565 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [7 avril 1790.] 7° Le rachat des droits seigneuriaux qui dépendent du domaine du roi, formant une aliénation, le comité pense qu’il doit s’occuper des moyens d’assurer le recouvrement au profit de l’Etat, des deniers provenant de ces rachats, soit qu’ils s’effectuent vis-à-vis du roi lui-même pour les droits restés en sa possession, soit qu’ils s’effectuent vis-à-vis les princes apanagistes, vis-à-vis les enga-gistes ou autres détenteurs à titre limité ou révocable. Le comité des domaines attend d’ailleurs du comité féodal le projet de loi qui doit fixer le taux du rachat ou du remboursement. 8° Le comité doit examiner la demande des religionnaires fugitifs et de leurs successeurs ou ou ayants cause, et soumettre le résultat de cet examen à l’Assemblée. Le comité, enfin, s’est occupé et s’occupe journellement à expédier les affaires de simple correspondance et celles de rnoinde importance, sur lesquelles l’Assemblée a autorisé ses différents comités à s’expliquer. Fait au comité des domaines, le 7 avril 1790. Signé: PARENT DE Chassy, président; GEOFFROY, Barrère de VIEUZAG, secrétaire. M. Gossin, rapporteur du comité de constitua tion. Messieurs, nous venons vous proposer de distraire du district de Louhans la ci-devant seigneurie de Ghaussin, pour la comprendre dans le district de Dôle. Le bourg de Ghaussin forme enclave dans le district de Dôle ; il n’est éloigné de cette ville que de deux lieues et il est séparé par un intervalle de quinze lieues de la ville de Louhans, chef-lieu du district dans lequel on l’a compris. Cet intervalle ne peut être franchi que par des chemins presque impraticables et même dangereux durant la majeure partie de l’année. D’après ces considérations, nous avons l’honneur de soumettre à votre adoption un projet de décret ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que le bourg de Ghaussin et les paroisses y attenantes, qui composaient le marquisat de ce nom, formant enclave dans le département du Jura, seront annexés à ce département et feront partie du district de Dôle ; « 2° Que l’Assemblée dudépartement de Saône-et-Loire proposera l’indemnité du district de Louhans pour être ensuite décrétée par l’Assemblée nationale ; « 3° Que le présent décret sera incessamment présenté à la sanction du roi, et adressé aux commissaires chargés de3 élections du département du Jura. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. Camus, au nom du comité des pensions, fait un rapport sur une lettre adressée à l’Assemblée nationale , par M. Necker, le 4 avril 1790, au sujet du décret concernant les petites pensions sur la loterie royale. Messieurs, l’Assemblée nationale a prononcé, le 26 mars dernier, deux décrets, par l’un desquels elle a ordonné que les paiements mentionnés en l’état qui avait été lu la veille, et tous autres qui seraient dans des cas semblables, ne pourront être réellement effectués, sous peine, contre ceux qui effectueraient lesdits paiements ou qui les ordonneraient, d’en demeurer responsables. Par son second décret, l’Assemblée a ordonné que les petites pensions accordées précédemment sur la loterie royale, qui se trouvent comprises dans un état remis au comité des pensions, et qui n’excèderont pas la somme de 600 livres, seront payées provisoirement. C’est relativement à ces deux décrets que le premier ministre des finances a écrit à M. le président de l’Assemblée la lettre en date du 4 avril qui a été lue à la séance de lundi. Le premier ministre s'y occupe principalement du second décret, qu’il a fait transcrire en tête de sa lettre ; il parle accidentellement du premier : « Monsieur le Président, « J’ai demandé au comité des pensions l’état dont il est fait mention dans le décret, dont la copie vient d’être transcrite; et j’ai vu que cet état, montant à 150,000 livres, présentait le tableau de toutes les gratifications accordées sous le ministère précédent sur la loterie royale, pour l’année 1788. Le décret de l’Assemblée naticmale donna à ces gratifications le nom de pensions; mais c’est une erreur, ce sont des grâces pour une seule année. Souvent, à la vérité, elles ont été renouvelées l’année suivante aux mêmes personnes, mais souvent aussi elles ne l’ont pas été. Le roi ayant désiré que la dépense pour 1789 fût réduite, autant qu’il serait raisonnablement possible, je me suis livré à un examen très attentif et très détaillé des motifs de chacune de ces gratifications ; et à la suite d’un tel examen, plusieurs, trop considérables, ont été diminuées ; quelques-unes, de simple faveur, ont été supprimées, et un petit nombre de nouvelles ont été accordées. Le total s’est monté à environ 66,009 livres, et cette somme a été divisée entre 200 personnes. Je crois que les règles de la-sagesse et de l’humanité ont été conciliées dans cette distribution. Enfin, aussitôt que ces gratifications ont été réglées et qu’elles se sont trouvées réduites à des secours nécessaires, le paiement en a été ordonné sans aucun retard et il est exécuté depuis longtemps. « Le roi, à qui j’ai rappelé toutes ces