638 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 août 1791. J la question préalable sur eettè priorité qui d’ailleurs appartient de droit aux comités. M. Pëtion de Villeneuve. M. d'André s’oppose à la priorité sous le prétexte que la délibération est commencée, et qu’on a mis les amendements aux voix, et que, dès lors, il né peut plus y avoir lieu à une priorité; nous sommes bien éloignés d’être d’accord sur ce point, car après avoir purgé tous les amendements, après avoir fait des additions à un article, il est encore libre oü de rejeter l’article, ou si la rédaction de l’article nè vous convient pas, de demander la priorité pour une nouvelle rédaction. (. Applaudissements à l’extrême gauche .) Aiiisi, mal à propos, M. d’André a voulu vous envelopper dans un moyen de forme. Maintenant il dit : comment Se peut-il que vous demandiez aujourd’hui la priorité pour deux objets contre lesquels vous vous éleviez, et que vous vouliez vous en tenir aux principes qui sont proposés, sauf à laisser la loi à faire aux législateurs? M. d’André trouve qû’il y a là une tactique très line, et, comme il s’y connaît, je m'en rapporte parfaitement à lui. ( Vifs applaudissements à l’extrême gauche et dans les tribunes.) M. d’André. Beaucoup-, oui! M. Pétlon de Villeneuve. Maintenant je m'en vais lui dire, d’une manière bien claire, bien précise et bien loyale, non pas ce qui est tactique, mais vraiment ce que je pense, par la marche que prend la discussion : je crois que l’Assemblée va faire une loi mauvaise; et j’aime mieux laisser à nos successeurs la faculté de faire une loi que nous sommes incapables de faire dans le moment actuel. {Applaudissements à l'extrême gauche.) Plusieurs membres : Aux Voix la priorité ! (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à la rédaction des comités.) M. Muguet de ÜVanthou. La majorité de l’Assemblée a décrété que la proposition de M. Barnave ne serait point admise parce qü’elle laissait aux législatures le droit d’étendre et de restreindre la liberté de la presse; en conséquence, il n’est pas possible de laisser dans l’article ces dernières expressionS-ci : « La résistance à leurs actes ou quelqu’une des actions déclarées crimes ou délits par la loi. » Si les législatures ont le droit de déclarer que telle chose est un crime ou telle action un délit, vous leur laissez toute la latitude de restreindre la liberté de la presse. {Murmures au centre.) M. le Président. Silence, Messieurs, on n’entend point l’opinant. M. Muguet de Nanthon. La question se réduit donc à savoir si la dernière disposition de l’article ne donnera pas aux législatures le droit de restreindre la liberté de la presse. M. Vë Chapelier. L’opinant croit-il que nous entendons donner, par article, le droit aux législatures de décréter qu’on ne pourra pas parler de tel ou tel objet, conseiller tel où tel lait ; il a Certainement tort de le prétendre, et je crois que l’article ne le dit pas ; mais la législature, en faisant un code pénal, déclarera que tel acte est un délit contre la société; il s’ensuivra de là qu’on dé peùt pas conseiller de commettre tel acte auquel telle peine est attachée, sans commettre un délit. {Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix ! M. lë Président. Je mets aux voix l’avis des comités. Plusieurs membres : Attendez au moins qu’on en ait fait lecture. M. Thouret, rapporteur , fait lecture du 1er paragraphe de l’article en y insérant l’amen-delnèüt de M. Pétion de Villeneuve, adopté par l’Assemblée, et il propose d’y ajouter l’amende-ihènt de M. Goupil-Préfeln Consistant en ces mots : « l’avilissement de la dignité royale dans la personne du roi. » Un grand nombre de membres protestent contre l’insertion de l’amendement de M. Goupil-Préfeln. M. Thouret, rapporteur , fait une nouvelle lecture du 1er paragraphe sans y joindre cet amendement. M. de Va Rochefoucauld. Vous ne devez laisser dans, l’article aucune obscurité : or, cer i tainement, les mots « avilissement des pouvoirs constitués » sont un terme trop vague ; je propose d’y substituer les mots « outrages aux pouvoirs constitués. » M. Rœderer. Si l’on adopte le mot « outrages », j’y consens. M. Thouret, rapporteur. Les comités adoptent le mot « outrages. » M. Buzot. Le mot proposé donne plus de clarté. Ce qu’il y avait d’extrêmement vague dans le mot « avilissement », c’eshqu’il est impossible d’avilir un corps moral, que dans les individus dont il est composé. Le mot « outrages » que l’on substitue en nous développant la première idée, fait voir combien la seconde est inauvaise en elle-même, car le mot ouirage ne peut véritablement se porter que sur les personnes mêmes. Il est impossible d’outrager un corps moral politique {Murmures) : on m’interrompt par des murmures, mais cela prouve encore une fois, que rien n’est plus vague que les expressions dout on se sert, et cela est si vrai qu’au comité de révision, le mot « outrage » fut proposé, et que l’on préféra le mot « avilissement », parce qu’il porte moins contre les personnes. Car* Messieurs, prenez garde que je suppose, par exemple, que la majorité de la législature prochaine à l’Assemblée soit ou corrompue ou factieuse, les membres seront attaqués par des écrits. Certainement on dira que le corps constitué, le Corps législatif est outragé; car il est impossible d’entendre autrement le mot outrage, il faut donc une bonne fois pour toutes, expliquer le sens de cette expression ; il faut la déterminer, et puisque nous voulons que les législatures à venir ne fassent pas des luis contre la liberté de la presse, je demande qu’on s’explique clairement, qu’on emploie plusieurs expressions, si l’on veut, pour rendre l’idée. Quant à rnoi, je crois que les mots : « révolté contre les pouvoirs constitués» sont les mots justes.