SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 11 221 22° Quiconque veut nous commander ne peut le faire que d’après nous-mêmes et pour notre propre interret. 23° La société est pour l’homme un besoin de première nécessité; il ne saurait se réduire à lui-même sans compromettre sa sûreté. 24° Lorsque les hommes se réunissent en société ce ne peut être que pour leur avantage commun et jamais pour l’interret d’un seul. 25° Quiconque se trouvant réuni en société manque au bien public ou foule aux pieds l’interret des particuliers doit être puni parce qu’il prétend par là se mettre au-dessus de ses semblables. 26° Tout acte d’association doit reposer sur les sages loix de Dieu. En nous en écartant nous faisons violence à la nature. 27° Tous les hommes devraient ne former qu’un seul corps de société parce que toute association partielle nuit nécessairement à la masse du genre humain en mettant chaque peuplade vis-à-vis les unes des autres en état de guerre continuelle. Il n’est pas moins contraire aux vues de la nature de voir les différents peuples de la terre s’isoler et faire chacun cause à part, que si chaque individu vouloit ne travailler que pour soi. 28° Lorsqu’un individu manque à un autre individu ou à plusieurs, la société prononce des peines sévères contre cet audacieux. Il devrait en être de même entre tous les peuples de la terre; c’est à dire que lorsqu’un peuple vient à manquer à un autre peuple ou à plusieurs, tous les autres devroient se lever contre le prévaricateur téméraire des droits des nations, c’est à dire encore que lorsqu’un peuple oprime la liberté des citoyens, tous les autres devroient prendre le parti des oprimés afin de venger la nature outragée. Et pour lors les guerres ne se renouvelleraient pas si souvent et la jouissance des droits de l’homme serait plus assurée. Tels sont les principes qui doivent diriger l’homme. 29° Il lui est aussi impossible d’être heureux en s’en écartant qu’il lui serait impossible de jouir de la lumière du soleil s’il mettoit un épais bandeau sur ses yeux. 30° Comme les organes sont au corps pour pouvoir communiquer avec les objets qui nous environnent, de même ces principes sont à l’âme pour pouvoir distinguer ce qui lui convient. 31° L’harmonie de l’univers repose sur les loix que l’auteur de la nature a imprimées sur toutes les parties qui le composent. De même la félicité de l’homme découle de l’aplication des principes que ce même auteur lui a imprimés en nous formant. 32° Celui-là donc qui s’annonce pour l’oracle de la sagesse suprême et qui prêche contre ces principes outrage tout à la fois Dieu et l’homme parce que, tout en faisant mentir Dieu à lui-même, il défigure son plus bel ouvrage. 33° Ce qui a toujours fait le malheur de l’homme c’est qu’il se regarde bien plus comme un être purement physique ou animal que comme un être moral ou raisonnable. 34° L’homme se fatigue assez pour ce qui regarde les travaux grossiers de la vie; son corps est toujours en activité; mais pour ce qui concerne son existence morale il est on ne peut plus lâche et aime toujours s’en rapporter à la foi d’autrui pour se dispenser de la peine de réfléchir et de faire un sérieux retour sur lui-même. 35° En rappellant à l’homme la dignité de son être et en le rendant orgueilleux de penser et d’agir d’après lui-même, d’après la voix secrète que fait entendre son Dieu au-dedans de lui, c’est lui faire faire un grand pas vers le bonheur. 36° Celui qui veut faire de l’homme un être différent de ce que Dieu l’a fait lui-même ne travaille que pour son propre interret. Pourquoi est-on si dupe de le croire ? 37° O homme, n’écoute donc point aveuglément tout ce qu’on te dit. Pense, c’est là le véritable et l’infaillible oracle de Dieu qui veille sur toi. Extrait des registres de la société populaire régénérée de Blamont, au département du Doubs - Séance extraordinaire du 26 e messidor 2e année de la République une, indivisible et démocratique. La société, toujours fidèle au but qu’elle s’est proposé en se formant, but qui tend particulièrement à répandre parmi ses concitoyens les lumières et à propager les grands principes de notre sublime constitution, s’est empressée de célébrer d’une manière solemnelle l’anniversaire du 14 juillet 1789 (vieux stile). Réunie à la