703 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1790.] Constitution est le plus raisonnable. Il est souverainement déraisonnable de confier les fonctions qui supposent des connaissances acquises à des hommes qui n’ont pu les acquérir. La Constitution appelle tous les citoyens, cela est vrai; mais elle ne dit pas que tous ont la même aptitude à être juges. Tout citoyen peut aspirer à toutes les places ; mais il faut des dispositions pour les bien remplir. Vous ne voulez pas sans doute qu’un avocat soit homme de mer et qu’un artiste soit homme de loi. On suppose la coalition dangereuse des hommes de lot ; mais ce sont eux qui se sont liés à la cause publique contre les cours quand il s’est agi de l’aristocratie, comme ils s’étaient réunis aux cours quand il s’agissait de soutenir la cause publique contre le despotisme. M. d’André. Je n’ai pas entendu inculper les avocats. M. Toys. Je sais bien qu’il y a beaucoup de gens dans le monde qui font très mat leur métier et parmi les magistrats et parmi les avocats ; mais cela ne prouve pas qu’il faille ouvrir les tribunaux à des hommes qui n’ont jamais étudié les lois, surtout dans un royaume où elles sont si obscures et si compliquées. J’adopte l’article en substituant aux mots homme de loi , un terme plus déterminé et moins générique. M. Brostaret. Je regarde comme très dangereux de ne pas fixer l’éligibilité aux hommes de loi dans cette première élection ; mais je pense qu’il serait très impolitique de faire un article constitutionnel d’une limitation quelconque. Je propose de ne pas adopter l’article quant à présent. M. Démennler. Les propositions de MM. de Folleville et d’André sont inacceptables ; elles ne tendent à rien moins qu’à vous faire décréterque pour être magistrat politique, religieux ou civil, il n’y aura plus d’examen ni d’études préalables. On vous propose de décréter qu’un homme de loi pourra exercer une place dans la marine. 11 en sera de même pour les autres fonctions publiques: on vous propose encore de renverser ce que vous avez établi, car vous avez exigé que pour être propre à une place il fallait avoir fait des études et rempli des fonctions analogues. En discutant les règles des corps administratifs et municipaux, vous avez rejeté une foule d’amendements de ce genre. Je codcIus à la question préalable sur les diverses motions qui viennent d’être laites et à l’adoption pure et simple de l’article du comité. M. Regnaud, député de Saint-Jean d'Angély. Je demande une exception pour l’amendement de M. Mougins ; vous avez eu à votre tête un président au parlement dont vous avez eu à vous louer, et peut-être il n’a pas trente ans. M. Le Pelletier. On doit faire les lois pour les choses, et non pour les personnes. Dans tous les cas, j’observe que j’ai plus de trente ans. La discussion est close. Les amendements sont tous rejetés. L’article 9 présenté par le comité est adopté sans changement. M. Thouret, rapporteur . Voici la teneur de l’article 10 : « Les juges ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi, à peine de forfaiture. » M. Goupil de Préfeln. Dans la rédaction de cet article on a préjugé une grande question, car il en résulterait que les juges ne pourraient pas être députés à l’Assemblée nationale, ce que vous n’avez pas encore décidé. Je propose de dire : Les juges ne pourront , dans leurs fonctions , etc. M. Gourdan. Il me semble que pour prévenir toute équivoque sur l’esprit de l’article, il suffirait de dire simplement : Les tribunaux, etc. Cet amendement est adopté et l’article 10 décrété ainsi qu’il suit : Art. 10. « Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou retarder l’exécution des décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi, à peine dé forfaiture. * L’article 11 est décrété, sans discussion, dans les termes du projet ainsi qu’il suit : Art. 11 . « ils seront tenus de transcrire purement et simplement sur leurs registres, et de publier, dans la huitaine, les lois qui leur seront envoyées. » M. Thouret, rapporteur , lit l’article 12 eu ces termes : « Ils ne pourront point faire de règlements ; mais ils adresseront leurs représentations au Corps législatif, toutes les fois qu’ils croiront nécessaire soit d’interpréter une loi, soil d’en faire une nouvelle. » M. Rarnave. L’observation que j’ai à faire porte simplement sur la rédaction. Par la manière dont l’article est rédigé, il semble donner aux tribunaux le droit de représentation. Si par ce droit de représentation on entend celui de pétition, il était inutile d’en faire une application particulière aux juges, puisque c’est un droit qui appartient à tous les citoyens ; mais je ne crois pas que ce soit là le sens de l’article. Le comité a prévu le cas où les juges, trouvant la loi obscure, voudraient recourir au pouvoir législatif : ce ne peut être par des représentations que ces observations soient exprimées; il serait dangereux d’accorder à un tribunal un droit de représentation, qui serait un droit de résistance. Sans doute, les juges ne seraient pas dispensés de publier la loi ; mais, dans leur sens, ils se croiraient peut-être dispensés de s’expliquer sans délai. Je propose de rédiger ainsi cet article : « Ils ne pourront point faire de règlements, mais lorsque les lois leur paraîtront insuffisantes ou obscures, ils s’adresseront au Corps législatif pour obtenir, soit une interprétation, soit une loi nouvelle. » M. Prieur. J’appuie les sages réflexions du préopinant ; mais je crois qu’on peut eu présenter d’autres qui importent également à la liberté publique. Ce n’est point assez d’empêcher les représentations, il faut encore prévenir les interprétations. Je pense donc qu’on pourrait ajouter à l’article ces mots : « ni interpréter une loi, ni l’étendre d’un cas à un autre ; ni prononcer sur un cas qui ne serait pas prévu par la loi. » Pour appuyer mon observation, je vous prierai de ne pas perdre de vue ce principe: Le juge doit appliquer la loi au fait qui lui est dénoncé ; s’il n’y a