraines environnent ici chaque ville et chaque village;' et faire en sorte que Lorrains, Evêcbois, Champenois, Bari-siens, Alsaciens, tous également vos sujets, puissent s’entrecommuniquer, sans redouter des gardes, sans payer des acquits, sans craindre des amendes, confiscations et procès, etc. 21° Abolir les chambres ardentes, commissions ■ que le fermier a eu le crédit d’établir, et dont le nom seul épouvante ; renvoyer les procès pour fait de contrebande aux juges des bailliages, sauf l’appel à vos cours. 22° Diminuer le nombre et modérer les traitements de ces dévorantes armées de fermiers, régisseurs, directeurs, receveurs, contrôleurs, employés, etc., dans les mains desquels vos finances font un long circuit, avant d’être rendues en votre trésor royal. 23° Entreautres établissements ruineux qui dépendent des fermes générales, détruire les salines des Evêchés et de Lorraine, qui engloutissent les forêts, et qui ne rendent pas le sel marchand et à bon prix, comme pourrait l’être partout le sel des côtes maritimes. 24° Enfin, dans toutes les parties des impôts et finances qui seront conservées ou établies par les Etats, domaines, contrôles, régies, fermes quelconques, rendre des lois et former des tarifs assez clairs et assez précis, pour que chacun puisse connaître le droit qu’il doit payer et la contravention qu’il peut encourir. Supprimer les amendes excessives ; abréger les délais delà recherche des droits omis, et simplifier les recouvrements dont le mode est trop onéreux. IMPOTS QUE L’ON PEUT ACCORDER. 25° Lorsque les Etats généraux auront ainsi restreint et épuré ces anciens canaux par lesquels s’écoule la fortune du peuple, s’il est nécessaire d’accorder des secours extraordinaires à Votre Majesté, substituer aux vingtièmes et sous pour livre, la subvention territoriale, en nature, dont aucune espèce de propriété domaniale, féodale, ecclésiastique ou autre ne pourra être exempte. 26° Etablir, en sus du contrôle et de la formule ordinaire, un droit de timbre sur toutes les grâces, concessions, lettres patentes et autres dons et avantages ; mais sans que ce timbre puisse jamais s’étendre aux actes du commerce et aux affaires journalières de vos sujets. 27° Imposer des droits très-forts sur le luxe particulier et toutes ses branches, comme sur les cartes, sur les denrées dites deluxe, sur les équipages et les chevaux de parade, et autres objets de ce genre , et engager les riches et les capitalistes à préférer les dépenses du luxe public, qui se rend utile et immortel par des constructions de canaux, de casernes, de chemins, d’églises, auxquels il a l’honneur d’attacher son nom. 28° Dans le nombre des lois somptuaires les plus utiles, en faire une contre ce genre de luxe moderne qui multiplie les feux sans nécessité dans chaque maison, et qui causera bientôt eu France des famines de bois, si l’on peut parler ainsi, aussi terribles que les vraies famines, et capables de faire périr le royaume, s’il n’est promptement et rigoureusement pourvu. 29u Affecter un impôt particulier sur cette quantité de laquais et domestiques de l’un et de l’au tre sexe, dont les villes dépeuplent les campagnes; ce qui réduit les cultivateurs à l’impossibilité de se procurer des bras pour les aider dans leurs ■ travaux. 30° Enfin, établir une capitation générale sur les célibataires, laquelle sera payée par tous vos sujets, qui, à un certain âge, ne seront pas mariés ; à laquelle capitation seront soumis, sans exception, tous garçons et filles, de quelque état, qualité et condition qu’ils soient. ORDRE ET PROSPÉRITÉ GÉNÉRALE DU ROYAUME. 31° Ecouter favorablement ce que des villes plus notables et plus instruites vous feront proposer, Sire, sur l’amélioration générale de la constitution française; à quoi le résultat de votre conseil, du 27 décembre dernier, a préparé votre royaume, par les promesses bienfaisantes de Votre Majesté, de rendre la presse plus libre, de renoncer aux lettres de cachet, et d’établir partout des Etats provinciaux. 32° Poser pour base de tous les départements et administrations publiques quelconques, l’obligation de publier des comptes annuels et imprimés, qui fassent, de tous les ordres de lecteurs, autant de surveillants et de gardiens de la chose publique ; et statuer des peines contre ceux qui manqueraient ou tarderaient d’éclairer la religion nationale, sur les chefs de comptabilité dont ils seraient chargés. 