188 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 août 1791. J M. le Président écrive sur-le-champ au ministre de la guerre afin que les ordres nécessaires pour continuer leur route soient expédiés. Je demande, en second lieu, qu’il soit fait un tableau pour savoir combien il y a d’invalides dans ce moment-ci qui ont demandé à se retirer dans les départements; car il est certain que si l’on admet de nouveaux sujets dans les invalides, à mesure qu’il en sortira d’autres, la nation supporterait une dépense ruineuse au lieu de trouver une grande économie. Je propose, pour cet objet, qu’il soit rendu compte à l’Assemblée, dans l’espace de 8 jours, de la situation actuelle des invalides et des mesures qu’on a prises pour empêcher les dépenses énormes que l’on faisait. Un membre : Il est impossible que les munici-alités fassent aucune dépense si on ne leur onne pas de fonds. M. d’Ailly. 11 faut renvoyer purement et simplement au ministre de la guerre. M. d’Estourmel. Je demande le renvoi au comité militaire. M. de Noailles. Il s’agit de l’exécution d’un décret, j’insiste pour le renvoi au minisire. M. Bonche. Je demande que la municipalité de Senlis soit obligée de donner à chacun d> s 4 invalides, outre les 4 livres qui leur sont dues, 9 livres pour le retard qu’elle leur a fait éprouver et pour leurs frais de séjour. (L’Assemblée consultée décrète que M. le Président écrira au ministre de la guerre, pour faire expédier aux invalides réclamants, la somme qui leur est due en exécution de précédents décrets.) M. de Moailles. Monsieur le Président, je vous prie de mettre aux voix ma seconde proposition. (L’Assemblée consultée décrète qu’il lui sera rendu compte, dans les 8 jours, de la situation de l’hôtel des Invalides, du nombre des soldats qui y étaient au moment du décret relatif à son organisation et du nombre de ceux qui s’y trouvent actuellement.) M. le Président. L’imprimeur de l’Assemblée me fait savoir que la charte constitutionnelle est imprimée et qu’elle sera distribuée ce soir. ( Applaudissements .) Une députation des ouvriers de l'église de Sainte-Geneviève est admise à la barre. L'auteur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, nous sommes du nombre des ouvriers occupés à la construction d’un monument qui doit servir à la sépulture de ceux qui auront bien mérité de la patrie. Nous venons, au milieu de vous, vous témoigner, au nom de nos camarades, le vœu qu’ils ont fait de maintenir de toutes leurs forces la Constitution dont vous êtes les organes et renouveler le serment de répandre jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour la défendre. # « Si le moment devenait pressant, nous sommes tous prêts à voler aux frontières comme nous volâmes à la Bastille le 14 juillet, époque de notre liberté; mais en attendant, Messieurs, nous vous prions de vouloir bien recevoir la soumission que nous venons faire, de fournir pendant tout le temps que nous aurons l’honneur de travailler à l’achèvement de la nouvelle église de Sainte-Geneviève, pendant tout le temps que nos bras ne seront point dans l’inaction, n’importe l’endroit où il plaira au département de nous occuper, la somme de 100 livres par mois, pour subvenir à l’entretien de plusieurs gardes nationales. « Excusez, sages législateurs, si cette somme est si modique; mais elle est calculée d’après nos pouvoirs, et nous jurons de nous ranger tous, au premier moment de péril, sous l’étendard de la liberté, et de voler à grands pas plonger dans le sein des traîtres, qui oseraient les braver, le fer qui nous sera confié. » ( Applaudissements .) M. le Président répond : L’Assemblée nationale voit avec satisfaction et sans aucune espèce de surprise le sentiment patriotique qui vous anime, et l’effort que vous faites dans la position où vous vous trouvez : elle vous accorde l’honneur de la séance. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable du discours de la députation des ouvriers de l’église de Sainte-Geneviève, dans le procès-verbal.