[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er septembre 1790.] 473 M. Thouret, rapporteur. Voici la teneur de l’article 4. Directoires de départements. « Art. 4. Le traitement sera dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, savoir: « Pour les huit membres des directoires ............... 1 ,600 liv . « Pour les procureurs généraux syndics ......... ...... 3,000 Pour les secrétaires ....... 1,500 « Dans les villes depuis 20,000 âmes, jusqu’à 60,000, savoir: « Pour les huit membres des directoires ............... 2,000 liv. « Pour les procureurs généraux syndics ............... 4,000 « Pour les secrétaires ....... 2,000 « Dans les villes au-dessus de 60,000 âmes et à Paris, savoir: « Pour les huit membres des directoires ............... 2,400 liv. « Pour les procureurs généraux syndics .......... ..... 5,000 « Pour les secrétaires ...... 2,500 M. d’Arralng. Je ne veux pas retarder la délibération de l’Assemblée ; pourtant il m’est impossible de ne pas faire quelques réserves sur le décret que vous allez rendre. Par le nouvel arrangement des choses, plusieurs départements se trouveront dans l’impossibilité de faire les frais relatifs aux administrations. En conséquence, je demande que tout ou partie de ces frais soit à la charge de l’Etat, au lieu de les rejeter sur les départements. Je demande encore que les départements et districts soient autorisés à faire les changements qui leur paraîtront convenables relativement aux localités, sur le traitement de tous les agents des corps administratifs. M. le Président met aux voix l’article 4. Il est adopté. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. de Montmorin relative aux armements. Elle est ainsi conçue : « Le roi, en m’ordonnant d’annoncer à l’Assemblée nationale qu’il a sanctionné son décret du 6 du mois dernier, concernant la confirmation de nos engagements défensifs et commerciaux avec l’Espagne, m’ordonne également de l’informer qu’il m’a chargé de m’occuper, dès ce moment, des moyens de remplir les vues de l’Assemblée, relativement aux explications et modifications dont peut être susceptible le traité qui nous lie avec l’Espagne depuis 1761. « J’ai envoyé à l’ambassadeur de Sa Majesté, à la cour de Londres, les instructions nécessaires pour qu’en prévenant le ministre anglais de l’aug-mentatton de nos armements, il puisse lui renouveler en même temps les assurances les plus positives de nos intentions pacifiques. « Le ministre de la marine a déjà informé l’As-sembléedesordres qu’il a reçus de Sa Majesté pour les armements qu’elle a décrétés, et ii a présenté le tableau des dépenses qu’ils exigeraient. Je dois ajouter que, pour remplir graduellement les vues de l’Assemblée, Sa Majesté a déterminé que l’on commencerait par armer 16 vaisseaux, qui ajoutés à ceux qui sont déjà armés en porteront le nombre à trente. Sa Majesté donne en même temps tous les ordres de prendre les mesures nécessaires pour qu’on soit en état de compléter le nombre de 45 vaisseaux, voté par l’Assemblée, avec toute la promptitude que pourrait exiger la tournure des affaires. « Cette disposition, subordonnée aux événements, est de ne porter, au reste, aucun changement au tableau de dépense présenté par M. de La Luzerne; Sa Majesté aura seulement le soin�e n’ordonner la remise des fonds, qui seront votés par l’Assemblée, au département de la marine, qu’en proportion des armements dont elle prescrira l’exécution. « Le roi a cru, par ces dispositions de sagesse, de prudence, et en même temps d’économie, entrer entièrement dans les vues de l’Assemblée, et concilier ainsi ses intentions pacifiques avec les précautions que les circonstances rendent nécessaires. » (La séance est levée à 3 heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE, DU 1er SEPTEMBRE 1790. Nota. Nous insérons ici ces documents à mesure de leur distribution à l’Assemblée nationale. Cinquième rapport du comité de mendicité (1). Estimation des fonds à accorder au département des secours publics, Par M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Après avoir déterminé les divers genres de secours à donner aux pauvres, il est nécessaire de pourvoir aux fonds qui doivent les assurer. La somme de ces fonds devant s’élever au niveau des besoins, il a fallu chercher aies connaître ; il a fallu examiner quelle est la proportion des pauvres à secourir, et, dans cette proportion déterminée , quelle est encore celle des divers secours à donner et de la dépense occasionnée par chacun d’eux. Le comité s’étant efforcé de rassembler le plus de lumières qu’il a pu réunir, et ayant multiplié, autant qu’il lui a été possible, ses recherches, n’ose encore se flatter d’offrir à l’Assemblée nationale un travail complet. Plusieurs de ses résultats ne sont encore qu’approximatifs ; mais il croit leur réunion dignes de confiance, et propre à servir de base à l’attribution des sommes nécessaires à cette partie. Pour mettre aux yeux de l’Assemblée notre travail plus à découvert et lui donner le moyen de le juger dans tous ses détails, nous croyons devoir lui faire connaître la marche que nous nous sommes tracée. Les informations les plus précises devant servir de base à cette partie de notre travail, notre premier soin avait dû être de chercher des lu-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 474 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mières dans l’ancienne administration ; mais, c’est ici le lieu de le dire, pour marquer le point d’où nous sommes partis : à peine quelques états très incomplets sur les revenus des hôpitaux avaient-ils été recueillis au contrôle général, et, si l’on en excepte un très petit nombre, aucuns renseignements n'avaient été pris dans les généralités, par les intendants. Manquant ainsi de toute espère de base fixe, pour estimer dans le royaume la proportion de pauvres et la masse de leurs besoins, d’après des données déjà acquises, et qui lui fussent propres et particulières, nous avons dû chercher si l’expérience des autres peuples ne nous en offriraient pas sur lesquelles nous puissions nous appuyer ; et l’Angleterre où tant de soins sont pris pour les pauvres, où les calculs et les observations qui en résultent sont recueillis avec tant de soin dans toutes les parties de l’administration, a dû fixer notre attention particulière. Si Je plus grand degré d’aisance que donne au peuple anglais la grande activivé de son commerce et de son industrie, semblait devoir nous montrer chez cette nation moins depauvres, moins d’individus à la charge de l’État; l’extrême surabondance, l’excessive facilité des secours qui y sont assurés à l’indigence, etl’encourgement qui en résulte pour l’imprévoyance et pour la paresse, nous semblait aussi devoir faire disparaître toute différence. L’Assemblée jugera jusqu’à quel point, pour nous, cette conjecture s’est vérifiée ; mais quelque terme de comparaison qu’elle nous ait offert, quelque applicables que nous en parussent les résultats, l’importance de notre travail ne nous permettait pas de nous en cou tenter. L’état d’aisance ‘Où de déjresse du peuple n’est pas le même dans tous les États. La misère publique, variable sans doute à raison des temps et des localités, peut s’élever quelquefois pour tous au même degré ; mais plus étroitement liée encore aux différences des gouvernements, à leurs vicissitudes de bonne ou de mauvaise administration, de prospérité, d’abaissement, elle a, pour chaque nation, une mesure habituelle plus ou moins constante. C’était donc de l’état propre et particulier de la la France à cet égard, de son état actuel surtout que nous devions nous occuper. Quelques écri Tains instruits, amis de l’humanité, avaient déjà tenté des recherches sur cet objet ; nous avons dû les mettre à profit. La formation des départements offrant d’ailleurs la possibilité d'obtenir, sur le sort des différentes parties du royaume, des connaissances exactes et précises, nous les avons consultés; nous avons adressé à tous des tableaux indicatifs de nos demandes. Enfin, divers calculs sur le prix de la subsistance dans les familles ou ménages de pauvres, et un grand nombre d’essais et d'établissements tentés ou formés par la bienfaisance , ayant eu lieu parmi nous et dans les royaumes voisins, nous nous sommes empressés d’en recueillir les détails, d’en examiner les résultats , et c’est le produit de ces différentes recherches que le comité vient exposer ici. Il a cru devoir les appuyer des pièces qui lui avaient été présentées. L'Assemblée, les ayant ainsi sous les yeux, pourra juger ses opérations; elle les suivra dans toutes les parties, et aucun moyen ne lui manquera de nous rectifier. La connaissance de la proportion du nombre des pauvres étant le premier but et le plus essentiel de ces recherches, c’est d’elle que nous ayons dû d’abord nous occuper. Ou trouve chez [1er septembre 1*790.) les différentes nations peu de connaissances acquises sur cette grande base politique. Ën Angleterre, elle a été l’objet de différentes recherches; et quoiqu’elle y soit diversement évaluée , le vingtième est le terme moyen dont les différents calculs élémentaires se rapprochent plusou moins. Le produit de la taxe des pauvres, pris à une époque assez récente, sur trois années consécutives (en 1783, 1784 et 1785), ayant été évalué à une somme moyenne, ainsi que la dépense par individu, dans les différentes classes de pauvres, on a trouvé que la somme entière de la taxe indiquait environ quatre cent mille pauvres, qui, pour une population de sept à huit millions d'habitants, en portait la proportion, dans tout ce royaume, au vingtième ou vingt-cinquième de la population. Des listes particulières, faites dans différentes villes, ont paru confirmer ce calcul général . Le nombre des pauvres s’y trouvant dans la proportion du vingtième de la population, et la dépense moyenne ou commune pour tous y étant exactement évaluée, il en résultait qu'en calculant de même le nombre des pauvres et leur dépense pour toute l’Angle-gleterre, leur proportion devait répondre à celle indiquée par le montant de la taxe (1). Tels sont les résultats offerts par les listes des pauvfes de Bristol et de Birmingham. En France, où cette proportion a été si diversement calculée par des écrivains qui l’ont portée dn cinquième aü centième et même au deux-centième de la population, (2) tout semble devoir faire croire que c’est également au vingtième qu’elle doit être évaluée. Des recherches faites, il y a quelques années, sur un certain nombre de feux, dans Je Soissonnais (3), paraissaient indiquer qu’elle devait être estimée environ. au soixantième. Une observation curieuse, faite d’après des rapports constaûtset multipliés, ayant appris que, dans les villes, le nombre de pauvres libres et existants au dehors était à peu près égal à celui que renferment les hôpitaux généraux; on s’est assuré, dans deux villes d’un ordre très différent, telles que Lille et Soissons, que ce nombre total de pauvres répond au vingtième de la population (4); et à Paris cette remarque se trouve d’une justesse frappante. Un aperçu non moins curieux ayant porté à rechercher sur quelle mesure de besoins est établi le service des hôtels-Dieu, on a cru apercevoir, en calculant d'après ceux qui sont les plus anciens et les plus complets (5), qu’elle indiquait la même proportion de pauvres. Ainsi, un résultat presque uniforme partout faisant reconnaître que sur un. nombre d’individus, sur une classe d’hommes, sur une population déterminée, la proportion la plus habituelle de malades est d’un vingtième effectif; qu’elie peut s’élever, pour le plus haut terme, au dixième; on a trouvé que le service est établi, dans ces hôpitaux, d’après cette proportion d’un vingtième ou d’un dixième de malades, sur un nombre de pauvres qui répondrait au vingtième de la population, et qui, mêmù dans les temps des plus grandes calamités,. pourrait s’élever même au dixième. Enfin, des recherches faites dans quelques villes, où se sont établis, avec le plus de succès, des bureaux de charité, ayant appris que, sur les listes des pauvres, on ne trouvait inscrits aucuns des citoyens à qui la Constitution accorde le droit die citoyens actis (6), la proportion la plus habituelle , (1) Voir les notes à la fin du rapport, aux Pièces justificatives, p. 478. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er septembre 1790.] des pauvres se trouve, par ce calcul, indiquée du dixième au vingtième. En effet, la proportion de citoyens actifs ayant été estimée, par le comité de Constitution, au sixième, et s’étant élevée même au cinquième dans plusieurs assemblées primaires, ce serait près de deux cents individus par mille qui déjà ne seraient pas à la charge des secours publics. Mais les citoyens assez aisés pour être considérés comme che'fs de ménage, soit comme pères de famille, soit comme ayant des domestiques qu’ils font subsister, étant calculée comme représentants de quatre ou cinq individus, que donne le nombre le plus constant des ménages ou des feux, il en résulte encore que c’est dans la latitude du dixième au vingtième au plus que se trouve le nombre de ceux qui peuvent être à la charge publique. Les renseignements que le comité s’est particulièrement procurés lui ont paru confirmer ces premiers aperçus: tels sont ceux qui lui sont parvenus du petit nombre des anciennes généralités, dont-il a reçu des états des pauvres (7); tels sont encore les résultats de quelques recherches plus particulièrement faites, d’après ses vues, dans un des départements les plus voisins de la capitale (8), par un des associés externes à ses travaux, nommé commissaire à la formation des départements, et ceux des états qui ont été remplis, à son invitation, dans les divers districts et départements du royaume (9). C’est à peu près du dixième au douzième que, dans tous ces renseignements, la plupart encore exagérés, malgré toutes les mesures que nous avions recommandées à cet égard, est portée, le plus généralement, la proportion des pauvres; mais comme on fait observer dans ces états mêmes qu’ils ont été formés sur les besoins de l’année actuelle qui doit nécessairement donner une plus grande proportion de pauvres que les années ordinaires, on peut calculer qu’elle est, pour les temps communs, trop forte de moitié; et alors la proportion habituelle reviendrait du vingtième au vingt-cinquième. Après avoir ainsi tenté de rapporter à une proportion générale le nombre le plus vraisemblablement existant en France d’individus à secourir, nous avons du chercher à apprécier la nature de leurs besoins et quelles dépenses ils devaient occasionner. Ici la recherché devient plus embarrassante et plus compliquée. S’il n’existait dans le royaume qu’une seule classe de pauvres, ou si elles n’avaient toutes que les mêmes besoins, alors le problème étant simple, la solution en serait facile : eu effet, en cherchant, ce qui n’offrirait pas de grandes difficultés, qu’elle devrait être la somme nécessaire pour la subsistance du pauvre, on aurait bientôt, par la connaissance du nombre des individus, celle du montant de la dépense générale. Mais les choses n’en sont point à ce degré de simplicité; la dépense des pauvres varie sous un grand nombre de rapports; elle diffère à raison du sexe et de l’âge; elle n’est pas la même pour les hommes et pour les femmes ; elle l’est encore moins pour les enfants, et en Angleterre on n’a point méconnu ces utiles combinaisons. La somme des besoins varie encore plus sous d’autres rapports. Ainsi, le pauvre valide, le pauvre dans la force de l’âge et de la vigueur, ne devant être secouru que par des moyens de travail, et d’un travail productif, le genre d’assistance qui le concerne ne doit guère exiger, en santé, que de simples avances. Le pauvre malade, au contraire, a droit à des secours complets, certains, assurés, et les 47$ soins qu’entraîne l’état de maladie ne pouvant être que dispendieux, ils seraient les plus considérables de tous, si l’on n’observait pas qu’ils ne sont que momentanés. 11 n’en est pas de même de ceux dus aux infirmes, aux enfants, aux vieillards, qui, pour la durée, doivent être fixes, permanents ou habituels, et dont la somme, considérée à raison de la dépense par jour, paraît devoir tenir le milieu entre celles des deux autres classes évaluées de la même manière. Mais si la dépense varie à raison des différentes espèces de pauvres, ce n’est donc pas seulement à rechercher quel doit en être le montant par individu, pour chaque classe, qu’on doit se borner; il est évident qu’il faut encore connaître quelle est la proportion respective d’individus que contient chacune de ces classes, puisque le résultat définitf ou le total général de la dépense doit varier, suivant que la classe qui exige la dépense la plus faible ou la plus forte, dominera. C’est d’après ce principe que nous avons dû chercher à connaître quelles sont les proportions des pauvres, pour chacune de leurs classes ou de leurs espèces ; et nous avons encore appelé, à cet égard, les observations de l’expérience, qui, nous faisant voir qu’une des lois éternelles et invariables de la nature est l’uniformité de sa marche, nous prouve que, dans de grandes masses d’hommes égales, tous les événements, tous les accidents, toutes les chances se trouvent semblables; et avec ce guide certain, nous avons trouvé que, sur de grandes masses de pauvres, telles qu’en présentent de grandes populations, le nombre de ceux qu’on peut appeler valides, ou qui sont en état de pourvoir, par le travail, à leur subsistance, paraît devoir être évalué à moins de la moitié. Cette masse prélevée, il reste aux pauvres vraiment nécessiteux, et qui, exigeant, comme les enfants, les vieillards et les infirmes, des secours permanents et durables, peuvent être appelés des pauvres habituels, un nombre que l’expérience indique être la moitié (10), et parmi lequel toutefois il s’en trouve encore une proportion quelconque en état de faire quelque travail et de contribuer ainsi à une partie de la dépense qu’ils occasionnent (il). Toute masse de pauvres peut donc être considérée comme partagée en deux classes : une moitié de valides, qui, ne devant exiger que des secours momentanés, dans les temps de cessation de travail, peuvent être considérés comme des pauvres accidentels , et une moitié de pauvres habituels , les vieillards, les infirmes et les enfants ; mais les pauvres valides, qui, en santé et avec des moyens de travail, peuvent paraître hors de l’état d’indigence, devant avoir des besoins, s’ils sont attaqués de maladies, et les pauvres habituels devenus malades, demandant alors un supplément de secours, il faut évaluer la proportion commune de pauvres malades sur les deux classes réunies, ou, ce qui est la même chose, sur la totalité du nombre des pauvres ; et l’expérience la plus constante a appris qu’elle était du vingtième sur un nombre d’hommes déterminé (12). Il résulte de toutes ces données que, sur le nombre d’un million de pauvres, présumé en France dans les temps ordinaires, il faut en compter cinq ceut mille au moins de valides ; dès lors, cinq cent mille de pauvres habituels, et cinquante mille malades sur la totalité des deux classes. Nous avons dit que cette première classe devant recevoir des moyens de travail, des lois protec- 476 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er septembre 1790.] trices de l’industrie et du commerce, les secours, que devait leur fournir la société devaient se borner à des ateliers formés dans les mortes saisons (13), à l’assistance donnée à leur famille, quand elle est trop nombreuse ; et il est d’autant plus juste de les borner ainsi qu’il ne reste au pauvre valide d’autre application du salaire qu’il gagne, que celle à laquelle il peut suffire. Quant aux secours en maladie, une expérience très certaine et très connue ayant appris que, dans Paris même, le prix des journées de malades convenablement soignés, soit à domicile, soit dans des hospices, ne doit s’élever que de 17 à 18 sous, il est sans aucun doute que, dans la ■plupart des provinces, où tous les objets de consommation, la valeur des emplacements, les salaires des employés sont d’un prix beaucoup moindre, la journée du malade ne devra pas excéder douze sous. De nombreux exemples appuient cette vérité, et nous avons ainsi évalué le prix commun, dans toutes les parties du royaume, à uinze sous, moyenne proportionnelle entre ces eux sommes réduites (14). L’estimation de la dépense pour chaque classe des pauvres habituels est moins simple et plus difficile à fixer. Cette classe comprend diverses espèces d’individus, pour lesquelles la dépense doit varier, selon que l’âge, le sexe et les infirmités plus ou moins grandes apportent quelque différence dans les soins qu’ils exigent : il faut donc chercher à déterminer quelle est la proportion d’individus dans chacune de ces classes. Ces différences respectives, portant sur des masses moins grandes, et liées à des proportions plus fugitives, à des causes moins constantes, sont d’autant plus difficiles à saisir que l’observation prête peu de secours à cet égard. Nous avons bien trouvé qu’en France on évalue à quarante mille le nombre des enfants trouvés à secourir; mais ce nombre, dont rien ne confirme l’exacte, vérité, est variables par mille circonstances différentes ; aucune recherche d’ailleurs, dans aucun pays du monde, ne nous a semblé avoir été faite pour déterminer la proportion des vieillards et infirmes dans la totalité de la masse des pauvres. Toutefois, les faits présentent quelques bases certaines dont nous avons cru devoir profiter. Ainsi, on trouve que, dans une masse de pauvres, les enfants, occasionnant une dépense beaucoup moindre, forment une proportion beaucoup plus forte (15). Les femmes donnent, à un degré moins marqué, un semblable résultat (16). La dépense des individus de ces différentes classes, pris en commun, devant être estimée d’après une mesure moyenne, nous avons d’abord dû chercher si, comme on l’évalue le plus ordinairement en Angleterre et dans la plupart des hôpitaux de France, elle devait surpasser une somme annuelle de cent livres par individu (17), et nous avons reconnu, d’après les résultats d’un nombre considérable d’essais, faits dans diverses parties du royaume avec soin, intelligence et économie, qu’elle devait être évaluée fort au-dessous de cette somme : nous ne balançons pas même à croire, d’après la moindre dépense des enfants, et leur proportion plus forte dans la masse des pauvres, d’après le calcul qui nous porte à évaluer les quatre cinquièmes de cette quantité de pauvres dans les campagnes, et un cinquième seulement dans les villes, d’après la différence des prix dans les provinces et dans la capitale, dans les campagnes et dans les villes, que la dépense moyenne des pauvres doit être de cinquante-cinq à soixante livres par individus, ce qui donnerait quarante livres à peu près par enfant, et soixante-dix à quatre-vingts livres pour les vieux et infirmes (17 bis). Cette évaluation est encore confirmée par les renseignements pris dans un grand nombre de villes soit françaises soit étrangères, Paris excepté, qui montrent que la dépense moyenne des pauvres n’est estimée que de soixante-douze à quatre-vingts livres, et qui nous ont appris même que c’était à cette somme que les projets de réforme faits en Angleterre, sur l’administration des pauvres, estimaient que devait être réduite la dépense de chacun dans les villes. Les mêmes considérations et la différence des prix pour les objets de nécessité première, de province à province, doivent nous faire penser que le prix moyen de cinquante-cinq à soixante livres doit suffire pour les pauvres de la campagne, et nous sommes très confirmés dans cette idée par les demandes d’un grand nombre de municipalités et de districts, qui, répondant aux diverses questions que nous leur avions adressées, relatives à notre travail, sollicitaient, pour le soutien des familles dans l’indigence, des sommes beaucoup moins fortes. Quant aux dépenses relatives aux enfants, quoique les divers exemples que nous avons réunis nous fassent voir que les secours annuels qu’ils reçoivent ne sont nulle part au-dessous de quarante livres, nous avons lieu de penser que le prix moyen comporte une évaluation moindre, parce que ces secours de quarante livres ne sont estimés que sur les dépenses des villes, et que d’ailleurs ils ont tous pour objet les enfants trouvés. Un enfant abandonné, en faveur duquel ni le sang, ni la nature n’intéressent aucun être, ne peut être considéré que comme une charge pour la famille qui le reçoit; alors tous les soins qui lui sont donnés doivent être payés en entier; mais au milieu de ses parents, au sein de ses proches, de moindres secours sont nécessaires ; il ne s’agit que de remplacer ce que la famille ne peut absolument faire, ce qu’à regret elle ne peut donner. Quant aux soins, ceux de la tendresse maternelle ne voudraient pas être payés ; ce sentiment est plus fort que tous les malheurs. Il n’est méconnu d’aucune classe, d’aucune position de la vie. L’absolu nécessaire en secours pour les enfants dans leur famille, est donc entièrement suffisant. Tel est, nous le répétons, l’avantage des secours à domicile. En aidant le malheur dans le sein des familles, tant de soins que l’intérêt calcule dans les hôpitaux ne sont point comptés par le sentiment ; la bienfaisance, l’assistance particulière des voisins, des amis, des âmes sensibles et bonnes, qui forment aussi une famille, complètent les secours dont elles reconnaissent le besoin, et perfectionnent ainsi la bienfaisance publique. Telles sont les bases les moins incomplètes que le temps et le peu de progrès de l’économie politique parmi nous, nous ont permis de rassembler, et nous les croyons suffisantes, pour nous autoriser à proposer les calculs suivants de dépense. La proportion de malades que doit donner le nombre des pauvres dans le royaume, étant d’environ cinquante mille habituellement, à raison de douze à quinze sous, prix moyen de la journée, la dépense des médecins ou chirurgiens des pauvres comprise, ce qui donnerait deux cents à deux cent cinquante livres à peu près de dépense 477 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er septembre 1790.] par malade pour l’année, ce genre de secours peut-être évalué à. . . . ........ 12,000,000 liv. La dépense en secours habituels, relative à l’entretien des enfants, intirmes et vieillards, étant fixée de cinquante à soixante livres, pour mesure commune, à raison de cinq cent mille pauvres ou individus de cette classe, c’est ............ . 27,500,000 Les secours pour le travail des valides ou les ateliers publics, à soixante mille livres par département, monte à une somme d’environ ............. 5,000,000 La dépense pour la répression des mendiants, les maisons de force ou de correction, n’ayant jamais excédé, dans les derniers temps, quinze cent mille livres; et à raison des mesures puiseront prises par l’Assemblée, cette dépense ne devant pas exiger une grande augmentation, nous avons pensé qu’avec celles que la transportation pourra exiger, elle ne devra pas excéder ............ 3,000,000 Enfin, les fonds à faire pour la caisse de réserve et pour les frais d’administration, nous ayant paru pouvoir être évalués à ......... .............. 4,000,000 Total ....... 