534 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 126 juin 1791. J M. le Président. Je crois avoir le droit de juger l’ordre de la parole. Vous m’avez observé que vous m’aviez demandé la parole avant M. Bou-nav, mais M. Bonnay ne l’a obtenue hors de rang, que parce qu’il avait été inculpé et qu’il l’avait demandée pour se justifier, mais dans l’ordre de la parole elle appartient à M. Biauzut, et à vous immédiatement après. M. de La Tour-Man bourg, un des commissaires qui ont accompagné le roi. Lorsque j’ai demandé la parole c’était pour appuyer la motion de M. Goupil, car s’il est ne la justice de l’Assemblée de ne pas prendre une décision trop précipitée, il est aussi de sa boulé de pourvoir au sort d’individus qui peuvent être en danger. 11 peut y avoir des gardes du corps qui préfèrent le roi à la patrie, mais tous ne partagent pas également le même avis. D’après cela, Monsieur le Président, je crains que si le licenciement des gardes du corps est séparé de l’arrestation des 3 personnes qui se sont trouvées arrêtées comme accompagnant la personne du roi, je crains, dis-je, que les autres individus de ce corps ne soient dans un grand danger.- Je demande donc que l’Assemblée prononce aujourd’hui le licenciement des gardes du corps et renvoie au comité pour présenter demain les moyens d’exécution. Je me réserve de demander la parole après pour une motion relative à la commission dont nous avons été chargés. M. Rewbeil. Je demande le licenciement aujourd’hui et le renvoi du mode d’exécution à demain. M. le Président. La proposition faite est celle du licenciement immédiat et du renvoi aux comités militaire et de Constitution pour les mesures d’exécution. (Cette motion est décrétée.) M. de La Tour-llaubourg . Dans le compte très détaillé, très exact que mes collègues ont rendu de notre mission et surtout de la manière dont M. Dumas a fait exécuter les ordres dont nous l’avions chargé, j’ai regretté qu’aucun d’eux n’ait demandé qu’il en soit fait mention au procès-verbal. J’ai été plus à portée que mes collègues de suivre M. Dumas dans ses opérations. Je puis assurer à l’Assemblée que, sans son activité extrême, nous ne serions peut-être pas arrivés ici avant lundi. Je demande donc que l’Assemblée veuille bieu faire dans le procès-verbal une mention honorable de la manière distinguée dont il s’est conduit (Oui! oui! — Applaudissements.) (Cette proposition est décrétée.) M. de Clioiseul-Prasliu fils. Je demande au nom de l’Assemblée que M. le Président soit chargé d’exprimer à MM. les commissaires la reconnaissance de l’Assemblée pour la manière dont ils se sont comportés. (Cette proposition est décrétée.) M. le Président. M. de Beauharnais, notre président, m’a chargé de communiquer à l’Assemblée une mesure qu’il lui semblerait convenable de prendre : ce serait de réserver demain les tribunes aux gardes nationales qui ont accompagné le roi comme cela s’est fait au temps de la Fédération. (Cette motion est adoptée.) La séance est suspendue à dix heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS. Suite de la séance permanente commencée le mardi 21 juin 1791. La séance est reprise le dimanche 26 juin à neuf heures du matin. M. l’abbé Grégoire, ex-président , occupe le fauteuil. M. de La Reveilière-Lepeawx prête le serment décrété le 22 de ce mois. MM. Anselme, maréchal de camp , et La Chiche, brigadier des armées nationales, sont admis à prêter le même serment. Un de MM. les secrétaires fait lecture de la suite du procès-verbal de la séance permanente. M. Rabaud-Saint-Etieune, au nom des comités militaire et de Constitution , propose à l’Assemblée nationale un article additionnel à ceux précédemment décrétés sur la gendarmerie nationale, et ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète que les officiers et cavaliers de la ci-devant maréchaussée inculpés, et contre lesquels il pourrait y avoir lieu à quelque poursuite, sont susceptibles de remplacement dans la gendarmerie nationale, jusqu’à ce que l’Assemblée ait prononcé sur les tribunaux qui doivent juger des délits qui seraient commis par les membres de ce corps. » (Cet article est décrété.) M. Livré. J’ai l’honneur d’informer l’Assemblée que, par suite de la vigilance de la municipalité du Mans, M. de Brézé, grand-maître des cérémonies du roi, a été arrêté jeudi dernier sur les 11 heures du soir avec son épouse, et interrogés sur les motifs de leur voyage. Le directoire du département a expédié de suite un courrier à M. le Président avec une lettre, les procès-verbaux d’arrestation et d’interrogation. Voici la délibération de la municipalité : «... La municipalité, instruitequeM.de Brézé, maître des cérémonies du roi, a été arrêté dans cette ville le mercredi 22 juin, comme n’ayant point de passeport ; considérant que dans la séance royaledu23jum 1789, ledit sieur de Brézé a donné des preuves d’incivisme qui le rendent suspect; que la place qu’il occupe à la cour doit l’avoir mis à portée d’avoir des renseignements sur la fuite du roi, a arrêté qu’il serait mis en état d’arrestation dans la chambre de l’accusateur public. » A cette délibération est joint un interrogatoire, auquel M. de Brézé répond que le mardi mutin, à «il heures seulement, on vint l’éveiller et lui annoncer le départ du roi, en lui conseillant de quitter le château et de se sauver : qu’en conséquence, il prit la route du district de..., où il a un bien de campagne; mais que, d’ailleurs, il ne peut donner aucun renseignement sur la fuite du roi. De tout cela il ne peut résulter le plus léger indice de suspectiori contre M. de Brézé; sou plus grand crime est d’avoir donné des ordres (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 juin 1791.] pour la préparation de la séance du 23 juin 1789. Je demande donc que, conformément au décret qui permet la libre circulation des personnes el des choses dans tout le royaume, M. et Mme de Brézé obtiennent leur liberté. M. Chabroud. Les pièces relatives à cette arrestation ont été remises au comité des rapports. M. Bouche. Les principes sont pour que la liberté soit rendue sur-le-champ à M. de Brézé. M. Livré. Voici le décret que je propose: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des procès-verbaux d’arrestation et d’interrogatoire des sieur et dame de Brézé, par la municipalité de la ville du Mans, département de la Sarthe, les 23 et 24 du présent, décrète que l’arrestation des sieur et dame de Brézé sera levée. » (Ce décret est adopté.) M. de Noailles. Messieurs, vous avez décrété hier le licenciement des gardes du corps et vous en avez renvoyé le mode au comité militaire. 