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les ponts et chaussées (1). M. d’Estourmel. Messieurs, 7 mois se sont écoulés depuis le 31 décembre, où vous avez décrété l’organisation des ponts et chaussées; le comité des finances, pénétré de la nécessité de statuer sur plusieurs articles additionnels, sans lesquels le bien ne pouvait être opéré, vous a fait demander, à diverses reprises, de vous les soumettre. M. Biauzat, animé sûrement du désir du mieux, et perdant de vue que souvent le mieux est le plus grand ennemi du bien , a trouvé le moyen de faire reculer l’époque de votre délibération ; il n’a pas considéré que ce retard pouvait, en empêchant non seulement l’exécution, mais même la détermination des travaux pendant une année, causer les mêmes inconvénients qui résultèrent de la suppression des corvées que M. Turgot fit prononcer, sans avoir préalablement fixé le mode de prestation en argent pour leur remplacement; il a oublié que cette hérésie en administration d’un ministre, qui d’ailleurs avait le désir du bien, a côuté cher aux provinces soumises à l'administration des ponts et chaussées, et où pendant plus de 3 ans les communications se sont ressenties de l’interruption de l’entretien pendant une seule année; je uis les provinces soumises à l’administration des ponts et chaussées, parce que celles qui étaient régies par des assemblées d’Etat, et qui avaient leurs ingénieurs dans leur dépendance, ont constamment dirigé leurs travaux suivant le système paternel qu’elles avaient adopté. M. Biauzat devait plus que personne apprécier les avantages qui résultent de la surveillance sur l’administration des ponts et chaussées. C’est en Auvergne, dont M. Biauzat est député, que Tru-daine , à qui la France doit l’éiublissement de cette administration, qui a servi de modèle à celle des� royaumes dont les souverains ont reconnu l'utilité qu’ils pouvaient en tirer, Ht le premier essai de ses talents. Le sol de cette province prêtait à ces essais, et le succès que Trudaine obtint, ouvrant, à travers les rocs dont elle est hérissée, des communications qui frappent d’admiraiion (1) Voy. ci-dessus, séance du 2 août 1791, page 126. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [4 août 1791.] 189 le voyageur, en lui présentant un passage sûr et facile à travers les montagnes les plus escarpées, lui avait fait prendre tellement en gré les chaussées ou routes ferrées, qu’il avait cherché à les établir dans tout le royaume, même entre Paris et Versailles, où la portion du chemin, depuis Sèvres jusqu’au Point-du-Jour, est restée ferrée tant qu’il a vécu, sans que Louis XV, à qui on en avait montré les inconvénients, mais qui, juste appréciateur du mérite de Trudaine, respectait ses volontés, ait jamais fait autre réponse à ceux qui le priaient d’ordonner que cette partie de route fût convertie en pavés : Trudaine ne le veut pas ; il faut renoncer au pavé tant qu'il vivra. Trudaine, appelé de l’intendance d’Auvergne à la place d’intendant des finances, et chargé de la surveillance des routes et canaux, conçut aisément que, sans une réunion d’administration des ponts et chaussées, le système des routes ne serait jamais uniforme; il s’entoura des ingénieurs des ponts et chaussées ; il posa en un mot les premiers fondements de l’administration que vous avez consacrée par votre décret; mais, pour mettre la dernière main au monument que vous avez élevé à la gloire de Trudaine, faut-il employer les matériaux que M. Biauzat accumule avec complaisance autour de vous? Radis et indigesta moles. Non, Messieurs, l’organisation que vous avez décrétée porte .le caractère de simplicité qui convient aux grands établissements; quelques articles additionels en seront le complément : plus l’exécution sera facile, plus ils obtiendront votre suffrage. Les 12 articles que votre comité vous propose présentent des développements faciles à saisir, mais dont aucun ne dérange l'ensemble du décret d’organisation. Il eût été à souhaiter que votre comité vous eût offert un article sur le régime des turcies et levées; ce régime mérite d’autant plus votre attention, que les départements intéressés n’éprouvent, malheureusement que trop souvent, par l’effet des fontes de neige, des malheurs qui exigent les remèdes les plus prompts. Votre comité ne vous soumettant aucun article, je crois devoir vous proposer celui-ci : « Le service des turcies et levées continuera « à se faire par des ingénieurs particuliers, mais « tirés cependant de l’école des ponts et chaus-« sées, et qui concourront toujours, pour les diffé-« rents grades, avec les ingénieurs de ce corps. » Un des préopinants (1) vous a démontré la nécessité d’incorporer, suivant leur grade, dans