circonstances, présume que l’Assemblée nationale n’en avait pas connaissance lorsqu’elle a rendu son décret du 26 mars : ainsi je ne doute point, M. le président, qu’après avoir donné communication de ma lettre à l’Assemblée nationale, ainsi que je vous en prie, elle n’approuve elle-même les raisons qui empêchent Sa Majesté de donner sa sanction au décret dont il est question. La somme épargnée pourra être employée très convenablement à avancer le paiement de plusieurs petites pensions qui appartiennent à des officiers vieux et infirmes, retirés dans leurs provinces, et qui n’ont à Paris aucun défenseur. Sa Majesté m’a ordonné de m’occuper de ce genre d’assistance, et j’ai commencé à le faire avec tout l’inlérêt qu’exige un acte de bienfaisance, si digne des vertus du roi. Il est un autre décret du 26 mars, relatif à des paiements sur la trésorerie de la guerre: j’attends quelques renseignements nécessaires pour prendre les ordres de Sa Majesté, et je suis entré en relation, à ce sujet, avec le président du comité des pensions. J’ai l’honneur d’être avec respect, M. le président, votre, etc. Signé : NECKER. » Paris, le 4 avril 1790. Les dernières lignes de cette lettre sont relatives au premier décret du 26 mars, sur le paiement des sommes comprises dans les états lus à l’Assemblée. 566 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]7 avril 1790.] 11 convient, Messieurs, de vous rendre compte d’abord de l’objet de cette dernière partie de la lettre de M. Necker, parce qu’il n’exige que peu de mots, et parce que d’ailleurs l’exposé de cet objet peut avoir quelque influence sur ce que vous prononcerez relativement au surplus de la lettre de M. Necker. Après le décret qui suspendait les paiements compris dans les états lus à l’Assemblée, M. Necker écrivit le 29 mars au président du comité des pensions, et lui demanda les états. Cette affaire regardait le comité de liquidation ; M. Necker en fut averti, et le secrétaire du comité de liquidation satisfit à sa demande. Cependant le 2 de ce mois, M. Necker, s’adressant au président du comité des pensions, lui envoya les états qu’il avait reçus, avec un rapport de M. Dufresne, directeur du Trésor royal, et la lettre que voici : « Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien jeter un coup d’œil sur le rapport ci-joint, qui m’est fait par M. Dufresne, de l’état relatif au département de la guerre. H résulterait de ce rapport, s’il est exact, comme je le crois, que le décret de l’Assemblée nationale, du 26 mars, porterait sur des paiements dont une partie serait consommée. » Voici, Messieurs, l’analyse du rapport de M. Dufresne. Les deux états donnent un total de 621,5191iv.lOs.Ona compris 451,938 liv. 16 s. 8 d. pour les appointements des gouverneurs pendant l’année 1788. Il est d’usage, pour cet objet, de délivrer, au commencement du mois de juillet, des mandats pour la portion revenant à chaque partie prenante, divisée mois par mois. On se trou ve avoir payé les deux premiers mois 1790, du semestre courant, qui montent à 69,120 liv. 10 s. Il d.: mais il reste dû sur les gouvernements 382,818 liv. 4 s. . 10 d. Dès ce moment on ne paiera certainement rien sur ces 382,818 liv. 4 s. 10 d., mais on ne peut plus revenir sur ce qui est payé. Or, en retirant des 621,519 liv. 10 d. la somme des mandats à rentrer, qui est de 382,818 liv. 4 s. 10 d., il résulte que les paiements réellement faits, sont de 238,700 liv. 16 s. Le décret porte que les paiements mentionnés en l’état ne pourront être réellement effectués ; il y en a pour 238,700 liv. 16 s. de réellement effectués. On a suspendu les autres. Tel est le rapport d’après lequel le premier ministre a cru devoir écrire. La réponse est fort simple. On ne peut pas revenir sur des paiements effectués : une partie de ceux qui sont énoncés dans les états lus à l’Assemblée sont effectués, donc ils doivent être exceptés du décret du 26. Votre décret, Messieurs, semblerait assez clair à cet égard : il porte que les paiements mentionnés en l’état, ne pourront être effectués : ces termes ne pourront être , ne s’appliquent certainement pas à des paiements déjà faits. Quoi qu’il en soit, Messieurs, vous voyez que pour lever toute équivoque, s’il en existe, il n’v a qu’un mot à ajouter à votre décret, il faut dire : les paiements mentionnés en l’état, lesquels n'avaient pas été effectués par un paiement actuel avant le 26 mars, ne pourront être effectués. Il ne faut pas spécifier la somme, ni de ceux qui ont été effectués, ni de ceux qui ne Font pas été, parce que l’Assemblée n’a pas de renseignement authentique à cet égard : seulement elle voudra bien remarquer que, d’après le rapportée M. Dufresne, il a été effectué des paiements jusqu’à la concurrence de 238,700 livres. Tout est donc terminé. Messieurs, sur le premier article, et nous vous prions seulement de ne pas perdre de vue que, suivant la déclaration de M. Dufresne, 238,700 livres ont été délivrés effectivement au département de la guerre, depuis le 1er janvier dernier; et que, pour une autre somme de 382,000 livres, il avait été délivré des