municipalité de Blamont, dans la salle ordinaire de ses séances, elle a fait inviter la garnison du fort, les jeunes filles, la garde nationale et tous les bons patriotes dudit Blamont de vouloir bien concourir avec elle à la solemnité de cette mémorable époque. A 10 heures, le cortège formé comme lors de la fête du 20 prairial dernier, s’est rendu hors de la commune auprès de la montagne érigée à la patrie en chantant l’air patriotique : Veillons au salut de l’empire ! Veillons au maintien de nos droits ! etc. malgré une pluie assez forte survenue dans le trajet. Arrivés à la montagne, on a commencé par chanter l’hymne qui se commence : Quels accens ! Quels transports ! etc. Ensuite les taVnbours ayant battu aux champs, l’agent national de la commune a dit : Citoyens, c’est le 14 juillet 1789 que le vaisseau de la République a été mis sur le chantier et c’est le 21 septembre 1792 qu’il a été lancé. C’est donc l’aurore de notre liberté que nous devons fêter aujourd’hui. Mais pour célébrer dignement cette heureuse époque nous ne pouvons mieux faire que de commencer par consacrer d’une manière solemnelle les principes républicains que nous adoptons conformément aux hautes destinées auxquelles l’Etre suprême nous appelle par un effet de sa bonté. En conséquence, le citoyen N... va vous en faire la lecture. Proclamation desdits principes sous le titre d’Evangile du peuple français puisés dans les principes de l’Etemelle vérité et dictés d’après le cœur du sage. Le maire de la commune a aussi dit : Frères et amis ! La France veut être libre, elle le veut afin de mettre un terme à ses maux 222 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE et de pouvoir vivre heureuse. C’est à l’époque dont nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire qu’elle a commencé à manifester son vœu à cet égard. Oui les premiers coups de canons qui furent tirés le 14 juillet 1789 contre la Bastille, ce monument affreux du despotisme sous lequel nous gémissions autrefois, cette prison infernale où tant de malheureuses victimes étoient entassées par les crimes du tyran et de ses complices furent les premiers coups de massue qui commencèrent à ébranler le trône de la tyrannie. Moment à jamais glorieux qui fut alors comme un tocsin général dans toute la France par l’impulsion salutaire qu’il communiqua à tous les vrais amis de la liberté. Dès lors, quels étonnants succès ont couronné nos efforts ! Mais, citoyens, bien que, par la terreur que notre courage, soutenu par la justice de notre cause, répand et au-dedans et au-dehors, nous semblions toucher au port, nous avons encore une grande tâche à remplir. Il faut assortir nos mœurs à notre état actuel, contracter des vertus dignes de nos hautes destinées, devenir enfin des hommes. Dans ce but je vous invite, citoyens, à jurer avec moi de nous consacrer dez ce jour à la vertu, seul moyen de pouvoir consolider à jamais parmi nous le doux empire de la liberté. Le citoyen N... va vous faire la lecture du serment auguste que je vous propose. Puissé-je être l’interprète fidèle des cœurs d’un chacun de vous. Lecture du serment : nous jurons de maintenir la liberté et l’égalité; nous jurons fidélité à la République une indivisible et démocratique; nous jurons de faire pour elle tous les sacrifices que son salut demandera. Nous jurons l’obéissance la plus stricte à ses loix et de mourir s’il le faut pour leur exécution. Nous jurons d’être toujours unis comme des frères, de combattre tous ensemble sans relâche tous les ennemis de notre liberté; de ne cesser de leur faire la guerre que lorsque nous les aurons mis dans l’impossibilité de nous nuire; de surveiller tous les traîtres et faux frères qui pourroient se trouver parmi nous et de ne faire grâce à aucun. Nous jurons de nous dépouiller de tous préjugés indignes de l’homme, d’employer tous les moyens de nous instruire et de donner à nos enfans une éducation fondée sur les bases éternelles de la raison; nous jurons de reconnoî-tre à jamais l’existence de l’Etre suprême; nous lui vouons des cœurs purs, seul hommage qui soit digne de lui; nous jurons de fortifier toujours en nous le doux pressentiment que nous avons de l’immortalité de notre âme et, dans ce consolant espoir, nous nous engageons solem-nellement à être