l’administration des ponts et chaussées, les personnes chargées en chef de la direction des travaux des pays d’Etats; il a particulièrement cherché à vous intéresser aux inspecteurs généraux des ci-devant Etats du Languedoc dont il est député; ce qu’il vous a dit pour les ingénieurs du Languedoc, je le dirai pour ceux des ci-devant Etats d’Artois et du Gambrésis ; je le dirai pour le directeur des canaux de Picardie, le sieur Laurent, neveu et élève du fameux Laurent, à qui le projet d’unir Amsterdam à Paris, en joignant l’Escaut à la Somme par un canal de 7,020 toises, creusé jusqu’à 150 pieds sous terre, projet dont la première idée est due à M. Vie, célèbre ingénieur militaire, mais dont Laurent a cherché à simplifier l’exécution par des moyens (1) M. Ramel-Nogaret. que votre comité d’agriculture et de commerce vous développera incessamment, projet dont l’empereur Joseph II a dit : Je m'enorgueillis d'être homme , en voyant un de mes pareils concevoir une telle idée! de Laurent, dis-je, à qui ce projet assure l’immortalité. Oui, Messieurs, les inspecteurs généraux des pays d’Etats, les directeurs des canaux commissionnés par le roi, doivent être admis dans l’administration des ponts et chausées, à parité des grades, et je pense que l’article suivant obtiendra votre suffrage. « Les inspecteurs généraux des ci-devant pays d’Etats, et le directeur des canaux, commission-nés par le roi, seront appelés aux places d’ingénieurs, pourvu qu’ils aient pareillement dix ans d’exercice. » Il reste, Messieurs, une mesure d’exécution essentielle à décréter. Vous avez établi , par l’article 2 du litre Ier du décret de l’organisation des ponts et chaussées, un premier ingénieur garde des plans, projets et modèles. Jusqu’à présent on ne conservait point au dépôt les minutes des plans des grands ouvrages d’art; elles étaient envoyées aux ingénieurs en chef d > s diverses généralités. Il est essentiel, pour maintenir la responsabilité que vous avez décrétée, que les minutes des grands ouvrages d’art restent au dépôt des plans. Je propose en conséquence cet article : « Les minutes des plans de tous les grands ouvrages d’art signés de l’inspecteur général au rapport duquel ils auront été adoptes, du commissaire du roi à l’administration des ponts et chaussées, du ministre de l’intérieur et approuvés par le roi, seront conservés au dépôt des plans, placés dans une des salles de l’établissement de l’administration centrale et école des ponts et chaussées. « Quant à ceux des plans qui sont relatifs aux routes et canaux des frontières, et qui ont un rapport immédiat à la défense du royaume, les minutes en seront conservées au dépôt des archives delà guerre, et un double sera remis au dépôt des ponts et chaussées. » En proposant, Messieurs, l’adoption de ces 3 articles, je demande que la discussion soit ouverte sur le projet d’articles additionnels proposés par le comité des finances , et que le projet motivé deM. Biauzat soit écarté par la question préalable. M. Le Chapelier. Avant de continuer la discussion sur les ponts et chaussées, je propose de convenir de points principaux qu’il est nécessaire de décider d’après Jes différents avis qui nous ont été proposés. Je demande d’abord que M. le rapporteur nous lise les articles proposés par le comité. M. Lebrun, rapporteur. Voici le premier article : « Il y aura une assemblée de l’administration des ponts et chaussées; elle sera présidée par le ministre et, en son absence, par un commissaire qui sera nommé par le roi. » M. Defermon. En adoptant les principes du comité, je demande qu’il soit dit : « L’administration centrale des ponts et chaussées est confiée au ministre de l’intérieur; il pourra présider les assemblées, et, en son absence, |90 [Assemblée papqiiale.] ee faire remplacer, sous sa responsabilité, par un préposé. » M. Pela vigne. Je demande que l’on $ivise la proposition de M. Deferipon, et que jq première partie en soit adoptée. Quant à la seconde partie de cette proposition, je crois qu’elle ne peut pas être décrétée. Vous ayez décidé, en effet, qu’il n'y aurait pas de directeur dans aucune espèce d’opération ministérielle ; or, le préposé que le ministre nommerait serait véritablement un directeur. Je demande dope (a question préalable sur celte dernière disposition. M. JLe Chapelier. (Test à fort que le préppi-nant assimile aux directeurs que f Assemblée a rej-dés la personne par laquelle le ministre pourrait se faire remplacer; car on proposait de créer des directeurs personnellement responsables, tandis qu’ici le ministre aurait seulement la faculté de se faire représenter par une personne sou-i sa propre responsabilité, et j’observe que le ministre d • l'intérieur, s’il yeut faire exactement son devoir, aune telle correspondance et des fonctions tellement étendues qu’il ne peut pas être partout à la fois. Ainsi, je demande que l’article de M. Defermoq soit mis aux voix. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix I (L’Assemblée, consultée, décrète dans son entier la disposition présentée par M. Defermon.) M. de niofitesqiiioii, ex-prèsiderit, remplace M. Dupont {de Nemours) au fauteuil. M. Ce Chapelier. Je demande la parole sur une question d’ordre. Pour nous tirer de cette discussion, où nous ne nous entendons pas, il faut commencer par examiner comment l’admi-nUtrai ion centrale des ponts et chaus-ées 'sera composée. C’est là la principale question. Sera-t-elle, comme le propose M. Biauzat, composée du premier ingénieur et des 8 inspecteurs généraux? ou sera-t-elle concentrée dan? la personne du min stre? Mon opinion est que l’administration 11e doit pas être abandonnée aux artistes, qu’elle ne doit pas être soumise aux résultats des rivalités par-ticulièi es. Les artistes aiment à dépenser beaucoup d’arge; t, à établir leur réputation par de superbes monuments, sans songer à leur utilité réelle, ou aux dépenses qu’ils peuvent occasionner. Il faut donc que tes ingénieurs et les inspecteurs généraux soient uniquement chargés d’examiner les questions de l’art, de déclarer si tel ouvrage est d’une exécution praticable, de faire le devis de la 'dépense. Mais, si vous leur abandonnez la décision de la question de savoir si tel ouvrage doit être entrepris, soyez sûrs qu’ils voudront toujours entreprendre de nouveaux travaux. IJ faut une administration qui combine impartialement les intérêts de la nation. Je pense que cette fonction doit être confiée au ministre de l’intérieur. M. Lebrun, rapporteur. Je vais expliquer la question à laquelle les préopinants n’ont pas touché, et que M. Biauzat n’a pas entendue. La législation des ponts et chaussées ne doit être attri-buét ni à un> administration centra e, composée du premier ingénieur et des 8 inspecteurs généraux, ni au ministre; elle appartient à l’ Assena-blée nationale ; à elle seule, il convient (le déci-(4 août 1791.] cjer que telle communication sera ouverte, que telle construction sera entreprise : vous l’avez ainsi décrété. C’est ensuite dans l’opinion du comité des finances, et même d’après votre Constitution, au ministre à donner le mouvement à Iq machine, à consulter et à faire agir les différents membres de l’assemblée des ponts et chaussées. Il est le centre de cette administration ; les documents ne peuvent être rassemblés que dans les dépôts du ministère ; auprès est rassemblée entière des ponts et chaussées, composée de tous les membres de cetie administration, que le ministre consulte, et qui lui donnent leur décision sur les questions d’art. D'après ces principes, le comité des finances n’a pas pensé qu’il dût expliquer autrement ce qu’pn doit entendre par l’administration centrale des ponts et chaussées, que cela est expliqué par la Constitution e le-mêrne. Cette adminl-tration appartient au ministre chargé d’exécuter, en cette partie, vos décrets ; elle est centrale, parce que sous |a main du ministre sera le dépôt de tous les documents et de la correspondance des ponts et chaussées-M. RegnauId-d’Epercy. Je demande si le ministre, émut responsable de l’exécution de vos décrets, peut être soumis à l’autorité u’une administration centrale qui lui serait étrangère? M. Gaultier-Biauzat. Le ministre de la guerre, le ministre des contributions publiques, etc., ont chacun une admini-tration ministérielle univer-elle sur leur département, et cependant ils ont au-dessous d’eux des administrations centrales. Lorsque je propose que, conformément à l’esprit du décret par lequel vous avez décidé qu’il y aurait une administration centrale des ponts et chaussées, cette administration soit distincte du ministre, et co; fiée au premier ingénieur et aux inspecteurs généraux, j" n’entends pas leur confier aucunes des fonctions du puu oir exécutif. Vous avez