mandats, qui, sans votre décret du 26, auraient été acquittés aux époques auxquelles ils étaient fixés; et sur lesquels il était possible, en les négociant, de se procurer des deniers comptants. Le comité passe maintenant, Messieurs, au second objet : c’est-à-dire aux causes pour lesquelles M. Necker annonce que le roi a suspendu la sanction du décret concernant les pensions sur la loterie royale ; et d’abord il faut vous exposer nettement les faits. Après l’établissement du comité des pensions, MM. du comité des finances lui ont remis parin-ventaire, le 19 janvier 1790, les pièces relatives aux pensions. Il se trouvait dans le nombre deux liasses, l’une de huit pièces, concernant l’administration de la loterie royale de finance et les pensions qu’elle supporte; l’autre concernant des actes de bienfaisance assis sur les fonds réservés de la ferme de Port-Louis. Dans la première liasse était un état de paiement sur les fonds de la loterie, certifié par les administrateurs de la loterie, le 16 août 1789, portant l’article et la note que voici: « Secours destiné à la nobless j indigente 150,000 livres. Cette dépense n’est point un objet arrêté et fixe: tous les ans, les ordres de secours sont expédiés pour plus ou moins, et il est possible d’en augmenter ou diminuer le montant. On ne l’a portée ici pour 150,000 livres que parce qu’il avait été arrêté d’employer cette somme cette année. » Dans la même liasse était un état intitulé : Distribution des secours accordés sur les fonds de la loterie royale , arrêtée par le roi le 20 avril 1788. Il montait à 150,000 livres distribuées entre 250 personnes. Le papier qui enveloppait la seconde liasse était intitulé: Fonds réservés pour des actes de bienfaisance. On lisait ensuite: « Ces actes de bienfaisance s’exercent plus particulièrement en faveur de la noblesse pauvre, des familles nombreuses, et des personnes que des circonstances malheureuses rendent susceptibles de cette espèce de secours. 11 a été réservé à cet effet, sur le produit de la loterie royale de France, une somme de 130,000 livres, sur celui de la ferme du Port-Louis, 42,100 livres. La note était datée et signée : à Versailles , le 3 août 1789. Dufresne. Il vous a été distribué, au mois de janvier dernier, un compte général des revenus et des dépenses fixes au premier mai 1789. Une note, imprimée en tête, porte que « depuis le 1er mai, l’administration des finances s’est occupée à perfectionner les divisions, ce qui met quelque différence dans les résultats particuliers, mais qu’il n’y en a point dans le résultat général. Dans ce compte on trouve à la page 172 la même note que vous avez déjà vue, Messieurs, datée du 3 août: Fonds réservés pour des actes de bienfaisance ..., il a été réservé à cet effet, sur le produit de la loterie royale de France, une somme de 130,000 livres. Le comité des pensions a examiné l’état des grâces portées sur la loterie royale. Il a remarqué des articles trop considérables pour être considérés comme aumônes: un article de 3,000 li- 567 [Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] vres, quelques-uns de 2,000 livres. 11 en a remarqué d’autres dont les causes indiquées dans une colonne d’observations, pouvaient faire décider un jour la suppression ; mais une multitude d’autres articles ont profondément affligé la sensibilité : (n° 138) 400 livres à un gentilhomme de Normandie, chargé de 9 enfants et de deux sœurs dont une infirme; (151) 200 livres à la femme d’un officier de maréchaussée chargée de 6 enfants; (173) 300 livres à la veuve d’un gentilhomme chargée de 8 enfants; (193) 600 livres à un ancien officier chargé de 13 enfants; (205) 600 livres au chevalier Bernin, âgé de 108 ans, aveugle et dans la plus complète misère. Le comité était persuadé que ces grâces continuaient à être payées d’après votre décret du 5 janvier, qui, en ordonnant un travail sur la réforme des abus des grâces pécuniaires, avait ordonné que, toute pension inférieure à 3,000 livres, serait payée, pour ce qui en était échu au 31 décembre 1789, et que même à l’égard des septuagénaires on leur paierait jusqu’à concurrence de 12,000 livres, si leur pension s’élevait à cette somme ou au-dessus. Le comité n’a été tiré de l’erreur où il était, et qu’il ne pouvait pas soupçonner, Messieurs, que par les plaintes d’une infinité de personnes indigentes, malheureuses qui, à la fin de février, sont venues, les larmes aux yeux, réclamer la justice de l’Assemblée, et demander à votre comité s’il était donc vrai que l’Assemblée les eût condamnées à mourir de faim, en leur retranchant la modique subsistance à laquelle elles étaient réduites. Leur pauvreté, leur indigence, leur misère, ces malheureuses personnes n’avaient pas besoin de parler pour les faire connaître : mais elles mettaient sous nos yeux les titres d’après lesquels elles avaient compté sur les modiques secours qui leur manquaient subitement, et dont l’assurance les avait empêchées d’aller mendier leur pain. Ces litres étaient des lettres du contrôleur général, portant que le roi avait bien voulu les faire employer sur l’état de la