33° Pour augmenter le patriotisme du tiers-état, 'et lui rendre moins dures les pénibles conditions auxquelles lui seul est sujet, déclarer que tout individu de votre peuple, quelle que soit sa naissance, est capable de remplir toutes les places et dignités militaires, judiciaires, ecclésiastiques et autres, s’il en est digne, et que l’avantage de la noblesse sur lui est .d’obtenir la préférence, à mérite égal. 34° Prémunir Votre Majesté contre sa propre bienfaisance, à raison des surprises auxquelles elle est exposée; en conséquence, soumettre toutes les pensions, distinctions et grâces à une vérification sérieuse et contradictoire ; en faire publier les demandes, les motifs et les clauses, dans un article particulier de la Gazette de France , et déclarer que tout bienfait, toute distinction seront désormais personnels, et ne pourront être substitués perpétuellement aux familles, à moins que la nation assemblée ne veuille récompenser ainsi quelque vertu extraordinaire , comme le trait d’héroïsme français du chevalier d’Assas. ADMINISTRATION DES PROVINCES. 35° Lier également et par les même privilèges, toutes les provinces de la France, qui sont des branches du même arbre ; les incorporer toutes et si intimement au tronc national, que tous vos sujets soient vraiment Français par le gouvernement, comme ils le sont tous par l’amour qu’ils portent à leur Roi, et qu’il n’y ait point de préférence, ou de prérogatives pour certaines provinces qui ne soient étendues à toutes les autres, attendu que l’égalité est le seul moyen de réunir les intérêts et les volontés. 36° En conséquence, former dans chaque province des Etats dont les membres seront librement élus, et qui seront chargés, tant de la répartition des impôts consentis par les Etats généraux de la nation, que de l’administration des travaux publics, et du détail de tout le bien que votre intention est de faire à vos peuples. 37° Accorder en particulier cet établissement à [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Tonl.l 25 celte province et bailliage de Toul, et substituer cette forme à l’institution imparfaite et trop dispendieuse des assemblées provinciales et de districts qui ne représente point la province ni le district, et qui n’ont pu avoir qu’une marche faible et indécise. 38° Confirmer, les assemblées municipales, en leur donnant des pouvoirs plus certains et mieux définis ; les autoriser à correspondre directement avec les Etats de la province, ou leur commission intermédiaire, et faire en sorte que les places desdites municipalités puissent être honorables et recherchées par les sujets les plus distingués, sans leur donner aucun moyen d’opprimer leurs concitoyens. 39° Charger spécialement les Etats des provinces de rendre les impôts plus égaux et plus justes possibles ; de chercher et employer tous les moyens de diminuer la perte de temps, les dangers et les abus de la collecte des tailles et de la perception de toute espèce de subsides, et de substituer les modes de perception qui leur paraîtront le moins onéreux, aux services des compagnies, fermes et régies actuelles. 40° Ordonner que l’impôt représentatif de la corvée sera réparti, sous l’autorité de ces Etats, non plus au marc la livre des seules impositions roturières, mais en proportion de l’impôt territorial, suivant les principes consacrés par l’état mémorable du mois de février 1776, qui n'a été que suspendu, et qui est fait pour recevoir la sanction expresse des Etats généraux du royaume. 41° Autoriser les Etats de cette province à faire un emprunt, dont les fonds serviront à vivifier cette province, par l’exécution des canaux et chemins dont elle est susceptible, et par les ateliers de charité dont elle aurait si grand besoin ; en sorte qu’il y eût toujours de grands travaux et entreprises qui occupassent tous les bras et ôtassent tout prétexte de mendier. 