51,500,000 liv. On a de dépense totale cinquante à cinquante deux millions, et nous prenons pour base la première somme. A quelque élévation que se fût portée la dépense nécessaire au soulagement des pauvres et à l’assistance que leur doit une Constitution sage, fondée sur les bases de la justice et de l’humanité, nous n’aurions pas craint de vous la proposer; nous n’aurions pas redouté qu’il s’élevât dans l’Assemblée une seule voix qui prononçât qu’il fallait retrancher un seul denier indispensable aux secours dus à l’humauité malheureuse et souffrante, à ceux que la bienfaisance publique ordonne et dont elle pose les bornes ; nous n’aurions pas craint d’avoir à rappeler à qui que ce soit de cette Assemblée qu’elle avait, par un accord unanime, par un élan commun de bienveillance et de justice, pris l’engagement solennel de secourir l’indigence, de la soutenir, de la consoler dans ses malheurs. La nature, la morale, l’intérêt public, la philosophie enfin, qui donne à toutes les idées et à tous les sentiments la justesse et l’énergie, ont trop profondément gravé ce devoir dans nos cœurs, pour qu’il puisse être méconnu de nous, et pour que son exécution n’en soit facilitée de tous nos moyens. Nous devons redouter davantage que, comparant cette somme avec celle que supporte, chez nos voisins, la taxe des pauvres, avec la masse dés besoins de la classe malheureuse de nos concitoyens, vous ne trouviez trop faible la dépense que nous vous proposons de décréter; et c’est sur ce point important que les calculs que nous. vous avons soumis, que les preuves dont nous les avons appuyés, doivent rassurer votre inquiétude. Nous avons même lieu de craindre que les états sur lesquels nous avons établi cette dépense, plus forte sans doute que dans aucun autre temps, ne nous aient portés à une évaluation trop élevée, quoique nous ayons cherché à les estimer ce qu’ils devaient être dans des circonstances ordinaires. Les dépenses de la répression et de la transportation entre autres, que nous avons évaluées à une somme annuelle de trois millions, doivent, en très peu de temps, être réduites presqu’à rien, si un travail bien entendu est établi dans les maisons de répression, et si le lieu de la transportation est assez bien choisi pour vous donner lieu d’espérer que le produit de votre colonie couvrirait vos frais et d’établissement et d’entretien. Mais nous avons pensé qu’il était préférable, dans le commencement de l’établissement de ces secours publics, de ne pas courir le risque de la nécessité d’une augmentation de fonds ; nous avons cru que les bornes de leur accroissement seraient plus difficiles à poser que celles de leur diminution, et nous avons vu dans cette précaution l’intérêt de l’Etat, composé de l’intérêt de tous et particulièrement de l’intérêt des malheureux, dont la classe s’augmenterait par la certitude d’une augmentation de secours ; et c’est cette raison particulière, qui nous a portés à ne pas comprendre, dans l’état des dépenses fixes que nous vous proposons, les secours additionnels que la circonstance de la Révolution nécessite et nécessitera peut-être quelr ques années encore, mais qui, n’étant que momentanés, doivent être présentés comme variables, et qui, mis dans l’état ordinaire, s’en tireraient peut-être avec difficulté. Vous y avez pourvu par votre décret du 16 décembre. Votre comité est donc persuadé que la somme de 50,000,000 qu’il vous propose d’attribuer au soulagement de la classe indigente, administrée avec la sagesse, l’économie que vous avez droit d’attendre, et la surveillance publique qui la rendra certaine, suffira à ses besoins et à vos devoirs. Mais quoique cette dépense devienne une dépense de l'Etat, quoique encore une fois elle dût être faite des deniers du peuple, puisqu’elle sert véritablement l’intérêt public, le comité doit vous montrer quelle ressource vous laissent les biens consacrés jusqu’ici à l’entretien des hôpitaux, ceux sur lesquels les pauvres avaient droit de prétendre aux œuvres publiques de charité, etc., et le fonds consacré par le gouvernement, tant au soulagement des hôpitaux qu’à la répression des mendiants. Vous pourrez plus positivement ainsi comparer l’assistance ancienne avec celle que vous ordonnerez dans le rapport combiné de secours et de dépense. C’est en 1764 que le gouvernement, et pour la première fois, pensa à réunir quelques connaissances sur le bien des hôpitaux. Plusieurs volumes rassemblés au contrôle général présentent l’état des revenus d’un grand nombre de ces établissements ; mais n’étant formés que sur les informations demandées aux administrateurs de ces maisons, le plus grand nombre deces états est incomplet, et presque tous étaient au-dessous de la valeur réelle des revenus dans le temps même où ils ont été fournis. Beaucoup d’hôpitaux se sont même refusés alors à ces éclaircissements, et des provinces entières, soit qu’elles n’aient pas été sollicitées, soit par toute autre cause, sont oubliées dans ce recueil. Les hôpitaux seuls et hôtels-Dieu des villes y sont compris ; et nulle part, les fondations, les établissements charitables des campagnes ni des petites villes. Cet état général, qui évaluait à seize millions [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 478 alors le revenu des hôpitaux, pouvait, par la comparaison de son résultat général avec ceux qu’ont procurés des informations particulières, être évalué à vingt-quatre; et nous sommes aujourd’hui autorisés à penser, par les renseignements qui nous sont parvenus d’un grand nombre de départements, que la somme totale peut en être poitée à trente ou trente-deux. Ces renseignements qui déclarent aussi la partie, dans les biens ecclésiastiques, nominativement destinée à des œuvres charitables, l’élèveDtàsix millions (18). Il reste le revenu des fondations particulières, connues sous le nom d’aumôneries, maladreries et d’ordres hospitaliers, la plupart dénaturés par le temps, mais que leur destination a rendus imprescriptibles, si elle ne les a pas rendus inviolables. Il reste enfin la part des pauvres dans les biens ecclésiastiques, droit sacré que rien ne peut altérer, et qui, dans les mains de la nation , doit être exercé selon l’intérêt général de l’Etat. A ces revenus, affectés jusqu’ici, dans les différentes parties du royaume, aux hôpitaux et assistances charitables, il faut ajouter cinq à six millions, employés par l’Etat en addition de revenus à certains'hôpitaux, en dépense pour les ateliers de charité, pour les dé| ôts de mendicité, et en secours en cas de malheur. La contribution publique n’aura donc pas à ajouter, pour compléter la somme dont nous vous proposons de décréter l’attribution au département des secours ; ou plutôt les biens rentrant dans les mains de la nation, ia contribution nécessaire pour les remplacer ne semble pas devoir en excéder le montant. Les renseignements, fournis déjà en grande partie par les départements se complétant par le temps et par les recherches plus suivies que les administrateurs pourront faire, ne laisseront à cet égard aucun doute, et cette vérité est une de celles qui nous paraît sortir la plus incontestable de nos re-cherclus, quelle que soit d’ailleurs l’évidence ou fa grande piobabilité de toutes celles que nous vous avons présentées. Si, quelle que soit notre conviction, l’équivalent des revenus appartenant aux pauvres ne suffisait pas pour les secours que vous décrétez de leur attribut r, qui que ce soit dans le royaume ne se refuserait de satisfaire et ne satisferait à regret au surplus de cette sainte contribution. Cette imposition générale, qui pourrait se fondre avec toutes les autres, ne pourrait-elle pas cependant, si elle est jugée nécessaire, trouver une source particulière? Il semble qu’établie sur les mariages, sur les naissances, sur les successions, elle s’acquitterait sans peine, et que, liant ainsi le soulagement du pauvre aux moments heureux de la vie de l’homme aisé, elle serait encore d’une grande moralité, et même d%ne grande douceur. Nous osons jeter ici cette idée qui nous a été présentée et que nous avons saisie avec avidité; son examen ne nous appartient pas en entier. D’après tout ce qui vous a été exposé, votre comité a l’honneur de vous proposer le décret suivant : PROJET DE, DÉCRET. Art. 1er. Dans la distribution des dépenses nationales et à commencer du 1er janvier 1791*, il sera affecté une somme de 50 millions pour les secours publies et pour les dépenses relatives à la mendicité. [1er septembre 1790.] Art. 2..Surla somme totale de 50 millions mentionnée en l’article précédent celle de 40 millions sera répartie dans les départements et districts, conformément aux articles 5 et 6 du titre premier, et subviendront aux dépenses des secours habituels, secours aux enfants, aux malades, vieillards et fonds des maisons de répression. Art. 3. La somme de 5 millions, destinée aux ateliers de secours, sera également répartie dans les départements, au litre des conditions prescrites dans l’article 5 du titre premier. Art. 4. Il sera réservé une somme de 5 millions, pour faire face aux dépenses générales, traitements des commissaires du roi, frais de transportation et secours extraordinaires à verser dans les départements, dans les moments calamiteux. La distribution des secours extraordinaires sera faite ainsi qu’il est expliqué à l’article 7 du titre premier. Art. 5. Les directoires des départements adresseront, dans les dix premiers jours de chaque mois, au ministre des finances, un bref état de la dépense de secours publics, et de celles relatives à la mendicité. Art. 6. Leroi fera connaître, à chaque législature et dans les premières de ses séances, les comptes des différents directoires, et l’instruira des travaux qu’il ont opérés avec les ateliers de secours, de l’état des hôpitaux, hospices, maisons de répression, et de tout ce qui a rapport aux dépenses de la mendicité. Le compte de chaque département sera rendu public par la voie de l’impression. Art. 7. La somme de 50 millions, décrétée dans le premier article, n’aura lieu que pendant chacune des deux années de la prochaine législature. Art. 8. Chaque législature nouvelle , sur le compte qu’elle se fera rendre de la situation des divers départements, de leurs besoins, votera la somme qu’elle jugera nécessaire pour la dépense des secours et de la mendicité. PIÈCES justificatives du cinquième rapport. du comité de mendicité. (1) D’après la notice des principaux règlements publiés en Angleterre, concernant la taxe des pauvres, le nombre de ceux entretenus en 1776, dans les mille neuf cent quarante-trois maisons de travail qu’on y a établies était de quatre-vingt-dix mille, et d*après la progression de la taxe, on estime qu’il doit être aujourd’hui de cent douze mille. La dépense annuelle de chacun d’eux est de 180 livres, suivant M. Townsend; ce qui, pour les cent douze mille, absorbe 20,160,000 livres des produits de la taxe. En déduisant cette somme des 48, 101,712 livres qu’elle a rapportées, année commune, en 1783,1784 et 1785, il reste encore 27,941, 712 livres, qui, déduction faite de quelques dépenses publiques dont on prélève l’emploi sur la taxe des pauvres, servent à procurer des secours aux vieillards, aux infirmes, aux femmes eu couches, et à faire nourrir et élever les enfants. En portant, ainsi qu’on lo-tirne en Angleterre, à 180 livres la dépense des hommes, celle des femmes à 136 livres et à 93 livres 12 sous, celle des eüfants, l’auteur évalue à 144 livres la somme moyenne accordée à chacun de ces différents genres de pauvres, ce qui revient à près de trois [Assemblée nationale.] livres par semaine, et semble devoir être plutôt au-dessus qu’au-dessous de la réalité. D’après ce calcul, avec 27,948,712 livres, on doit soulager cent quatre-vingt-quatorze mille quatre-vingt-neuf pauvres, qui joints aux cent douze mille entretenus dans les maisons de travail portent à trois cent seize mille quatre-vingt neuf le nombre des pauvres soutenus avec la taxe, en Angleterre, indépendamment de ceux secourus par la bienfaisance particulière, ou entretenus dans des hôpitaux fondé'. L’étendue de l’Angleterre étant de trente-neuf millions d’arpents, suivant Hine et Davenant, et la lieue, suivant le maréchal de Yauban, de quatre mille six cent quatre-vingt-huit arpents, quatre-vingt-deux perches et demie, la superficie de l’Angleterre est de huit mille trois cent vingt-cinq lieues carrées, ce qui, avec trois c ;nt seize mille quatre-vingt-neuf pauvres, donne trent - huit pauvres par lieue carrée, et la population de ce royaume étant de sept millions, tiois cent cinquante-deux mille deuxcent quatre-vingt-huit individus, il résulte que la proportion de-pauvres est, en Angleterre, d’après le calcul seul de la taxe, d’un peu plus du vingtième de la population. D’autres renseignements confirment, et cette évaluation elle-même du nombre des pauvres au vingtième de proportion, et les bases du calcul qui l’a donnée d’après l’évaluation de la dépense moyenne ou présumée de chaque espèce de pat ivres. Ainsi, d’après les Annales d' agriculture d'Arthur Young , à Bristol, la seule ville, uù suivant cet auteur, les listes des pauvrts font mention également de ceux secourus dans les maisons de travail et au dehors, leur nombre, sur une population de cinquante mille âmes est de deux mille quatre cent cinquante, c’est-à-dire, comme un est à vingt, ce qui, suivant lui, pour huit millions d’habitants, donnerait quatre cent mille pauvres en Angleterre. On a élevé, il est vrai, quelques doutes sur ce dernier calcul. On jugera, par les détails suivants, à quel point on doit les admettre. Ainsi, en [dévaluant, comme le fait M. Howieth pour plusieurs raisons qu’il rapporte, la population de Bristol qu’à quarante mille âmes, au li u de cinquante mille, la proportion est alors du seizième. Le même M. Howleth ajoute d’ailleuis qu’ou ne fait, dans ce calcul, aucune mention des pauvres que l’on secoure occasion ueliement, et qu'il estimeêtre, dans beaucoup d’endroits, Je tiers du nombre total des pauvres; alors, à Bristol, ce nombre serait de trois mille six cents, et conséquemment, de la onzième partie de la population. Il avance même, d’après cette observation, contre l’opinion de ceux qui pensent que le nombre des pauvres surpasse dans les villes celui des campagnes, que dans une paroisse très-étendue de l’un des comtés, à cinquante on soixante milles de Londres, les pauvres habituellement ou occasionnellement secourus, sont le tiers à peu près, chaque