loterie s’il ne s’expédiait point de brevet, mais qu’il fallait renouveler la demande chaque année, dans le mois de lévrier, par une lettre dont la forme était prescrite, et envoyer un certificat de vie (1). (1) Copie de la lettre de M. de Calonne, à madame la maréchale de Beauvau. Paris, 12 mai 1786. « Sur le compte, madame la maréchale, que j’ai rendu au roi, de nos représentations touchant la situation fâcheuse où se trouve madame le Gros, après s’être sacrifiée pour secourir M. le vicomte de Latude, détenu pendant tant d’années à Vincennes, et reconnu innocent, Sa Majesté a bien voulu m’autoriser à comprendre cette dame, pour un secours de 600 livres, dans la distribution du fonds destiné au soulagement de la noblesse. J’ai l’honneur de vous adresser un mandat, au moyen duquel cette somme étant payée à Paris, vous pourrez la faire passer à destination. L’ordre établi dans la distribution exige que cette dame m’en accuse la réception, en mettant à la marge et en tête de sa lettre, Loterie royale. k Comme le fonds dont il s’agit n’est pas susceptible de pensions proprement dites, quoique le secours de 600 livres accordé à votre protégée doive lui être continué tous les ans, il sera nécessaire qu’elle m’écrive dans le mois de février de chaque année, pour renouveler sa demande. « C’est la forme prescrite pour ces sortes de grâces. « 11 faudra aussi qu’elle envoie un mémoire détaillé Ces mêmes personnes nous ajoutaient qu’elles s’étaient présentées en vain plusieurs fois et qu’on leur avait dit que leurs pensions ne subsistaient plus: d’autres avaient écrit, et elles avaient reçu la même réponse. Voici une de ces lettres qui est demeurée, par hasard, en original au comité : elle est adressée à la dame d’Olonde des Hameaux, employée dans l’état (n° 146), pour 300 livres, avec la note suivante : femme d’un gentilhomme de Normandie , dans l'indigence, avec trois enfants , dont un au service. La lettre est datée du 26 février, signée: üufresne, et conçue en ces termes: « Les circonstances difficiles du Trésor royal, Madame, ont déterminé Sa Majesté à y faire verser le fonds qui avait été réservé dans la caisse de la loterie pour des actes de bienfaisance. Cette disposition a été générale et on ne pourrait y faire d’exception sans s’exposer aux réclamations fondées de tous ceux que le même motif a écartés. » Cette lettre est devenue, à ce qu’il paraît circulaire et elle a été envoyée sous différentes dates aux diverses personnes qui réclamaient, elle a été adressée, le 12 mars, à la dame le Gros, une des personnes employées dans l’état de distribution. Vivement ému du sort de ces personnes infortunées, votre comité des pensions cherchait avec ardeur l’occasion de vous mettre sous les yeux l’état misérable de tant de familles: elle s’est présentée le 25 mars et il l’a saisie. La facilité avec laquelle on avait payé au département de la guerre 621,000 livres, tant en argent qu’en mandats, faisait un contraste frappant avec la réserve meurtrière qu’on mettait au paiement de quelques aumônes promises. La motion a été faite de payer ces grâces modiques. Il fallait indiquer un état pour déterminer leur acquit: le comité ne pouvait vous en indiquer d’autre que celui qui avait été envoyé, de l’ordre du ministre, au comité des finances, et que celui-ci lui avait remis. Nous ne vous avons pas dissimulé, Messieurs, que parmi ces grâces, il en était qui excédaient la somme ordinaire des aumônes, et c’est pourquoi nous vous avons proposé d’ordonner le paiement des pensions de 60Ü livres seulement. Nous ne vous avons pas dissimulé que quelques-unes de ces grâces pouvaient n’être que la suite d’abus; et c’est pourquoi nous vous avons proposé de n’ordonner le paiement que par provision. Vous avez accueilli nos propositions, et vous avez prononcé le décret que j’ai déjà eu l’honneur de vous lire en commençant : « Les petites pensions accordées précédemment sur la loterie royale, qui se trouvent comprises en un état remis au comité des pensions, et qui n’excéderont pas la somme de 600 livres, seront payées provisoirement ». Ce décret a été porté à la sanction, et M. Necker vous a présenté, dans sa lettre, les motifs pour lesquels la sanction en était suspendue. Vous avez ordonné le renvoi de la lettre au comité, pour qu’il vous fît part de ses observations. sur sa situation et ses titres aux bienfaits de Sa Majesté en marquant le lieu de sa résidence ordinaire, afin qu'on puisse correspondre avec elle directement, par la suite. « Je suis charmé, Madame, d’avoir pu concourir, en cette occasion, à vos vues de bienfaisance envers cette pauvre dame. « J’ai l’honneur d’être avec respect, Madame, voire très humble et très obéissant serviteur. Signé : de Galonné. » 568 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] La question est de savoir si vous insisterez ou non pour obtenir la sanction de votre décret? Le comité pense que vous devez insister. Vous avez dû rendre le décret que vous avez prononcé, vous devez le maintenir. Vous devez enétendreles dispositions d’après l’état actuel des choses. Vous devez presser leur