[18 janvier 1791-J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 323 des comptes et tous autres dépositaires publics seront lenus de leur communiquer, à toute réquisition, les pièces et renseignements relatifs à la propriété des dîmes inféodées qui seraient en leur pouvoir. (La séance est levée à neuf heures et demie.) veau, je me permettrai encore des observations de détail sur plusieurs articles qui me paraissent contraires à vos principes ou à l’utilité des justiciables. Sur la compétence du juge de paix. Erratum. — « M. Defcrmon. J’ajoute, « Messieurs, que cette pièce n’a pas été si ôt « connue des membres du département d’Ule-et-« Vilaine, qu’ils se sont empressés de la dénon-« cer au tribunal de district; et je suis convaincu « qu’il prendra toutes les mesures pour punir les « auteurs et la distribution de pareilles pièces. « Mais comme il est extrêmement intéressant « que le peuple ne soit pas trompé par de pareil-« les distributions et que le moyen défaire recon-« naître et d'annoncer à la France, etc... » ( Voir même séance page 316, 2e colonne, 6e alinéa.) ANNEXE A LA SÉANCE UE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 18 JANVIER 1791. Nota. — M. Pezous, député de Castres , fit imprimer et distribuer une Opinion sur le pouvoir judiciaire (1) ; celte pièce faisant partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale, nous l’annexons à la séance de ce jour. Messieurs (2), en applaudissant avec l’Assemblée aux principes d’humanité et de liberté, sur lesquels repose le plan qui nous a été soumis par le comité de Constitution du 23 décembre 1789, je crois néanmoins que, dans l’exécution, il y a des changements considérables à faire. Je ne saurais reconnaître l’utilité, ni des tribunaux de département, ni de la Cour suprême de révision ; et dès lors la compétence doit être différemment mesurée. Selon mon opinion, les causes devraient être partagées en trois classes , à raison de la valeur de l'objet : 1° Causes de 100 Jivres et au-dessous ; 2° causes de 2,000 livres et au-dessous; 3° causes excédant 2,000 livres ou dont l’objet est inestimable, comme celles qui tiennent à l’honneur, à la vie des citoyens, ou aux qualités d’époux, père et enfant. Je serais d’avis que les causes de 100 livres et au-dessous commençassent et finissent devant le juge de paix de chaque canton, assisté de ses prud’hommes : que les causes de 200 livres et au-dessous fussent portées en première instance devant le juge de paix, et en dernier ressort au tribunal du district ; et que les causes excédant 2,000 livres ou d’un objet illimité, portées d’abord devant le tribunal du district, ressortissent immédiatement à la Cour supérieure. Je serais d’avis enfin que les fonctions ae la cassation ou revi-vision des jugements fussent attribués à des cours supérieures, voisines de celles qui auraient jugé. Après vous avoir développé cet ensemble nou-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) A la mi-janvier, j’ai été inscrit pour parler sur le rapport fait par le comité de Constitution. Mais, comme la liste de ceux qui me précèdent est fort nombreuse, et que d’ailleurs j’ai l’organe très faible, je fais imprimer mon opinion. L’établissement d’un juge de paix dans chaque canton est un moyen heureux de remédier à la bizarrerie des anciennes divisions de juridiction. Un juge nommé par le peuple, résidant dans le canton, attaché à des fonctions assidues et honorées; devant qui la procédure sera très sommaire et très économique, remplacera plusieurs juges nommés par le roi ou par les seigneurs résidant rarement, sans cesse livrés à d’autres occupations, et distribuant la justice avec lenteur, avec des formalités tortueuses et une grande dépense. Mais il me paraît, Messieurs, que votre comité a trop borné les effets d’une institution aussi utile. Il a très bien discerné les matières sommaires par leur nature ; mais il y a d’autres demandes sommaires par ia valeur de l'objet contesté. Car, eD dernière analyse, la valeur de la chose est la règle la plus générale de son importance. L’ordonnance de 1667 appelle sommaires un grand nombre de matières, pourvu que l’objet n’excède pas 1 ,000 livres. Au Châtelet de Paris, le lieutenant civil est seul juge de ces sortes de causes. 