laborieux, sobres, justes, bienfaisants, à secourir les malheureux, à respecter les foibles, à défendre les oprimés et à faire aux autres tout le bien dont nous pouvons être capables; nous jurons de détester la mauvaise foi et la tyrannie et de faire une guerre éternelle à tous les méchants ainsi qu’à tous les vices. Nous jurons en un mot de servir d’exemple à toutes les nations de la terre et de leur offrir le magnifique et consolant spectacle d’un peuple d’amis et de frères, d’un peuple consacré tout entier aux vertus, nous le jurons ! et toute l’assemblée a répondu : Nous le jurons ! aux cris souvent répétés de vive la République ! Ce serment a été suivi de l’hymne à l’Etre suprême, qui commence : Etre infini que l’homme adore ! Cela fait, plusieurs discours analogues à la fête ont été débités depuis la montagne en les entremêlant d’hymnes patriotiques. Les victoires de nos braves défenseurs ont aussi été célébrées et des larmes d’amour ont été répandues sur un monument érigé à l’honneur de nos frères morts pour la patrie. Les cris de Vive la République, gloire à nos armées, vive le peuple français ! ont été de nouveau répétés avec les transports les plus vifs d’allégresse. Et la cérémonie a été terminée par le chant de la strophe de l’hymne des Marseillois qui commence : Amour sacré de la patrie ! Après quoi l’assemblée est retournée à la commune où plusieurs citoyens sans-culottes se sont livrés aux doux charme d’un banquet fraternel qui a été relevé par des chants patriotiques, de vifs élans d’amour fraternel, toutes sortes de santés portés à la Convention nationale, à la Montagne, au comité de salut public, à la République, à la liberté, à nos défenseurs, à tous les bons sans-culottes et à tous les amis de la liberté et de l’égalité. G.F. Dieny ( prêsid .), J.G. Ponnier ( secrét.-ad - joint), G.F. Falloz ( secrét .). Ode à la liberté et à la raison par G.F. Dieny 1° Hommes, réveillez-vous ! Partagez mon ivresse ! Partagez mes transports, le feu de mon amour ! Que le plaisir chez vous succède à la tristesse ! Chantez votre bonheur, bénissez ce beau jour. 2° Sous le fer des tyrans l’humanité souffrante Se traînoit à pas lents, couverte de mépris. En vain le malheureux, d’une voix gémissante, Chaque jour auprès d’eux poussoit de tristes cris. 3° Le laboureur craintif courbé vers la poussière, Retiroit peu du sol qu’arrosoient ses sueurs. Tandis que les tyrans, auteurs de sa misère Vivoient dans les plaisirs, lui mouroit dans les pleurs. 4° A de vils oppresseurs la justice vénale Contre les innocents prodiguoit ses bienfaits. Du coupable opulent sa balance inégale Soutenoit les projets, consacroit les forfaits. 5° Notre foible raison, par l’erreur asservie, Dans un dédale impur que fuit la vérité, S’égaïant du mensonge, encensant la folie, Oublioit la vertu, perdoit sa dignité. SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 11 223 6° Des prêtres imposteurs prétendoient de Dieu même Pénétrer les secrets, sonder la profondeur, Se disoient héritiers de son pouvoir suprême, Et sous leurs traits sanglants nous dépai-gnaient son cœur. 7° Oui le cœur toujours bon, toujours grand, toujours sage, Défiguré par eux nous étoit méconnu. Ce n’étoit qu’en tramblant qu’on lui rendoit hommage. Le craindre, c’étoit là notre unique vertu. 8° D’un glaive redoutable ils armoient le bon Père. Au gré de leur orgueil ils le faisoient mouvoir. Que de fois en son nom ensanglantant la terre, N’ont-ils pas réduit l’homme au dernier désespoir ! 9° Mais à nos vœux enfin Dieu commence à sourire. Son cœur nous est rendu. Ses loix qu’en traits de feu Il grava dans le nôtre ont repris leur empire Et bientôt pour jamais nous allons être heureux. 10° C’est de lui que nous vient cet étonnant courage Qui soutient nos guerriers, les rend partout vainqueurs. Retraçant sur nos fronts les traits de son image, C’est encor lui qui vient dissiper nos erreurs. 11° Déjà la vérité qu’étouffoient de vains songes, Rallume son flambeau, réveille les mortels. Honteux d’avoir chéri de frivoles mensonges, Au vrai seul on les voit consacrer leurs autels. 12° Déjà la liberté, des vertus source pure, Echauffe tous les cœurs, brise partout les fers. A lui-même rendu, l’homme, de la nature Fait respecter les droits et venge l’univers. 