[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 août 1790.] contient un fait qui m’est personnel et dont je crois ne pouvoirmedispenser de relever l’inexactitude. Je ne vous ai jamais dit, ni chez moi, lorsque vous m’avez fait l’honneur d’y venir, ni chez vou«, lorsque j’ai été à votre comité, à l’Hôtel de Ville, que M. le procureur du roi tût rendu une plainte par addition à votre dénonciation des journées du 5 ou du 6 octobre dernier (I). J’ajouterai même que ç’aurait été de ma part une inculpation déraisonnable contre un magistrat aux lumières et à l'honnêteté de qui je n’ai cessé de rendre justice. Si une pareille plainte eût été rendue, il aurait été nécessaire qu’elle fut répondue par la compagnie entière; et elle existerait aujourd’hui. D'ailleurs, l’instruction, l’honnêteté et le patriotisme de la compagnie la rendaient autant im apable de recevoir une pareille plainte, que l’est M. le procureur du roi de l’avoir rendue. Je n’ai donc jamais tenu le propos que vous me supposez, par erreur, dans votre lettre. L’hommage que je dois, d’une part, à la vérité, et, de l’auire, aux vertus et au patriotisme de M. le procureur du roi, m’a mis dans la nécessité de rappeler ce fait à votre souvenir, et de relever, pour ce qui me concerne, l’erreur qui s’est glissée dans votre lettre. J’ai l’honneur d’être, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Talon. Paris, ce 15 juillet 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mercredi 11 août 1790, au matin (2), La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. de üyspoter, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de mardi matin 10 août. Le procès-verbal est adopté. M. le Président. Le comité des recherches demande à présenter un court rapport sur les subsistances du duché de Bouillon. Je donne la parole au rapporteur. M. l’abbé Jonbert, rapporteur du comité des recherches. Messieurs, depuis 18 mois, le duché de Bouillon est tourmenté de la plus affreuse disette. De temps immémorial, la principauté de Sédan lui fournit des subsistances ; mais vos décrets prohibitifs de l’exportation des grains ont mis des entraves à ce qu’il en obtînt. Ses moissons suffisent à peine pour le nourrir pendant six mois, tandis qu’il vous fournit pendant l’année entière de nombreux troupeaux de bœufs, veaux, moutons et porcs; des laines, des bois, des charbons, des écorces et mille autres denrées. Et votre comité des recherches, d’accord avec les députés du département des Ardennes, pense qu’il est de votre justice et de votre humanité, d’ordonner , (*) « est bien extraordinaire que M. Talon suppose, de noire part, un� dénonciation des journées du cinq et du six octobre dernier. Voyez notre discours à l’Assemblée nationale ; voyez aussi la note (1), sur la seconde lettre de M. le procureur du roi. (2) Cette séanceest incomplète au Moniteur. 717 l’oxécution du projet de décret suivant, entière" im nt conforme à celui qui a été rendu, le 21 jan* vier dernier, en faveur des habitants de la vallée d’Aran, dont la misère et les droits étaient bien au-dessous de ceux du duché de Bouillon. Je suis chargé de vous présenter un projet de décret conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, décrète que les décrets prohibitifs de l’exportation des grains ne seront point applicables au duché de Bouillon; en conséquence, autorise ses habitants àextraire en nature et à importer chez eux le* produits de leurs fermes, comme aussi à continuer de s’approvisionner, ainsi et comme par le passé, sur les marchés de la ville de Sedan, où ils se pourvoiront de tontes sortes de grains nécessaires à leurs besoins, ainsi qu'elles seront fixées pour chaque année par le directoire du département des Ardennes, s’il y échet, en temps de non exportation; et dans le cas d’insuffisance reconnue sur les marchés de ladite ville de Sedan, par la municipalité, pour subvenir à l’approvisionaement des-diis habitants. « L’Assemblée nationale autorise le directoire dudit département, sur la réquisition de la municipalité, à fixer, pour les a bats du duché de Bouillon, tels cantons de son territoire qu’il juge convenir, et encore à prescrire les formalités de l’exportation, d’après l’avis du directoire du districts de Sedan, lui donnant tout pouvoir à cet effet. Au surplus, ordonne que son Président se retirera par-devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner tous ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » M. le Président met aux voix ce projet de décret. Il est adopté sans discussion. La parole est immédiatement donnée à un autre membre du même comité, sur l'arrestation, par la municipalité de Longwy, d'un officier porteur d'un libelle. M. Rousselet, au nom du comité des recherches. Les inqu éludesqui régnent dans ledépartementde la M use, relativement aux projets combinés des puissances voisines contre la France, redoublent en ce moment l’activité et le patriotisme des municipalités et des gardes nationales de ce département. Un détachement de la garde nationale de la municipalité de Longwy, faisant ses patrouilles ordinaires, rencontra le 5 de ce mois, sur les 6 heures du soir, M. de Mellet, capitaine au régiment des chasseurs de Flandre, suivi de M. Leblanc, chasseurau même régiment, qui voyageaient de compagnie. Sur la demande qui leur fut faite d'exhiber leurs passeports ou leurs cartouches, ils repondirent qu’ils n’en avaient pas, ce qui décida le détachement à faire la visite d’un portemanteau que l’officier avait sur son cheval. Parmi les effets qu’il renfermait, tous à sou usage, il se trouva un paquet de >3 exemplaires d’une lettre imprimée. Cette lettre supposée et dite adrt-ssée, par un des membres de cette Assemblée, dans les différentes garnisons du royaum -, compromet aussi plusieurs autres membres delà manière la plus grave «t la plus off usante. N ms observerons que ces membres ne sont désignés que par la première syllabe de leurs noms de baptême et de famille : mais cette précaution qui semble affectée pour dérober au public la con-naissancedesnoms, aggrave l’outrage, car l’auteur {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |11 août 1790.) 718 de ce libelle infâme prend d’ailleurs des mesures certaines pour que nul ne se trompe sur les noms et les qualités de ceux qu’il vous désigne. Ce libelle invite les troupes à l’insurrection, et sa distribution, qu’on dit avoir été faite avec profusion dans les régiments, n’a pu qu’y produire ks plus funestes effets : peut-être même a-t-elle donné naissance aux nouvelles alarmantes dont les tristes récits ont suspendu trop souvent nos délibérations. Les officiers municipaux de Longwy, après avoir dressé procès-verbal, ipirent sous enveloppe ces lettres imprimées, et conduisirent le lendemain, avec un détachement de la garde nationale, les deux particuliers à ia municipalitéde Stenuy. Les officiers municipaux de cette ville, après avoir pris connaissance de l’affaire et fait reconnaître, par M. de Mellet et M. Leblanc, que le paquet cacheté et les lettres imprimées étaient celles saisies sur M. de Me|let par la garde nationale de Longwy, leur firent ..ussijôl subir un interrogatoire. Nous allons vous faire lecture de ce libelle, que nous aurions désiré ens< velir dans un profond oubli, mais qui devient une pièce inséparable du rapport, et dont nous ne pouvons nous dispenser de vous faire part, ainsi que des interrogatoire�. (M. Rousselet lait lecture de ces pièces. Voyez Archives Parlementaires, séance du 3 août.) Après cette lecture, vous ne pouvez vous refuser d’approuver Iq conduite de la municipalitéde Stenay, qui, dans la délibération qu’elle a prise, a agi de concert avec les meinbns du district. D'un coip-mun accord, ils ont ordonné l'emprisonnement de ces deux parti uljers, comme suspects. Ils vous ont auf-sitôt dépêché un tourner, porteur des procès-vt roaux et de l’impr.me, et pour vous instruire u’une découverte qui leur g paru intéressante, et pour que vous punsiez, a uprès l’examen des pièces, piononeer sur le sort des pris n-niers. Nous ob.-erverons, à légard de M. Leblanc, que votre comité ne trouve rieu de répréhensible dans sa coqnuite. Soldat dans la compagnie de M. de Mellet, il Raccompagnait, d’après Iq permission verbale que cet ollkieren avait opteqpe du commandant du régiment, pour, pendant quinze jours que M. de Mellet allait passer chez Mme sa mère, suigner ses chevaux. Cette allégation peut paraître vraisemblable: ce soldat n’avait aucun de ces libelles; il atteste n’avoir point en connaissance que M. de Mellet en fût porteur, et cet officier s’e?t empressé, dès le moment dè leur arrestation, de le disculper des soupçons qu’on pouvait former sur son compte. Au premier aspect, il n’en est pas ue même de M. de