exécution. I. Vous avez dû rendre le décret du 26 mars. Quels sont les principes généraux, uniformes et constants de votre conduite? Réprimer les abus, faire cesser les déprédations, soulager le peuple, user même de ménagements dans les retranchements que vous êtes obligés de faire subir. Les premiers de ces principes vous sont dictés par la loi impérieuse du devoir : le dernier est l’effet des sentiments d’humanité qui distinguent, entre les autres peuples, les peuples libres; et qui distingueront toujours les Français parmi les autres nations. Votre décret du 4 janvier, au sujet des pensions, est l’expression fidèle de ces principes. Vous y ordonnez qu’il vous sera présenté des règles pour la concession des pensions à venir, pour la réduction des pensions existantes, mais en même temps, vous ordonnez que les pensions échues au 31 décembre 1789, seront payées jusqu’à la valeur de 3,000 livres, pour telle personne que ce soit; jusqu’à 12,000 livres, pour les septuagénaires ; vous fixez au premier juillet prochain, le temps où vos nouvelles règles seront en vigueur; de sorte qu’il n’est pas un pensionnaire qui doive souffrir un retard de plus de six mois, et qui, dans cet intervalle, ne touche ou le total de sa pension, ou mille écus au moins, si elle est d’une somme plus forte. Ainsi, vous conciliez, Messieurs, la sévérité de vos devoirs avec les sentiments de l’humanité. Le décret du 26 mars part des mêmes vues. Il existe des grâces annuelles qui sont de véritables aumônes. Elles doivent être examinées pour en retrancher tout ce qui n’entre pas dans cette classe : mais provisoirement il faut laisser la subsistance à tous ceux auxquels on l’a promise. Il fallait rendre le décret qui ordonne le paiement de ces aumônes : vous avez prononcé le décret, vous le prononceriez encore, si déjà il n’existait pas. II. Vous devez persister dans ce décret. Les observations de M. Necker paraissent le combattre; il faut les écarter. M. Necker avertit d’abord l’Assemblée qu’elle a été dans l’erreur, lorsqu’elle a donné aux gratifications dont il s’agit, le nom de pensions. Ce sont, dit M. Necker, des grâces pour une seule année. 11 ajoute que, « souvent, à la vérité, elles ont été renouvelées l’année suivante aux mêmes personnes ; » mais il assure que, « souvent aussi elles ne l’ont pas été ». Etait-ce bien ici le lieu de contester sur la différence de pareilles expressions? Le comité a vu des grâces qui se renou velaien t tous les ans ; il a vu, dans les lettres qui en annonçaient la concession, la promesse plus ou moins expresse qu’elles se perpétueraient ; et il n’a pas eu le loisir de calculer tous les degrés qu’il peut y avoir entre la grâce pécuniaire promise annuellement et la pension proprement dite, lorsqu’on l’appelait au secours de malheureux qui mouraient de faim. Qu’on donne de quoi subsister aux malheureux auxquels on l’a promis, voilà quel a été son vœu et votre décret : l’objet en est assez manifeste ; et il est de la plu3 parfaite indifférence que le paiement provisoire qui déjà devait être fait, soit qualifié grâce ou pension. L’important était qu’on entendît clairement la volonté de l’Assemblée : l’inexactitude même qu’on relève dans ses expressions, est une preuve qu’on n’a eu aucune incertitude sur l’objet dont elle parlait ; ce n’était dans le vrai, ni une certitude, ni une grâce : c’était une aumône pour laquelle il y avait des fonds destinés, et dont la distribution ne devait pas éprouver de retard, en attendant qu’on sût le nom qu’on lui donnerait. Le premier ministre parle ensuite du travail qu’il a fait sur la distribution des fonds de la loterie royale, destinés à des actes de bienfaisance. Il a diminué, supprimé, accordé de nouvelles gratifications *. de là, il est résulté un état d’eDviron 66,000 livres, plus économique par conséquent que celui qui lui a été envoyé par le comité et qui montait à 150.000 livres". Le paiement de l’état de 66,000 livres a été ordonné sans aucun retard, et M. Necker assure qu’il est exécuté depuis longtemps. Est-ce d’abord un reproche que l’on prétend faire au comité, d’avoir envoyé un état de 150,000 livres, tandis qu’il en existait un de 66,000 livres, plus sage et moins coûteux? Le reproche serait bien mal fondé, car le comité n’a connu que l’état de 150,000 livres; il n’a jamais connu l’état de 66,000 livres; et si toute autre personne que M. Necker lui parlait de cet état, il assurerait qu’il n’existe pas. Vous avez vu, Messieurs, de quelle manière le comité a eu l’état de 150,000 livres. Il le tient du comité des finances, qui lui-même l’avait reçu, certifié par les administrateurs de la loterie royale, le 16 août 1789. A la vérité, le comité des finances et le comité des pensions, ont eu des indications dans les notes signées de M. Dufresne et dans le compte imprimé des dépenses fixes, que les aumônes de la loterie royale ne montreraient en masse qu’à 130,000 livres par la suite; mais il n’y avait aucun état de personnes joint à ces notes ; et comme on ne peut payer que sur un état nominatif, il fallait bien que, dans la nécessité d’indiquer un état