13° Ce n’est que le ciel seul qu’il veut avoir pour maître Et tout autre pouvoir lui paroît usurpé. Et sur ses saints autels, adorateur et prêtre, Lui-même offre l’encens, de son cœur détrompé. l4o Ainsi le siècle d’or sur nous commence à luire. Dociles à la voix de notre sage auteur, Nous chérirons ses loix qu’à tout homme il inspire Et ce règne d’amour fera notre bonheur. 15° Non nous ne croirônrs plus ces pompeuses chimères Qu’adopta trop longtems notre esprit suborné. Dieu nous parle en naissant; ses conseils salutaires Se lisent dans nos cœurs. Tout autre est erronné. 16° Que l’homme devient grand ! Au ciel touche la terre. Son cœur par la raison est à Dieu reconquis Et l’homme dans son Dieu retrouve un tendre père. Les voilà donc tous deux dans leurs droits rétablis. l?o Tombez, tyrans cruels ! Tombez, race proscrite ! Disparoissez aussi, trop fameux imposteurs ! Du trône et de l’autel le ciel vous précipite Il veut que vos remors nous vengent de nos pleurs. 18° C’est en vain qu’enyvrés d’une folle espérance, Vous croyez de ce Dieu corriger les destins. Vous n’échaperez point à sa juste vengeance. Voyez comme sa foudre éclate dans nos mains. 19° Du Nord jusqu’au Midi, des Alpes à la Loire, Au dedans, au dehors, jusqu’au delà des mers, Malgré tous vos efforts, vous voyez la victoire Couronner nos exploits, étonner l’univers. 20° Tous vos bras réunis, toutes vos perfidies Contre la liberté n’auront aucun succès. Vous courez à l’oprobre et vos trames impies Dévoilent chaque jour vos impuissants projets. 21° L’Europe vous contemple. Elle attend en silence L’heure de se lever : redoutez cet instant. Monstres ! Encore un coup, vers nous elle s’élance Et vos frêles grandeurs rentrent dans le néant. Autre hymne patriotique par G. F. Dieny Ie Pourrions-nous méconnoître encore Le bras qui protège nos jours ? Du Dieu puissant que tout adore N’obtenons-nous pas tout secours ? Aux autels de l’Etre suprême Accourons tous, heureux Français ! Vous voyez combien il nous aime. Sachons mériter ses bienfaits (bis). 2e C’est l’orgueil et la barbarie Qui régnoient autrefois sur nous. 224 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Mais aujourd’hui c’est la patrie Qui doit nous commander à tous. Tout annonce et tout nous présage Un avenir plein de douceurs. Le gouvernement le plus sage Va mettre un terme à nos malheurs (bis). 3e Tremblez, tremblez, race cruelle, ennemis de l’humanité ! Tremblez ! La sagesse éternelle Nous appelle à la liberté. Dans nos mains elle a mis sa foudre Pour venger l’homme 'des tyrans. Bientôt seront réduits en poudre les sceptres, les trônes sanglants (bis). 4e Ce Dieu pour jamais sur la terre Veut rétablir l’égalité Afin d’en proscrire la guerre Et consoler l’humanité. L’homme, cédant à la nature, Va ne plus suivre que son cœur. Dans une amitié vive et pure Il va trouver le vrai bonheur (bis). Les dix commandemens républicains 1° Tu adoreras du fond de ton cœur le vrai Dieu créateur et conservateur de l’univers. Tu te reposeras avec confiance en sa bonté et te soumettras aux loix qu’il te dicte par ta conscience. 2° Tu cultiveras ta raison avec soin afin de pouvoir distinguer le bien du mal, le juste de l’injuste, le vrai du faux. 3° Tu travailleras, tu enrichiras la terre que Dieu t’a donnée pour séjour. 4° Tu seras sobre et ne te livreras qu’à des jouissances honnêtes. 5° Tu aimeras tous les hommes et t’occuperas de leur bonheur comme du tien propre, faisant toujours à autrui ce que tu aime qu’il te soit fait. 6° Tu respecteras et soulageras le malheur. 7° Tu honoreras la vertu. 8° Tu parleras toujours avec vérité et détesteras le mensonge. 9° Tu seras modeste dans la propérité et ferme dans les revers. 