392 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 février 1791.] (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande d’ajournement.) Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. de Mirabeau. Si l’on veut fermer la discussion, je demande qu’une question très simple et très essentielle soit mise à l’ordre du jour: peut-il y avoir contre les petits assignats un autre intérêt que celui des vendeurs d’argent ? M. d’André. Et moi je demande qu’on mette à l’ordre du jour cette question : peut-il y avoir, en faveur des petits assignats, un autre intérêt que celui des fabricants contre la nation ? M. Delandine. Je demande qu’on mette à l’ordre du jour si l’Assemblée peut discuter de nouveau ce qu’elle a formellement jugé déjà; elle a décrété expressément qu’il ne serait point fabriqué d’assignats au-dessous de 50 livres. M. de Mirabeau. Je porte le défi de me citer ce décret. M. de Cholseul-Praslin. Voici ce décret ; il est du 8 octobre 1790. L’article 1er est ainsi conçu : « Les nouveaux assignats créés par le décret du 29 septembre dernier seront de 2,000,500,100,90,80,70,60,50 livres et non au-dessous. » (L’Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité à l’avis du comité.) M. Long. Je propose, par amendement à l’avis du comité, de décréter que la totalité des 50 millions sera faite en assignats de 50 livres ; et je vous prie de considérer que si notre plus forte pièce de monnaie a été de 48 livres, la différence de là à 50 livres n’est pas considérable. M. Tuaut de La Bouverie. Je demande à M. le rapporteur si, parmi les assignats qu’on brûle et qui vont l’être incessamment, il en existe un seul de 50 livres. M. Camus, rapporteur. Oui, Monsieur, il en existe; je n’en sais pas le nombre, mais comme le registre a été remis à la Bourse, vous verrez qu’il y en a de 50 livres. M. Tuaut de La Bouverie. Le plus grand ennemi de l'Etat c’est l’agiotage. Il est reconnu qu’on accapare les assignats de 50 livres; c’est une vérité constante. Le meilleur moyen de déjouer les accaparements, c’est de faire un grand nombre de billets de 50 livres. J’appuie l’amendement de M. Long; on ne doit pas balancer à le décréter. (L'Assemblée adopte l’amendement de M. Long.) M. Camus, rapporteur. D’après le décret que vous venez de rendre, nous demandons l’adjonction de 6 nouveaux signataires pour accélérer la fabrication. (Cette motion est décrétée.) Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète queles assignats qui restent à fabriquer pour la somme de 50 millions, sur les 1,200 millions décrétés le 20 septembre dernier, seront fabriqués en assignats de 50 livres et que, pour accélérer ladite fabrication, il sera nommé 6 nouveaux signataires. » M. Camus, rapporteur. Il serait nécessaire, je crois, pour suivre et éclairer la marche de la comptabilité, que le directeur du Trésor public fût tenu de remettre toutes les semaines au comité des finances un état du numéraire et des différentes valeurs d’assignats qu’il aura délivrés. Je crois que c’est le moyen de le mettre à couvert de toute sollicitation et de toute inculpation. (Cette motion est adoptée.) L’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que le directeur du Trésor public sera tenu de remettre chaque semaine, au comité des finances, qui en rendra compte à l’Assemblée, l’état des pensions et distributions des sommes qui auront été faites dans la semaine, tant en numéraire qu’cn assignats de différentes coupures. » M. le Président donne lecture : 1° d’une lettre du maire de Paris, en date du 21 février, qui annonce l’adjudication de deux maisons; la première sise rue de Bourgogne, louée 2,600 livres, estimée 26,700 livres, adjugée 59,300 livres; la seconde, sise quai Saint-Bernard, louée 1,900 livres, estimée 27,400 livres, adjugée 56,300 livres. 2° D’une lettre de M. Montmorin, qui fait passer à l’Assemblée deux prestations de serment : l’une de M. Genet, chargé des affaires du roi auprès de l’impératrice de Russie, et l’antre de M. Ménageot, directeur de l’Académie de France à Rome. L’ordre du jour est un projet d'articles additionnels au décret sur la contribution foncière , présentés par le comité des contributions publiques. M. Dauchy, au nom du comité des contributions publiques, donne lecture des articles additionnels suivants : Art. 1er. « Les droits de péages et autres de même nature, non supprimés par l’article 13 du titre II du décret concernant les droits féodaux, en date du 24 mai 1790, seront soumis à la contribution foncière à raison de leur revenu net. » (Adopté.) «Art. 2. Le revenu net des canaux sera de même soumis à la contribution foncière. » Un membre demande par amendement qu’on ajoute après le mot : canaux , ceux-ci : de navigation, et qu’on rédige ainsi l’article : Art. 2. « Le revenu net des canaux de navigation sera de même soumis à la contribution foncière. » (Adopté.) Art. 3. « L’évaluation du revenu des canaux qui traversent le territoire de plusieurs communautés d’un même district sera faite par le directoire, et la contribution sera fixée par le même directoire, au taux moyen de celle qui sera supportée par les autres propriétés du district. Cette fixation sera faite en même temps que la répartition de la contribution foncière entre les diverses communautés. » (Adopté.