année, des habitants: que, dans les grandes villes à manufactures, il n’en est pas de même, excepté les cas extraordinaires, et qu’alors le nombre des pauvres y peut être comme un à six. Mais ne peut-on pas objecter, contre ces derniers calculs, qu’ils sont, presque, sons tous les rapports, contre la vraisemblance? On peut ajouter de plus qu’ils paraissent contraires à l’opinion la plus généralement établie en Angleterre. Ainsi M. Ghée ayant pensé qu’on devait porter à un million le nombre des pauvres en Angleterre, c’est-à-dire du [1er septembre 1790.] QJQ. septième au huitième de la population, cette proportion, suivant M. Potier ( Mémoire sur les lois pour les pauvres et les maisons d'industrie d'Angleterre , 1775), avait paru étrangement exagérée. C’est, en effet, au calcul du nombre des pauvres ci-dessus cité, d’après la répartition du montant de la taxe, à raison de la dépense moyenne ou commune de chacun d’eux, par tête que l’on paraît, en Angleterre, plus particulièrement s’en rapporter. De nouveaux détails, insérés dans les Annales d'agriculture d'Arthur Young, paraissent,, quoique par une supputation différente, confirmer cette même proportion. La ville de Birmingham ayant imprimé récemment une liste double de" ses pauvres, secourus dans les maisons de travail et en dehors, on a pu s’assurer que la dépense des derniers, c’est-à-dire des pauvres qui n’étaient dans aucune maison publique, revenait à 3 livres sterling 3 sous par tête, ce qui fait de 72 à 80 livres; que l’entretien des pauvres nourris dans les maisons de travail, pouvait êtreév daé, à raison de la plus grande dépense, à 4 livres sterling on 4 livres sterling 6 sous, c’est-à-dire de 10 ) livres à 112 livres. En prenant cette dernière somme pour terme fixe, l'auteur observe que la taxe annuelle pour le soulagement des pauvres, déduction faite des frais de procès, de poursuites et de voyages des inspecteurs, avant donné, pour somme moyenne des années 1783, 1784 et 1785, 1,896,345 livres sterling, on trouve alors quatre cent mille pauvres qui, pour huit millions d’habitants en Angleterre, donnent, comme à Bristol, le vingtième ne proportion. (2) Cette assertion qui se rencontre dans quelques ouvrages et qui est dans quelques opinions, se trouve particuliérement dans la Notice des principaux règlements d Angleterre sur les pauvres : elte est si éloignée de toute vérité et de toute vraisemblance, que nous ne croirions pas devoir eu faire mention, si l’ouvrage n’était pas estimable à beaucoup d’autres égards. L’auteur appuie cette assertion: 1° de ce que, d’après M. Necker, cent mille pauvres en France sont seulement reçus dans les hôpitaux, et dix mille mendiants dans les dépôts de mendicité; 2° de ce que, sans base aucune, il estime à soixante mille le nombre des pauvres assistés par la charité particulière : u’où il conclut, par le calcul des deux royaumes de France et d’Angleterre, et de la connaissance qu’il croit avoir du nombre des pauvres da us l’un et l’autre empire, que, tandis qu’en Angleterre il y en a trente-huit par lieue carrée, il n’y en a que-trois ou quatre en Fiance; il complète son calcul par la comparaison des sommes affectées, dans les deux royaumes, à l’assistance des pauvres, et il ne la porte, en France, qu’à douze millions. Ainsi, dans le calcul du nombre des pauvres, il ne compte ni ceux assistés par les hospices particuliers, par les fondations, ni les enfants trouvés. Dans le calcul des fonds, il estime les revenus des hôpitaux fort au-dessous de la vérité; ii ne compte pas les biens des fondations, des aumônes; il ne compte ni ceux des ateliers de charité, ni ceux fournis par le gouvernement, en supplément de secours et indemnités, eu frais pour la répression : enfin, le calcul est absolument faux, et fut-il vrai, il prouverait que le nombre des pauvres assistés est bien moindre en France qu’en Angleterre ; que les sommes consacrées à ce devoir dans les deux royaumes sont bien différentes, et qu’en dernière analyse, l’as-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 480 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ier septembre 1790.] sistance des pauvres, qui n’a jamais été regardée en France comme un devoir du gouvernement, qui a toujours été considérée comme une œuvre libre des âmes charitables, était incomplète. (3) M. Montlinot, associé externe aux travaux du comité, connu par plusieurs recherches sur les hôpitaux, sur les enfants trouvés, et par ses curieuses observations sur les mendiants renfermés dans le dépôt de Soissons, a fait le relevé du nombre de familles pauvres comprises dans un certain nombre de villages qui se trouvent entre Compiègne et Soissons. Deux mille feux lui ont offert trente feux de pauvres, ou bien une population de huit mille personnes lui a donné cent vingt pauvres, c’est-à-dire un soixantième ; la proportion de quatre à cinq individus étant celle qui sert de mesure ordinaire à l’estimation des feux. (4) Suivant M. de Montlinot, Lille, avec une population d’environ quatre-vingt-dix mille âmes, donne, d’après un dépouillement des registres de charité, dix-huit cents pauvres : ce serait alors le cinquantième. Soissons, avec huit mille âmes de population, donne, d’après un semblable relevé, cent soixante pauvres : ce serait encore le cinquantième. Mais les observations faisant connaître que le nombre de pauvres reçus dans les hôpitaux n’est que la moitié de ceux qui existent, l’autre moitié étant assisté chez eux, il faut compter pour Lille trois mille six cents pauvres, et pour Soissons trois cent vingt.ee qui ramène la population totale au vingt-cinquième de pauvres dans les deux villes. D’après la même base, Paris, avec une population de six à sept cent mille habitants, doit avoir, au vingtième de proportion, trente mille pauvres habituellement, dont moitié dans les hôpitaux, et c’est aussi la proportion juste de ceux que renferment, soit les différentes maisons de l’hôpital général, soit les divers hospices des pauvres valides et invalides de la capitale, dont le nombre est de quatorze mille deux cent cinq. (5) Dans les villes, les très anciens hôtels-Dieu doivent avoir acquis une étendue qui réponde à la plus haute proportion de pauvres sur la population, et au plus grand nombre de malades sur ces pauvres, qu’il ait fallu y réunir. Quand cette opinion est fondée sur une proportion pareille dans la plupart des villes entre la population, la pauvreté présumée et les malades pauvres, elle approche d’une vérité, et peut être avec confiance présentée comme telle. Une observation un peu attentive a fait reconnaître que la mesure la plus forte est du dixième de pauvres sur cette proportion quelconque, et du dixième de malades sur ces pauvres; que la plus faible peut être fixée au vingtième de pauvres et celle des malades au vingtième de ce vingtième. Entre ces deux points extrêmes se trouvent deux termes moyens très différents, savoir : du dixième de pauvres et du vingtième de malades et celui du dixième de malades sur le vingtième de pauvres, lesquels répondent aux deux différences les plus remarquables qu’il peut y avoir dans la misère du peuple. Ainsi, dans les années de détresse où il n’y a pas une grande insalubrité, on peut fixer le nombre des pauvres au dixième et le nombre des malades sur ces pauvres au vingtième. Dans les années très insalubres, au contraire, où les ressources du travail ne manquent pas d’ailleurs, on peut évaluer la proportion des pauvres au vingtième, et celle des malades au dixième de leur nombre. Quand ces deux fléaux se trouvent réunis, c’est à la proportion du dixième du dixième que, dans les hôtels-Dieu des plus grandes villes, le résultat de la misère publique doit s’élever. Les exemples suivants prouvent la vérité de ce calcul. Ainsi, Lyon, avec une population de 150,000 âmes, ayant un hôtel-Dieu de douze cents lits, dont six cents projetés, c’est du dixième de pauvres et du vingtième de malades sur ces pauvres que se rapproche la proportion pour le nombre des lits existants, et c’est celle du dixième du dixième qu’elle présente pour la totalité des lits, en comptant ceux qu’on projetait d’y établir. A Rouen, où la population est de 100,000 âmes, le nombre commun des malades soignés par jour à l’hôtel-Dieu étant d’environ cinq cents, c’est un dixième de pauvres et un vingtième de malades sur ces pauvres que présente cette proportion. Avec un hôpital de six cents lits, et une population de 70,000 âmes, le rapport est, à Lille, encore à peu près du dixième du dixième de la population. A Besançon, la population étantde 40,000 âmes et le nombre des lits, à l’hôtel-Dieu de quatre cents, la proportion répond exactement au dixième du dixième. Les hôpitaux du Saint-Esprit et de Saint-Jean-de-Latran,à Rome, étantde deux mille deux cent vingt lits pour 150,000 habitants, la proportion est au-dessus du : dixième du dixième, ce qui s’accorde assez exactement avec le grand nombre de pauvres et la grande quantité de secours qu’on leur prodigue en Italie. A Paris, la population étant de 6 à 700,000 âmes, le nombre de six mille lits, demandés dans le dernier projet des quatre hôtels-Dieu, répond juste au dixième du dixième de la population; et le nombre actuel de trois mille lits existants à peu près à l’Hôtei-Dieu, qui, joints à ceux des autres hôpitaux ou hospices, y portent le nombre des malades journellement secourus à six mille quatre cent quatre-vingt-douze, répond également à cette proportion. Sur la paroisse Jacques-du-Haut-Pas, d’où l’on n’envoie aucuns malades à l’Hôtel-Dieu, le nombre des lits nous a paru répondre avec la même exactitude au vingtième de pauvres sur le nombre d’habitants, et au vingtième de malades sur ces pauvres. La table suivante, formée sur un certain nombre d’hôpitauxqu’on a pu réunir, semble indiquer les mêmes résultats. Tableau. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [1er septembre 1790.] 481 (6) Cette remarque a été surtout vérifiée d’une manière particulière, au Mans, par M. l’abbé de Moncé, syndic du bureau de charité de cette ville, connu par les comptes intéressants qu’il a publiés sur cet établissement, et nommé commissaire du roi pour la formation du département. Il est vrai que la proportion des citoyens actifs ne s’y est trouvée que du dixième, et que, n’ayant donné ainsi que dix-huit cenis citoyens actifs sur une population de dix-huit mille âmes, on trouve quatre mille individus sur la liste de ses pauvres. Mais cette ville, depuis la destruction subite de ses manufactures, étant dans une position très fâcheuse, peut regarder la proportion effrayante de pauvres qn’elle contient comme un accident rare, ou comme un des plus hauts termes de la misère publique. L’effet, d’ailleurs, le plus naturel des bureaux de charité ayant toujours été d’accroître le nombre des pauvres, et de rendre peu sévère sur l'admission au rôle des secours, il peut y avoir eu une grande exagération; et dans les comptes mêmes, on annonce que beaucoup de pauvres n’étaient portés que pour des secours passagers ou du moment, et même uniquement pour mémoire. (7) Gomme les demandes ont été faites avant l’établissement des assemblées administratives de département, le comité s’est d’abord adressé aux intendants, pensant d’ailleurs qu’ils auraient à cet égard des connaissances qu’il faudrait aux assemblées beaucoup de temps pour recueillir. Sept intendants seulement ont envoyé les renseignements demandés, et les ont dressés sur les informations qu’ils ont prises d’après cette invitation ; car aucun n’avait, avant cette époque, réuni les éléments nécessaires pour répondre aux désirs du comité. Les intendants qui ont répondu sont ceux du Roussillon, de Metz, d’Amiens, de Montauban,de Soissons, d’Alençon, d’Auch. Les états du Roussillon présentent un nombre de onze mille sept cent soixante et un pauvres, sur une population de cent quatre-vingt-huit milie neuf cents âmes, ce qui donne la proportion du quinzième au vingtième. Les états de Metz offrent un nombre de trente-trois mille neuf cent quatre-vingt-neuf pauvres, lre SÉRIE. T. XVIII. sur une population de trois cent quarante neuf mi Ile âmes, ce qui donne une proportion d’environ un dixième. Ceux de la généralité d’Amiens donnent sur une population de six cent soixante-douze mille huit cent treize habitants, cinquante-deux mille trois cent sept pauvres; savoir : pour les dix-sept municipalités de villes, vingt mille deux cent soixante-quinze, et trente-deux mille soixante-d. ux pour les mille trois cent quatre-vingt-dix-sept municipalités de campagnes, à raison de quatre-vingt-quinze feux, et de vingt-trois pauvres chacune, nombre moyen ; ce qui donne la proportion du douzième. Les états de la généralité de Montauban offrent une proportion du sixième; mais on observe dans ces états mêmes que le nombre le plus considérable des pauvres qui se trouvent dans le Quercy étant dû aux deux années désastreuses pour la récolte et les vignes de 1788 et 1789, et devant être regardé comme très extraordinaire, en ne doit porter qu’au dixième la proportion de pauvres dans la généralité. Les états du Soissonnais portentaussi au sixième ou septième la proportion totale du nombre des pauvres; et c’est encore pour cette généralité que l’observation précédente est applicable, puisqu’elle a été extrêmement maltraitée par la grêle de 1788 et l’hiver de 1789; et que les éléments qui composent le calcul général, ne présentent qu’une proportion d’un douzième, treizième, quinzième dans les élections qui ont été peu ou point maltraitées. Si, avec la facilité si générale d’augmenter les besoins de secours, on fait attention à la manière dont ces états ont été rédigés, et au temps où ils ont été demandés, on sentira que tout a dû contribuer à les faire exagérer. C’est en effet à une époque calamiteuse par elle-même, et à la veille de la retraite des intendants et de leurs employés, qu’ils ont été formés. C’est, de plus, en prenant sur les rôles d’impositions