décrété au mois de décembre que l’adminisiration centrale nommerait aux différentes places des ponts et chaussées; par cela même il est évident que vous n’avez pas voulu qu'elle fût concentrée dans la personne du ministre ; car, da is tous lés départements du ministère, vous avez attribué au pouvoir exécutif la nomination des chefs des administrations subalternes, mais ensuite aux chefs de ces administrations la nomination de leurs inférieurs immédiats. S’il n’y avait pas des intérêts particuliers dans cette affaire, vous pro mserait-on de déranger cette hiérarchie ? L’administration des ponts et chaussées ne doit-elle pas être organisée comme toutes les autres ; et n’avez-vous pas dérrété que les chefs des régies seraient nommés par le ministre, et les autres préposés par les chefs des régies? M. de Croix. Il était naturel que les régies étant intéressées dans les produits, nommassent leurs agents. M. Gaultier' Biauzat. L’administration centrale que je propose serait el e-même responsable du succès des travaux; car pouvez-vous rendre le ministre responsable des travaux d’art auxquels il ne se connaîi ? 11 faut que le ministre soit uniquement responsable de l’emploi des fonds, et des ordres généraux qu’il donne pour l’exécution de vos décrets. L’administration des travaux doit donc appar-AKÇHIYÇS PARLEMENTAIRES. [Assemblée aationale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 août 1791,] fenir à une administration pentrale composée de gens de l’art, l’administration des fonds au ministre. J’ajoute que les inspecteurs généraux doivent nommer les sujets, parce qu’eux seuls les connaissent. Cetie administration centrale serq le centre d'aboutissement de touies les parties de l’administration des ponts et chaussées. Voulez-vous que (es correspondances de l’art soient englouties dans les bureaux d’un ministre qui ne s’y connaît pas? L’on n’agira jamais sans les ordres du ministre; mais ce n’est pas au ministre à agir. Quels sont ceux qui peuvent juger de l’utilité des travaux ou de la qualité des sujets, si ce n’est ceux qui , dans leurs tournées dans tout le royaume, ont a-quis la connaissance personnelle des localités et des agents?... Vous avez déjà décrété qu’il y aurait une administration centrale. Je demande que vous vous borniez à établir le principe « que l’administration centrale sera sous les ordres et sous la surveillance immédiate du minisire de l’intérieur ». Tout ce qui tient à l’art doit être fait par des gens de l’art ; tout ce qui appartient à la comptabilité, par le ministre. M. Ramel-Nogaret. Les ponts et chaussées sont composés de trois autorités : l’Assemblée nationale, le ministre et l’assemblée des ponts et chaussées. Vous venez de décréter ce qui a rapport aux deux premiers articles, je demande que vous décrétiez actuellement ce qui a rapport à l’assemblée des ponts et chaussées, en conséquence que vous vous occupi z du choix des 8 inspecteurs généraux ; quand ils se seront une fois assemblés, ils vous présenteront le projet de règlement pour l’organisation des bureaux de leur assemblée. Cette marche est plus naturelle que celle du comiié, qui vous propose cette organisation par son second article. M. Delavigne. Je crois qu’en effet la proposition de M. Ramel-Nogaret doit être la première soumise à la délibération de l’Assemblée. En conséquence, en l’examinant, je pense que la première formation de l’assemblée des ponts et chaussées doit être composée de l’ingénieur en chef et des inspecteurs généraux. Mais, maintenant, il s’agit de savoir quelles seront les personnes qui rempliront ces places. A l’égard de l’ingénieur en chef, il me semble qu’il n’y a pas de difficulté et que nous sommes tous d’accord que ce sera M. Peyronnet. Plusieurs membres : Cela ne nous regarde pas; c’est au pouvoir exécutif à nommer. M. Delavigne. Vous avez raison. Quant aux inspecteurs généraux, il me semble que nous devons prendre ceux qui sont les plus anciens dans ce service ; car, remarquez que les inspecteurs généraux des pays d’élections ont été auparavant pendant 20 et 30 années ingénieurs en chef, au lieu que, dans les pays d’Etats, il y a des ingénieurs en chef qui le sont depuis très peu d’années et qui veulent encore s’assimiler aux inspecteurs généraux. Plusieurs membres : Qui? qui? M. Delavigne. M. Bernard a été nommé ingénieur en chef de Bretagne le 12 octobre 1787; et voici un arrêt du conseil qu’il a obtenu au mois de juin 1790 pour se faire assimiler aux inspecteurs généraux. 