10° Tu conserveras ton indépendance comme le présent le plus précieux que tu ayes reçu de ton Dieu et combattras avec courage les tyrans et tous les oppresseurs de l’humanité. Conclusion En suivant ces loix tu trouveras le bonheur mais, si tu t’en écartes, le malheur suivra de près ta désobéissance. O homme, Dieu te fit pour être heureux : consulte ton cœur, tu y trouveras tout ce qu’il faut pour le devenir. Confession de foi des républicains Je crois en un seul dieu auteur et conservateur de toute la nature. Je crois que ce Dieu est infiniment bon, qu’il veille sur moi et qu’en faisant le bien je m’attire sa protection. Je crois que pour me le représenter je n’ai besoin d’autres images que de celles que m’offre le magnifique spectacle de ses ouvrages. Je crois que je dois l’adorer dans toute la pureté et la sincérité du cœur. Je crois qu’il est juste et a tout disposé, tout arrangé avec tant de sagesse que celui qui fait le mal ne peut éviter le châtiment qu’il mérite. Je crois que tous les hommes sont mes frères et que mon devoir est de les aimer et de leur faire tout le bien dont je suis capable. Je crois que les tyrans et tous ceux qui contribuent au malheur de leurs semblables outragent autant Dieu que l’humanité et que c’est défendre la cause de l’un et de l’autre, de chercher à détruire de pareils monstres. Je crois que l’Etre qui pense en moi est indestructible et qu’il y aura pour mon âme un changement de condition avantageux après ma mort. Dans ce doux et consolant espoir je m’abandonne avec confiance à ma destinée et jure de répondre toujours aux grandes vues que Dieu s’est proposé sur moi en me formant. Prière journalière des républicains. Père éternel, Dieu tout bon ! Tu es notre créateur et nous sommes ton ouvrage. Regarde-nous d’un œil de complaisance et que nos cœurs à leur tour te rendent chaque jour le tribut d’amour qui t’est dû. Nous savons que les vues que tu as sur nous sont puisées dans ton cœur paternel. Daigne les accomplir et pourvoir à tous nos besoins. Que nous nous soumettions à tes loix avec une obéissance filiale. Que nous recevions avec reconnoissance le bien que tu nous envoyés et sans murmures les événemens fâcheux qui peuvent nous survenir. Jette un voile d’indulgence sur nos foiblesses et n’oublie point que nous sommes tes enfans. Ne nous laisse plus séduire par les insinuations perfides des partisans du mensonge qui nous ont dans tous les tems attiré tant de maux. Tu nous fis pour la vérité, tu l’as gravée de ton doigt dans nos cœurs, il est de ta gloire autant que de notre bonheur que nous ne soyons dirigés que par elle. Délivre-nous des tyrans et de tous les oppresseurs de l’humanité. Ils sont tes ennemis et les nôtres. Qu’à toi seule (sic) soit la gloire dans tous les siècles, et à nous la liberté et la vertu. Amen ! Adresse sur le culte de la raison, envoyée par la société Montagnarde du canton de Blamont aux communes de l’arondissement. Frères et amis, C’est le culte de la raison que l’on cherche à consacrer aujourd’hui : c’est à dire qu’aux erreurs monstrueuses qui pendant tous les siècles ont fait le malheur des habitans de la terre on voudroit substituer des vérités simples et utiles, puisées dans la nature, ces vérités éternelles qui tiennent au grand système de l’univers et desquelles seules peut découler le bonheur. Isolés jusqu’à ce jour sur le globe, nous nous sommes toujours montrés comme autant de hors-d’œuvres et, tout en nous flattant d’honorer l’auteur de notre être, nous défigu- SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 12 225 rions son ouvrage, nous en étions les destructeurs. Sans doute qu’il existe ce grand architecte révéré dans tous les âges et parmi tous les peuples comme le principe fécond de tout ce qui existe. Celui-là seroit ennemi de son propre être et le boureau de l’humanité, qui chercherait à arracher de l’esprit -de ses concitoyens une idée si nécessaire aux mortels, si chère surtout aux malheureux. Mais ce grand, ce puissant, ce premier moteur de toutes choses, quels sont les devoirs qu’il exige de nous ? Déjà nos hommages, quelque pompeux qu’ils soient, n’ajoutent proprement rien à sa grandeur. Il est essentiellement ce qu’il est. Nous ne pouvons ni nuire ni servir à sa gloire. Il est cependant une tâche qu’il nous a prescrite : elle se trouve dans le code immense des loix éternelles sur lesquelles repose le système du monde. Celles qui nous conviennent, ce Dieu les a gravées dans nos cœurs de la même manière qu’il a imprimé sur tous ces grands corps qui circulent autour de nous la double force qui leur fait parcourir avec la dernière précision les différents cercles que cette main invisible leur a tracés dans l’immensité de l’espace. Celuit-là honore la divinité qui fait ce qu’il doit faire comme homme, qui suit les loix immuables qu’elle lui a prescrite, qui concourt à l’harmonie du grand tout. Qu’ils sont méprisables ceux-là