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 février 1791.] Art. 4. « Le revenu des canaux qui Iraversent plusieurs d stricts d’un même département sera évalué par le directoire du département, et divisé par chaque district, en proportion de la longueur du canal sur le territoire de chacun. » {Adopté.) Art. 5. « Quant aux canaux qui traversent plusieurs départements, chaque directoire de département évaluera les revenus et les charges du canal sur son territoire. Les directoires se communiqueront le résultat de leurs évaluations, et le total du revenu imposable sera réparti en proportion de la longueur du canal sur le territoire de chacun des districts. » [Adopté.) « Art. 6. Seront compris, dans l’évaluation des revenus et des charges du canal, les ouvrages d’art, les réserves d’eau, les chemins de hallage et les berges qui ne produisent aucuns fruits. » Un membre demande qu’après les mots : les berges , on ajoute ceux-ci : et francs-bords , et qu’on rédige ainsi l’article : Art. 6. « Seront compris, dans l’évaluation des revenus et des charges du canal, les ouvrages d’art, les réserves d’eau, les chemins de hallage, les berges et francs-bords qui ne produisent aucuns fruits. » (Adopté.) « Art. 7. Les moulins et autres usines, construits sur les canaux, les plantations et autres natures de biens qui avoisinent les canaux et appartiennent aux mêmes propriétaires, ne seront point compris dans l’évaluation générale du revenu du canal, mais seront soumis à toutes les règles fixées pour les autres biens-fonds. » Un membre propose par amendement d’ajouter après les mots : usines , ceux-ci : et fabriques , et de rédiger comme suit l’article : Art. 7. « Les moulins, usines et fabriques, construits sur les canaux, les plantations et autres natures de biens qui avoisinent les canaux, et appartiennent aux mêmes propriétaires , ne seront point compris dans l’évaluation générale du revenu du canal, mais seront soumis à toutes les règles fixées pourlesautres biens-fonds. «(Adopté.) Art. 8. « Les propriétaires de canaux seront tenus, dans le délai de quinze jours après la publication du présent décret, de faire aux secrétariats de dictrict ou de département, qui devront faire les évaluations, une déclaration détaillée de la totalité des revenus et charges de leur canal. (Adopté.) Art. 9. « Les directoires de département décideront, en dernier ressort, des contestations relatives à l’évaluation faite par les directoires de district. » (Adopté.) Art. 10. Les conseils généraux de département décideront également, en dernier ressort, des contestations relatives aux évaluations faites par les directoires de département. Dans ce cas . les membres du directoire n’assisteront point à la délibération. » (Adopté.) Art. 11. « La contribution foncière, supportée par les canaux, dans chaque district, sera payée directement au trésorier du district. » (Adopté.) M. le Président. Messieurs, la discussion va s'ouvrir sur la contribution foncière d’après la direction que le comité voudra lui donner. M. Dauchy, rapporteur. J’observe à l’Assemblée que le travail du comité sur les nouveaux impôts indirects et le mode de -remplacement du droit à l’entrée des villes n’est pas encore prêt et ne le sera même pas demain. M. de Delley. Messieurs, la totalité desrevenus publics et impôts indirects décrétés ou à décréter, peuvent être évalués à 165 millions. En voici le détail : Droits d’enregistrement ......... 35 millions. Timbre ........................ 25 — Patentes ................... ,... 25 — Douanes augmentées des droits sur le tabac ................. 20 — Les revenus nationaux sur les forêts ....................... 12 — Les salines .................... 3 — Vous pourrez porter les postes aux lettres à ................. 15 — La vente du sel et du tabac en concurrence, à ............... 5 — Vous pourrez porter un décret sur les hypothèques, qui produira sur ces droits ................ 5 — Lesloteries,les droits sur les affinages et marque d’or, les messageries, poudres et salpêtres, et autres revenus peu importants. 15 — Vous pourriez sans inconvénients, et avec beaucoup de justice, décréter un droit à payer par les voitures à toutes les postes, pour l’entretien des grandes routes, produisant ............ 5 — Total des revenus nationaux indirects, décrétés ou sus --- ceptibles de l’être ........ 165 millions. La contribution mobilière ne saurait excéder 60 millions, déduction faite des frais de régie et non-valeur-La contribution foncière ne peut être portée à plus de 250 millions, sans les frais de perception et les non-valeurs; et l’on ne peut, sans de majeurs inconvénients, la porter plus haut. Le total des revenus publics que l’on peut se flatter d’obtenir, sans employer des moyens forcés, n’est donc que de 475 millions. Cependant les dépenses exigent, d’après le rapport de vos comités, 581 millions, outre ce qui sera fourni par la caisse extraordinaire ; donc il existe une différence de 106 millions entre les revenus probables et les dépenses arrêtées. Votre comité, dans les calculs qu’il vous a présentés, couvrirait et même obtiendrait un excédent sur ce que je considère comme un déficit : 1° En portant la contribution foncière à 37 millions de plus que je ne vous propose de la décréter; 2° En comptant les ventes de sel et de tabac en magasin, à 20,500,000 livres pour cette année ;