les taxes les plus modiques qu’on les a dressés ; et dès lors, il est aisé de voir que le très grand nombre de pauvres qu’ils présentent est l’effet d’un faux calcul qui en a fait grossir les listes hors de me-, sure, en comptant, comme pauvres, tous les in-31 482 (Assemblés nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i,r septembre 1790.) divldus qui, pour n 'être pas dans l’aisance, ne sont cependant point dans un état réel de besoin. A ce sujet, on doit ob>erver que, da is plusieurs des détails communiqués par MM. les intendants, on rend un compte bien différent des ressources des provinces pour fournir à leurs habitants des moyens de travail, et que, de cette manière, il faut bien se garder de présenter cette estimation comme pouvant être commune à tout le royaume. Ai; ■ si, M. l’intendant d’Auch observait qu’il y avait peu de pauvres dans sa généralité, où presque tous les habitants étant propriétaires, et faisant des courses en Espagne, ils trouvent assez constamment de l’oecupation. Il paraît en être de même dans la généralité de Moulins. A ces différences près et qui sont encore explicables, ces états présentent des résultats assez uniformes, et d’une justesse assez frappante pour prouver qu’ils n’ont pas é é faits d’une manière vague, et sur des renseignements pris tout à fait au hasard. Ainsi, dans toutes populations, le rapport des individus à celui nés f.. milles, devant donner, par chaque famille, quatre ou cinq individus, chaque ménage devant avoir, pour remplace r les deux chefs, au moins deux enfants, la population autrement devantaugmentcr si le nombre des enfants était plus grand, Oü diminuer s’il était plus faible, on trouve aussi ce résultat uniformément offert par tous les éiats ci-dessus cités. Ainsi, eu égard aux moindres facultés de travail, la proportion des femmes sur le nombre des pauvres devant être plus forte que celle des hommes, et celle des enfants que celle des adultes ou des individus d’un âge fait, on y trouve aussi ces résultats confirmés : le rapport des femmes aux hommes, par exemple dans celui du Roussillon, étant de deux mille huit cent quatre-vingt-quinze, à deux mille deux cent vingt-quatre; la proportion desfilles étant à celle des garçons dans le rapportée trois mille quatre cent soixante-cinq, à trois mille cent soixante-quinze; et celle des enfants, ou des garçons et des tilles, à «elles nés hommes et des femmes, comme trois mille cent soixante-quinze ou trois mille quatre cent soixante neuf, à deux mille deux cent vingt-quatre, ou deux mille huit cent quatre-vingt-quinze. On y remarque de même, ainsi qu’il est très vraisemblable, la proportion des mendiants plus forte dans les villes, et surtout dans les capi aies, que dans le calcul total par généralités qui comprend en outre les petites villes et les campagnes; la première proportion, dans les états du Roussillon, étant pour Perpignan le sixième ou le cinquième du nombre des pauvres , et la deuxième, pour la généralité, seulement du vingtième. De même encore, tandis que pour les pauvres domiciliés, le nombre des familles, multiplié par quatre ou cinq, répond assez constamment à celui des individus, ce qui doit naturellement avoir lieu, Jorsqu’ayant peu de célibataires, tous les individus sont le plus généralement groupés par ménages; cette même proportion ne se trouve plus la même pour les pauvres non domiciliés, comprenant les mendiants ou vagabonds qui, rarement mariés, vivent le plus ordinairement isolés et errants. Dans l’état numératif du Roussillon, le nombre des individus de cette dernière classe est de cinq ou six contre celui des familles. De même aussi sur uu nombre donné de pauvres, la proportion des valides devant l’empoiter sur celle des individus âgés ou infirmes, dans l’état numératif de la généralité d’Alençon, le nombre des individus donnés par les familles de pauvres valides, est des trois quaris de la totalité des pauvres, et dès lors trois fois aussi fort que celui des pauvres par l’effet de l'âge ou des infirmités, le rapport sur trente-trois mille cent un étant de vingt-quatre mille cent quatre-vingt-sept, à huit mille neuf cenbquaturze. Dans le rapport du nombre des familles à celui des individus, la proportion ne paraissant pas être la même dans les différentes généralités, et se trouvant moindre dans quelques-unes, où elle ne donne pour la plus grande partie qu’au-des-sous de trois, et quelquefois à peine au-dessus de deux individus, n’est-ce pas une plus gra uie misère qui, en exténuant le peuple, empêche les mariages, d’où naissent les familles, que semble présenter cet aperçu; et ainsi que celle des citoyens actifs, et des citoyens éligibles sur une population donnée, cette disproportion n’est-elle pas un moyen d’évaluer la misère respective des différentes contrées? La proportion de pauvres, dans plusieurs de ces mêmes états, étant plus forte pour les compagnes que pour les villes (le rapport pour la généralité de M.'tz étant du dixième au douzième et treizième; et du cinquième ou sixième au neuvième pour le Suis-onuais), ce résultat s’accorde parfaitement avec les observations de M. Howleth en Angleterre. Ëntm, dans quelques-uns de ces états, le nombre des mendiants de profes.-ion étant le centième à peu près du nombre des indigents domiciliés, (le rapport dans l’état de la généralité de Rous.-il-lon, étant de neuf cent quatre-vingt-dix, à et nt vingt-sept mille quatre cent ving-sept), ce serait encore pour la France, où leur nombre est évalué à environ dix mille, uu million de pauvres au’indiquerait cette proportion; et ainsique colle des pauvres malades, la proportion des mendiants confirmerait notre évaluation. (8) M. de Rubelit s, associé aux travaux du comité de mendicité, nommé commissaire pour la formation du département de Seme-et-Marne, fut prié par le comité de profiter de toutes les facilités que ses fonctions lui donneraient, pour nous procurer les renseignements les plus précis sur l’objet de notre travail . Toutes les municipalités de ce département furent invitées à dresser des états de leurs pauvres ; quelques-unes seulement l’ont fait ; les états qu’< lies oui fournis, ont présenté à M. de Rubéfiés, sur une population de dix-neuf mille huit cent quarante-huit âmes, deux mille cent soixante-dix-neuf pauvres, ce qui donne toujours à peu près le dixième de proportion. Ce résultat n’est que celui d’une très petite partie du département; mais comme il est fait sur un nombre de paroisses prises au hasard, et qu’il est semblable à ceux qui résultent de presque tous les autres renseignements, il mérite quelque considération. (9) Une partie de ces états ou tableaux nous est parvenue, et les envois sont déjà complets pour quelques départements. Le comité avait senti que dans la rédaction de ce travail, confié aux municipalités, il y avait deux défauts également graves à craindre : les réticences sur le montant des fonds de charité déjà existants, et les exagérations sur le nombre des pauvres et leurs besoins. Pour éviter cette double source d’erreurs, il jugea qu’il serait utile de faire dresser les états des pauvres par les municipalités réunies dans chaq m chef-lieu de canton, pour les discuter contradictoirement. Ou ne peut trop louer le zèle qu’ont témoigné à cet égard les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l*r septembre 1790.] administrateurs de plusieurs districts et départements, qui se sont rendus dans les chefs-lieux pour être présents à la rédaction. Ces états qui, dans autant de colonnes, présentent la population du canton, le nombre de feux, la proportion des individus qui ne pavent aucune taxe, ou qui n’en payent qu’une de deux ou trois journées de travail, le nombre d’infirmes ou vieillards, d’enfants ou d’innividus ayant besoin de secours, le montant des fonds de charité ou dis revenus des hôpitaux, le nombre habituel des malades par années et des mendiants, les différentes ressources en travail que peut présenter la contrée; ces états donneront de grandes lumières, et les premières bases sûres pour appré ier dans le royaume, et la proportion des pauvres, et le besoin ne secours publics. Le comité continue l’extrait qu’il eu a déjà commencé ; et si le zèle des municipalités permet de le compléter, il mettra dans un tableau général, sous les yeux de l’Assemblée, les différents résultats qu’ils auront présentés, et qui s’annoncent déjà d’une manière très satisfaisante. (10) Si l’on prenait pour base les calculs donnés par M. Neckcr, la proportion des pauvres habituels que nous adoptons, serait bien évidemment rup forte. D’après ces calculs, la proportion des différents individus secourus dans les hôpitaux, sur un total de cent à cent cinq mille, est dequarante mille enfants, quarante mille infL mes ou vieillards et de vingt à vingt-cinq mille malades. Le nombre des enfants dans ce cdcul, ainsi que celui des infirmes et des vieillards, n’e-t donc que le douille de celui des malades : mais sur un nombre d’hommes dét< rminé, la proportion ordinaire des malades étant d’environ un vingiiè ne, le nombre des enfants ne serait donc que de deux vingtièmes, et celui des infirmes -et des vieillards aussi de deux vingtièmes seulement du nombre total des pauvres ; ce qui donnerait de pauvres valides en état de gagner leur vie, seize vingtièmes ou au moins quinze vingtièmes, en retranchant le vingtième donné par les malades. Alors ce serait les trois quarts des pauvres qui seraient en état de gagner leur vie, et un quart seulement qui, n’ayant pas la faculté d’y pourvoir, formerait la classe de ceux qui exigeraient des secours habituels; en fixant à moitié la proportion de ces derniers, nous forçons donc bien évidemment les calculs. Dans celui de M. Necker, d’ailleurs, cette classe de pauvres n’est portée qu’à quatre-vingt mille individus, moitié enta ts, moitié infirmes et vieillards ; et dans notre estimation, elle monterait à cent co q mille; d’où il est probable que ce calcul se rapproche beaucoup de la vérité. (11) Dans les comptes du bureau de charité de la ville du Mans, sur quatre mille pauvi es environ, on trouve en hommes seuls sept cent cinq individus, sur huit cent vingt et un, en état de travailler. En suivant la même proportion pour les femmes, elle devait être de neuf cent soixante-dix-sept, sur les onze cent vingt-sept qu’on y comptait. Sur les deux mille quatre-vingt-dix-sept enfants, d’ailleurs, on en comptait tes trois quarts, c’est-à-dire sept cents capables également de s’occuper; ce qui donnait, sur les quatre mille quarante-cinq pauvres, deux mille trois cent quatre-vingt-drux individus, et dès lors, plus de moitié, en état de pourvoir à leur subsistance. Le même résultat était établi par le calcul du produit de leur travail; ainsi, celui des hommes, évalué d’après des tarifs très modérés, fut es-483 timé à 107,000 livres; des femmes et des enfants à 8(3,000 livres; total à 193,000 livres; et l’état des besoins de ces pauvres, ou la somme de dépense qui leur é'ait jugée nécessaire, ayant été évaluée à 2)2,000 livres, le produit de leur travail en formait ainsi les deux tiers, ou au moins beaucoup plus de la moitié. Dans l’état numératif déjà cité des pauvres de la généralité d’Alençon, le nombre des individus donné par les familles des pauvres valides, est des deux tiers delà totalité des pauvres, et dès 1 ms double de celui des pauvres par l’effet de 1 âge ou des infirmités; le rapport des premiers aux seconds étant de vingt-quatre mille cent quatre-vingt sept, à huit mille neuf cent quatoize. Dans l’état de la dépense d’Angleterre, pour les pauvres, le résultat, sans être aussi favorable, se rapproche beaucoup au moins des précédents ; ainsi, sur les 48 millions de taxe, pour les secours publics, en calculant d’après les années 1784,1785 et 1786, car elle est aujourd’hui portée plus haut, plus lie vingt sont employés à la subsistance des pauvres entretenus dans les maisons de travail, c’est-à-dire des pauvres valides, et le reste à procurer des secours aux vieillards, aux infirmes, aux femmes en couches, aux enfants : le nombre des pauvres de ces différentes classes parût être estimé aussi d’après le même principe, les premiers étant évalués à cent douze mille, et les seconds à cent quatre-vmgt-quatorz emilie quatre-vingt-neuf. (12) Telle est l’évaluation qui sert de base dans l’administration des troupes et des hôpiiaux militaires où elle n’est portée en temps de paix que du quinzième au vingtième. Dans le plan dissociation d’hôpitaux de Chamousset, cet auteur portait à douze le nombre des personnes attaquées de maladies _ d’un mois sur cent personnes de tout sexe et de tout âge. Ce calcul, soumis à l’examen des médecins les plus céièbresde la capitale, avaû paru fort exagéré, et, suivant eux, ou ne devait pas en compter six : quant aux indispositions ou malades légères, sur le même nombre de personnes, il ne devait pas v en avoir douze qui en fussent attaqué s. Les médecins les plus employés mêmes conviennent que sur trente ou quarante malades, pris dans toutes les classes, iis n’en voient quelquefois pas trois, c’est-à-dire le dixième, attaqués, d’une malad e grave; ce qui alors, en portant même le nombre des malades au dixième du nombre des pauvres, n’en supposerait que le dixième du dixième ou le centième gravement malade; mais les maladies légères, surtout parmi le peuple et dans les campagnes, demandant à peine des secours, ou en exigeant de beaucoup muins considérables que les maladies aiguës, supposer dans notre calcul le viug-tiè ne des pauvres occasionnant la plus forte dépense commune en maladies, c’est porter trop haut notre estimation. Ou peut ajouter que d’après les calculs de M. Necker, le nombre des malades secourus annuellement dans les hôpitaux, étant estime de vingt à vingt-cinq mille, eu le portant, ainsi que nous le proposons, à cinquante mille nous devons être peu éioignésde i’état réel des besoins. (13) La somme de fonds à accorderpar département