11 se trouve dans leurs quartiers quelques chevaux à l’emploi desquels il faut pourvoir* J’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée de donner ces chevaux au régiment des chasseurs d’Alsace qui marchent à grandes journées \ers les frontières et qui ont tant de fois donné des preuves de leur patriotisme, à la charge par ce régiment de rendre aux autres régiments une pareille quantité de chevaux. Ils ont besoin d’être bien montés pour se porter avec force et rapidité à toutes les attaques qu’ils sont prêts à repousser. ( Murmures à droite.) Les chevaux de l’ancienne gendarmerie ont passé entre les mains des officiers de plusieurs régiments. II y aura bien plus d’avantages à distribuer ceux des gardes du corps aux soldats d’Alsace qui auront à combattre l’ennemi. M. Camus. Je crois voir un inconvénient à cette disposition, et voici pourquoi. Lorsque nous avons parlé des gardes du corps, nous les avons toujours considérés comme appartenant absolument à la liste civile. Or, si une fois vous disposez de leurs chevaux, je crains qu’ensuite on ne vous dise : Vous avez ordonné leur licenciement, il faut maintenant leur accorder des retraites: et c’est le Trésor public qui doit les payer, puisque c’est le Trésor public qui a profité du prix de leurs chevaux : Voilà l’inconvénient. Je crois qu’il serait plus sûr de ne nous mêler en aucune manière des chevaux des gardes du corps, de leur laisser ce qui leur appartient, mais aussi ne leur payer aucune retraite : je demande donc l’estimation des chevaux. M. de Houilles. J’adopte la molion de M. Camus. M. Anson. Je demande que cette motion soit renvoyée au comité militaire pour qu’au moins le rapport du licenciement soit fait avant qu’on dispose des chevaux. (Le renvoi au comité militaire est décrété.) M. Chabroud, ex-président, prend place au fauteuil. M. Gaultier - Biauzat fait lecture d’une 535 adresse de la société des amis de la Constitution de Versailles, qui annonce que tous les citoyens de celte ville sont à leur poste, veillent nuit et jour sur le salut public, et jurent d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, sans qu’ils soient revêtus de la sanction royale. M. le Président fait donner lecture par un de MM. les secrétaires : 1° D’une adresse du département de l’Eure, district, municipalité et garde nationale d’Evreux réunis , qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage de leur fidèle attachement à ses décrets, et l’assurent du maintien de l’ordre et de la tranquillité dans cette ville ; 2° D’une adresse de la société des amis de la Constitution de Provins , qui adhèrent d’avance à tous les décrets de l’Assemblée nationale, persuadés que des députés qui, en 1789, se rassemblèrent dans un Jeu de paume sous les yeux du despotisme armé, ne trembleront point en 1791, où les tyrans fuient dans l’espoir de vaincre; 3° D'une adresse du directoire du département de l’Aisne, qui rend compte des mesures qu’il a prises pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique : il annonce que le 6e régiment de dragons, eu quartier à Laou, s’est empressé de renouveler les preuves de son patriotisme; il réitère le serment de vivre libre ou mourir, et le fait également au nom des administrés du département de l’Aisne, dont le courage et la fermeté seront inébranlables pour le maintien de la Constitution. M. de Cussy donne lecture d’une adresse du conseil général de la commune de Caen , qui, comme tous les Français, s’empresse de se rallier autour de l’Assemblée nationale, et fonde sa confiance sur les représentants de la nation, dont le courage invincible et inébranlable s’accroît par les dangers, et dont le Jeu de paume de Versailles ne fut que le premier témoin. M. Alexandre de Beaukarnais, président , prend place au fauteuil. M. Oiqtort, au nom du comité de Constitution . Il s’agit, Messieurs, de mettre à exécution le décret que vous avez rendu hier. Vous vous rappellerez qu’il ordonne que toutes les personnes qui ont accompagné la famille royale seront mises en état d’arrestation pour être interrogées sans délai. Il porte en même temps que le roi et la reine seront entendus dans leurs déclarations, et qu’il sera procédé ensuite à une information. L’exéculion de ces décrets nous a paru très simple. Les événements qui donnent lieu à cette poursuite sont d’une nature telle que l’information doit être faite par le tribunal de l’arrondissement du lieu où les événements se sont passés. Relativement à l’interrogatoire et à l’audition des témoins, ce sont des commissaires de ce tribunal qui doivent y procéder ; relativement à l’audition du roi et de la reine, nous avons pensé que ce devait être des commissaires pris dans le sein de l’Assemblée nationale qui reçussent les déclarations. (Murmures.) Les motifs du comité, à cet égard, sont d’abord la distinction que vous avez vous-mêmes établie, et qu’il était nécessaire d’établir entre l’interrogatoire de ceux qui ont accompagné le roi, et la déclaration du roi et de la reine. 11 nous a paru ensuite que c’était peut-être répondre à la confiance que le public nous a marquée dans