11 me paraît qu’aujourd’hui les causes sommaires peuvent être appréciées plus haut, soit par l’augmentation du numéraire, soit principalement pour l’utilité des justiciables. Répu-te% causes sommaires toutes celles dont l'objet n excède pas 2,000 livres; assurément de pareilles causes doivent être traitées, non avec légèreté, car aucune ne doit l’être ainsi, mais avec brièveté et économie : ces causes intéressent la classe la moins aisée du peuple, pour laquelle les longueurs et les frais deviennent un déni de justice. Dans le plan du comité, ces causes doivent être portées successivement au district et au département, c’est-à-dire subir deux instances réglées avec toutes les formalités des plus grandes affaires. Ce ne serait point simplifier et rapprocher la justice, puisqu’aujourd’hui ces causes, jugées d’abord dans la ville ou le village qui les a vues naître, finissent devant le présidial. Votre comité substitue au juge local le tribunal du district : il substitue au présidial le tribunal de département. Or, ces deux changements éloignent les justiciables de leur domicile. La sentence du juge de paix, rendue de ia manière prescrite par votre comité, pourrait être réformée par le tribunal du district, après une instance d’appel régulièrement instruite. Les juges de paix feraient ainsi les fonctions d’avocats consultés et d 'arbitres, décidant sur les mémoires et sur les discours des parties. Il me paraît encore que le dernier ressort du juge de paix pourrait s’étendre jusqu'à 100 livres. Soyez persuadés, Messieurs, qu’il vaudrait mieux pour le laboureur qui demande 100 livres, les perdre devant le juge de paix, que les gagner après une instance suivie au district. Les faux frais, la perte de son temps, l’abandon de ses productions équivaudront à plus de 100 livres. Gomme nos esprits ne sont pas encore accoutumés à une distribution si simple de la justice, bien des personnes objecteront que la fixation de la compétence du juge de paix jusqu’à 2,000 livres est excessive. Mais je les prie de considérer [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791.] 324 que les juges des villages ont aujourd’hui uu e compétence illimitée : que les affaires y sont gouvernées par des formalistes intéressés à les obscurcir, et très propres à réussir dans ce dessein : que les procédures n’éclaircissent aucune affaire: que l’homme le plus ignorant (levant habile quand il est aiguillonné par son intérêt : que chaque jour les paysans savent expliquer leurs droits à leurs procureurs, à leurs avocats, à leurs experts, à leurs arbitres; et qu’ils les expliqueraient de même à un juge de paix : que ce magistrat dressera un procès-verbal, qui sera un tableau de la cause, plus fidèle sans doute que des écrivailieries de praticien : que le juge de paix sera élu et assisté de prud’hommes élus : que ses décisions, au-dessus de 100 livres, seront sujettes à l’appel; que cet arbitrage , préliminaire aux procès réglés, en étouffera le plus grand nombre, les éclairera tous, et que les erreurs n’en seront point irréparables. Sur les tribunaux de district. Le roi Henri II fixa à 250 livres la compétence des présidiaux en dernier ressort. Le comité vous propose, au bout de 240 ans, après une augmentation aussi considérable dans le prix du marc d’argent et dans le prix de l’industrie, de borner à la même somme la compétence de vos tribunaux de district. Ces tribunaux seront composés de magistrats choisis au scrutin : ils auront un ressort plus étendu que le comité ne l’avait pensé, puisqu’il avait proposé neuf districts par departement, que vous avez permis de n’en faire que ti ois, et que la plupart des départements en ont sagement fixé le nombre à cinq ou six. St les tribunaux de district n’ont pas la compétence actuelle des présidiaux, vous aurez éloigné la justice des justiciables : car il y avait beaucoup plus deprésidiaux, qu’il n’y aura de départements. Pour multiplier les garants d’une bonne distribution de la justice, il est facile de porter jusqu’à sept le nombre déjugés de district, et d’exiger que cinq juges concourent à toutes les sentences, comme le �comité l’exige dans les; tribunaux de déparlement. Sur les tribunaux de département. Ces sortes de tribunaux, tels qu’ils ont été conçus par le comité de Constitution, ne seraient commodes ni pour le département, ni pour les districts. Ils seraient placés dans une des principales villes du département, qui rarement se trouvera au centre. Les habitants de tous les cantons, éloignés souvent de quinze ou vingt lieues, seront obligés de s’y rendre pour toute cause excédant 250 livres. Un tel déplacement ne sera pas proportionné à la valeur de l’objet. Mais le sort des habitants du district, où sera placé le tribunal de département, sera encore bien plus fâcheux. Tandis que les autres districts trouvent la justice dans l’enceinte du département, les habitants du district où le tribunal de département seia placé seront obligés de sortir du département, et peut-être de parcourir vingt-cinq ou trente lieues, pour toute cause au-dessus de 250 livres; car il peut se faire que les tribunaux de deux ou trois