408 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29. mars 1790.] jusqu’à ce qu’il ait été pourvu, par l’Assemblée, aux moyens de leur procurer leur remboursement. » U est donc nécessaire de déterminer d’abord le mode, le taux et les époques du remboursement. Or, si vous voulez méditer l’état des finances, vous verrez qu’il est impossible d’exécuter ce remboursement; il coûterait800 millions; car ce n’est pas sur le pied de la première finance, mais, suivant M. Bergasse, sur le pied de la dernière acquisition, que ces remboursements doivent être faits... (On interrompt l’opinant en observant qu’il s’écarte de l'ordre du jour.) M. Voldel. L’Assemblée ayant déclaré une nouvelle organisation de l’ordre judiciaire, il faut organiser cet ordre ; sans doute, le remboursement des offices doit avoir lieu ; mais le mode de ce remboursement est une question purement de finance. M. l’abbé Maury. Qu’on vous propose, soit de conserver les magistrats qui occupent les tribunaux, soit de les rembourser de telle ou telle manière, on ne cesse pas d’être dans l’ordre du jour. M. Eanjuinais. Le plan de M. de Yiefville des Essarts est imprimé. Dans la première partie, il s’écarie de vos décrets ; dans la seconde, il s’y renferme. L’opinant pourrait se borner à lire cette seconde partie. M. de Viefville des Essarts. Vous avez deux décrets qui tiennent à cet objet ; celui du 11 août et celui par lequel voüs avez tout récemment ordonné la reconstitution du pouvoir judiciaire ; ces deux décrets ne sont-ils pas contradictoires ? M. Lanjainais. Cette question a déjà été soulevée au sujet de la vénalité des offices municipaux; l’Assemblée a alors décidé qu’il serait ordonné à son comité des finances de s’occuper des moyens de remboursement. (L’Assemblée délibère, et engage M. de Viefville des Essarts à passer à la seconde partie de son discours.) M. de Viefville des Essarts. 11 faut modifier les institutions judiciaires actuelles , prendre les précautions nécessaires pour rapprocher les justiciables de la justice, et s’assurer de juges intègres; cela est raisonnable et nécessaire; mais qu’on supprime brusquement des corps antiques de magistrature.... (Il s’élève de très grands murmures. On se plaint encore que l'orateur s'écarte du décret.) Je n’insiste pas sur ces deux parties.; je vais passer à la troisième. On propose des tribunaux de districts, des tribunaux de départements et une cour supérieure; mais qu’on dise donc quelle sera l’utilité d’un tribunal de département? S’il est égal en sagesse avec la cour supérieure, il sera inutile ; si l’un est moins sage que l’autre, il sera vicieux. L’établissement des juges de paix, ainsi qu’il est conçu, aurait de grands dangers ; il donnerait trop à l’éloquence et à l’adresse des plaideurs. Le juge ne pourrait, sans inconvénient, être chargé de rédiger les dires des parties. Le comité demande qu’on ne reçoive nulle action au tribunal du district, si elle n’a d’abord été soumise au juge de paix. Cette disposition occasionnerait des retards fâcheux dans les poursuites d’un créancier contre son débiteur. On veut ensuite laisser à chacun la liberté de défendre sa cause, et l’on conserve en même temps les formes qui proscrivent cette liberté. D’après ces formes, f assistance des avocats et des procureurs est nécessaire ; il y a donc une contradiction évidente dans cette proposition. Moins il y a de formes entre la loi et le juge, plus l'homme est esclave, plus la propriété est en danger. On ne doit pas sans doute abuser des formes ; mais il en faut, mais elles doivent être respectées ; mais on doit surtout conserver cet ancien adage : La forme emporte le fond. Si l’on admet sans distinction tous les citoyens à plaider leur cause, leurs injures, leurs cris, leurs injustices profaneront le sanctuaire de la loi. Deux plaideurs se donneront-ils la connaissance des actes ? Ne chercheront-ils pas à se surprendre réciproquement ; aiusi, non seulement on ne doit pas permettre à chacun de défendre sa cause par écrit, mais encore de la défendre à l’audience; ou bien, l’on supprimerait par le fait les offices ministériels, puisque leurs fonctions cesseraient d’être nécessaires ; alors il faudrait bien leur donner une indemnité sur leurs offices. — Je pense qu’on doit restreindre les fonctions de juge de paix à l’attribution des causes sommaires dont l’instruction se fait sans écriture, aux tutelles, curatelles et inventaires. Il n’est pas nécessaire d’en avoir dans tous les cantons: plus il y a déjugés, moins ils valent. Je ne vois nulle utilité à établir plus de deux degrés de juridictions, et je pense qu’on doit conserver les juges royaux... Au surplus, je crois qu’il n’y a pas à délibérer sur l’organisation du pouvoir judiciaire, tant que le taux du remboursement ne sera pas fixé. M. Duport, député de Paris. M. Duport monte à la tribune et commence la lecture d’un long mémoire. — Cette lecture ne pouvant être terminée au cours de cette séance, l’Assemblée ordonne que le travail de l’orateur sera imprimé et que, néanmoins, la lecture en sera achevée demain. — Voyez ci-dessous, les pièces annexées à la séance de ce iour : 1° Principes et plan sur l’établissement de V ordre judiciaire, par M. Duport; 2* Moyens d’exécution pour les jurés au criminel et au civil , par le même ; 3° Plan d’exécution des jurés au civil , par le même. M. le Président lève la séance à trois heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 29 mars 1790. Principes et plan sur l'établissement de l'ordre judiciaire, parM. Duport, député de Paris (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) AVERTISSEMENT. On a beaucoup écrit sur les lois, fort peu sur une bonne organisation à donner à l’administration de la justice; quelques vues éparses sur ce sujet dans un petit nombre d’écrits, n’ont jamais été (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du tra vail de M. Duport.