quelconque pour les paiements, le comité se référât à l’unique état nominatif qu’il eût en sa possession, celui qui avait été certifié le 16 août 1789. Au surplus, Messieurs, le point important était de ne pas grever le Trésor public au-dessus de ses forces, et en supposant effectivement qu’on ne pût prendre sur les fonds de la loterie royale que 130,000 livres, ainsi que l’état des dépenses qui vous a été remis, au mois de janvier dernier, le détermine, vous n’avez rien ordonné au delà. La preuve en résulte d’une opération extrêmement simple. Vous n’avez ordonné le paiement que des pensions de 600 livres. L’état de 150,000 livres comprend pour 61,500 livres de pensions qui excèdent cette somme; et ainsi, en exécutant votre décret à la lettre, vous n’avez pas même ordonné le paiement de 130,000 livres, mais seulement de 88,500 livres. Et si l’on prétend, Messieurs, que l’esprit de votre décret est que l’on paie 600 livres acompte sur les pensions de plus forte somme, le résultat sera une somme de 116,200 livres, somme inférieure encore à oelle de 130,000 livres : tellement que, sous tous les rapports, l’exécution de votre décret n’atteint jamais, ni à la somme de 150,000, ni à celle de 130,000 livres, seuls résultats qu’il pût connaître. Quant à cet état de 66,000 livres, dont on parle aujourd’hui, et qui apparemment n’est pas encore arrêté, puisqu’on le ait d 'environ 66,000 livres, le comité n’a ni pu, ni dû le connaître, ni même pu soupçonner son existence. Il n’a pas pu le connaître, parce qu’il ne lui a [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] 569 jamais été envoyé. Ce n’est cependant pas faute de sa part d’avoir demandé, depuis trois mois, dans tous les bureaux, les états de tout ce qui est don, gratification ou pension ; et il est bien étonnant que quand M.Necker a écrit, le 29 mars, au comité, pour demander l’état énoncé dans le décret de l’Assemblée, il ne lui ait pas appris l’existence d’un état plus moderne qui pouvait rendre le premier inutile. Le comité ne pouvait pas connaître l’état de 66,000 livres, car certainement, cet état de quel-ue date qu’il soit, est postérieur au mois d’août, ate à laquelle on parlait, ou de 150,000, ou de 130,000 livres; il doit même être postérieur au mois de janvier dernier, époque à laquelle l’état des dépenses fixes vous a été distribué avec l’avertissement que le résultat général de ces dépenses était le même qu’au mois précédent. Or, dès le 11 août 1789, vous avez donné un décret portant que, sur le compte qui vous serait rendu des pensions, grâces et traitements, vous vous occuperiez, de concert avec le roi, de la suppression de celles qui n’auraient pas été méritées, et de la réduction de celles qui seraient excessives. Après un pareil décret que le roi a fait promulguer le 3 novembre, des membres de l’Assemblée ne devaient pas penser que les ministres du roi eussent fait seuls des travaux et des résultats pour la réduction, la suppression ou la concession de nouvelles grâces pécuniaires. Nous avons ajouté, Messieurs, que si tout autre que M. Necker eût parlé de cet état de 66,000 livres, le comité aurait estimé qu’il était de son devoir d’en nier l’existence. 11 y aurait été déterminé par les lettres que M. Dufresne a écrites le 26 février et le 12 mars derniers, dans lesquelles il annonce si positivement, à des personnes qui jouissaient de grâces sur les fonds de la loterie royale, qu’il n’y a plus rienàespérer « parce que le roi a fait verser au Trésor royal les fonds réservés dans la caisse de la loterie pour des actes de bienfaisance; que cette disposition a été générale, et qu’on ne pourrait y faire d’exception, sans s’exposer aux réclamations fondées de tous ceux que le même motif, la difficulté des circonstances a écartés ». Nous ne chercherons pas, Messieurs, à concilier ces lettres du directeur du Trésor royal, avec celle du premier ministre des finances; encore moins à expliquer comment de pareilles lettres, qui annoncent des dispositions générales et sans exception, ont pu être écrites après ce que le premier ministre assure que le paiement des sommes comprises dans l’état d’environ 66,000 livres, est exécuté depuis longtemps. Notre occupation n’est pas de résoudre de tels problèmes, mais de procurer la subsistance à des malheureux, dont les cris ont frappé nos oreilles et pénétré nos cœurs. Le premier ministre, après avoir trouvé une épargne dans la différence de l’état d 'environ 66,000 livres à ceux de 130,000 livres ou de 150,000 livres, présente l’emploi de cette épargne pour avancer un peu le paiement de plusieurs petites pensions qui appartiennent à des officiers vieux et infirmes , retirés dans leurs provinces, et qui n’ont aucun défenseur à Paris. Qui n’ont à Paris aucun défenseur ! Nous avons frémi, Messieurs, en lisant ces paroles, et je frissonne en les répétant. Pourquoi donc les représentants de la nation sont-ils assemblés ? Pourquoi se sont-ils réunis de toutes les parties du royaume, sinon pour être ici les défenseurs de tous leurs concitoyens? N’a-t-on pas entendu ce quia été dit dans cette tribune, au