pour les travaux ou ateliers de secours, devant varier à raisou des temps, des localités, même des malheurs accidentels, nous avo «s dû chercher une base commune, d’après laquelle un put se régler. Eu supposant, toujours d’après nos calculs, cinq cent mille pauvres validesbaüituel-lement à entretenir de travail, pendanttrois mois chaque année, nous avons trouvé qu’en y desti- 484 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1» septembre 1790.] nant une somme de cinq millions, ce qui donne-rait environ 60,000 livres par département, ce secours serait de 40 livres pour les trois mois, et de huit à neuf sous sur le prix de la journée, pour chaque individu. Quelques déchets qu’on éprouve sur le produit des travaux, à quelque intérêt que montent les avances qu'ils exigeront, on ne peut supposer que cette somme n’en offre, et bien au-dela même, la compensation. C’est donc une base satisfaisante que présente ce calcul, et d’après laquelle on sera sûr d’avoir mis les départements en état de fournir du travail aux pauvres, et d’ajouter même à leurs moyens de prospérité générale. (14) Les comptes de l’hospice Saint-Sulpice à Paris, ne portent pas la dépense des malades par jour, au dessus de 17 à 18 sous, et d’après des essais faits dans un autre genre sur la paroisse Saint-Roch, et celle Saint-Séverin, le prix de la journée ne revient pas au delà, en soignant les malades chez eux. En province, ce prix de la journée, dans plusieurs villes, ne paraît pas excéder douze sous. Tel était au moins le taux assez ordinaire, où elle avait été évaluée pour les soldats malades reçus dans les hôpitaux civils, et cette somme sur laquelle, à la vérité, quelques hôpitaux élevaient des réclamations, é*ait assez généralement regardée comme raisonnable et suffisante. D’après un compte très détaillé, adressé au comité, la dépense ne paraît pas excéder cette somme de 12sou8 à l’hôtel-Dieu de Nantes : à Lyon même le nombre des malades reçus dans les dix dernières années (de 1780 à 1789), ayant été de cent cinquante-six mille deux cent soixante-six, et celui des journées de deux millions sept cent quatre-vingt-trois mille quatre cent quatre-vingt-six, la dépense, qui a été de 2,355,826 livres, n’a donné que 16 sous 11 deniersspour prix moyen de la journée. A Chambéry, d’après les comptes de l’hôtel-Dieu,del782 à 1787 inclusivement, le nombre commun des journées ayant été d’environ 9796, le revenu ordinaire de la maison montant à 5000 livres, ne donne que 12 sous au plus pour le prix commun de la journée. ün doit, au reste, observer qu’en portant au vingtième effectif le nombre des malades, on a compris, dans ce calcul, ceux que doit donner la classe des pauvres habituels, qui en forme au moins la moitié, tels que les enfants, les infirmes, les vieillards, et dont la dépense habituelle par jour, déjà portée dans l’article qui les concerne, doit être ici défalquée, ouimputéeen diminution de celles qu’ils occasionnent en maladies. (15) En général, les enfants forment à eux seuls près de moitié dans la classe des pauvres : ou plutôt dans toute population donnée, ils forment déjà cette moitié; ainsi, dans l’indication du nombre d’individus par familles, sur quatre, on compte en France deux enfants : en Angleterre, sur six individus, on en compte quatre. Dans les états numératifs du Roussillon, ci-dessus cités, leur proportion est plus élevée d’un tiers que celle des hommes et des femmes, ou des individus d’un âge fait; dans les calculs du bureau de charité de la ville du Mans, les enfants sont au-dessus de deux mille, sur quatre mille pauvres, savoir : deux mille quatre-vingt-dix-sept enfants sur quatre mille trente-cinq pauvres : ce calcul, il est vrai, était un peu forcé, puisqu’on avait compris dans cette classe tous les jeunes individus non mariés. Mais si les enfants ne font qu’à peu près moitié sur un nombre total de pauvres, ils doivent former bien au delà, si on ne les compare qu’à la classe des infirmes et des vieillards. Cette vérité est évidente, et c’est aussi ce que nous offrent les hôpitaux généraux. A l’hôpital général de Rouen, sur trois mille quatre cent soixante-dix-huit individus, on trouve, en 1784, le nombre des enfants porté à dix-huit cent six, et d’après les comptes de cette année, leur proportion paraît approcher de deux mille six cent vingt-huit, sur quatre mille soixante-trois. A l’hôpital de Douai, on la trouve, sur sept à huit cents individus qu’il contient, de cinq cent vingt contre deux cent cinquante. A l’hôpital général de Saint-Joseph de la Grave à Toulouse, on comptait, au 30 mai dernier, dix-huit cent quatre-vingt-dix-sept enfants sur trois mille cent quatre-vingt-deux individus qui y étaient entretenus, ou dix-huit cent quatre-vingt-dix-sept contre douze cent quatre-vingt-cinq, c’est-à-dire environ un tiers de plus, et l’on doit remarquer que dans ce nombre de trois mille cent quatre-vingt -deux individus étaient compris trois cent dix-huit pauvres, tant mendiants que renfermés au quartier de la Force, qui, étant de la classe des valides, doivent être défalqués de ce calcul dans lequel il ne s’agit que de la proportion des pauvres invalides ou habituels, c’est-à-dire des infirmes et des vieillards. Par cette réduction, la proportion des enfants, dans cet hôpital, se trouve être double de celle de ces derniers. A Nantes, indépendamment des quatre cents enfants trouvés ou orphelins, existant dans l’hôpital qui leur est destiné, on trouve encore deux cent quatre-vingt-huit enfants à l’hôpital général, sur les cinq cent soixante-sept individus qu’il contient. A Paris, le nombre des seuls enfants trouvés élevés et entretenus dans les campagnes, approche de quinze mille, lorsque celui de tous les autres individus, réunis dans les différentes maisons de l’hôpital général, n’est que de dix à douze mille, et dans ce dernier nombre il y a encore une très grande proportion d’enfants compris. L’infériorité de dépense pour les enfants est également avouée et reconnue : ainsi, en Angleterre, dans l’évaluation de la somme que coûterait, dans les hôpitaux, l’entretien d’une famille, on porte de 136 à 180 livres la dépense de l’homme et celle de la femme, et l’on ne porte celle de chacun des quatre enfants qu’on leur suppose, qu’à une somme de 93 livres. Quelques auteurs anglais mêmes l’évaluent encore plus bas ; l’entretien de deux enfants, suivant leur calcul, équivalant à celui d’une personne adulte, et, suivant Smith, l’entretien de quatre enfants, pendant une année, devant être comparé à celui d’un seul homme. Dans l’institut de Bohême, l’enfance consommant moins, les orphelins n’étaient portés que pour une demi-contribution. En France, dans le calcul de la somme qui convient pour la subsistance d’un ménage, ou porte à deux cent quarante livres la dépense du mari et de la femme et celle de trois enfants à 195 livres, ce qui donne 65 livres pour chacun. A l’hôpital des enfants trouvés et orphelins de Nantes, la dépense est évaluée à 80 livres par enfant, ce qui fait de 4 à 5 sous par jour, tandis que celle de l’hôpital général de la même ville, où les enfants font encore plus de moitié des individus, est de 170 livres, ou de 9 à 10 sous par journée. A l’hôpital général de Rouen, la dépense de [Assemblé» national®.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l»r septembre 1790.J 485 tons les individus en masse étant de 120 à 180 livres, pour chacun, celle des enfants n’est portée qu’à soixante-quatre livres. Dans un autre calcul pour le même hôpital, tandis que la dépense pour les pauvres entretenus dans la maison, et parmi lesquels il y a déjà beaucoup d’enfants, est évaluée, d’après la somme entière des revenus, à 143 livres par tête; elle ne l’est déjà plus, en y comprenant la classe des enfants en nourrice dans les campagnes ou en pension dans la ville qu’à 140 livres par individu, et cette dépense, prise pour ces enfants considérés à part, s’abaisse enfin jusqu’à 130 livres. A l’hôpital général de Paris, tandis qu’on trouve à Bicêtre et à la Salpêtrière, où sont renfermés déjà avec beaucoup d’enfants les infirmes et les vieillards des deux sexes, la dépense de la quatrième table, ou de celle des pauvres, est portée de 75 à 79 livres par an, ce qui donne par tête de 4 sous 1 denier à 4 sous 4 deniers; celle de la même table à la Pitié, où il n’y a que des enfants, tous garçons, ne monte qu’à 70 livres 17 sous, ce qui ne donne par jour que 3 sous 10 deniers. Enfin, on sait que l'hôpital des enfants trouvés en entretient un grand nombre dans les campagnes à 40 livres de pension pour l’année, tandis que la dépense des infirmes et des vieillards dans les maisons de Paris, monte à plus de 140 livres. (16) Dans l’état des pauvres du Roussillon, le nombre des femmes est à celui des hommes, dans le rapport de deux mille huit cent quatre-vingt-quinze à deux mille deux cent vingt-quatre; la proportion du nombre des filles parmi les enfants, à celui des garçons, étant comme trois mille quatre cent soixante-sept à trois mille cent soixante-quinze. Dans les comptes du bureau de charité de la ville du Mans, sur quatre mille pauvres, la proportion du nombre des femmes se trouve de onze cent vingt-sept contre huit cent vingt et un, c’est-à-dire d’environ un tiers plus forte. M. deMontlinot croit avoir aussi observé parmi les mendiants le nombre des femmes presque double, ou au moins beaucoup plus fort que celui des hommes. La moindre dépense des femmes est également reconnue; ainsi, dans le calcul de la subsistance d’une famille dans les hôpitaux d’Angleterre, la dépense de l’homme étant estimée à 180 livres, celle de la femme ne l’est qu’à 136. Dans le même calcul pour un ménage en France la dépense de l’homme étant portée à 140 livres, celle d’un mari et d’une femme ne l’est qu’à 240. De même aussi, à l’Hôpital général, nous trouvons à Bicêtre, qui ne contient que des hommes, la dépense des pauvres à la quatrième table, portée à 79 livres 11 sous, et la même pour les femmes, à la Salpêtrière, bornée à 75 livres 13 sous. (17) La moindre dépense des enfants étant la base de ce calcul, nous avons dû chercher à la connaître et comme elle varie à raison de l’âge, du degré de force, et surtout à raison de l’année d’allaitement, nous avons encore dû la considérer sous chacun de ces rapports. Nos recherches nous ont offert les résultats suivants : A la société de la charité maternelle à Paris la dépense de deux ans pour chaque enfant est évaluée à 182 livres; la layette, les secours pour la couche, et les mois de nourrice compris : ceux-ci se payent à raison de 8 livres par mois, ce qui forme 96 livres pour la première année. La deuxième, ils ne sont que de 48 livres, à raison de 4 livres par mois; la layette est évaluée à 20 livres. On ajoute 10 livres pour fournir, soit pendant la couche, soit en différents temps, de petits secours que l’on juge indispensables. La somme totale pour les deux années, est ainsi de 192 livres, ce qui donne, la dépense de la couche comprise, 96 livres par année. On doit remarquer que c’est à Paris où toutes les dépenses sont plus fortes en tout genre, que cet établissement a lieu ; que les secours distribués avec cette dépense sont complets, et que le succès en a été tel, que la mortalité, si considérable sur les enfants de cette espèce, a été restreinte dans les limites de la mortalité ordinaire. A Lyon, où une institution semblable, formée depuis un plus long espace de temps, a obtenu les mêmes succès, la dépense de la première année n’est évaluée, tout compris, qu’à 9 livres par mois, ce qui donne par enfant, pour l’année, 108 livres; en y joignant, pour l’année suivante, une dépense de 48 livres, à raison de 4 livres par mois, c’est pour les deux années une somme totale de 156 livres, qui donne 78 livres pour chacune. Il faut observer que, dans ce calcul, on ne prend que deux années, et qu’en répartissant sur un plus grand nombre la dépense plus forte de la première, on aurait une somme moyenne encore moins considérable. Eu effet, c’est à 4 livres, et même 3 livres par mois, que, dans la deuxième annéeet les suivantes, se trouve réduite la dépense des enfants dans les com ptes de la société maternelle. On trouve cette dépense estimée à ta même somme dans ceux de la société philanthropique à Paris; ce n’est donc qu’à 48 livres et même 36 livres, qu’est évaluée la subsistance ou l’entretien d’un enfant après la première année. Si l’on prend, pour les 15 premières années, la dépense totale d’un enfant, d’après ce calcul, on verra qu’on peut y pourvoir avec une somme modique. Ainsi la première année étant, d’après la société maternelle, de ............ 144 livres. Et celle des 14 autres, à raison de 40 livres chacune, pour prix moyen de ........... . ........... 560 On a pour les quinze année une - ; - somme totale de ............ .... 