Mellet, qui se trouve avoir dans son portemanteau vingt-trois des libelles dont nous avons donné leefure d'un exemplaire: malgré sa déuegaiion dans son interrogatoire, il est difficile de se persuader que son intention ne fût pas de les distribuer. Si rien ne prouve qu’il en ait distribué dans sa route, cette preuve ue serait peut-être pas difficile a acquérir. Elle ne doit pas être négligée dans les circonstances actuelles. Il est difficile de croire que, cuinme il l’a dit, un moiif de commisération pour uu libraire détermine un officier à taire achat de vingt-trois exemplaires de cette lettre, lorsqu’il est notoire que les troupes sont excitees à l’insurrection par tout< s sortes de moyen?, notamment par des productions de celte na ure. Le comité des ru* her-cbes vous pré?eme un projet de décret en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, décrète que son Président se retirera par-devers le roi pour le prier de donner des ordres, pour, en ce qui poncerne M. de Mellet, officier dans le régiment des chasseurs de Flandre, informer, décréter et instruira, jusqu à jugement definitif, sur les faits consignés dans leè procè?-verbaux des municipalités de Longwy et de Stenay, circonstances pt dépendances, par-devant les officiers dn bailliage dp Sedan; pour copies desdites informations êtie adressées à l’Assemblée nationale, et pris par elle tel parti qu’ii appartiendra, à l’éffel de quoi M. de Mellet sera transféré, sous bonne et sûre garde, daDS Ips prisons de Sedan. Lesdits procès-verbaux et pièces y désignées serouf adresse� au procureur du roi dudit bailliage. En ce qui concerne tq. be-blane, l’Assemblée nationale charge égulemeqt sou Président de supplier le roi de faire donner les ordres nécessaires pour son élargissement et sou retour an régiment. » M. de Noailles. Le principal délit, présenté par le comité des recherches, étant la 'distribution. supposée d’un libelle ayant pour titre : « Retire de M. Alexandre de Lamëth, » et ce libelle renfermant un article qui me concerne, je vous demande, Messieurs, la permission dé fixer votre attention sur cei objet particulier. S’il ne s’agissait que de faire connaître à cette Assembfée la pureté de mes intentions et l’exactitude’ de mes démarches, je lui dirais: Jueez-moi. Vous m’avez toujours vu proles?er ies mômes maximes, énoncer le? mêmes opinions, manifester l’amour le plus vrai pour la liberté; mais ces principes trouvent ai.-eiiidit des déum tepr-S et excitent des haines invétérées. On veut nuire non seulement à la chqse pujjlique, niqi.� aux personnes qui la soutiennent, et l’un emploie les plus per fines rqqyens pour parvpu r à ce bu), {Jaus lp Ipfire qui est attribuée à M. de Lumeth, on trouve ce paragraphe: « mais si ce puissant moyen manque son eflet, alors montrez-vous à leurs y eux comme tes dispensateurs des giades et de toutes les fa-veuis militaires ; offri z-leur le rang cie leurs officiers ; engagez-Rs à s’y porter d’eux mêmes et s’élire entre eux, en les assurant que nous les y maintiendrons. Le V. de N... a dû vous écrire déjà pour cet objet, et vous pourrez vous en rapporter à ce qu’il vous mande. » J’ai consigné dans le troisième rapport du comité militaire des principes bien différents de ceux qu’on me prête. On y lit ces mots: «Dans les prupo?iiions qui nous ont été faites, il en est quelques-unes qui demandent pour les soldats l’élection de leurs bas-oificiers. Le comité a pensé qu’il y aurait beaucoup d’inconvenients à rendre lesiulérieurs arbitres de leurs supérieurs, et particulièrement dans les premiers grades. Ce principe introduirait des intrigues et des cabales pour les élections ; et ce droit de suffrage, prenant de l'extension, mettrait la liberté eu danger. L’expérience nous montre la république romaine renversée au moment où les soldats purent choisir leurs chefs. Cette méthode, si elle était suivie, entraînerait la destruction des troupes françaises.» Ou suppose encore que j’ai ralenti le travail de l’année. Sur ces prétendues lettres, je déclare premièrement que je n’ai écrit qu’au régiment du roi, dragons, que j’ai commandé pendant près de six années, et pour lequel j’ai conservé le plus vif aifacbe-uient. Ce régiment, qui s’est lait connaître pendant toute une guene par des actions glorieuses, a conservé, ap milieu, des troubles de Marseille et d’Aix, le plus grand ordre, la discipline ia