sujet des pensions dues aux militaires qui ont versé leur sang pour la patrie? est-il un seul officier à qui il fût venu dans l’esprit de se plaindre de n’avoir pas de défenseur à Paris, s’il eût entendu les discours vrais, touchants de ces braves militaires que le comité des pensions se félicite d’avoir dans son sein? Ces plaintes que les officiers vieux et infirmes n’ont pas de défenseurs à Paris , ne sortent pas de leur bouche : ils sont plus justes envers vous, Messieurs. La multitude des mémoires qu’ils ont adressés à l’Assemblée, et qui sont entre nos mains, en fait foi, et j’en attesterais par-dessus toutes les autres la lettre touchante que votre comité reçut hier de six officiers' retirés à Riom. [Il est indispensable de vous lire cette lettre, Messieurs, non pas seulement parce qu’elle nous apprendra si les officiers vieux et infirmes avaient des défenseurs à Paris, lorsque l’Assemblée nationale n’existait pas, quoi-qu’alors, comme à présent, il existât des ministres; mais parce qu’elle vous découvrira un abus à corriger ...... a Riom, 3 avril 1790. « Monsieur, « Nous avons vu dans les papiers publics, la vérité et la chaleur avec lesquels vous avez agité la question, sur ce que les pensions alimentaires des pauvres officiers retirés fussent acquittées préférablement à celles des grands seigneurs qui, riches de leur propre fortune, éprouvent rarement quelques retards. « Aussi pénétrés de votre amour pour la justice, que de votre véritable patriotisme, nous avons arrêté de vous faire cette adresse, pour vous témoigner nos sentiments de reconnaissance, et vous prier de vouloir bien être notre interprète auprès de l’auguste Assemblée dont vous êtes membre, afin que, touchée de nos besoins, elle daigne donner des ordres pour nous faire payer. « Nous avons l’honneur de vous faire observer que, faute de la rentrée des arrérages de 1788, qui sont dus en totalité à quelques-uns des soussignés, et ceux de 1789 à tous, nous nous trouvons dans l’impossibilité de pourvoir à notre modeste subsistance. <'■ Le sieur Sauvageon, l’un des soussignés, réclame un reliquat de pension depuis onze ans, montant à la somme de 591 livres 14 sols, sans compter 1789. « C’est de votre zèle et de vos bons offices que de pauvres militaires, qui ont longtemps servi la patrie, attendent quelque succès. « Nous sommes avec l’estime la plus parfaite et la considération la plus respectueuse, Monsieur, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Signé : Rochette DE Malaurat, chevalier de Saint-Louis; Fontanier-Ducros, chevalier de Saint-Louis; Sauvageon, chevalier de Saint-Louis; Dumas, chevalier de Saint-Louis; Desperouze, chevalier de Saint-Louis; Crouzet, chevalier de Saint-Louis. » Cette lettre, Messieurs, vous découvre une violation trop sensible des règles de la justice et une infraction à vos décrets. Comment se fait-il que de pauvres officiers soient réduits à l’état de misère dont ils se plaignent pour n’avoir pas touché encore leurs modiques pensions de 1788, tandis que, depuis le mois de janvier dernier, il a été fait des paiements considérables sur des gouvernements qui ne sont que des pensions décorées d’un titre d’honneur! Comment peut-il arriver *570 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] plus généralement, que des officiers, vieux et infirmes, retirés dans leurs provinces, aient besoin de chercher à Paris des défenseurs pour faire avancer un peu le paiement de leurs petites pensions, tandis que, par votre, décret du 4 janvier, vous avez ordonné le paiement de toutes les pensions échues le 31 décembre 1789? Ne l’appréhendez point, Messieurs, la nation est aujourd’hui clairvoyante; elle sera toujours juste envers vous, comme l’ont été les officiers dont vous avez entendu la lettre; vous ne travaillez que pour Je bonheur de vos compatriotes, et à quelque distance qu’ils soient de vous, ils seront heureux toutes les fois que vos décrets seront exécutés. Le bien des peuples vous inspire la sagesse pour les prononcer; le bien des peuples vous inspire le courage de les soutenir. L’objection la plus spécieuse contre votre décret du 26 mars consisterait à dire que, parmi les grâces assignées sur la loterie royale, il en est d’abusives; jamais nous ne l’avons dissimulé et nous le répétons. Ce fait est vrai, mais les circonstances urgentes du besoin ne permettent point de se livrer aux détails que son examen entraînerait. Considérez, Messieurs, qu’il ne s’agit que d’un paiement provisoire pour empêcher des malheureux de périr; ils se présentent tous comme également infortunés. Faut-il, parce qu’on n’a pas le temps de faire une distinction entre eux, les livrer tous à la mort? sans doute, ce fut un tort d’obtenir des grâces pécuniaires par des moyens qui ne les méritaient pas, mais ce crime, quel qu’il soit, n’est pas digne de mort. Vous établirez des règles, elles seront sévères; mais l’iDtention où vous êtes de les publier est connue; c’est à ceux auxquels la conscience reproche de posséder des grâces qu’ils n’auraient pas dû obtenir, à sentir d’avance qu’ils ne doivent plus y compter, et à ne