departements contigus soient places à des extrémités opposées. Alois les habitants d’une ville que je suppose considérable, puisqu'elle aura été préférée pour le tribunal, iront chercher au loin des jugements qu’autrefois ils trouvaient dans lerns foyers. Les habitants des quatre-vingt-trois districts, qui auront le tribunal de département, feront des comparaisons peu favorables au nouvel ordre de choses, et votre sagesse leur semblera en défaut. Supprimez donc, Messieurs, du plan de votre comité ce rouage aussi inutile que vicieux ; et q e toute affaire de 2,000 livres ne puisse pas sortir des limites du district. Alors la justice sera rapprochée des justiciables, et vous aurez fidèlement acquitté une des dettes les plus sacrées de la puissance souveraine. Les affaires au-dessus de 2,000 livres ne pouvant pas être regardées comme sommaires, intéressant une classe plus riche de la société, et ayant été jusqu’à présent portées aux parlements, les citoyens ne répugneront pas à les porter devant vos cours supérieures, plus nombreuses c,ue les parlements ne l’étaient; et ils éprouveront encore à cet égard un rapprochement, qui même ne paraîtra pas suffisant aux yeux de tous les membres de cette Assemblée. Sur la Cour suprême de révision , Je vois renaître tous les maux attachés à la juridiction contentieuse du conseil du roi. Sans doute, les magistrats de la Cour suprême, élus par vos suffrages, inspireront plus de confiance que des magistrats nommés arbitrairement; sans doute que vous prescrivez de meilleures règles; mais l’abus n’est pas seulement dans les personnes et dans l’ordre de procéder, il est dans la chose même; il est dans la nécessité où se trouve un citoyen de quitter son domicile, et de venir dans la capitale, à cent cinquante ou deux cents lieues, solliciter ou prévenir unecassation d’arrêt; il est dans l’impuissance où se trouve un citoyen de faire un pareil voyage, soit à cause de sa santé, ou de sa profession, soit à cause de sa pauvreté. Hans les procès criminels, il est encore plus rare que le condamné puisse être transféré, ou qu’il ait des amis assez ardents, ou que, à une aussi grande distance, il puisse faire entendre la vérité qui est étouffée ou déguisée de tant de manières. Les lois existantes ont prescrit la voie de la requête civile qui se plaide devant le tribunal qui a jugé. La requête civile doit être fondée à peu près sur les mêmes moyens qui donnent ouverture à la cassation. Craignez-vous, Messieurs, la prévention que produit un premier jugement dans l’esprit du même tribunal? Ordonnez que les demandes en requête civile et cassation, ainsi que les révisions et évocations, soient portées devant une cour supérieure voisine. Il me paraît que les cours supérieures peuvent exercer les unes sur les autres, mais sans réciprocité entre elles, cette espèce d’autorité. Une telle précaution n’aurait pas suffi peut-être dans l’ancien ordre des choses, parce que les cours supérieures étaient des magistratures héréditaires, qui se mettaient au niveau de la puissance royale. Mais aujourd’hui que les magistrats seront élus; aujourd’hui que ces cours seront exactement subordonnées au pouvoir exécutif suprême; aujourd’hui que des assemblées nationales permanentes exerceront une surveillance continuelle sur toutes les parties de l’administration, et seront toujours pi êtes à écouter les plaintes des citoyens, vous ne devez pas appréhender d’abus d’autorité, ni de connivence coupable. Craignez-vous, Messieurs, de donner trop de pouvoir à ces cours supérieu- (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 janvier 179 l.J 325 res? Mais la Cour de révision, investie de la suprématie du pouvoir judiciabe, ne pourrait-elle pas devenir plus redoutable ? Ne pourrait-elle être un jour funeste à la liberté publique? Je vais tous présenter, Messieurs, une réflexion générale. Pour juger des pians qui vous sont offerts, daignez les comparer à l’ancien état des choses : si la distribution de la justice n’est pas simplifiée et rapprochée , le plan est défectueux : simplifier et rapprocher sont le double but auquel vous devez atteindre, pour que les suffrages des peuples couronnent vos travaux. Il est de votre puissance ' t de votre amour pour l'humanité de délivrer nos villes et nos campagnes du fléau de la chicane; vous savez que dans un pays bien constitué, il faut peu de juges, et que l’accès des tribunaux doit être facile et immédiat pourtoutes les classes des citoyens. Sur l'élection des juges. Le comité a reconnu le principe que c’est au peuple à élire ses juges; et il le prive decedroit. Je conviens que l’élection ne peut pas être immédiate. Mais au moins il est juste de l’attribuer aux élec teurs