816 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. départements quelques-uns de ces hommes tourmentés de l’esprit d’innovation, de ces hommes qu’un croirait dévorés du besoin de voir arriver l’anarchie, de ces hommes auxquels on serait tenté de croire de fa malveillance , si l’on n’aimait mieux les supposer dans l’erreur, les regarder comme dans une sorte de malaise politique, semblable au malaise physique ou moral qui fait qu’on n’est bien qu’à la place où l’on n’est pas, qu’on ne trouve douce que la jouissance qu’on a perdue ou qu’on ne peut atteindre. Ces hommes essayent de rassembler autour d’eux cette classe de citoyens dont le peu d’instruction est un des crimes de l’ancien régime, et laisse plus d’accès à la séduction ou à l’erreur; mais leur nombre estpeiit, leur puissance nulle, leurs succès impossibles. Une masse imposante de bons citoyens défend la Constitution de leurs attaques, et telle est l’estime et la confiance dans l’Assemblée nationale, que ceux qui voudraient égarer le peuple ne le pourraient que lorsqu’elle n’aura pas prononcé, et que ses décrets feraient cesser la fluctuation de l’opinion, s’il en existait. Croyez donc que ce sera sans danger que circuleront dans les départements les opinions les plus dangereuses ; elles ne trouvent que des partisans peu nombreux et peu redoutables. C’est là, c’est dans les départements qu’on voit de quels éléments se compose la véritable opinion publique. C’est là qu’on reconnaît combien elle diffère de ces clameurs dont vous avez été tant de fois et si inutilement environnés par les ennenfs de la chose publique. Nous parcourions les départements : les gardes nationales, les municipalités accouraient sur notre passage. Le titre de vos envoyés les appelait. Là, sans suggestion, sans contrainte, sans entraînement, ils nous offraient pour vous les assurances d’une confiance absolue, d’une soumission entière à la loi. Leur seule crainte, nous devons vous le dire, est née du désir que nous savons, et que nous avons dit qui vous anime, de laisser promptement la place à vos successeurs; ils craignent que vous n’abandonniez trop tôt votre ouvrage. Ils s’empressaient de jurer fidélité à la loi, non pas mutilée et telle que le voudraient ceux qui ne proposent de la changer que pour la détruire, mais telle que vous l’avez faite; parce que l’événement même de l’éloignement du roi a prouvé sa bonté, sa sagesse, en démontrant qu’elle était à l’abri des erreurs d’un monarque, et qu’elle y serait même de ses crimes, s’il en commettait. En un mot, Messieurs, nou3 avons vu des Français pénétrés du sentiment de leur dignité, et convaincus que si la conquête de la liberté a fait leur gloire et la vôtre, si le commencement de la Constitution a fait leur espoir, et le tourment de nos ennemis, son achèvement seul peut assurer notre tranquillité et notre bonheur. ( Applaudissements .) M. d’André. Je demande l’impression du rapport qui vient d’être fait par M. Regnaud. M. Fréteau-Saint -Just. Je vous prie, Monsieur le rapporteur, de vouloir bien nous dire si, parmi les citadelles qui ne sont point en état de défense, vous comprenez celle de Besançon. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély.) Non, Monsieur, elle est en bon état. (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Regnaud de Saint-Jean-d’Angéiy.) 115 juillet 1791.] M. de Preas de Crassier, un des commissaires , dépose sur le bureau un exemplaire d’un mandement du ci-devant évêque de Lyon (1), et d’un bref du pape, lequel exemplaire est accompagné d’une brochure contenant la réfutation qui y est faite par le maire de la ville de Trévoux. Il ex ¬ pose que le mandement et le bref ont été saisis dansune caisse en contenant environ 2,000 exemplaires. (L’Assemblée nationale renvoie ces pièces à son comité des recherches.) M. le Président fait donner lecture : 1° D’une lettre de M. de Rochambeau fils , qui, sur le point de partir pour servir dans l’armée de ligne dans le grade d’aide de’ camp sous les ordres de son père, prie l’Assemblée de vouloir bien accepter l’assurance de son dévouement à la Constitution et le serment qu’il est heureux de prêter entre ses mains; 2° D’une lettre de M. Leclerc , ancien colonel d'infanterie , âgé de 47 ans, et ayant 33 ans de service, qui prête le serment décrété le 22 juin dernier. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décrets concernant les événements relatifs à l'évasion du roi et de la famille royale (2). M. Goupil-Préfeln. Le roi est-il inviolable ? C’est la question et ce ne devrait pas en être une ; la lecture de nos décrets devrait terminer toutes les controverses par lesquelles on s’efforce d’obscurcir cette inviolabilité, relative seulement aux fonctions de la royauté. On vous a dit dans cette tribune : l’inviolabilité du roi est semblable à celle des députés de l’Assemblée nationale, qui cependant peuvent être jugés. Quand on a avancé ce paradoxe, on n’a pas assez pesé les termes de votre décret sur l’inviolabilité du roi; si on l’eût fait, on aurait vu que cette inviolabilité rend la personne du roi sacrée; par exemple, nous sommes inviolables, mais personne ne s’est encore avisé de dire que nos personnes soient sacrées. (Rires.) On a répandu sur une vérité évidente les ombres de la malveillance; il faut approfondir cette question en remontant aux principes d’après lesquels je me flatte de démontrer que ce serait la chose la plus importante que nous aurions à faire que d’établir cette grande loi par laquelle nous avons commencé notre Constitution. Tout pouvoir émane de la nation; mais la souveraineté, image de la divinité, doit être considérée sous deux relations différentes : 1° lorsqu’elle donne des lois; 2° lorsqu’elle régit la nation suivant la Constitution ; c’est ainsi que nous considérons la toute-puissance. Dans la formation de la Constitution, la souveraineté est simple : elle est simple, mais le pouvoir exécutif l’est dans un sens bien plus étendu; il faut une violabiiité bien plus marquée pour que, lorsque futilité publique la demande, l’Assemblée nationale, prenant cette loi pour fondement, rende faux les raisonnements par lesquels on veut lui persuader qu’elle confond tous les pouvoirs. Mais il n’en est pas ainsi de la souveraineté constituée; autant il est nécessaire que la souveraineté constituante soit une, soit indivisible, autant il serait funeste, autant il serait pernicieux que la souveraineté constituée soit une, soit indivisible. C’est donc, Messieurs, une grande vérité (1) M. Yves-Alexandre de Marbeuf. (2) Yoy. ci-dessus, séance du 14 juillet 1791, p. 255.