pas prendre des engagements auxquels ils seraient dans l’impuissance de satisfaire; ce serait une cruauté de leur couper les vivres subitement, êt au moment où ils doivent encore y compter. III. Mais ce n’est pas assez de persister dans votre décret, il faut l’étendre; les circonstances l’exigent. Après votre décret des 4 et 5 janvier, vous deviez penser, Messieurs, que toutes les grâces pécuniaires qui servent d’aliment à des malheureux seraient payées. Lorsque vous aviez ordonné le paiement de toutes les pensions inférieures à 3,000 livres, deviez-vous croire qu’on en éluderait l’esprit, en élevant des difficultés sur le plus ou le moins de précision du terme dont on s’était servi, et en excluant de son exécution des grâces pécuniaires annuelles, parce que, dans les bureaux, elles ne portaient pas le nom de pension? C’est là cependant ce qui est arrivé pour les grâces sur la loterie royale; et si vous ne prononciez aujourd’hui que sur les fonds de la loterie royale, bientôt on élèverait de nouvelles difficultés relativement aux fonds de bienfaisance assignés sur la ferme du Port-Louis, aux pensions qui se payaient sur les fermes, sur les domaines, etc. Il est intéressant, Messieurs, de venir au secours de toutes les personnes qu’un retranchement subit de leurs pensions priverait de la subsistance; il est important surtout de démentir les fausses allégations que vos décrets sont la cause des refus qu’on est obligé de faire. Plusieurs des pensionnaires qui n’ont pas été payés sont venus se plaindre qu’on en rejetait le motif sur vos décrets qui avaient suspendu toutes les personnes et arrêté l’arriéré. Ainsi, lorsqu’il faudrait consoler des personnes qu’un refus jette dans le désespoir, c’est à l’Assemblée nationale que l’on renvoie; c’est elle qu’on nomme comme l’auteur des refus : mais s’agit-il de faire des paiements à des personnes favorisées, on ne la consulte plus alors, et l’on distribue jusqu’à plus de 600,000 livres soit en argent, soit en mandats, avant qu’elle en soit instruite. Que le public connaisse donc enfin le véritable esprit de vos décrets; qu’il lise leur texte, et que les pauvres sachent les efforts que vous êtes obligés de faire pour empêcher qu’on ne détourne de leur destination les secours qui leur sont affectés. Il est un autre objet qui sollicite votre humanité et qui est une nouvelle preuve du peu de bonne volonté avec laquelle on entend vos décrets. Il se retient sur toutes les dépenses de la marine quatre deniers pour livre destinés au paiement des gens de mer, invalides. On donne sur ces fonds une demi-solde aux matelots et autres gens de mer, invalides ou infirmes. Eussiez-vous jamais pensé que vos décrets suspendissent la concession de ces demi-solde3 ? On les refuse cependant ; on allègue vos décrets, et des malheureux qui ont eu cette demi-solde pour perspective dernière lorsqu’ils se sont engagés au service, sont menacés de périr de faim. Il faut ordonner que la demi-solde sera payée à tous ceux auxquels les règlements subsistants l’accordent : cette disposition est d’autant plus facile à prononcer que la demi-solde n’est pas à prendre sur des fonds qu’il faille tirer du Trésor public. Ce sont des fonds faits; des fonds tirés du Trésor et qu’il ne s’agit que d'appliquer à leur destination. Enfin vous n’oublierez pas ces officiers vieux et infirmes , retués dans leurs provinces , qui n'ont, dit-on, à Paris aucun défenseur, mais qui savent bien, Messieurs, qu’ilsont douze cents défenseurs dans l’Assemblée. Il existe des fonds qui peuvent fournir à ces paiements ; ce sont ceux qu’on avait préparés pour acquitter les mandats des gouverneurs dont vous avez supendu le paiement Et si l’on objectait que dans l’état actuel du Trésor public, il n’est pas possible de faire, à l’instant, la totalité des paiements que vous allez ordonner, nous répondrions en effet, Messieurs, qu’il est facile de suivre la même route que l’on s’était déjà ouverte pour contenter les gouverneurs. Dans l’impossibilité de leur remettre la totalité de leurs appointements, on leur avait donné des mandats, on leur avait assigné des époques fixes pour recevoir. N’est-il pas naturel de prendre les mêmes moyens pour écarter le désespoir de dessus la tête de malheureux qui sont près de périr ! Ne peut-on pas leur donner quelques sommes actuellement, leur assurer le surplus à des termes proches et certains. Il ne restera plus à présent qu’à prendre les précautions convenables pour qu’on n’abuse pas de secours qui ne sont accordés qu’à une véritable et une pressante nécessité. Votre comité n’a pas négligé ces précautions, et voici le projet de décret qu’il a l’honneur de vous proposer sur tous ces objets réunis. Projet de décret. L'Assemblée nationale persistant dans son décret du 26 mars dernier, concernant les pensions ou gratifications qui se paient annuellement sur les fonds de la loterie royale, décrète qu’il sera payé à chacune des personnes employées dans l’état remis au comité des pensions, lasomme pour laquelle elles s’y trouvent employées, pourvu que ladite somme n’excède pas celle de 600 liv. ;