choisis immédiatement par tous les citoyens actifs. Cependant le comité leur associe, et les administrateurs, et les autres juges, et des avocats. Il est aisé de prévoir que, dans ce corps électoral si compliqué, les électeurs choisis dans les cantons, et qui sont les représentants les plus immédiats du peuple, auront la moindre influence ; et que leurs suffrages seront dirigés par ceux qui ne devraient avoir aucune part à l’élection. Montesqnnu l’a dit il y a longtemps ; le peuple est admirable dans le choix de ses généraux et de ses magistrats. Si les électeurs choisissent seuls, ils s’attacheront aux hommes les plus dignes de prononcer sur le sort de leurs semblables; les administrateurs, les juges, les avocats se livreront aux affections particulières et aux intrigues. Aucune raison ne vous empêche, Messieurs, défaire élire les juges du district par lesélecteurs de son ressort. A l’egard des cours supérieures, si vous jugez qu’il y ait trop de difficultés à rassembler les électeurs de tous les cantons de leur ressort, les magistrats pourraient être élus par les administrateurs des districts, comme plus nombreux et plus rapprochés du peuple que les administrateurs du département. Sur divers autres articles relatifs au juge de paix. Je désirerais qu’il fût exprimé que le juge de paix sera domicilié dans le canton’; que le nombre des prud’hommes fût proportionné à la population de chaque municipalité; que l’assignation devant le juge de paix fût portée, non par le greffier qui ne voudrait pas exercer une fonction que les greffiers dédaignent, mais par un huissier. La présence de la partie qui commence les hostiliiés est dangereuse, sans être utile; il ne faut pas irriter ainsi par le contact les intéiêts ou les passions des hommes, surtout dans le moment de l’attaque. J’adopte avec joie cette institution des bureaux de paix, celle de jurisprudence charitable, et des tribunaux de famille, institution que l’opinion publique sollicite depuis tant d’années; mais il était réservé à l’Assemblée nationale de créer à la fois tous les instruments de la félicité des hommes, et de combler les espérances des publicistes les plus éclairés et des philosophes les plus sensibles et les plus vertueux. Je propose les amendements suivants au plan de votre comité : 1° En ce qui concerne le juge de paix, que ce juge connaisse en dernier ressort jusqu’à la valeur de 100 livres, en se faisant assister de deux prud'hommes; qu’en première instance et aussi avec deux prud’hommes, il puisse connaître de toutes causes personnelles, réelles ou mixtes, qui ont pour objet une valeur de 2,000 livres et au-dessous, estimable suivant les règles de laprésidialité ; que l’assignation soit portée par un huissier seul; que ce juge soit domicilié dans le canton, et que le nombre des prud’hommes choisis par chaque municipalité soit fixé à un prud’homme par vingt citoyens actifs, et pour les nombres rompus, un de plus; 2° En ce qui concerne le tribunal de chaque district, que ce tribunal connaisse en dernier ressort de toutes les causes jugées par le juge de paix, à la charge de l’appel, et en première instance de toutes causes dont l’objet estimable excède 2,000 livres; que le nombre des juges soit porté jusqu’à sept, dont cinq concourent à chaque jugement; et qu’ils soient élus par les électeurs de cantons ; 3° Qu’il n’y ait point de tribunaux de départements ; 4° Que les cours supérieures connaissent directement de l’appel des causes portées en première instance devant les tribunaux de districts; et que les jugesdecescours soientélus par les administrateurs des districts de leur ressort; 5° Qu’il n’y ait point de Cour suprême de révision; 6° Que toutes les fonctions attribuées à cette cour dans le plan de votre comité soient remplies par les cours supérieures, voisines décollés qui auront jugé, ou desquelles on voudra faire évoquer les causes: en conséquence, le décret qui établira les diverses cours supérieures désignera celles qui doivent remplir ces fonctions à l’égard de chacune des autres. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GRÉGOIRE. Séance du mercredi 19 janvier 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille, qui sont adoptés. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Bailly, maire de Paris, par laquelle il annonce l’aliénation faite, le 17 de ce mois, de trois maisons nationales situées dans l’enclos Saint-Martin, la première louée 820 livres, estimée 10,850 I. 8 s., adjugée 19,400 livras; la seconde louée 1,375 livres, estimée 14,666 livres, adjugée 27,200 livres; la troisième louée 1,000 livres, estimée 11,885 liv., adjugée 19,600 livres. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.