[Assemhico nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 janvier 1791.] 105 M. Cavie. Il existe au comité des tinances un plan pour l’impression et la publication des décrets, qui offre 1,200,000 livres d’économie. Je demande l’ajournement du projet de décret, pour qu’il soit fait un rapport définitif sur cet objet. M. Démeunier. Le plan dont on vient de vous parler consiste à faire tirer à Paris tous les exemplaires des décrets nécessaires pour la distribution dans les départements. Il faut calculer si l’économie sur l’impressionne sera pas rendue illusoire par l’augmentation des frais de poste... Mais il ne s’agit ici que d’une mesure provisoire pour faire réimprimer les décrets dont les éditions sont épuisées, ou dont la distribution n’a pas été faite par la négligence des ci-devant procureurs généraux. M. l’abbé llaury. Ce que vous devez ordonner, c’est qu’aucun décret ne puisse être distribué dans les départements, à moins que vous ne Payez expressément ordonné. J’ai appris, et d’une manière certaine, que toutes les fois que les municipalités font un emprunt de 10,000 livres, il en coûte 30,000 livres pourfaire imprimer et distribuer dans toutes les municipalités du royaume, le décret qui autorise cet emprunt. . . Je citerai, à l’appui de ce fait, un second fait, qui ne surprendra pas moins l’Assemblée nationale. Il y a six semaines que M. l’archevêque de Bordeaux, étant encore garde des sceaux, écrivit au comité de Constitution pour savoir s’il fallait envoyer dans les départements les décrets qui ne sont pas d’un intérêt général. Le comité resta quelque temps sans répondre, et ne pensa pas à consulter l’Assemblée nationale. Cependant je ne crois pas que vos comités puissent se permettre de donner une décision sur des matières aussi importantes, sans en rendre compte à l’Assemblée. . . Le délai que le comité de Constitution a mis à sa réponse au ministre, n’est pas moins répréhensible... Il a dit que tous les décrets devaient être envoyés; il ne vous a pas consultés sur une décision de cette importance, et nous fermons les yeux là-dessus!.. . Vos comités se permettent de répandre une foule d’avis dans les provinces : je m’élève contre cet usage... ( Une partie de l'Assemblée applaudit.) En revenant à l’objet pour lequel j’ai pris la parole, je demande qu’aucun décret ne soit distribué dans les départements, à moins que le décret lui-même ne le prescrive. M. Démeunier. Le préopinant a oublié qu’à Versailles, au mois d’octobre 1789, vous avez expressément décrété que tous les décrets, sanctionnés par le roi, s’appelleraient lois; que les lois seraient envoyées à tous les tribunaux et corps administratifs. Cet article se trouve parmi les articles constitutionnels acceptés par le roi... 11 est extrêmement important de faire connaître aux tribunaux et corps administratifs, nouvellement formés, tous les décrets de l’Assemblée nationale... Le préopinant a parlé d’une lettre de M. l’archevêque de Bordeaux, qui m’est parfaitement connue. Le ministre exposait à votre comité de Constitution que beaucoup de tribunaux et de corps administratifs n’avaient pas reçu l’expédition de différentes lois importantes ; il n’a pas manqué de nous dire que ces omissions venaient de la part des procureurs généraux, et a jeté une partie de la faute sur le ministre de l’intérieur. Il nous a demandé s’il fallait envoyer les lois à toutes les municipalités ; nous ne lui avons pas donné d’autre décision que la transcription du décret constitutionnel que je viens de citer ..... Quant aux 30,000 livres dont M. l’abbé Maury a parlé, j’ai effectivement entendu dire que cette assertion a échappé, je ne sais où, à M. le garde des sceaux. Nous avons aussitôt vérifié le fait, et nous avons trouvé qu’effectivement les dépenses sont trop fortes, mais qu’elles sont au moins trente fois au-dessous de ce que vous a dit M. l’abbé Maury. Vous pourrez les réduire à une somme encore vingt fois moindre ; le comité des finances vous fera un rapport sur cet objet. Il ne s’agit en ce moment que d’un décret provisoire. Je demande la question préalable sur l’amendement de M. l’abbé Maury. M. l’abbé llaury. Tous les bons esprits doivent reconnaître qu’il n’y a de lois du royaume que les décrets généraux, et que les autres ne sont que des ordonnances particulières. Votre comité de Constitution devait bien sentir que des décrets qui ne concernent que quelques particuliers, ne sont pas des lois ; il aurait au moins dû suspecter cette vérité et consulter l’Assemblée nationale. Quel intérêt peut-on trouver à publier à grands frais dans toute l’étendue du royaume, des décrets qui ne concernent qu’un individu?.. Quant aux frais d’impression et de distribution, j’ai entendu dire, par un membre du comité de Constitution, que plusieurs décrets avaient coûté 30,000 livres. M. Démeunier. Je demande que M. l’abbé Maury nomme le membre. M. l’abbé llaury. Un grand nombre de vos lois ont une juste, mais très grande étendue. Je demande comment on peut, avec cent pistoles, distribuer quarante-quatre mille feuilles de papier ?... M. Camus. Il est indispensable de donner la plus grande publicité à vos décrets; nous devons avoir pour censeurs la nation entière. {On applaudit.) Il ne s’agit donc que d’une question d’économie : le comité des finances vous présentera un travail sur cet objet. Il ne s’agit en ce moment que de pourvoir, d’après les moyens les plus économiques actuellement existants, à la réimpression et la distribution des décrets dont la publication a été négligée. J’appuie la question préalable sur l’amendement de M. l’abbé Maury. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M/ l’abbé Maury.) (Le projet de décret du comité est adopté.) M. Vernier, au nom des comités ecclésiastique et des finances , présente un projet de décret tendant à assimiler les poursuites à faire contre les fermiers en grains des biens nationaux, à celles qui étaient faites ci-devant par les percepteurs d’impôts indirects dans tous les départements. M. Camus demande le renvoi de ce décret au comité d’aliénation pour en rendre compte. (La motion de M. Camus est décrétée). Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent des décrets de vente de biens nationaux à diverses municipalités. Ces décrets sont adoptés ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant 106 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]10 janvier 1*191.] les formes prescrites, déclare vendre les Mens nationaux, dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; « Savoir : « Le tout ainsi qu’il est au plus long détaillé dans les décrets de vente et états d’estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » M. le Président, après avoir annoncé l’ordre du jour, lève la séance à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du lundi 10 janvier 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté. M. Armand, député du bailliage de Saint-Flour , fait part à l'Assemblée d’une proclamation de la municipalité de la ville d’Aurillac (Cantal), qui est ainsi conçue (2) : « La municipalité, informée du départ de quelques ci-devant nobles qu’on croit animés du désir d’une contre-révolution, prévient le public qu’elle en a donné avis à l’Assemblée et aux municipalités des villes par où ils doivent passer. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Cette adresse n’a pas été insérée au Moniteur. Que les bons citoyens calment les inquiétudes qu’ils pourraient en avoir conçues : les projets de ces ennemis du bien public ne tarderont pas à être découverts et seront déconcertés. Leur famille, restée parmi nous, répondra toujours de leur conduite, et leurs biens des événements; il faut donc les conserver avec soin, comme un gage de leur retour ou de la peine qu’ils encourraient, si leur fol espoir avait quelque succès. La municipalité invite les bons partriotes à continuer de veiller avec soin, par tous les moyens qui sout en leur pouvoir, à ce qu’on n’égare pas le peuple pour l’exciter à commettre des désordres. « Pour rassurer tout le monde en cette circonstance et faire cesser les alarmes, il suffit d’observer que les tentatives de ces mécontents ne peuvent se former que loin de nous et ne pourront jamais prévaloir contre les efforts de quatre millions de citoyens armés qui ont juré de maintenir la Constitution au péril de leur vie. « Fait en la maison commune de la ville d’Aurillac, ce 14 décembre 1790 : « Présents : MM. Gourlat de Saint-Etienne, maire ; Boudet, Charmes, Besombe, Labro, Roquier, Texloris, Perret, Lorus, Nochery et Ternat, officiers municipaux. » M. Armand. Telle est, Messieurs, la proclamation qu’a cru devoir faire la municipalité d'Au-rillac ; du moyen de cette précaution, it n’a été commis aucune espèce d’hostilité contre les ci-devant nobles. Je demande qu’il soit écrit par M. le président une lettre de satisfaction du zèle et de la vigilance que la municipalité et le directoire ont employés dans cette occasion. L’Assemblée se rappelle que, dans le département du Quercy, voisin de celui du Cantal, il a été incendié plusieurs châteaux. L’incendie se serait communiqué de proche en proche, si le directoire du district et la municipalité d’Aurillac n’avaient pas employé une voie aussi salutaire. Plusieurs voix : L’ordre du jour ! L’Assemblée, consultée, décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète que mention sera faite de ladite proclamation dans le procès-verbal : charge son président d’écrire à la municipalité d’Aurillac, pour lui témoigner sa satisfaction sur son zèle et sa vigilance pour le maintien delà tranquillité publique et la conservation des propriétés particulières. » M. de FoIIeville. J’ai l’honneur d’observer que M. Camus a proposé hier une disposition très équitable, relativement aux brevets de retenue; c’est-à-dire que, pour ceux qui auront remis leurs brevets de retenue dans un temps donné, les intérêts commenceront à courir du jour de cette remise. Cette mesure me paraît devoir être généralisée. Par un décret qui a été adopté in globo sur l’organisation de la caisse de l’extraordinaire, M. Camus a cru pouvoir hâter la liquidation des gens auxquels il peut être dû, et il a fait cesser les intérêts à compter du 1er janvier. J’observe que ceux qui se sont mis en règle pour leur liquidation, comme l’ont fait les porteurs de brevets de retenue, ne peuvent, malgré cela, être liquidés sur-le-champ par l’effet des lenteurs inévitables ; car il est impossible que dans une si grande liquidation, quelque activité qu’on y mette, il n’y ait pas de lenteurs.