42° Honorer et encourager la population, qui est moindre dans cette province que dans les provinces voisines, parce que les Evêchés sont surchargés de droits seigneuriaux et d’entraves de toute espèce ; accorder en conséquence aux familles nombreuses des soulagements en moins imposé , ou autrement. 43° Tâcher de parvenir à l’unité des poids, aunes et mesures, du moins dans chaque province, de manière à concilier tous les intérêts qui s’y opposent; ce qu’il sera facile d'obtenir, par le concert résultant de la bonne formation des Etats provinciaux. 44° Procurer dans les arrondissements des campagnes, des chirurgiens habiles et choisis au concours, qui puissent soulager les pauvres malades, et veiller à la conservation de la classe la plus laborieuse de vos sujets. RÉFORME DES ABUS. 45° Pour la réforme des abus qui concernent l’Eglise, l’achat des dispenses coûteuses qu’il faut faire venir de Rome, et autres du mèmè genre , établir un comité des Etats généraux, ou un conseil ecclésiastique, qui statue sur tous ces cas, et empêche que l’argent de vos sujets ne sorte du royaume pour des choses qui peuvent être ordonnées par les évêques ou par ce conseil ecclésiastique. 46° Supprimer à jamais les droits que les curés perçoivent sous le titre de casuel, et pour les mettre à même d’administrer leurs cures, sans recourir à ces tributs, leur restituer les dîmes, suivant l’esprit de l’institution et les lois anciennes , qui font, des dîmes de chaque paroisse, le patrimoine de son pasteur et de ses pauvres ; ordonner en outre que les réparations et entretien des églises seront à la charge des décimateurs, comme dans le ressort de Lorraine. 47° Charger vos cours de parlement, de concert avec les évêques de leur ressort et les Etats provinciaux, d’examiner respectivement toutes les anciennes fondations, de distinguer celles qui sont utiles et qui peuvent être conservées; de veiller à leur exécution rigoureuse, et de présenter à Votre Majesté, dans les Etats, les projets de réductions, conversions et applications nouvelles et plus intéressantes, dont ces anciennes fondations paraîtront susceptible, surtout pour élever les orphelins, dont nos pauvres campagnes sont surchargées . 48° Ordonner que lors de la vacance de tous les bénéfices, autres que les cures, dont le revenu excède mille écus, ces bénéfices seront partagés en plusieurs autres, qui pourront placer et récompenser un plus grand nombre de sujets, et être affectés à un plus grand nombre de bonnes œuvres, à l’exception des évêchés, dont les revenus seront seulement chargés de pensions, suivant qu’il sera réglé par le conseil ecclésiastique, et afin qu’on n’élude pas encore les dispositions du partage des bénéfices, en les accumulant; faire exécuter à la rigueur les lois contre la pluralité desdits bénéfices. 49° Conserver les corps ecclésiastiques, chapitres et maisons religieuses, d’après le vœu exprès de votre peuple en leur faveur, à charge qu’ils se rendront tous utiles, savoir, les chapitres et les monastères d’hommes séculiers et réguliers, par l’enseignement de la théologie et des autres sciences ; les chanoinesses et religieuses par l’éducation des jeunes personnes du sexe, et tous ceux et celles qui ne pourraient vaquer à l’éducation ou enseignement, tenus de rendre service au public par le soin des malades ou autrement, cette condition étant celle à laquelle ils peuvent intéresser la nation à leur existence. 50° Pour ne pas excepter l’ordre de Malte de celte règle, engager cet ordre respectable à se rendre utile et nécessaire au royaume, en ouvrant sur ses galères une école de navigation pour la jeune noblesse de France, à raison de tant de sujets et d’élèves par chaque commanderie, et à détacher de chacune de ces commanderies, à la mort des titulaires, de quoi former et placer dans la même école de marine, un certain nombre de frères servants pris dans le tiers-état. JUSTICE CIVILE. 51° Appeler au conseil que Votre Majesté a établi pour la réformation de la justice, des députés des parlements et grands tribunaux des provinces, attendu qu’elles sont toutes intéressées à cet objet ; sans préjudice aux vœux que les Etats généraux ne manqueront pas de vous présenter, pour le retranchement des objets de juridiction, l’abréviation des procès , et la suppression des écritures et appointements. 