SÉANCE DU 28 THERMIDOR AN II (15 AOÛT 1794) - N° 46 113 victoires enchaîne un moment les élans de la joie du peuple. Il se contraint pour être plus promptement instruit, mais presque à chaque phrase il est forcé de s’abandonner aux transports qui l’animent au récit des actions héroïques des républicains français. Le récit terminé, un saint enthousiasme s’empare de tous les citoyens. Tous regrettent de n’être pas là, les vieillards, les mères pour être témoins des traits de courage et d’intrépidité de leurs enfans, les jeunes enfans pour se nourrir des exemples de leurs frères, les jeunes citoyens pour partager leurs dangers et leurs gloires. Un père, Le citoyen Regnard offre son fils à la patrie, il s’offre lui-même si la nation a besoin de lui. Tous les jeunes citoyens qui forment la compagnie des canoniers s’offrent également, vingt défenseurs sont acquis à la République, ils partent. Un froid Te Deum , ce vieux chant d’église eût-il enfanté ces prodiges ? 0 Peuple, on t’éblouissoit alors par un appareil puéril de cérémonies bizares; là saciété, l’ennui étoient ton partage. On t’appeloit à des fêtes et on te détournoit de leur objet par des discours abstraits et des idées mensongères. On craignoit de voir se développer le germe de ces vertus que l’on savoit être dans ton cœur. Aujourd’hui tu es l’âme de ces fêtes, on ne te retient plus dans une léthargique contemplation. C’est l’Etre suprême qui te contemple, il sourit à cette douce réunion de citoyens paisibles qui le remercient de la protection éclatante qu’il accorde aux armes de la République. Il dit : voilà enfin un peuple digne de moi, il s’élève à la hauteur de ses destinées, il m’addresse directement son hommage, et cet hommage n’est plus corrompu par un intermédiaire impure qui n’étoit que fourbe et mensonge. A ces actes de républicanisme ont succédé quelques couplets d’allégresse analogues à la fête. Le maire et les autorités constituées et société populaire descendent de la montagne et, réunis aux citoyens et citoyennes, forment une chaîne immense, simbole de l’union, au son d’une musique guerrière et des acclamations et cris mille fois répétés de vive la République, vive la Montagne, vivent nos braves défenseurs ! Cette fête vraiment champêtre et interres-sante par sa simplicité et par l’union et l’intimité qui y ont régné, s’est terminée par des danses qui se sont prolongées fort avant dans la nuit. Fait et arrêté le 19 messidor an II, du matin. Pour copie conforme : Guignard {maire), Royer ( pour le secrétaire ). 46 La société populaire de Conches (1) envoie les procès-verbaux de plusieurs fêtes célébrées dans cette commune. (1) Eure. Mention au bulletin, renvoi au comité d’instruction publique (1). [La stê révolutionnaire régénérée des amis de la Montagne de Conches, aux c“ représentants du peuple de la Conv. nat.; Conches, 2 therm. Il] (2) Citoyens, Nous vous envoyons cy-inclux les procès-verbaux des fêtes que nous avons célébrées, savoir : 1° le procès-verbal de la fête de Marat et Le Peletier; 2° le procès-verbal sur la destruction du fédéraliste (sic) dans le département de l’Eure; 3° celui en mémoire de la prise de la Bastille; 4° celui des victoires remportées par la République. S. et F. ! Bauché ( présid .), Coisnet ( secrét .). Extraits des registres des arrêtés de la société révolutionnaire et régénérée des amis de la Montagne de Conches. Procès-verbal de la fête de Marat et Le Peletier. Du 10 messidor sur les 11 heures du matin, les mères des défenseurs de la patrie, les jeunes enfans de la petite Montagne, les vétérans, la société populaire, le comité de surveillance, la municipalité en écharpes, l’agent national et plusieurs citoyens administrateurs du district de Vernon, précédés de la musique, des tambours et du tableau des droits de l’homme, ayant chacun à leur tête une bannière respective, se sont mis en marche du temple de la raison pour se rendre à la ci-devant abbaye où était préparée une salle verte en forme de pavillon. Au milieu de cette salle, sur un autel couvert et tapissé de feuille de chêne, étaient placés en évidence les portraits de Marat et Le Peletier. Ils sont portés en triomphe, à la suite du buste de Brutus, par quatre femme sans-culotte. Au milieu d’elles marchait la républicaine Le Marchand avec un panier de 8 livres de salpêtre qu’elle avait extrait et travaillé de ses propres mains. Le cortège ainsi composé fait le tour de la commune et revient au temple, où, après plusieurs chansons et hymnes patriotiques, a été prononcé, aux applaudissements de l’assemblée, par le citoyen Lebrun, artiste à Paris et montagnard de Conches, un discours pathétique en l’honneur des martyrs de la liberté, Marat et Le Peletier. La fête s’est terminée par des danses et des chants d’allégresse. Procès-verbal de la fête de la destruction du fédéraliste {sic) dans le département de l’Eure. Du 25 messidor sur les 11 heures du matin, les autorités constituées et la société populaire, rengées dans l’ordre cy-dessus, précédées des instruments, d’un chœur des musiciennes et de la bannière de la société, ont parti du temple de la raison pour se rendre par le carfour de la section de la Montagne, cy-devant de Saint-Etienne, au lieu choisi dans le parc pour l’éléva-(1) P.V., XLIII, 237. (2) C 316, pl. 1267, p. 24, 25. Mentionné par B‘n , 3 fruct. (suppl l). 