49i Je crois, Messieurs, que pour remplir ces places nous devo is prendre les plus anciens ingéuieurs en chef des pays d'électiops et d’Etats indistinctement, lesquels réuniront à leur grade celui d’in-pecteur général ou autre correspondant. Voici en conséquence la disposition que je propos-: « L’Assemblée nationale décrète que, pour la première formation dp rassemblée des pqnts et chausées, les 8 places d’jiispeçtéurs généraux appartiendront aux plus anciens de tous les ingénieurs en chefs des pays ci-devant d’élections, et des ci-dev snt pays d’Etats, indistinctement, d’après la date du leurs brevets en cette qualité; lesquels recevront la qualité de cj-dpvant inspecteur général, ou le grade correspondant. » M. l-e Chapelier. II y avait autrefois des administrations îles ponts et chaussées totalè-meni distinctes de l’administration centrale séant à Paris; c’étaient celles des pays d’Etats. Aujourd’hui que vous les fondez toutes ep une, elfes doivent toutes participer également à la nouvelle formation. Il faut des connaissances locales pour diriger les routes. Or, comment voulez-vous que les ingénieurs de� pays d’élertions dirigent 1,100 lieues de route en Brrtagrie, 1,400 lieues en Languedoc, eux qui ne les connaissent pas? Pour que notre administration soit bonne, il faut que les inspecteurs qui composeront celle assemblée soient pris moitié dans les pays d’Etats, moitié dans les pays d’élections, pour cette fois seulement. M. Rouchotte. J'appuie la proposition au nom de la ci-devant province et pays d’états de Bourgogne, qui est presque aussi considérable que la ci-devant Bretagne. M. Oaultier-Biauzat. Je demande la permission d’observer à l’Assemblée que, sous préiexte d’organiser un établissement utile, on ne peut renverser ce qui était; or il y a actuellement 8 inspecteurs généraux en fonctions, et on vous propose de les déplacer. M. lebrun, rapporteur. J’ajoute que M. Chezy, insp cteur du pavé de Paris, et de la banlieue, est peut-être l'homme de l’Europe qui a le plus de talent dans cette partie, et qui serait déplacé si vous adoptiez la proposition de M. Le Chapelier. 11 y a un des 8 inspecteurs généraux actuels qui a 80 ans et qui mérite une retraite, car il ne peut plus guère travailler : il en est encore un autre qui est infiniment âgé, de sorte que cela va faire bientôt 2 places vacantes. Je proposerais en conséquence à l’Assemblée, 2 places d’adjoints d’inspecteur général, qui seraient données à deux anciens inspecteurs généraux des pays d’Etats pour remplacer ceux dont je vous ai parlé : de cette manière on ne déplacerait aucun de ceux actuellement en place. M. Defermon. Il n’a jamais entré dans Pin-tention de l’Assemblée, ni dans l’intention d’aucun individu de l’Assemblée de déplacer aucun inspecteur général ; mais il est dans l’inten lion de l’Assemblée déformer un établissement utile. Il est question de rassembler dans une administration tous les hommes qui ont les connaissances de pratique et de théorie, et qui ont montré le plus de talent dans les différentes circonstances; ainsi je demande que l’on mette aux voix 192 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1791. ] la proposition de M. Le Chapelier, ou qu’on dise au moins qu’il sera pris 3 inspecteurs dans les anciens pays d’Etats. M. d’Estourmel. J’observe que M. Chezy n’a pas été seulement inspecteur général des Ipavés de Paris, mais qu’il a visité ceux des pays d’Etats du Nord, tels que l’Artois et le Gambrésis, et qu’il y a fait des réparations utiles. Je demande donc que sa place lui soit conservée. (L’Assemblée consultée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les dispositions présentées par MM. Delavigne et Le Chapelier.) M. Defermon. Voici ma proposition : « Pour la formation actuelle de l’assemblée des ponts et chaussées, le roi nommera 5 inspecteurs généraux pris parmi ceux qui étaient en activité dans le grade d’inspecteur général des anciens ponts et chaussées des ci-devant pays d’élections, et 3 parmi les ingénieurs principaux des ci-devant pays d’Etats. * (Cette disposition est décrétée.) (La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.) M. le Président lève la séance à dix heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS. Séance du vendredi 5 août 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. Les secrétaires fait lecture : 1° Du procès-verbal de la séance du mardi 2 aoûj-au soir , qui est adopté; 2° D’une adresse des volontaires de la garde nationale de Poitiers, qui témoignent leur douleur de n’être pas compris dans le nombre de ceux qui sont appelés aux frontières, et annoncent qu’il sont prêts à partir au premier ordre. