ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 août 1790.} 406 [Assemblée nationale.] M. Itewbell. Personne n’a nié que la fabrication' du billon était nécessaire, mais on prétend que la théorie de la fabrication des monnaies doit précéder cette opération ; d’un autre côté oa demande l’aiournement, ce qui tend à continuer la vente de l’argent. Le comité des finances parle de quelques frais, de quelques pertes qui ne sont rien auprès des avantages qui doivent résulter de l’opération qui vous est proposée. Je ne m’oppose pas à ce qu’on nomme un comité, mais je demande qu’on mette immédiatement à la discussion la fabrication de la monnaie de billon. (Get ordre de discussion est mis aux voix et adopté.) M. Wanrisgart, rapporteur , présente en quelques mots le résumé de son rapport et doune lecture du projet du décret en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant les diverses demandes qui lui ont été adressées, pour que, vu la disette de la menue monnaie, il lui plût ordonner incessamment une fabrication de monnaie de billon ; « Considérant qu’iJ est convenable de donner au roi, sur une monnaie nouvelle, le titre glorieux de roi des Français, a décrété et décrète : « Art. 1er. Qu’il sera incessamment fabriqué dans les divers hôtels des monnaies du royaume la quantité de deux millions de marcs de monnaie de billon, du poids et titre ci-après. « Art. 2. Le susdit billon sera fabriqué au titre de deux deniers de fin, au remède de trois grains. « Art. 3. Il sera fabriqué dans chaque monnaie un tiers de pièces valant cinq sous, un tiers de pièces valant deux sous, et l’autre tiers de pièces valant dix-huit deniers. Les pièces de cinq sous seront à la taille de quarante au marc, au remède de poids de trois pièces au marc ; les pièces de deux sous, à la taille de cent vingt au marc, au remède de poids de huit pièces au marc ; et enfin, les pièces de dix-huit deniers, à la taille de cent soixante pièces au marc, au remède de poids de douze pièces au marc sans aucun recours de la pièce au marc. « Art. 4. Lesdites pièces porteront d’un côté pour légende : LOUIS XVI, roi des Français, et de l’autre leur valeur numéraire, conformément aux empreintes figurées au bas du présent décret, et seront, lesdites pièces, marquées sur la tranche d’une' simple hachure. « Art. 5. Lesdites pièces de billon auront cours dans toute l'étendue du royaume pour la susdite valeur ; mais on ne pourra être contraint, dans aucun payement, d’en recevoir pour plus de six livres. « Art. 6. Les pièces de billon fabriquées en France, actuellement en circulation, de la valeur de 2 sous et 18 deniers continueront d’avoir cours jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. « Art. 7. Les déchets sur cette fabrication seront alloués aux directeurs des monnaies, à raison de six pour cent, et tous les frais de fabrication seront fixés à 20 sous par marc, dont la répartition sera faite par le roi entre tous les officiers et ouvriers des monnaies. « Art. 8. L’Assemblée nationale fait très expresses inhibitions et défenses de recevoir ou donner, dans les payements, aucunes pièces de billon de fabrication étrangère. « Le présent décret sera, sans délai, présenté au roi pour être sanctionné. » Charles de Bmuueth. Messieurs, je viepg vous soumettre une observation en quelque sorte préjudicielle. C’est qu’avant de prendre aucune décision vous fassiez procéder à bref délai aux expériences dont on vous a entretenu; ces expériences ne sauraient occasionner qu’un très court retard : elles vous promettent de grands avantages : aussi je demande que la motion de M. Martineau obtienne la priorité. M. le Président met aux voix l’ajournement de la discussion. (L’Assemblée décide que la discussion continue.) Plusieurs membres demandent la parole, notamment M. de Cussy et M. l’évêque d’Autun. M. de Cussy (1). Messieurs, quoique rien de ce qui intéresse l’ordre public ne puisse paraître indifférent aux régénérateurs de cet empire, j’ose croire que ce qui touche immédiatement à l’intérêt de la classe la moins fortunée des citoyens excitera, dans tous les temps, votre vigilance la plus active et voire attention la plus soutenue. Permettez-moi, Messieurs, de les réclamer en ce moment, où j’ai à vous entretenir de la monnaie basse, de celle qui détermine en quelque sorte les salaires du peuple, facilite ses transactions journalières, et fixe le prix des denrées de première nécessité. Si je n’étais accoutumé à respecter, dans tous les députés de la natiou, des hommes dignes de la confiance qu’ils ont obtenue, je serais tenté de vous dire, Messieurs, que le projet, qui vous a été présenté par le rapporteur de votre comité des finances est une suite de l’attentat qu’un ministre audacieux n’a pas craint d’exécuter contre les propriétés mobilières de la nation. M. de Galonné a dégradé d’un quinzième de poids l’or destiné à circuler entre les mains de l’homme puissant; on vous propose, en ce moment, d’affaiblir d’un dixième le poids d’une monnaie basse consacrée particulièrement aux besoins et à l’acquit des services journaliers du peuple. En affaiblissant le poids de notre monnaie d’or M. de Calonne en conserva du moins le titre. Si même on veut ajouter foi aux procès-verbaux qu’il ordonna, quoique la cour des monnaies, cette gardienne incorruptible de nos lois monétaires, en ait démontré l’irrégularité, j’ai presque dit l’infidélité, il employa, s’il faut l’en croire, une grande partie du bénéfice qu’il réservait au fisc sur le poids des anciens' louis, à rétablir fe titre des nouveaux. Mais, enfin, les louis neufs furent fabriqués au même degré de fin que celui que renfermaient ou auraient dû renfermer les anciens. Aujourd’hui votre comité vous propose d’ordonner une nouvelle fabrication de billon, dans laquelle on diminuera d’un cinquième la faible quantité d’argent fin employé dans la fonte des sols fabriqués en exécution de l’édit de 1738. En comparant ce qui a été fait sur vos monnaies précieuses, et ce qu’on vous propose aujourd’hui de faire sur vos monuaies basses, ne pourrait-on pas croire que l’on voudrait vous amener par degrés, à votre insu et contre vos intentions, à la déplorable nécessité d’altérer le titre, ou d’affaiblir le poids de vos monnaies d’argent, pour rétablir entre tous vos métaux une juste et convenable proportion ? Ce projet détestable fut celui de M. de Galonné. Le crime de sa pensée est tracé de sa propre main dans une apostille mise en (1) Le Moniteur s’est borné à reproduire le projet de décret proposé p�r M. de (jussy. ; .