52° Révoquer les committimus et autres juridictions privilégiées, qui ne peuvent servir qu’à vexer les pauvres habitants des campagnes, en les éloignant de leurs foyers, et en multipliant les frais. Renvoyer toutes sortes d’affaires contentieuses aux officiers de vos bailliages et juges ordinaires, en première instance. 53° Favoriser les arbitrages et chambres conci-liatoires, par une ordonnance expresse. Donner même sur ce point une attribution modique aux 26 [Etats gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Terni.] assemblées municipales, ainsi que pour le fait de la police, dans tous les lieux où il n’y a pas un siège de justice subsistant. 54° Permettre à toutes parties contractantes, soit par-devant notaire, soit par écrit sous seing privé, de stipuler qu’en cas de contestations quelconques sur leurs conventions, elles seront portées devant les juges de vos bailliages royaux, ou devant -des arbitres, afin d’éviter les circuits et longueurs des degrés de juridiction -, et ordonner que cette attribution volontaire de juridiction soit respectée et inviolable. 55° Pour rendre vos bailliages royaux plus utiles encore, augmenter la fixation des matières sommaires (portées au titre XVil de l’ordonnance de 1667) dans la progression de la valeur du numéraire, depuis cette ordonnance ; et faire exécuter dans tout le royaume les dispositions qui y ont été ajoutées, pour la Corse et pour la Normandie; en sorte que ces matières soient traitées sans procureurs, sans papier timbré et sans frais. 56° Dans la vue de compléter aussi le bienfait qu’annonçait à vos peuples l’établissement des sièges présidiaux, élever à une somme plus forte que 1,200 livres l’estimation des objets dont le présidial de Tout peut prendre connaissance, et assurer invariablement l’exécution de ses jugements en dernier ressort. 57° Refondre sur un plan nouveau l’édit de la régie et des hypothèques. Rendre ces hypothèques spéciales et les faire enregistrer, publier, afficher, et connaître, tant au chef-lieu du siège royal qu’à la porte des églises des paroisses de la situation des biens : le tout si solennellement et si précisément qu’il n’y ait plus aucun moyen de fraude à cet égard, ni plus de ces décrets forcés qui ruinent vos sujets. JUSTICE CRIMINELLE. 58° En matière criminelle, donner des défenseurs aux accusés, mais faire condamner et punir sans exception les coupables, de quelque rang qu’ils soient, attendu que la grâce sur laquelle un criminel protégé peut compter est pire que l’impunité. 59° Déterminer exactement les crimes, délits et peines; de manière que tout Je monde puisse connaître ses devoirs et le danger de les enfreindre ; adoucir celles de ces pein es qui paraissent trop rudes ; mais établir aussi quelques lois plus sévères sur quelques points où le relâchement se fait craindre, comme sur l’adultère, et sur les banqueroutes frauduleuses, crimes qui troublent l’ordre social, et ne sont pas assez réprimés. 60° Couronner votre nouvelle législation criminelle par la destruction absolue du préjugé qui note d’infamie les parents des suppliciés. ENCOURAGEMENT DE L’AGRICULTURE ET DU COMMERCE. 61° Consolider et corroborer les lois qui permettent la libre circulation des grains, comme étant une source de la prospérité de l’agriculture. Etendre cette libre circulation aux vins et eaux-de-vie. 62° Charger les Etats généraux de la province d’animer et récompenser les travaux de l’agriculture, les grandes plantations, les entreprises et fabriques intéressantes, non par des exemptions qui tourneraient au préjudice des autres sujets, mais par toutes les autres distinctions qui peuvent avoir de l’influence et exciter l’émulation, comme des primes, des médailles, des honneurs personnels et publics. 63° Faciliter aux cultivateurs établis dans les terres chargées, comme celle-ci, d’une foule de droits seigneuriaux exorbitants, les moyens de racheter ou convertir ces redevances féodales ; moyens dont Votre Majesté peut donner l’exemple et la loi, parce qu’il est possible de concilier ce rachat ou cette conversion avec l’intérêt des seigneurs, comme on l’a prouvé pour les banalités, lesquelles, heureusement, ne sont pas connues dans ce ressort et ne nous nuisent que d’une manière éloignée. 