[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j JJ 703 Les autres motions ont donné lieu au décret qui suit (l) : Art. 1er. « La Convention nationale décrète qu’aucun de ses membres ne sera mis en état d’accusation qu’après avoir été entendu dans son sein. Art. 2. « Néanmoins ses membres pourront être mis en état d’arrestation sur le rapport d’un de ses comités. Art. 3. « S’ils refusent d’obéir au décret d’arrestation, ils seront après huitaine décrétés d’accusation. « Renvoie aux comités de législation et de sûreté générale, réunis, la proposition de les mettre hors de la loi pour les crimes de contre-révolution (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Philippsaux. C’est sur la probité, c’e/t sur la morale que vous voulez établir la République; puisque c’est vous qui êtes les architectes de l’édifice vous devez être purs, et la France entière doit connaître votre pureté. Que le mas¬ que du charlatanisme tombe; que la vertu se montre toute nue. Que le peuple sache si tous ceux qui se disent ses amis, travaillent en effet pour son bonheur. Mais commençons par être sévères envers nous-mêmes. Je demande que chaque membre de la Convention et tous les magistrats du peuple, soient tenus de présenter, dans l’espace d’une décade, l’état de leur fortune avant le commencement de la Révolution, et s’ils l’ont augmentée depuis, d’indiquer par quels moyens ils l’ont fait. A toute loi il faut une peine. Je demande que vous décrétiez que les membres de la Convention qui n’auront pas satisfait aux dispositions de votre décret, soient déclarés traîtres à la patrie, et poursuivis comme tels, et les autres magistrats du peuple déclarés suspects et enfermés. Un membre. La Convention a satisfait aux vœux de Philippeaux, car elle a créé une Com¬ mission chargée d’examiner la fortune qu’avaient avant la Révolution, ou qu’ont acquise depuis, les représentants du peuple, les administrateurs, les généraux et tous les agents de la République ; il suffit d’exécuter le décret. Romme. J’appuie le projet présenté par Phi¬ lippeaux; mais comme il est très important, (1) Ce décret a été rendu sur la motion de Chabot, d’après la minute qui se trouve aux Archives natio¬ nales , carton C 277, dossier 730. {2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 125. [3) Moniteur universel [n° 52 du 22 brumaire an II (mardi 12 novembre 1793), p. 211, col. 2 et n° 53 du 23 brumaire an II (mercredi 13 no¬ vembre 1793), p. 213, col. 3]. D’autre part, voy. ci-après, annexe n° I, p. 719, le compte rendu d’après divers journaux de la discussion à laquelle donna lieu la motion de Philippeaux. je demande l’ajournement de la discussion à demain. Beaucoup de membres ne sont pas présents, et le décret nous regarde tous person¬ nellement. Philippeaux. Je suis de l’avis de Romme. Je demande l’ajournement à demain de la discus¬ sion de mon projet de décret. Basire. Si je parle contre le projet de décret présenté par Philippeaux, ce n’est pas pour moi. Je suis le plus pauvre de la Convention; mais j’attache une grande importance à ce décret; il me paraît très propre à favoriser les projets des aristocrates, et tend à diviser les patriotes. On en a demandé l’ajournement à demain, mais demain, pas plus qu’ aujourd’hui, les patriotes ne doivent pas être chicanés, tracassés par des poursuites judiciaires, dont l’unique but est de vous ôter l’énergie et le courage, sans lesquels pourtant la liberté ne peut être sauvée. Observez qu’avec ce projet vous ne pourrez atteindre les fripons, ceux qui ont vendu les intérêts du peu¬ ple; le crime invente toutes sortes de ruses : pour cacher leur fortune, les fripons ont trouvé - des prête-noms et eux -mêmes sont restés cachés, tandis que l’homme probe, fort de sa conscience, a placé sur sa tête le fruit de son travail, de ses économies. Citoyens, pesez ces considérations dans le calme, ne saisissez pas avec tant de précipitation l’hameçon que vous font présenter des scélérats, afin de nous faire déchirer successivement les uns les autres; comptez que tous les jours on trouvera quelque nouvelle accusation contre les patriotes. Il n’y a pas un seul muscadin qui ne se réjouisse de voir monter sur l’échafaud ceux qui ono commencé la Révolution, ceux qui, les premiers, ont jeté les fondements de la liberté. Ce n’est pas par patriotisme qu’on dénonce, qu’on calomnie; c’est souvent par chicane, par tracasserie, c’est dans des intentions contre-révolutionnaires. Les persécutés ne seraient-ils pas ceux qui ont les premiers attaqué la Cour, qui ont dévoilé ses conspirations, lorsqu’elle était encore toute-puissante? Les persécuteurs sont des hommes nouveaux. Je sais bien quel sort m’attend peut-être, pour avoir si franche¬ ment émis mon opinion; mais quand on sait parler ainsi à la tribune, on sait mourir. Il est temps, citoyens, que vous reveniez à vous, il est temps que la vie d’un homme public ne soit plus exposée au gré de l’intrigue des malveillants; il est temps que vous délivriez les patriotes de cette terreur qui détruit les vertus magnanimes, les sentiments généreux, étouffe les élans de l’imagination, comprime les efforts du patriotisme et rend le législateur incapable de faire de bonnes lois. Ce que je dis nie vaudra des haines, des vengeances, la perte même de ma tête sera le prix de mon courage; mais j’ai appris à braver la mort. Montaut. Président, rappelez l’opinant à l’ordre; la Convention ne frappe que les conspi¬ rateurs, les contre-révolutionnaires. La Président. Je préviens la Convention que le département de Paris et plusieurs sections demandent à présenter des pétitions. Basire. J’observe à Montaut que je ne parle pas du passé. Je sais que des conspirateurs ont péri; la Convention devait les frapper, la France entière les accusait d’avoir voulu perdre la Répu-