704 livres. Ce qui donne, pour chacune, environ 47 livres pour Paris. A Lvon, une année moyenne sur 15 ne serait que de" 44 à 45 livres; la première, qui n’est évaluée qu’à 108 livres au lieu de 144 livres, ne faisant monter la dépense totale des 15 années qu’à 668 livres. Tel est aussi le résultat que présentent les enfants trouvés de Paris, dont les pensions dans les campagnes, étant bornées à 40 livres, ne doivent pas porter la dépense pour chacune des 15 premières années au delà de la première ou de la deuxième des sommes ci-dessus, si l’on répartit sur ces quinze années la dépense plus forte de la première ; on doit remarquer, à ce sujet, que cette dépense de la première année, à raison de 7 livres par mois, ne monte, pour les mois de nourrice, qu’à 84 livres, ce qui, avec le prix de la layette, estimée à 20 livres, ne forme qu’un total de 104 livres. Sur ce prix de 40 livres de pension, pour les enfants qui ont passé l’année de l’allaitement, on peut citer encore de nouveaux exemples. A Postdam, les enfants orphelins sont placés chez des cultivateurs à 8 écus de pension d’abord, à 6 écus ensuite, et la pension cesse enfin, quand ils ont atteint l’âge de 15 à 16 ans. 486 {Assemblé» satienale.] A l’hôpital général de Toulouse, déjà cité, les enfants sont placés dans les campagnes, moyennant une pension de 3 livres par mois, non compris le vestiaire, jusqu’à 14 ans; passé cet âge, on ne donne plus que le vestiaire; à 16 ans, ils cessent d’être à la charge de l’hôpital. Au bureau de charité de la ville de Château-roux, les enfants trouvés étaient remis à des nourrices de campagne, à la fourniture près de la layette, dmit l’entretien encore était à leur charge; les mois de nourriture, à raison de 6 livres, ne faisaient montr la dépense de la première année qu’à 72 livres; les autres étaient payées jusqu’à sept ans, à raison de 5 livres 10 sous nar mois. A cette époque de s-ptans, ou engageait c�ux qui s’en étaient chargés à les garder jusqu’au moment où on les mettrait en liberté, et Ton faisait un léger sacrifice, proportionné à la duree du temps. Dans plusieurs des dépôts de mendicité du royaume, et l’on peut plus particulièrement citer ceux d’Alençon, Lyon et Soissons, les enfants sont placés chez des gens de la campagne, au moyen d’une faible pension qui diminue en proportion des forces qu’ils acquièrent, et qui cesse enfin d’ètre payée lorsqu’ils sont en état de gagner leur vie, c’est-à-dire à 12, 13 ou 14 ans. Les pensions de ces enfants n’ont jamais excédé 4 livres par mois ; le p'us souvent elles ne sont portées qu’à 40 sous ou 3 livres, même pour les premières années, et il arrive souvent que les gens de la campagne viennent demander de ces enfants et consentent à se charger de les élever gratuitement. Mais la df pense des enfants ne surpassant pas pour l’ordinaire 40 livres, si leur nombre, dans la classe que nous considérons ici, l’emporte beaucoup sur celui des infirmes et des vieillards, on voit quelle latitude on a pris, en calculant la dépense de tous indistinctement à 100 livres par tête; plusieurs exemples nous ont paru à cet égard très concluants. M. de Muntlmot, en proposant des pensions pour la classe des vieillards, les porte pour ceux que des infirmités privent de tout moyen de travailler, à 180 livres, et à 72 livres pour ceux qui pourraient encore se, livrer à des travaux passagers, en y ajoutant toutes les années, 15 livres pour le vêtement. Ce serait ainsi, pour ces derniers, 87 livres. Ces deux sommes réunies donneraient un total de 269 livres, et pour dépense moyenne, 134 livres 10 sous. Si L’on y joint deux enfants à 40 livres chacun, donnant pour les deux 80 livres, cette somme ajoutée aux 260 livres formerait une somme totale de 349 livres, laquelle, divisée par 4, donnerait par individu 84 livres 10 sous. On néglige ici la différence des sexes qui, à raison de la moindre dépense dos femmes, aimi que nous l’avons fait observer ci-devant, pourrait abaisser encore ce calcul. On ne porte d’ailleurs la proportion des enfants qu’à un nombre égal à celui des infirmes et des vieillards, quoique les détails précédents annoncent qu’il surpasse beaucoup ce dernier: mais même en négligeant ces avantages, on voit qu’à raison de la faible dépense des entants et de leur grand nombre, la subsistance des pauvres de la classe de ceux qu’ou nomme invalides ou habituels, peut être calculée au-dessous de 100 livres. A l’hôpital de la Grave de Toulouse, le nombre des individus étant le plus constamment de deux mille, sans y comprendre les mendiants à (1" septembre 119®.] la charge du roi, la dépense d’absolu nécessaire ne monte qu’à 140,000 livr -s, ce qui donne alors 70 livres environ par individu, et l'on observe que c’est au moyeu du parti que l’on a pris de placer à la campagne les enfants qui y forment les deux tiers du nombre total des pauvres, que l’on a pu, avec ce revenu, faire face à la dépense, A l’hôpital général de Rouen, le nombre des pauvres secouru� ayant été, d’après le dernierétat de quatre mille soixante-trois, dont quinze cent quatre-vingt-six enfants placés hors m l’hôpital, mais à sa charge, et deux mille quatre cent soixante-dix-sept individus dans la maison, parmi lesquels étaient encore beaucoup d’enfants, on trouve sur 463,850 livres de dépense totale : 54,642 livres employées pour les premiers, ce qui donne de 34 à 36 livres par individu, et le reste de la somme employée à l’intérieur, montant à plus de 400,000 livres ; c’est à raison des deux mille quatre cent soixante-dix-sept individus, une dépense, par pauvre, de plus de 160 livres; en divisant la dépense totale par le nombre des quatre mille soixante-trois individus réunis, elle donne, àraison de la moindre dépense desenfants, une somme moyenne de 120 livres par tête. D’après un état des revenus et dépenses de tous les hôpitaux du rcymme, et du nombre des pauvres qui y étaient entretenus en 1752, la nourri’ure et l’entretien des soixante-treize mille huilcent quatre-vingt douze individusqui y étaient secourus, s’élevaient à une somme de 5,846,810 livres, ce qui, donnant à peu près 4 mus 3 deniers par jour, revenait par tête à 76 livres ou 77 environ de dépense annuelle. La nourriture et l’entretien étant calculés à part dans cet état, pour chaque classe de pauvres, on la trouve de 1 ,530,034 livres pour 19,312 valides, ce qui donne alors de 70 à 80 livres. La dépense étant de 3,844,000 livres pour trente-sept mille quarante-deux pauvres invalides, c’est, par individu, un peu plus de 90 livres. Les enfants, au nombre de dix-sept mille cinq cent trente-huit, ayant occasionné une dépense de 831,976 livres, c’est de 40 à 50 livres pour chacun. Ainsi, la nourriture et l’entretien des valides s’élevant de soixante-dix à quatre-vingts livres, celle des invalides à plus de 90 livres, c’était à raison de la moindre dépense et du grand nombre d’enfanis que la dépense moyenne se trouvait réduite à 76 livres, la proportion des enfants se trouvant à peu près égale à celle des valides, et leur entretien n’étant pas évalué à plus de 40 ou 50 livres pour chacun. On peut remarquer sur cet état, en passant, que ce n’est qu’en comptant ce qui concerne immédiatement la dépense propre et personnelle du pauvre, qu’on ne la trouve s’élever, pour somme moyenne, qu’à 76 livres. En ajoutant à cette somme, ainsi qu’on le marque sur le tableau, les appointements, la nourriture, lus gages des domestiques et employés, les réparations des bâtiments,' les charges payées pour chaque maison, Rachat des matières pour le travail des pauvres, toutes dépenses amenées par le régime si peu économiquedes hôpitaux, la dépense totale s’élève à 9,309,432 livres, ce qui donne pour les soixante-treize mille huit cent quatre-vingt-douze pauvres, de 120 à 130 livres de dépense annuelle. Toutefois, cette somme comprenant les charges attachées aux revenus, en les défalquant ainsi qu’il convient, on ne trouve plus qu’une somme de sept millions trois à quatre cent mille livres, ce qui, pour soixante-treize mille pauvres, n’élève ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l** septembre 1190.) 487 la dépense qu’à 100 livres par individu , les enfants compris. Mais il est, d'ailleurs, des preuves positives que cette somme est plus que suffisante pour ia dépense du pauvre, et ces preuves se tirent du calcul de la somme réputée nécessaire dans la classe du peuple pour la subsistance d’un ménage. Ainsi, en Angleterre, où le peuple est accoutumé à une sorte d’aisance, on évalue la dépense d’une famille entière, subsistant par elle-même, et composée du mari, de la femme et de quatre enfants, à une somme de 586 livres, ce qui ne donne pas 100 livre* par tête. En E osse, la même famille subsistant avec 369 livres, ce n’est , par individu, qu’envirou 60 livres. En France, on évalue la dépense d’une famille où il n’y a que trois enfants, formant ainsi cinq individus, à 435 livres, ce qui ne donne que 80 à 90 livres pour chacun. En Bohême, quatre kreutzersà la campagne et huit à la ville, quoique sévèrement mesurés sur les besoins indispensables, étant regardés comme suffisants pour pourvoir à la subsistance nécessaire par individu, on a, dans un pareil n énage, une somme de dépense encore moins forte. Ainsi les quatre krcu'zers donnant, en noire monnaie, 3 sous par jour, ou 4 livres dix sous par mois, et 54 livres par an, on a pour le mari et la femme, 108 livres. La subsistance des enfants n’étant évaluée qu’à la moitié de celle d’une personne a mite, on a, pour deux, à ajouter 54 livres, et pour un troisième 27 livres, to>al 189 livres, qui, divisées par cinq individus, donnent 38 livres par tête. La dépense à ia vide émut évaluée à huit kreutzers, c’est alors 6 sous par jour; par mois 9 livres, et par an 108 livres, pour deux enfants 108 libres, et pour le troisième 54 livres, total 378 livres, et par individu 76 livres. Les résultats de plusieurs établissements, formés en France pour secourir les malheureux, sont conformes aux précédents. Ainsi, à Paris, où l’extrême cherté de la vie doit occasionner une dépense beaucoup plus forte, la société philanthropique a secouru, depuis plusieurs années, pour une somme à peu près semblable, un grand nombre d’individus pris dans les trois classes de l’espèce de pauvres dont nous nous occupons ici. En 1 j 87 , le nombre des individus secourus était de 824, et la dépense ayant été de 78 à 90,000 livres, on a à peu près 100 livres par individu. En 1788,1e nombre des individus fut de quinze cent sept, la dépense de 112,2 »4 livres, le résultat était de 70 à 75 livres pour chacun. En 1789, la dépense pour douze cents individus avant été d • 121,504 livres, c’est assez juste 100 livres par tête. Enlin, la dépense arrêtée pour 1790 étant de 130,984 livres, elle donnait, pour douze cent quatre pauvres, de 100 à 105 livres à répartir à chacun. On doit observer que dans le nombre des malheureux soutenus par ces secours, il n’y en avait aucun qui n’eût eu des droits pour être admis dans les hôpitaux généraux. Une société sembable s’étant formée depuis quelques années à Orléans, on a comparé la dépense pour les pauvres dans ces deux villes. On a reconnu queja société philanthropique de Paris, avec 44,784 livres , avait nourri quatre cent vingt-quatre pauvres, ce qui fait pour chacun 105 livres 12 sous 5 deniers 23/106. A Orléans, le même nombre de pauvres n’aurait coûté que 31,680 livres, ce qui aurait fait pour chacun 74 livres 4 sous 11 deniers 11/101. Dans les com les publiés par la société philanthropique de cette ville, sont portés pour chaque trimestre deux genres de pauvres ou d’individus secourus, les pauvres habituels, tels que les vieillards, les infirmes et les enfants, et de plus les femmes en couches, auxquelles il n’est accordé que des secours passagers ou du moment. En prenant l’année 1787, qui est entière, on trouve, pour la première classe d’individus, 305 pauvres, auxquels il faut ajouter 160 femmes secourues dans leurs couches, à raison de quarante pour chaque trimestre; le nombre total des individus secourusse trouve être alors de 465, lesquels, à raison de 18,632 livres de dépense totale, donnent par individu 40 livres. Mais les secours aux femmes en couches étant passagers, et dès lors d’un genre très différent des secours habituels, les seuls dont nous nous occupions ici; donnant, de plus, beaucoup d’individus secourus pour une faible somme, il paraît à propos de les séparer de l’autre classe. Leur nombre étant de cent soixante, à raison de quarante par chaque irimestre, et leur dépense de 15 livres à raison de quatre-vingts dans les six mois d’hiver, et de 12 livres pour pareil nombre dans les six mois d’été, il en résulte une dépense totale de 2, 160 livres. Les 2,160 livres étant retranchées des 18,632 livres totales, il reste 16,472 livres qui, rejeiées sur les trois cent cinq individus restants, ou pauvres habituels, donnent alors pour chacun un pt u moins de 55 livres. On doit remarquer que ce qui ab fisse à ce point la dépense, est la proportion considérable d’enfants à 36 livres. Ces enfants sont au nombre de cent trente-quatre sur trois cent cinq individus, c’est-à-dire de près de moitié. Si l’on sépare encore cette classe d’individus secourus au plus bas prix, ou verra quel sera celui des pauvres d’un entretien plus cher. Les cent trente-quatre enfants, à 36 livres, donnent une dépense de 4,824 livres, laquelle, retranchée des 16,472 livres, la réduit à 11,648 livres. Les cent trente-quatre enfants étant retranchés d s trois cent cinq individus ou pauvres habituels, il en reste d’adultes cent soixante et onze, lesquels cent soixante et onze, à raison de 11,648 livres de dépenses, donnent, pour chacun, au delà de 70 livres de dépense par année. Ces cent soixante et onze individus sont ainsi classés, savoir: 108 infirmes au plu» fort nombre, et 59 octogénaires, tous à 72 livres, et, de plus, quatre nonagénaires à 120 livres, dont le traitement plus fort Ue 48 livres pour chacun, donnant ainsi quatre fois 48 livres, on 192 livtes, à répartir en sus des 72 livres, entrèrent soixante et onze individus, doit porter aiors à près de 74 livres la dépense moyenne, ainsi qu’elle est indiquée ci-dessus. Il faut observer que cette dépense de 74 livres n’est donnée que par les seuls pauvres adultes, infirmes ou vieillards, c’est-à-dire par ceux qui exigent une plus forte dépense, et non par tous les pauvres indistinctement, les enfants compris : cette dernière dépense n’excédant pas 55 livres dans les comptes du bureau de charité de la ville du Mans, la dépense de quatre mille pauvres, d’après un état détaillé de leurs be-oins, ayant été estimée à 258, UÛ0 livres, c’est par tête de 60 à 70 livres de dépense par an, ce qui, pour 488 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l*r septembre 1790.] une famille de cinq individus, à raison de trois enfants, donnerait une somme de 350 livres. D’après les mêmes comptes, les secours en trois années ayant varié pour les quatre mille pauvres, ils se sont élevés à 36,000 livres en 1786 ; ce qui faisait 9 livres