8 114 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tion d’une montagne permanente et destinée à être le rendez-vous de toutes les fêtes nationales. Au milieu du cortège on distinguait le simulacre du scélérat Buzot guillotiné que traînait dans la fange des rues, avec les cordons du fanatisme, une troupe de petits Montagnards, les Bonnets rouges. Près de là étaient promenés en triomphe les tableaux de Marat et Le Pele-tier couronnés de verdure. Le premier, nouvel Hercule, semblait encore regarder d’un air de mépris le fédéralisme expirant à ses pieds et écrasé par sa massue. Le deuxième, au front serein, à l’œuil calme et tranquille, semblait encore pro[vo]quer les poignards des tyrans. Après s’être arrêté quelque tems sur la place de la Montagne dont on a chanté les louanges, on a rentré dans le temple au son des instruments s’accordant avec les voix des agréables chanteuses. L’après-midi, sur les 7 heures du soir, les corps constitués, réunis au temple de la raison avec les musiciens, musiciennes et un grand concours de peuple, après mainte et maintes hymnes républicaines, se sont transportés dans le même ordre à la place dite de la liberté, où l’infâme Buzot a été brûlé au milieu des danses et des cris de Vive la République ! Procès-verbal de la fête de la prise de la Bastille. Le 26 messidor (14 juillet, v.s.), à 8 heures du matin, tous les citoyens de la garde nationale en armes et les citoyennes portant des bâtons, pioches, fourches et autres instruments offensifs, rassemblés sur la place de la liberté par le tocsin et la générale [qui] s’était fait entendre vers les 5 heures, se sont mis en marche sur 2 files, précédés des sapeurs, des instrumens, des autorités constitués, et suivi des jeunes gens de la petite Montagne, pour rappeller la mémorable journée de la liberté au prise avec le despotisme, et renouveller dans la ci-devant église abbatiale de Conches la démolition en figure des troupes de la trop effrayante Bastille; les couleuvrines braquées sur les postes avancés font leur décharge, à laquelle, les sattellites de Delaunay ayant risposté, on a vu bientôt la flame s’élever sur la tour du côté du midi où était planté le drapeau blanc. Déjà les affreux souterreins dans lesquels gémissait la vertu depuis plusieurs siècles sont remplis des enfans de la liberté qui en tirent des vieillards aux cheveux blancs, chargés de chaînes et de haillons, et tout étonnés de revoir le jour et d’embrasser leurs amis pressés autour d’eux pour briser leurs fers. En cet instant paraît sur le haut d’une pique la tête du traître Delaunay. Elle est suivie de plusieurs prisonniers que l’on a atteints dans leur fuite avec la cocarde blanche. Ici la mêlée augmente : hommes, femmes, vieillards, enfans, tous se précipitent dans la ci-devant église, tous se disputent l’honneur de se mesurer avec l’ennemi et de faire des captifs. Rien n’échappe à l’ardeur des combattants : soldats, commandants royalistes, tout est promenés par les rues, chargés de chaînes jusqu’à ce que, la cloche annonçant le triomphe par un son mat et joyeux, on revient au temple où le peuple, juge des prisonniers, se venge par la clémence, et leur fait grâces en leur voyant fouler aux pieds la cocarde blanche et crier : vive la République ! Mille voix se mêlent à ses acclamations pour célébrer l’immortel triomphe de la liberté, et chacun se retir, les yeux baignés de larmes d’attendrissement. Procès-verbal de la fête des victoires remportées par la République. Du 26 messidor, 7 heures du soir, on se rassemble au temple de la raison et on vient dans le même ordre que la veille à la place de la liberté, afin d’y danser autour d’un feu de joie au milieu duquel s’élève un arbre verd portant les emblèmes et décorations de la République triomphante. Les 2 choeurs de musicien et musiciennes chante jusqu’à la nuit conjointement avec le peuple, la glorieuse victoire remportée par les armes françaises républicaines dans les champs de Fleurus et la Belgique de nouveau reconquis. On brûle en même tems le drapeau blanc arraché des mains des satellites de Delaunay. Collationné conforme au registre par nous, président et secrétaire de la société révolutionnaire et régénérée des amis de la Montagne de Conches, ce duodi 2 thermidor, 2 e année de la République française, une, indivisible et impérissable. Bauché ( présid .), Coisnet ( secrét .). 47 Fouquet [sic pour Fouquier] -Tinville demande d’être autorisé à se faire remettre les exemplaires du Moniteur. La Convention passe à l’ordre du jour (1). [A.-Q. Fouquier, ex-accusateur public, au cn présid. de la Conv.; Paris, 28 therm. II] (2) Citoyen président, Aux termes du décret du 27 germinal, aucuns papiers, journaux et autres ne pouvant être introduits dans les maisons d’arrests, j’ignore absolument quels sont les faits et délits qui peuvent m’être imputés. Jaloux de produire ma deffense, je sollicite de la justice de la Convention d’être authorisé à me faire remettre les exemplaires du Moniteur depuis le 9 thermidor. A.-Q. Fouquier ( ex-accusateur public). LE COINTRE (de Versailles) demande le renvoi au tribunal lui-même, qui doit fournir aux accusés tous les moyens de défense. D’après la motion de THIBAUDEAU, l’Assemblée passe à l’ordre du jour motivé sur la loi (3). (1) P.V., XLIII, 237. (2) C 316, pl. 1267, p. 26. (3) M.U., XLII, 461; Ann. patr., n° DXCII; Gazette frçse, n° 958; J. Sablier, n° 1502; Ann. R.F. , n° 258; J. Fr. , n° 690; F. de la Républ. n°407; C.Eg., n° 727; J. S. -Culottes, n° 547; Rép. , n° 239; J. Perlet, n° 692; Audit, nat., n°691.