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, des adresses suivantes : Adresse des administrateurs composant les directoires des départements du Doubs, de la Moselle, de la Manche, du Nord, de la Marne ; Adresse des députés des directoires de districts réunis à Châlons pour le réparteraent des impositions; Adresse des directoires des districts de Saint-Omer, de Vouziers, de Loches, de Tours, réunis au conseil général de la commune, et l'état-major la garde nationale de Wissembourg, d’Autun , de Châteaudun, de Poitiers; Adresse des membres du district d’Autun ; Adresses des officiers de Doulens, de Toulon, de Metz, de Saint-Omer, et de la garde nationale de Lunel. Toutes ces adresses portent l’expression du respect et de l’attachement à la Constitution et aux lois; elles manifestent un assentiment, une adhésion unanimes aux décrets des 15 et 16 juillet; elles caractérisent de calomniateurs ceux qui ont pu leur supposer et imputer des sentiments contraires, et elles s’élèvent contre les factions, les écrits incendiaires, et les protestations contre les décrets de l’Assemblée nationale. (L’Assemblée ordonne qu’il soit fait mention honorable de ces différentes adresses dans le procès-verbal.) M. l’abbé Papin. L’Assemblée se souvient sans doute que le comité des monnaies, dans le compte qu’il nous a rendu dernièrement par l’organe de M. Courmesnil sur l 'état de la fabrication des pièces de 15 et de 30 sols, vous a promis que cette fabrication allait entrer en activité et que dans quelques jours l’émission commencerait. J’ai pris hier soir des informations à cet égard et il résulte des réponses qui m’ont été faites que cette opération va souffrir probablement un retard de 15 jours encore, d’un mois peut-être, parce que les coupons ne sont pas encore faits. Je demande que le comité soit tenu de s’expliquer sur cet objet. (Murmures.) M. de Cernon, au nom du comité des monnaies-Je ne puis comprendre ces demandes éternelles faites au comité. Le comité n’est pas chargé de l’exécution des décrets; c’est au ministre seul que vous devez vous adresser. M. d’André. J’appuie l’observation de M. de Cernon et puisque le ministre des contributions publiques doit venir à 2 heures, je demande à l’Assemblée, que M. l’abbé Papin soit autorisé à l’interpeller de s’expliquer sur cet objet. (L’Assemblée consultée remet à 2 heures après midi, en présence du ministre de l’intérieur chargé de cette partie ou en présence des membres du comité des monnaies, les explications demandées par M. l’abbé Papin.) M. Camus. Je demande qu’il soit rendu un décret portant que toutthuissier-priseur-séquestre ou tout autre dépositaire, ne videra ses mains que sur la représentation des quittances d'impositions et de contributions patriotiques des personnes dont les successions ont été ouvertes ou des personnes dont ils ont tenu les deniers. Vous avez déjà décrété, dans le cas de séquestre, le payement des contributions de la personne dont les biens sont en séquestre, vous n’avez rien décidé pour les successions, ainsi je demande qu’on décrète la disposition suivante : « L’Assemblée nationale décrète que tous huissiers-priseurs, notaires-séquestres et tous autres dépositaires de deniers, ne remettront aux héritiers, créanciers et autres personnes ayant droit de toucher les sommes séquestrées et déposées, qu’en justifiant du payement d< s impositions mobilières et contributions patriotiques dues par les personnes desquelles lesdites sommes seront provenues; seront même autorisés, en tant que besoin, lesdits séquestres et dépositaires à payer directement les contributions qui se trouveraient dues avant de procéder à la délivrance de deniers, et les quittances desdites contributions leur seroDt passées en compte; décrète en outre que les règlements ci-devant faits pour la sûreté du recouvrement des impositions personnelles, notamment de la ville de Paris, rela-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.