par tête; à 45,000 livres en 1787, ce qui donnait 10 livres par tête ; à 55,000 livres en 1788, c’est-à-dire de il à 12 livres par individu, et en 1789, à 60,000 livres, ou à 15 livres par pauvre pour l’année, et l’on assurait qu’avec ces sommes modiques un grand bien avait été opéré. Dans quelques autres états, où l’on a suivi les mêmes vues, le même résultat a paru en être la suite. Ainsi, dans les comptes de Birmingham, cités plus haut, la dépense des pauvres secourus chez eux ne donnait par tête qu’environ 3 livres sterling 3 sous, ou de 72 à 80 livres. Ainsi, dans un compte des députations de charité de Madrid, pour les mois de janvier, février et mars 1787, on annonçait que des secours ayant été fournis à sept mille trois cent trente pauvres, la dépense s'était élevée à 159,880 réaux, ce qui, en supposant la plus grande valeur, équivaudrait à 80 livres de notre monnaie, et donnerait, à 11 livres par quartier, une somme de 44 livres par tête pour l’année. Les secours avaient été ainsi distribués : on avait payé les loyers à cent sept pauvres, et fourni des vêtements à deux cent cinquante-deux ; six cent quatre-vingt-deux journaliers avaient été soulagés pendant tout le temps qu’ils avaient manqué de travail ; onze cent quatorze avaient été soignés et pourvus de remèdes; trois mille quatre cent quatre-vingt-dix-neuf pauvres honteux avaient reçu des aumônes secrètes ; on avait de plus recueilli dans les écoles cinq cent dix-sept garçons et douze cent cinquante filles. Dans l’institut de Bohême, les secours étant aussi donnés à domicile, on estimait à 75,000 florins le capital de la somme nécessaire pour donner seulement la demi-portion à cinq cents pauvres. Ces 75,000 florins évalués en notre monnaie, ne formant qu’une somme de 170,000 livres en capital, lequel, au denier vingt, ne donnerait au plus que 8,500 livres de revenu, c’était, à raison de cinq cents pauvres, 17 livres par tête, pour la demi-portion, et 38 livres pour la portion entière. On la trouve toutefois évaluée plus haut, dans cet institut, pour les secours mêmes à domiciles. Elle était composée ainsi qu’il suit, par semaine : on avait établi qu’un nomme avait besoin pour sa subsistance d’une livre de pain par jour (poids de la Basse-Autriche), qu’il lui fallait de plus, en farine ou légumes, un seidel et un septième ou quelque chose de plus : et pour le logement, le feu, le sel et autres menus besoins, d’après la plus légère estimation, un kreutzer par jour. Ainsi, pour la semaine, la portion entière était: en argent, 7 kreutzers, pain 7 livres, farines ou légumes 8 seidels. Le kreutzer étant estimé 3 liards, ce serait en notre monnaie: 1° en argent, 5 sous 9 deniers; 2° la livre de pain étant évaluée à un krêutzer et demi, ou un sou 3 deniers, ce serait en pain 9 sous; 3° la farine ou les légumes étant évalués à trois penings (ou a 3 liards et une fraction) donnent 6 livres; en tout, pour la semaine, 1 livre 3 deniers, ce qui donnerait par jour un peu moins de 3 sous, et par an, à raison de cinquante-deux semaines, de 50 à 52 livres pour les individus supposés à la portion entière. En comprenant cette dépense plus forte par celle des enfants, qu’on n’évaluait qu’à une demi-part, on voit que la dépense totale ne pouvait pas excéder la dépense moyenne, évaluée, d’après l’estimation ci-dessus, à 38 livres. Un calcul que l’on trouve dans l’ouvrage même donne la preuve de cette vérité ; ainsi, en 1781, le nombre des individus assistés, tout âge compris, étant de cinq cent quarante-six, dont à la portion entière 212, à mi-portion 238, au quart 96, on a, en évaluant la dépense à 50 livres : 1° à raison des deux cent douze, à 50 livres ou à portion entière, 10,600 livres ; 2° à raison de deux cent trente-huit, à 25 livres, ou à mi-portion, 5,950 livres ; 3° et pour les quatre-vingt-seize, à 12 livres, 'ou au quart 1,150 livres ; total 17,702 livres, qui, divisées par cinq cent quarante-six, nombre des pauvres donne pour chacun à peu près 32 livres. Le projet d’un établissement ou hospice d’incurables, dans chaque chef-lieu des districts, devant aussi faire partie de cet institut, pour y ad-mettrequinze à vingt pauvres, on regardait un revenu de 800 florins commeétant nécessaire. Cette somme, à raison de 40 sols le florin, équivalant à celle de 18 livres de notre monnaie, c’était à 80 ou 90 livres qu’était évaluée la dépense de chaque pauvre, les frais d’établissement compris. Cet institut, d’abord formé dans les campagnes, ayant ensuite été admis par les soins de l’empereur dans la capitale et dans plusieurs aulres villes de la Bohème, on y trouva un exemple de la différence qui devait en résulter dans la dépense. Les secours à la campagne évalués de 50 à 52 livres, furenttaxésà la ville etdans les faubourgs, à huit kreutzers, ce qui, donnant 6 sols par jour, et 9 livres par mois, portait à 108 livres la dépense de chaque individu par an, à la portion entière. En y supposant, comme dans le calcul pour les campagnes, cinq cent quarante-six individus assistés, dont à la portion entière 212, à mi-por-tion 238, au quart 96, on a, en évaluant la dépense à 108 livres : l°à raison des deux cent douze individus à cent huit livres ou à la portion entière, 22,896 livres ; 2° à raison des deux cent trente-huit à 54 livres ou à demi-portion, 12,852 livres; 3° à raison de quatre-vingt-seize, à 27 livres ou au quart, 2,592 livres; total 38,340 livres qui, divisées par cinq cent quarante-six, nombre des pauvres, donnent pour chacun 70 livres. (17 bis) C’est un des grands vices deshôpitaux, de ne point subdiviser les secours en raison de l’assistance plus ou moins partielle qui peut suffire aux pauvres. Cet avantage existe dans les distributions de secours à domicile, et il y produit un bien inappréciable. Ainsi, l’homme qui, avec le produit de deux heures de travail de plus par jour qu’il n’en peut faire à raison de son âge, de ses infirmités, ou de toute autre cause, se trouverait au niveau de ses besoins, peut-être, en lui suppléant ce produit, complètement secouru par une faible somme. Si, au lieu d’assister ce pauvre chez lui, on le place à l’hôpital, alors il faut pourvoir à sa subsistance entière. Cette subdivision proportionnelle de secours en raison des besoins, praticable seulement dans l'assistance des pauvres à domicile, explique la différence si grande de dépense entre les hôpitaux et ce genre de secours ; elle fait connaître comment, avec de si faibles sommes, le bureaux de charité, les sociétés philanthropiques ont pu produire le bien que, dans plusieurs de ces établissements, ils ont opérés ; et comment des secours, évalués à une faible sommepour dépense moyenne, peuventcependant suffire à tous les besoins. D’après les différents essais et établissements que nous avons pu réunir, {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l»r septembre 1790.} 480 nous avons recherché dans quelle proportion cette subdivision de secours pouvait avoir lieu ; et nous avons cru reconnaître que c’était dans celle de deux cinquièmes de pauvres ayant besoin de secours complets, de deux autres cinquièmes n’en exigeant que moitié, et d’uu cinquième auquel un quart peut suffire. En appliquant ces principes à la dépense des pauvres habituels, nous avons trouvé les résultats suivants. En fixant la dépense moyenne des cinq cent mille pauvres habituels à 60 livres, on a une somme de 30 millions à répartir entre eux. En ne comptant les enfants que pour moitié dans ce nombre, c’est deux cent cinquante mille enfants, et deux cent cinquante mille infirmes ou vieillards. La dépense moyenne des enfants étant bornée à 40 livres, cequin’emploieque dix millions, il reste pour les deux cent cinquante mille vieillards ou infirmes, vingt millions : ce qui donne de dépense moyenne pour eux 80 livres. Gela posé, si des deux cent cinquante mille enfants, on en suppose un cinquième seulement ou cinquante mille dans les villes, et les quatre autres cinquièmes ou deux cent mille dans les campagnes, en bornant à 35 livres la dépense moyenne de ces derniers, ils emploient 7 millions sur les dix absorbés par la dépense des enfants, et il en reste trois pour les cinquante mille enfants des villes, dounant pour chacun 80 livres de dépense moyenne. En admettant que de ces cinquante mille enfants il y en ait deux cinquièmes à la pension entière, deux cinquièmes à la demi-pension, et un cinquième seulement au quart, la pension entière peut être alors portée pour les enfants, dans les villes, à 96 livres. Les deux cinquièmes ouïes vingt mille à 96 liv. donnent 1,920,000 livres, les deux cinquièmes ou les vingt mille à 48 livres 960,000 livres, et le dernier cinquième ou les dix mille à 24 livres 240,000 livres, total 3,120,000 livres. Les deux cent mille enfants des campagnes à 35 livres de dépense moyenne, étant divisés de même en deux cinquièmes à la pension entière, deux cinquièmes à la demi-pension, et un cinquième au quart, on peut porter pour eux la pension entière à 60 livres. Les quatre-vingt mille ou les deux cinquièmes à 60 livres, donnant 4.800,000 livres, les quatre-vingt mille ou les deux cinquièmes à 30 livres 2,400,000 livres, et les quarante mille ou le dernier cinquième à 15 livres, 600,000 livres, total 7,800,000 livres. Si, par le même procédé, des deux cent cinquante mille infirmes ou vieillards, employant 20 millions à 80 livres de dépense moyenne, on en suppose un cinquième seulement ou cinquante mille dans les villes, et les quatre autres cinquièmes ou deux cent mille dans les campagnes, en bornant à 75 livres la dépense moyenne de ces derniers; ils absorbent 15,000,000 livres sur les millions employés pour la dépense des infirmes et des vieillards, et il en reste 5 pour les cinquante mille infirmes et vieillards des villes, donnant pour chacun 100 livres de dépense moyenne. Dès lors, de ces cinquante mille individus, deux cinquièmes étant à la pension entière, deux cinquièmes à la demi-pension, et un cinquième au quart, la pension entière peut être portée pour eux dans les villes à 160 livres. Les vingt mille pauvres à 160 livres, emportant 3,200,000 livres ; les vingt mille à 80 livres, 1,600,000; les dix mille à 40 livres, 1400, 000 livres: total : 5,200,000 livres, Les vingt mille pauvres des campagnes à 75 liv. de dépense moyenne étant de même divisés, la portion entière peutêtre portée, pour eux.'! 120 liv. Les 80,000 à 120 livres don aut 9,600,000 livres, les 80,000 à 60 livres 4,800,000, les 49,000 à 30 liv. 1,200,000; total: 15,600,000 livres. Ainsi, à raison de la proportion différente des pauvres, et de la différence de leur dépense entre les villes et les campagnes ; à raison de la différente part qu’ils doivent avoir aux secours publics, et de la différence de dépense des enfants, des infirmes et des vieillards, on voit qu’en portant à 40 livres la dépense moyenne pour les enfants, ce qui donne pour les infirmes et les vieillards 80 livres, la part entière de secours peut être portée, pour les premiers, de 60 à 90 livres, et de 120 à 160 livres pour les derniers. En reversant sur ces dernières pensions ce que toutes ces sommes peuvent offrir de trop considérable, à raison de la vie moins chère dans certaines provinces que dans d’au très, on trouvera que le maximum des pensions ou parts entières peut être porté plus haut encore que nous ne l’indiquons. Si, en négligeant l’avantage qui doit résulter de la dépense moindre des enfants que des infirmes etdes vieillards, on ne sépare pas ces deux classes en calculant la dépense pour tous, on a, avec 30 millions et cinq cent mille individus, 60 livres de dépense moyenne. En bornant alors seulement à 55 livres la dépense pour les quatre cinquièmes des pauvres, qu’on suppose dans les campagnes, ce qui emploie 22 millions, ilreste pour les cent mille pauvres d--s villes 8 millions; ce qui donne 80 livres de dépense moyenne pour chacun d’eux. En admettant que de ces cent mille pauvres les enfants étant portés alors au même faux que les infirmesetles vieillards, ily enaitdeux cinquièmes à la pension entière, deux cinquièmes à la demi-pension et un cinquième seulement au quart, la pension entière peut y être alors portée de 130 à 140 livres, les quarante mille pauvres delà première classe absorbant 5 millions, les quarante mille de la seconde, 2 millions, et les vingt mille de la dernière classe, environ 1 million. Les quatre cent mille pauvres des campagnes, à 55 livres de dépense moyenne, étant partagés de même en trois classes, la "pension entière peut être, pour eux, portée à 80 livres, cette pension pour deux cinquièmes ou cent soixante mille individus, employant 12 millions, la demi-pensiou pour pareil nombre, 6 millions et les quatre-vingt mille individus restant environ 2 millions. Ces deux sommes de 55 livres de dépense moyenne pour les campagnes et de 80 livres pour la ville, sont conformes à ce que les faits nous offrent de résultats les plus certains. Ainsi c’est à la même somme de 80 livres, et plutôt au-dessous qu’au-dessus, qu’il nous montre la dépense moyenne des pauvres bornée dans les villes. Les comptes de l’hôpital général de Toulouse la portent à 70 livres, et l’état général des hôpitaux du royaume de 1756 à 76 livres : à Orléans, elle est de 55 à 74 livres ; au Mans, de 50 à 70 ; à Birmingham, de 72 à 80 livres ; à Madrid, de 44 livres pour la plus faible somme, et dans l’institut de Bohême, de 70 à 80 livres, toujours pour les villes. Il en est de même de la somme fixée pour les camnagnes. Dans l’institut de Bohème, la pension entière n’est que de 54 livres, et elle se trouve réduite à 38 et même 32 livres pour dépense moyenne. Les calculs de la dépense des ménages parmi le peuple la portent à environ 60 livres en Ecosse, à 38 livres en Bohême et dans plusieurs des villes 4Q0 (Auemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l*r septembre 1790.] citées ci-dessus, où la vie, moins chère, se rapproche le plus de celle des campagnes, ell