qui croyent bien mériter du ciel en balbutiant quelques paroles ou en faisant paroître de vains signes extérieurs de dévotion ! La religion ne doit consister ni dans des sons ni dans des gestes mais dans l’action du cœur, dans l’exercice de la vertu, de cette vertu sublime qui nous fait trouver notre bonheur dans celui de nos frères et nous fait ainsi confondre notre interret avec le leur. Le soleil n’agit pas pour lui seul. Avec quelle profusion il verse sur nous ses bénignes influences ! Tous ces autres corps que nous voyons briller sur nos têtes agissent et réagissent également les uns sur les autres. Et pour en venir à ce que nous avons sans cesse sous les yeux, le feu, l’eau, l’air, la terre, les plantes, les animaux, tout se tient par la main, tout est en harmonie, tout travaille à l’embellissement de la nature : voyez la fécondité de nos prin-tems, la beauté de nos étés, la richesse de nos automnes, le repos salutaire de nos hivers. L’homme, pour être doué d’intelligence, seroit-il moins obligé que tous ces être qui l’entourent de concourir aussi pour sa part à un si bel accord ? Sans doute qu’il le doit, mais il a manqué ce but jusqu’à présent et la raison c’est qu’au lieu de prendre pour guide les loix de la nature il s’est toujours attaché à des règles qui leur étoient contraires. Eh bien, citoyens, c’est à ces sages loix que le culte de la raison vous ramenne. Il veut que vous ne pensiez et que vous n’agissiez que d’après elles et soyez pour vos semblables ce que sont les élémens vis-à-vis les uns des autres et vis-à-vis de vous en particulier. Qu’est-ce que la raison ? N’est-ce pas le sceau de l’intelligence suprême qui vous a été imprimé dèz votre origine ? N’est-elle pas l’oracle de votre Dieu ? Contemplez les animaux : ils sont mille fois plus heureux que vous. Parce qu’ils suivent l’instinct que Dieu leur a donné pour guide. Suivez votre raison, vous vous tromperez moins et, par là même, vous trouverez plutôt le bonheur. Ah, citoyens, il est étonnant qu’un si beau système qui tient de si près à celui du monde et qui diminuerait des trois-quarts les misères humaines en entretenant dans la société le même équilibre que celui qui s’observe dans toute la nature éprouve tant de contradictions parmi nous. L’homme s’attachera-t-il toujours à de vaines et frivoles apparences ? Se repaîtra-t-il toujours de chimères ? Sera-t-il toujours ennemi de la vérité ? Sera-t-il toujours assez sot pour pouvoir se flatter qu’un chétif et puéril extérieur lui suffit pour se montrer ce qu’il doit être ? Une religion d’actions, une religion qui s’annonce par des vertus ne sera-t-elle jamais de son goût ? Citoyens, l’honnête homme doit sourire aisément au culte de la raison. Il n’y a que des cœurs dépravés qui puissent le combattre. L’honnête homme aime tout ce qui tient à la vertu, tout ce qui prêche la vertu et qui ne prêche que la vertu, mais le méchant voudrait toujours d’une religion qui lui permît de capituler avec le crime. Frères, frères, il n’y a que trop longtems que l’homme végète sur cette terre et qu’il oublie ses devoirs. Il n’y a que trop longtems que, n’ayant de la vertu que le masque, il se dégrade, s’avilit et manque sa vocation. A la vertu ! A la vertu ! Quittez tous les hochets de la superstition pour n’honorer désormais votre Dieu que par vos actions. Devenez justes, devenez bienfaisants. Ne comptez vos jours que par les heureux que vous faites et croyez qu’une seule bonne action vaut mieux que toute une vie passée en saints soupirs et en dévotes oraisons. La seule religion digne de Dieu et de vous c’est de faire le bien. J.G. Ponnier ( secrét .), G.F. Dieny ( juge de paix). 12 La société populaire de Courson, département du Calvados, composée de laboureurs et d’artisans, félicite la Convention nationale sur ses glorieux travaux, et l’invite à rester à son poste jusqu’à l’entière destruction des tyrans. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [La sté popul. de Courson, à la Conv.; Courson, 10 therm. Il] (2) Liberté, fraternité et soumission aux loix ! Législateurs, Permettés que de pauvres laboureurs et artisans relégués dans leurs cabanes dans le fond de leurs hameaux et qui cependant cher-(1) P.V., XLIII, 271. Mentionné par Bin, 3 fruct. (suppl1). (2) C 316, pl. 1269, p. 26. 15