64° Diminuer également les frais et les formalités des actes d’échanges destinés à réunir les posessions champêtres, qui sont trop divisées dans cette province, ce qui fatigue le cultivateur, épuise les bestiaux et multiplie les procès. 65° Donner aux assemblées municipales plus d’autorité et de moyens pour prévenir les délits et mésus champêtres, pour faire observer dans les moulins les lois et règlements de police et faire respecter les plantations et autres objets confiés à la foi publique. 66° Accorder aux habitants des Evêchés la faculté précieuse qu’ont les Lorrains, leurs voisins, d’emprunter par des obligations ou billets stipulâtes d’intérêts au taux du souverain, faculté qui donne un avantage marqué à cette province sur la nôtre, dont les cultivateurs ne peuvent trouver les secours et avances , sans lesquelles il n’est point d’amélioration, ni môme de culture. 67<* Venir au secours des pauvres veuves domiciliées dans les campagnes, en plaçant leurs enfants dans des hospices ou ateliers de travail, où l’on en prendrait soin, pour former les garçons aux travaux et métiers utiles, et élever les filles aux soins du ménage rustique, établissement qui attaquerait la mendicité dans sa source. 68° Prescrire aux cultivateurs de donner à leurs domestiques des billets de congé dans une forme déterminée, et assurer à tous domestiques de ce genre, qui présenteraient une suite de vingt années de service irréprochable, une pension de 40 écus : prébende vraiment utile et respectable, dont les irais, ainsi que ceux de l’article précédent, seront facilement trouvés dans les provinces, sur les fondations reconnues inutiles, ou sur la division des bénéfices trop considérables. ARTICLE GÉNÉRAL ET ESSENTIEL. 69° Composer avec les Etats, un conseil de l’éducation nationale, qui (en laissant aux supérieurs ecclésiastiques l’instruction sacrée qui leur appartient) surveillera, inspectera, dirigera, éclairera les universités, séminaires, colleges, et jusqu’aux plus petites écoles ; de manière que les Français, dans quelque rang qu’ils soient, puissent savoir ce qu’ils doivent à leur patrie, que tous aient des moyens de s’instruire des connaissances absolument nécessaires à leur état, et que le petit nombre qui ont reçu du ciel des talents et des dispositions supérieurs, puissent être distingués , aidés et admis aux concours que le conseil d’éducation établira pour faciliter la culture des sciences et des arts libéraux, aux seuls hommes privilégiés de la nature à cet égard. RECONNAISSANCE DES SUJETS DU ROI. 70° Et après avoir parcouru cette carrière immense de maux à corriger, et de biens à opérer, et la multitude d’objets qui nous étaient étrangers, mais qui seront utiles ailleurs par ceux qu’ils intéressent ou qui en sont instruits, laisser un libre cours à la reconnaissance et à l’enthousiasme dont vos peuples sont pénétrés, et que leur assemblée [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Toul.] 27 s’empressera de consacrer à la postérité, non-seulement par les médailles, les monuments et les statues que nous vous décernerons, mais par l’institution d’une fête nationale et perpétuelle, qui se solennisera tous les ans dans tout le royaume, au 27 avril, jour auquel Votre Majesté a pris dans son conseil la résolution de convoquer la nation; jour dont la mémoire sera rappelée ainsi d’âge en âge, par les pompes les plus augustes que la religion et l’administration civile puissent inventer, et qui ne seront encore qu’une bien faible expression des sentiments d’amour, de confiance et de respect dont vos sujets sont animés pour votre personne sacrée. Telles sont les remontrances, plaintes et doléances, moyens et avis que proposent, en exécution de vos ordres, avec la plus profonde vénération. Sire, De Votre Majesté, Les très-humbles, très-soumis, et très-fidèles serviteurs et sujets, ( Ici sont les signatures des habitants.) Le présent cahier a été coté et paraphé en cinq feuillets, et ensuite signé par nous, Jean-Baptiste Daulnoy, curé de Vicheray et dépendances, président de l’assemblée, pour l’absence de M. de Vernancourt, syndic, n’y ayant point dans le lieu d’officier public. A Vicheray, ce 1er mars 1789. Daulnoy, curé de Vicheray.