10 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 août 1791.1 missaires et que l’on fit la même scène pour M. de Rochambeau. Un membre : Eh bien 1 monsieur Robespierre ? M. Alquier. A Landrecies, on était réduit à ne pas oser mettre un soldat dans la salle de discipline ; les officiers mêmes nous ont déclaré qu’en venant de Cherbourg, où ce régiment avait débarqué, il n’y avait pas un homme qui n’eût dans sa giberne 12 cartouches à balle et que, plusieurs fois, les soldats ont été sur le point de tirer sur leurs officiers. Voici, entre autres, un fait que M. de Quercy, commandant, nous attesta lorsqu’il vint nous rendre visite. En marche, deux soldats s’écartèrent de la grand’route ; ils entrèrent dans une maison où il n’y avait qu’une femme d’un certain âge; ils dévastèrent la maison et se portèrent aux derniers excès contre cette femme. Un caporal, qui les avait suivis, voulut les en empêcher et les ramener; l’un d’eux le coucha en joue et ils l’obligèrent de se retirer. Le caporal rendit compte de ce fait au commandant du bataillon, qui ne put pas même faire mettre les deux soldats à la salie de discipline. Plusieurs membres : C’est affreux ! M. Alquier. Au reste, Messieurs, je dois dire que l’Assemblée ne peut pas juger de l’état de l’armée de M. de Rochambeau par celui du second bataillon du régiment de Beauce. Je puis déclarer, avec vérité, que cette troupe est absolument la seule de l’armée de M. de Rochambeau que nous avons trouvée dans un état d’indiscipline. 11 y a bien eu quelques mouvements dans le régiment d’Orléans ; mais ils étaient causés par le départ coupable de 20 officiers qui venaient de passer à l’étranger. M. l’abbé Dillon. Pourquoi n’en a-l-on pas fait mention dans le rapport des commissaires, à leur retour? M. Alquier. On me demande pourquoi M. Biron n’a pas dit tout cela dans son rapport. J’interpelle ici le comité militaire de vouloir bien vous dire si, aussitôt notre retour, nous ne lui avons pas dénoncé tous ces faits et si nous n’avons pas sollicité de lui les moyens les plus prompts pour y rémédier et pour ramener l’ordre dans l’armée. Je ne connais point le projet de loi qui vous est soumis; mais j’insiste, d’après ce que je viens de vous dire, pour que vous preniez les moyens les plus prompts pour sauver les restes du régiment de Beauce. M. Fréteau - Saint -Just. J’ajouterai deux mots à ce que vient de dire M. Alquier. Le régiment de Beauce n’est pas le seul contre lequel on a adressé des plaintes au comité; les régiments d’Auvergne et de Dauphiné vous ont été dénoncés par M. du Portail; tous les jours, il sollicite du comité des mesures de forces et de sévérité qui tendent à rétablir la discipline militaire. Hier encore, dans une réunion qui se fait tous les soirs à la chancellerie entre vos comités et les ministres et qui s’est prolongée jusqu’à minuit, il nous a donné les détails les plus étendus sur cet objet. Voici ses propres paroles : « Je sais nous a-t-iï dit, tout le poids de la responsabilité qui pèse sur moi et dont je suis tenu envers la nation. Je veux m’y soumettre autant qu’il pourra être utile à la chose publique; mais je supplie l’Assemblée de considérer qu’il faut qu’elle m’appuie, si elle veut que mes démarches aient quelque influence. Si, lorsque je lui demande des moyens de force, elle ne me seconde pas, tous mes efforts seront inutiles. » M. du Portail est ensuite entré dans des détails sur les désordres de quelques régiments qui, véritablement, font frémir. Entre autres faits, voici celui qui nous a le plus frappé par sa singularité ; une partie du régiment, actuellement à Blois, et dont j’ignore le nom, y est arrivée toute nue, sans souliers, et un grand nombre sans armes, et cela, parce que les soldats n’étant ni contenus, ni réprimés, ont vendu leurs effets et leurs armes pour satisfaire à leurs débauches. Voix diverses : Quels désordres! — Et l’on appelle cela du patriotisme! — Aux voix! aux voix! le projet du comité militaire. — Une plus longue discussion est coupable dans la circonstance ! (La discussion est fermée.) M. Chabroud, rapporteur. Voici le premier article : « L’Assemblée nationale, informée de l’esprit de révolte qui s’est introduit dans quelques corps de l’armée, et notamment dans les 17e et 38e régiments, et dans le 2e bataillon du 68e régiment, ayant chargé son comité militaire de lui proposer des vues sur les moyens d’y rétablir la subordination et le bon ordre; après avoir ouï son comité, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Lorsqu’une troupe sera en état de révolte, les moyens donnés par la loi seront incessamment mis en usage pour la faire cesser et parvenir au jugement des coupables. » M. d’Estourmel. Le mot « révolte » a trop de latitude; il laisserait trop de motifs d’excuse aux mutins. Il faut mettre à la place le mot caractéristique d’ « insubordination. » M. Chabroud, rapporteur. On peut mettre les deux mots « insubordination et révolte », comme on voudra. (L’Assemblée rejette la proposition de réunir les deux mots et décrète l’article 1er sans changement.) Art. 2. « Il sera tiré par l’ordre du commandant en chef, un coup de canon, pour avertir que l’ordre est troublé; et si, dans le lieu, il n’y a pas de canon, il sera fait une salve de mousqueterie, et ce signal sera répété de quart d’heure en quart d’heure, jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli. » {Adopté.) M. Chabroud, rapporteur , donne lecture de l’article 3, ainsi conçu : « Les troupes réglées qui se trouveront dans le lieu où la révolte est déclarée, seront mises sous les armes, et, en cas d’insuffisance, les commandants des divisions feront marcher de proche en proche d’autres troupes réglées. » M. Caultier-Biauaiat. Il faut dire : « les commandants des divisions ou ceux qui les remplaceront » .